Et le dindon de la farce est… le football professionnel ! 24 juin 2010
Par Thierry Klein dans : Sport.Lu 4 570 fois | ajouter un commentaire
Tout le monde (1) a l’impression que le pouvoir, à la FFF, vient de passer du foot amateur au foot professionnel.
La réalité, c’est que la FFF est en train de passer sous le contrôle du pouvoir politique (elle sera suivie, à court terme, par l’ensemble des fédérations sportives).
Comme il est incapable de prendre le pouvoir seul, le foot professionnel s’est appuyé sur le pouvoir politique et ne se rend pas compte que les politiques ont bien l’intention d’y rester, comme on dit (un peu comme les royaumes qui appelaient Rome à la rescousse se rendaient compte, un peu tard, qu’il aurait sans doute été plus avantageux de régler leurs problèmes eux-mêmes).
Jusqu’aux années 90, seules les dictatures (d’Hitler à l’URSS) et les pouvoirs politiques des pays du tiers-monde (il y a évidemment un fort recouvrement entre les deux) étaient réellement impliquées dans la direction des affaires sportives, le sport étant un élément important de leur propagande : la seule réussite affichable de pays dont le système politique est une faillite.
Les hommes politiques des démocraties occidentales cherchaient évidemment à faire un peu de récupération (Chirac, 98) ou de stimulation (De Gaulle, 68), mais les fédérations restaient relativement indépendantes du pouvoir politique.
Les politiques, les citoyens, avaient conscience qu’en démocratie, l’utilisation politique du sport est a priori populiste (au sens du « circenses » latin, du Real Madrid historique ou du Tapie marseillais).
Ce verrou est en train de sauter (comme a sauté le verrou du pari sportif), tout naturellement, en France et il ne faut pas y voir que du machiavélisme politique ou des manœuvres de Sarkozy.
Les raisons qui font que la politique rentre dans le sport dépassent en effet largement le pouvoir politique lui-même et reflètent plutôt, comme dirait Marx, l’évolution des rapports de production.
Avec la télévision, le public des stades est passé de quelques milliers à plusieurs milliards de spectateurs, qui rétribuent les acteurs de façon indirecte, sous forme de publicité. (Une étape clé dans ce processus a été l’arrêt Bosman, qui, sous le couvert d’un principe pseudo-philosophique de « libre circulation des travailleurs » conduit au développement inéluctable d’un football business mondialisé).
Simultanément, les citoyens (conscients des dangers civiques du pari sportif, du danger démocratique de l’utilisation populiste du sport) se sont transformés en consommateurs (sous l’influence de la publicité, qui dont le sport est devenu l’un des outils majeurs).
Sans l’utilisation de l’image du sport, aucune entreprise ne peut sans doute devenir réellement mondiale. (Quel moyen international de communication une société comme Coca-Cola peut-elle utiliser, à part la Coupe du Monde ou les JO ?).
Les intérêts économiques sont devenus majeurs. Le Politique doit suivre – et diriger – l’Economique.
Ajout 27/06/2010: La Fédération Internationale, qui a vécu ça 1000 fois avec les dictatures, voit bien ce qui est en jeu et a réagi. Mais son but est avant tout de maintenir en l’état sa relation avec les nations, pas de sauver la gouvernance du foot français.
(1) A commencer par le monde du foot professionnel lui-même. Ecoutez simplement Larqué ou Courbis sur RMC, pour vous en rendre compte.
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Prolongez Domenech, mais stoppez Mahut. 23 juin 2010
Par Thierry Klein dans : Humeur,Pour rire ....Lu 5 128 fois | ajouter un commentaire
Je veux bien qu’on garde Ribery, Gallas, Evra et même, tiens, qu’on prolonge Domenech pour 5 ans de plus, mais par pitié, par pitié !, faites en sorte que Nicolas Mahut arrête de jouer au tennis.
C’est insupportable ! Il vient de jouer un des matches les plus longs en qualifs de Wimbledon (26-24 au 5ème set) et là il en est à 54-54 59-58 contre Isner, 5ème set en cours, tous records du monde battus (durée du match, nombre de jeux, nombre d’aces – ce record a été pulvérisé par les 2 joueurs – et ennui total cumulé compte non tenu des variations saisonnières) après 2 jours d’une confrontation que je n’ose qualifier du terme combat tellement ça devient ridicule !
