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La valeur travail existe-t-elle ? 30 septembre 2022

Par Thierry Klein dans : Aliénation,Economie,Open Source,Politique.
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Le chasseur-cueilleur préhistorique, directement en lien avec la nature, n’agit que sous la pression de celle-ci et a bien conscience que son activité  a pour but direct sa survie. L’homme moderne vit sous le règne de la division du travail, des myriades de métiers existent dans notre société. La division du travail a augmenté de façon extraordinaire la productivité humaine mais nous cache de plus en plus ce fait fondamental : le travail est la façon dont nous arrachons à la nature ce qui nous est nécessaire pour survivre. Elle nous le cache car quand l’activité de chacun est parcellaire, plus personne ou presque ne peut reconstituer l’ensemble de la chaîne industrielle qui extrait les moyens de la survie de la nature. L’ouvrier qui produit un clou n’a pas forcément conscience du rôle de son usine dans la survie de l’espèce pourtant, comme Adam Smith l’a montré, sa productivité est infiniment supérieure à l’artisan du moyen-âge. Le fait que la production du clou nécessite si peu d’effort humain aide à la satisfaction des besoins vitaux de l’humanité (constructions, infrastructures…).  

Les écologistes et la valeur paresse

Ceux qui ont récemment nié la “valeur travail” (j’essaierai par la suite de parfaitement définir cette expression) et prôné un “droit à la paresse” sont donc en premier lieu ceux qui, oubliant la logique profonde, bien qu’inconsciente, de la division du travail, mettent l’accent sur ses défauts, ses absurdités, ses gaspillages. Ils constatent que la société crée de nouveaux besoins, non liés à la survie, qu’on peut philosophiquement qualifier d’inutiles; qu’elle génère de nombreux gaspillages, par exemple énergétiques; que la répartition des ressources est mal effectuée, une partie de l’humanité n’ayant pas assez pour survivre alors que quelques milliardaires accumulent les richesses. Si on croit que la machine industrielle s’est emballée, qu’elle produit en quelque sorte “à vide”, on doit donc produire moins, travailler moins, au nom de l’écologie ou du besoin de “sobriété”. A la limite, on peut considérer tout ou partie de l’activité humaine comme contre-productive, générant simplement gaspillage et pauvreté. Constater ceci,ce serait créer non seulement un droit mais un devoir de paresse.

Mais en réalité, la division du travail actuelle a permis à l’humanité d’atteindre 7 milliards d’individus, en croissance exponentielle depuis le début de l’ère industrielle où la population atteignait 1 milliard. Il n’est pas certain que l’agriculteur africain ou australien, brûlant des kilomètres carrés de terre, soit moins destructeur que l’homme moderne, capable de fournir l’énergie nécessaire à des villes entières à partir de quelques kilogrammes d’uranium. Le gaspillage moderne n’est peut être pas plus important, en proportion, que celui qui a mené aux pyramides égyptiennes. Le PIB des pays est fortement lié à l’espérance de vie ce qui signifie que toute baisse de productivité, ou toute crise énergétique réduisant la production, aura des conséquences directes sur la mortalité. Les écologistes échouent à montrer qu’un modèle sobre est compatible avec le niveau actuel de la population humaine et leurs arguments sont sentimentaux, mais pas raisonnables. On ne peut pas, au nom de l’écologie, justifier un quelconque droit ou devoir à la paresse.

La nécessité du travail. 

Le travail n’est devenu une notion noble que récemment. Chez les grecs, seuls les esclaves travaillaient et les citoyens dédiaient leur temps aux activités dites nobles (telles que la philosophie, la géométrie, la guerre …). En temps de paix, le citoyen grec libre se consacre donc uniquement à ce que nous appelons aujourd’hui “loisir”. Dans l’Ancien Régime, les nobles ne travaillaient pas, ne commerçaient pas. C’est la Révolution qui introduit la notion de travail pour tous, au nom de l’égalité et du respect du Contrat Social de Rousseau, qui définit précisément le point de contact frictionnel entre individu et société. Chaque citoyen est censé participer à l’effort collectif que mène l’homme face à la nature. Refuser de mener cet effort en invoquant un droit à la paresse, c’est une rupture du contrat qu’impose la société à l’individu. C’est une forme de malhonnêteté envers la collectivité souveraine qu’on peut comparer, dans l’esprit, au refus de faire son service militaire ou à la fraude fiscale. 