Savez-vous qu’un match de tennis, ça peut ne jamais finir ? Heureusement, tout ça se passe sur le court 18, le plus petit, le plus isolé de Wimbledon, là ou presque personne ne va jamais (ça pourrait devenir dangereux si ça s’éternise encore, on va finir par ramasser des squelettes).
Mahut est le chaînon manquant entre le 13h de Pernaud et « Très Chasse, très pêche ». Ca devient trop facile, pour TF1, de concevoir sa grille télé.
Quand ce match a commencé, la France pouvait encore gagner la Coupe du Monde. Quand il se terminera, Escalettes aura sans doute été mis sur la touche. Il faut que ça cesse. Ces français ne respectent vraiment plus rien !
(Sur le tableau d’affichage du site de Wimbledon, ils demandent de rajouter +50 au score du match car il est devenu impossible de l’afficher !)
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Pas fini ! 18 juin 2010
Par Thierry Klein dans : Sport.Lu 4 244 fois | 1 commentaire
S’il y a bien un symptôme de la déliquescence psychologique et morale ambiante, c’est la croyance absolue que semble avoir tout le monde, presse comprise, que Mexique et Uruguay vont s’entendre pour faire match nul.
Sans doute, l’équipe de France, placée dans la même situation, aurait-elle raisonné ainsi – en masquant l’escroquerie derrière la langue de bois habituelle.
La réalité, c’est qu’il y a plus d’une chance sur deux pour que Mexique – Uruguay ne se solde pas par un nul. Et donc que l’Equipe de France se qualifie si elle est capable de battre l’Afrique du Sud avec un écart suffisant – ce qui me paraît nettement plus problématique.
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Dernière minute: Estelle épouse Raymond 17 juin 2010
Par Thierry Klein dans : Non classé.Lu 3 668 fois | ajouter un commentaire
(22h15)
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Au-delà de cette limite, le service public n’est plus valable 9 juin 2010
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 5 344 fois | 3 commentaires
Il n’existe que deux activités où l’on perd de façon certaine : l’emprunt (puisqu’on devra rembourser toujours plus que ce qu’on a emprunté) et le jeu (si on joue suffisamment longtemps, on est statistiquement certain de perdre).
Dans un grand nombre de pays, ces deux activités sont donc interdites ou très sévèrement règlementées, avec une tolérance plus grande, en général, pour l’activité de prêt car celle-ci peut se révéler, sous certains aspects, utile à la société.
Mais plus le jeu d’argent prend d’importance, plus il est significatif d’une dégradation morale de la société. La plupart des joueurs ne jouent que parce qu’il y a un décalage entre leur perception du gain potentiel et l’espérance réelle, mathématique, de gain. Ce décalage est entretenu à grand frais par différentes méthodes (le marketing, l’environnement du casino, la publicité, etc…).
Un état qui se préoccupe de l’intérêt réel de ses citoyens, va interdire ou encadrer strictement les entreprises liées au jeu de hasard et le monopole de la Française des Jeux pouvait à l’origine se justifier de 2 façons.
1. En respectant mieux qu’une entreprise privée l’intérêt de ses consommateurs (les joueurs), la FdJ avait une mission morale (ne pas développer le goût du jeu outre mesure).
Bruxelles a montré que cette mission morale n’existait pas et que le comportement de la FdJ était devenu identique à celui d’une entreprise de jeu traditionnelle.
2. Le retour à l’état, vue comme une organisation garante de l’intérêt général, des gains (somme des petites ou grandes dépravations individuelles) permettait aussi, dans une certaine mesure de tolérer l’exercice du jeu lui-même en le contrôlant et en tirant parti dans un objectif de gain public, au moins au sens économique du terme.
Il est tout à fait remarquable, et significatif de l’esprit du temps, que cet argument n’ait même été invoqué par la France à Bruxelles.
Comment se finit donc le service public ?
Après une période plus ou moins longue, l’entreprise devient aussi avide vis-à-vis de ses propres clients qu’une entreprise classique (mais évidemment, la situation de monopole lui permet d’être encore plus avide, comme cela a été le cas pour la FdJ, comme cela est aujourd’hui le cas pour la SNCF).
Ce qui s’ensuit (fin du monopole, privatisation) n’est alors qu’un épiphénomène: l’esprit public a disparu depuis bien longtemps.
L’état peut aussi vouloir éduquer les citoyens. Dans les années 50, Pierre Mendès-France avait eu l’idée de bloquer un pourcentage des sommes jouées sur un carnet d’épargne, pour que tout joueur puisse voir, quelques années plus tard, le décalage entre les revenus de l’épargne et du jeu.
On comparera cette position au vote qui vient de légaliser les paris privés, en urgence, trois jours avant la Coupe du Monde, évidemment sous l’influence de multiples lobbies. Où est l’intérêt général dans tout ça ?
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Domenech sauvagement assassiné ! (Le Monde du 27 mai 2010) 12 mai 2010
Par Thierry Klein dans : Humeur,Pour rire ...,Sport.Lu 4 750 fois | 1 commentaire
Ce matin, à 9h30, Mickael Landreau et Djibril Cissé ont sauvagement assassiné Raymond Domenech en le frappant de façon répétée à la tête à l’aide de ballons de football surgonflés.
Tout était calme à Clairefontaine lorsque l’entraîneur de l’équipe de France s’est approché des deux joueurs à l’entraînement muni de deux tickets. Un ronflement d’hélicoptère en vol aurait déclenché la colère immédiate de Djibril Cissé qui s’est précipité vers Raymond Domenech en hurlant « Tes tickets de retour, tu vas voir où on va te les fourrer ».
Au total, Raymond Domenech aurait reçu 14 654 coups de ballons, dont 6 212 dégagements de gardien, 7 423 frappes de mule, et 3 pointards d’origine inconnue.
Au moment où la police est arrivée sur les lieux, le gardien de but remplaçant des bleus, Mickael Landreau, continuait, de façon compulsive, à dégager ballon après ballon directement dans la tête du sélectionneur. Trois policiers n’ont pu dégager la victime qu’après de multiples efforts – et en menaçant Mickael Landreau d’un carton rouge.
« Les tickets étaient pourtant simplement une invitation à une soirée festive que j’organise à Disneyland en l’honneur des joueurs et de leurs épouses », nous a déclaré Mme Z.D. qui a assisté à l’ensemble de la scène à partir de la résidence des joueurs.
La Fédération nous précise en effet que la liste finale de 23 joueurs déposée il y a quelques heures auprès de la FIFA comprend bien les noms de Mickael Landreau et de Djibril Cissé. Elle ne peut plus être modifiée.
Mme Rama Yade, Secrétaire d’Etat chargée des Sports, a déploré la perte du sélectionneur tout en déclarant « comprendre, mais non pas excuser l’attitude des joueurs, qui doivent maintenant se concentrer sur leur objectif: gagner et faire briller les couleurs de notre pays. Dans cet esprit, toutes les procédures judiciaires sont évidemment suspendues jusqu’à la fin de la Coupe du Monde ».
Le gouvernement s’est réuni d’urgence sous la présidence de Nicolas Sarkozy et une loi empêchant le survol de Clairefontaine par les hélicoptères sera votée dès septembre, juste après la coupe du Monde.
(Source: AFP)
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Qu’a-t-il manqué au Grenelle de l’environnement ? Un zeste de Capital Altruiste 9 mai 2010
Par Thierry Klein dans : Economie,Entreprise altruiste.Lu 4 318 fois | ajouter un commentaire
La mort du Grenelle
Il y a 18 mois, il y avait un consensus général autour du Grenelle de l’environnement. Ce consensus était démocratique. Il était démocratique ! C’était un engagement, peut-être même une conviction, du candidat Sarkozy – qui en l’occurrence ratissait bien au-delà de son propre camp.
Investir pour la création d’une industrie verte est évidemment la voie à suivre, pour la France en tant que puissance économique, pour l’être humain en tant qu’espèce. Il n’y a aucun secteur ou l’investissement lié au grand emprunt ne peut être plus rentable pour l’avenir (les fonds dépensés par la France dans le numérique et l’éducation le seront en pure perte, comme d’habitude).
De tout ça, il ne reste rien, ou presque 18 mois plus tard. Que s’est-il passé ?
Le Grenelle attaquait directement les intérêts à court terme de certains secteurs (chimie, nucléaire, transport…).
Le rôle du lobbying
Des entreprises se sont organisées en lobbies, avec des moyens importants et ont fait la promotion de leurs intérêts tous azimuts. On a attaqué le Grenelle au nom de la sauvegarde des emplois, de l’intérêt du consommateur, de la rationalité économique, etc…
Le pouvoir politique, et en particulier le pouvoir législatif –députés et sénateurs – a reculé.
On peut dénoncer le cynisme des entreprises, le côté velléitaire des élus, mais le lobbying est une pratique légale. Qu’auriez-vous fait si vous étiez à la tête d’une grande entreprise de chimie ? Ou si vous aviez une entreprise de chimie installée dans votre circonscription, qui emploie vos électeurs, finance votre campagne, etc. ? Très probablement la même chose.
Lobbying et démocratie
Non seulement le lobbying est une pratique légale, mais il est aussi indissociable des démocraties modernes. Si on ne donne pas des voies d’influence officielles au pouvoir économique, il cherche des voies occultes, beaucoup plus nuisibles à la démocratie et à la liberté. Lobbying n’est pas corruption (sinon parfois corruption intellectuelle).
Imaginez un pays où la presse serait libre, mais où il faudrait investir 100 millions d’euros pour créer un journal. La presse jouerait-t-elle son rôle démocratique ? Bien sûr que non ! Faudrait-il la supprimer pour autant ? Non plus, car le remède serait pire que le mal. L’équilibre démocratique serait rétabli dès lors que des groupements de citoyens partisans peuvent facilement se créer pour rassembler ces sommes.
(L’équilibre démocratique : la confrontation des opinions partisanes. Le déficit démocratique actuel : la prise de contrôle totale du champ du lobbying par un seule cause : celle du pouvoir économique.)
Ce qui est réellement inadmissible, ce n’est donc pas le lobbying lui-même, mais l’absence de « contre lobbying ». Ce que les entreprises ont fait (et elles étaient en droit de tenter de protéger leurs intérêts), les ONG qui sont « en face » ne peuvent pas le faire par manque de moyens économiques. L’Economique dispose d’un moyen d’influence extrêmement puissant, que l’Intérêt Général n’a pas (2).
Temps médiatique et temps législatif
Les ONG présentes au Grenelle peuvent bien, durant quelques semaines, être présentes au Grenelle ou peser le temps d’une élection, d’une émission de télé – ce que j’appelle le temps médiatique. Seuls les intérêts économiques peuvent aujourd’hui peser efficacement sur la procédure législative elle-même. Cette procédure est par nature longue (plusieurs années) et l’influencer est un processus coûteux (cela veut dire effectuer un travail de fond auprès de quelques centaines d’élus et de fonctionnaires).
Il s’est passé exactement la même chose aux USA pour la réforme de la santé (j’en ai parlé dans un précédent billet) et tout ça se répète pour la réforme financière. Les réformes à faire sont évidentes mais les décisions finales sont largement vidées de leur contenu sous l’influence du lobbying – et surtout, en l’absence de « contre lobbying » efficace, car actuellement le lobbying n’est accessible, pour des raisons de coût, qu’aux entreprises (1).
Comment le Capital Altruiste peut-il corriger cette situation ?
Si un grand nombre d’entreprises adoptent le Capital altruiste, s’il devient un vrai courant économique, alors les moyens des ONG seront automatiquement indexés sur la valeur du capital des entreprises. Ce qui veut dire que le « contre lobbying » devient une dépense accessible aux organisations d’intérêt général.
On résout le déficit démocratique non pas en restreignant le lobbying, mais en l’ouvrant à tous.
ONG, associations: vous pèserez sur le cours du monde en utilisant la même tactique que les entreprises, non pas en essayant d’interdire aux entreprises de les mener.
(1) On parle de dépenses de quelques millions de dollars aux USA dans le cas de la réforme de la santé (aux USA, les données sont publiques). En France, quelques centaines de milliers d’euros auraient inversé le cours législatif. Aucune association ou ONG française ne peut aujourd’hui consacrer de telles sommes pour ce type de dépenses.
(2) Sur l’augmentation des dépenses de lobbying aux USA et le contrôle ainsi exercé par les entreprises sur le Législatif, voir aussi l’excellent livre « de l’intérieur du sérail » de Bob Reich: Supercapitalisme.
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Sur Onfray, sans l’avoir lu 25 avril 2010
Par Thierry Klein dans : Critiques.Lu 5 094 fois | 3 commentaires
Si je comprends bien, Onfray critique Freud et crée un sorte d’événement en affirmant que « la psychanalyse ne fournit aucune vérité universelle« . Mais ceci est une évidence, connue depuis Popper, qui a écarté la psychanalyse du champ des sciences en montrant qu’elle faisait partie des théories non réfutables.
Consulté par le comité Nobel, Einstein ne soutint pas la nomination de Freud au Prix Nobel de Médecine et répondit lui aussi qu’il était incapable de dire si la psychanalyse était ou non vraie.
En fait, tout cela n’a pas grande importance.
Quel que soit le degré de vérité des « résultats » de la psychanalyse, Freud a posé les jalons d’un nouveau champ d’exploration de l’être humain, d’une discipline nouvelle.
On peut comparer son œuvre à celle d’Aristote, pour la physique. Avec 2000 ans de recul, il est clair qu’Aristote s’est trompé sur presque tout. Presque tout ! Pourquoi donc le lit-on encore aujourd’hui ? Parce que ce qui est le plus intéressant, c’est la méthode qu’il invente pour arriver au résultat (ce qu’on appelle aujourd’hui la physique, ou la science) et la façon dont il avance, pose les termes, sépare les concepts – tout ce qu’on appelle la démarche.
Aristote ne publie presque que des erreurs mais il donne un cadre à tous les scientifiques qui viennent après lui, dont il devient la référence presqu’unique. Sans Aristote, pas de Galilée (c’est Galilée lui-même qui lui rend constamment hommage, bien qu’inversant totalement ses résultats), pas de Newton pas de physique moderne. Il est faux de dire que Galilée infirme Aristote; en fait, il redécouvre Aristote et, le premier en 2000 ans, le prolonge.
Pendant 2000 ans, le génie d’Aristote stupéfie littéralement tous ceux qui s’y frottent. L’œuvre est tellement géniale, tellement en avance, que ceux qui l’étudient en sont réduits à la paraphraser de façon jargonneuse (voir les médecins de Molière) et la science devient une sorte de religion, de secte, dont Aristote aurait écrit la Bible. Critiquer Aristote tient littéralement du blasphème, comme Galilée en fera l’amère expérience.
Vous noterez l’analogie avec ce qui se passe pour la psychanalyse. L’œuvre de Freud est absolument géniale, je n’ai aucun doute là-dessus (et si je n’ai jamais lu Onfray, j’ai bien lu tout Freud).
L’œuvre est totalement saisissante, mais il absolument possible que tout, ou presque tout, soit faux dans les résultats de Freud. Il faudra peut être des centaines d’années pour qu’on en fasse quelque chose de réellement scientifique, pour qu’on obtienne des résultats. Peut-être même n’en sortira-t-il jamais rien car rien ne prouve que le psychisme humain soit réductible à une théorie scientifique, comme l’est le mouvement des planètes.
En attendant, des mouvements sectaires se sont emparé de la psychanalyse et jargonnent à qui mieux mieux (voir les réponses involontairement comiques de Julia Kristeva à Michel Onfray dans le Nouvel Observateur de cette semaine). Les descendants de Freud ont créé leurs chapelles (Freudiens, Lacaniens…) et suivent aveuglément la parole du Maître, à défaut de pouvoir la comprendre puisqu’elle n’est pas, à ce stade, réfutable. Et ils jetteront l’anathème sur le premier qui tirera un vrai résultat de la psychanalyse, exactement comme cela s’est passé pour Galilée et pour les mêmes raisons.
Reste que les concepts posés par Freud, la méthode, la démarche, l’art inspirent aujourd’hui même ses critiques les plus virulents. Quand Onfray dénonce, toujours dans le Nouvel Obs, « une théorie universellement valable en vertu de la seule extension du désir de Freud à la totalité du monde » ou « le fait que le complexe d’Oedipe explique toute la passion incestueuse que Freud manifeste dans la totalité de sa vie« , se rend-il seulement compte que c’est l’œuvre de Freud, et elle seule, qui lui permet de poser ce diagnostic (et qu’en outre, c’est dommage pour lui, il jargonne comme un Freudien de pure souche) ?
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Business Development et Capital Altruiste (Lundi à l’EDHEC) 23 avril 2010
Par Thierry Klein dans : Entreprise altruiste.Lu 4 594 fois | ajouter un commentaire
Merci beaucoup à Jérôme de m’avoir invité pour la conférence-débat organisée à l’occasion du lancement de son livre « Business development » (ce lundi 26 avril à 18:30 à l’Edhec).
Vraiment un livre riche et utile, qui balaie beaucoup de sujets liés à la croissance (la crise, la vision, l’international). J’ai découvert que, comme Mr Jourdain, il se peut que j’applique beaucoup de bons principes sans le savoir (je fais plus confiance à l’intuition qu’à l’intelligence pour avancer, tout pour moi part d’une vision et se clarifie au fur et à mesure). A mon grand dam, je loupe beaucoup de choses aussi.
Il se trouve que Speechi est dans le « Business development » jusqu’au cou en ce moment, et en particulier à l’international. « Jusqu’au cou », cela veut dire que ce n’est pas encore tout à fait possible pour moi de dire si ça va nous tirer vers le haut ou vers le bas (mais pas possible de revenir en arrière, c’est sûr !).
En attendant, il me semble que je pourrais coucher sur le papier trois bonnes caisses d’exemples illustrant les propos du livre.
Ce livre me touche aussi beaucoup parce que c’est le premier qui parle du Capital Altruiste et qui l’envisage sous l’angle du développement durable. C’est le thème sur lequel j’ai prévu d’intervenir lors de la conférence d’ailleurs.
Il ne doit pas rester beaucoup de places, mais si vous êtes intéressé(e), vous pouvez contacter Jérôme Gayet (contact@bd-consultants.com).
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Imprégnation et aliénation infantile 16 avril 2010
Par Thierry Klein dans : Aliénation,Non classé.Lu 5 354 fois | ajouter un commentaire

Comment cette magnifique photo a-t-elle été prise ?
Il suffit que le cameraman soit à proximité des oisons lorsqu’ils viennent au monde et ceux-ci s’attacheront à lui pour toute leur vie. Ils ne le quitteront plus et le suivront comme si c’était leur mère. Si le cameraman achète un deltaplane, ils voleront instinctivement en formation avec lui. C’est ce que Konrad Lorenz appelle l’imprégnation.
L’imprégnation est donc plus qu’une simple aliénation inconsciente, comme l’était l’aliénation consommatrice. C’est une aliénation instinctuelle, fruit de l’évolution et qui échappe totalement au libre arbitre ou à tout calcul coût-bénéfice conscient ou inconscient (1). L’imprégnation est. Point-barre.
On peut évidemment déplorer, au nom du droit des oiseaux à disposer d’eux-mêmes, cette aliénation totale de l’oison à sa mère. Mais on ne peut pas l’empêcher sans employer la contrainte.
Et même si vous contraignez l’oiseau toute sa vie, même si vous contraignez ses petits et les petits de ses petits, même si, selon le souhait de Lenine, vous contraignez 10 générations d’oiseaux, vous ne rendez jamais la 11ème génération d’oiseaux heureuse car il est dans la constitution de l’oiseau d’être imprégné : il est câblé ainsi.
Dans l’amour d’un enfant pour sa mère, il y a probablement une composante instinctuelle très comparable dans son principe (sinon dans sa cause biologique) à l’imprégnation, le plus remarquable étant que les deux attachements sont totalement aveugles – oison et enfant s’attachent à ceux qui vont s’occuper d’eux sans aucune considération biologique.
De tous temps, dans les régimes totalitaires les plus avancés, on tente de combattre l’imprégnation de l’enfant à sa famille parce qu’elle fait en quelque sorte concurrence à une aliénation dont l’intérêt est jugé supérieur : celle du citoyen à l’état. C’est ce qui se passait à Sparte, dans la Rome des origines (Horace tue sa sœur parce qu’elle pleure la mort de son fiancé Curiace), en Union Soviétique, dans la Chine de Mao (et encore d’aujourd’hui, mais dans une moindre mesure).
En URSS, des bébés de quelques mois pouvaient, sous Lenine, être enlevés à leurs parents « réactionnaires » et placés dans des écoles d’éducation collective au nom d’une double « logique » : leur éviter d’être contaminés par les opinions contre-révolutionnaires des parents, placer l’ensemble des enfants dans de strictes conditions d’égalité.
L’aliénation, si tant est qu’elle existe, est souvent ancrée en nous de façon si profonde que seules des méthodes parfaitement inhumaines semblent pouvoir la tuer ou la réduire. On sent bien aussi le côté inhumain des thèses d’Elisabeth Badinter, qui, voulant lutter contre l’aliénation maternelle, nie la composante instinctuelle, présente dans un grand nombre d’espèces animales, qui donne envie à une mère de s’occuper de son enfant.
Le problème, c’est que même si les autres (aliens) sont un enfer, il n’y a probablement pas de bonheur possible sans aliénation.
(1) Voir les remarques de PBD sur les boucles longues et les boucles courtes. Ici, il n’y a pas de boucle – ou alors, c’est une boucle à l’échelle de l’évolution, sur une durée d’au moins 1000 fois la vie de l’individu.
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