La paresse en tant que morale de l’assistanat

On commence à rentrer ici dans la notion morale, même si c’est sous l’angle de la nécessité. Le travail est nécessaire, il n’élève pas forcément l’être humain mais ne pas se plier à cette nécessité collective est une fraude immorale. Il n’y a pas forcément de “valeur travail” mais il y a un état immoral, qui est l’oisiveté. Cette opinion reste très répandue aujourd’hui et c’est pourquoi les déclarations sur le “droit à la paresse”, qui provenaient de représentants de mouvements d’extrême gauche (LFI et EELV) ont choqué. Pour un grand nombre de gens, l’indemnité chômage, par exemple, est nécessaire face aux accidents de la vie mais une aide permanente destinée à soutenir l’inactivité, nommons ceci “assistanat”, n’est pas acceptable pour des raisons morales, pas plus que ne le serait un soutien à la fraude fiscale par exemple. Et cette idée, quoi qu’en pense Aymeric Caron, est une idée de gauche.

Les sociétés où tout ou partie de la population ne travaille pas sont des sociétés serviles ou en route vers la servitude. Si la classe dominante ne travaille pas, c’est que le reste de la population est asservie, comme dans l’Ancien Régime. Quand c’est le peuple qui ne travaille pas, la société est une dictature en devenir comme Rome l’a été sous le règne du “panem et circenses” ou comme la société totalitaire qu’évoque brillamment Orwell dans 1984. Le “panem”, c’est l’équivalent du RSA pour la plèbe, l’assistanat de toute la population pauvre qui va de pair avec le “circenses”, le loisir, visant à  occuper les esprits. L’ensemble a pour but d’amollir toute velléité de résistance, de mettre la population en état de servitude volontaire. En prônant le droit à la paresse, l’extrême-gauche oublie le contrat social, balaie la notion de citoyenneté et ouvre la voie à la dictature. Cela s’appelle oublier d’où on vient.

Pourquoi donc cet oubli, en rupture totale avec sa tradition historique ? 

L’explication nous est encore donnée par les penseurs de gauche. Pour Marx, la conscience sociale et la morale résultent des conditions économiques, dont elles forment une sorte de superstructure. Pour Proudhon,  “La pensée d’un homme, c’est son traitement”. A partir du moment où, comme c’est le cas en France, un large partie de la population est  structurellement assistée, l’état de chômage permanent devient une sorte de métier à plein temps et il est inévitable qu’une morale associée à cet état économique se crée. Le chômage, honteux au départ, devient le “droit à la paresse”  et n’est plus vécu comme une contrainte mais comme une condition sociale comme une autre. On doit alors augmenter  la rétribution de la paresse, c’est-à-dire les minimums sociaux, au détriment de la rétribution du travail. L’argument de l’extrême gauche va au-delà du clientélisme: il prend en compte la nouvelle réalité économique et la création d’une classe d’assistés permanents, ayant sa propre morale, dont l’extrême-gauche, reniant sa mission historique, protègera les intérêts.

L’impossible liberté du travail

Mais quelle est cette mission historique de la gauche ? Notre chasseur-cueilleur a une productivité très faible,  nous l’avons vu, comparée à celle du travailleur moderne. Mais il est seul, libre d’agir, face à la pression aveugle de la nature alors que le travailleur, subissant l’organisation moderne et la mécanisation de son poste de travail, est face à un commandement humain qui  l’aliène. “La nature peut constituer un obstacle, une résistance mais seul l’homme peut enchaîner » (Simone Weil). Il semble que l’homme ne puisse se débarrasser de la pression de la nature sans créer sa propre oppression, bien humaine. Tout gain de productivité (l’agriculture, l’industrie…) permettant de développer économiquement les sociétés humaines est comme lié à des structures oppressives (esclavage, servage, fordisme…)  aliénant l’individu. Le travailleur devient un simple outil de production, une chose. Le travail est une aliénation et n’est que ceci. La mission historique de la gauche est donc de protéger l’individu contre cette organisation aliénante, que Marx a identifiée et dénoncée dans le capitalisme. 

D’où viennent les 35 h ?

Aucune valeur travail n’est compatible avec cette vision. Aucune amélioration morale de l’Homme n’en sort. Un travailleur à la chaîne subit, devant sa machine, une vie inhumaine – même s’il joue un rôle social important vis-à-vis de la société. Sa profession est purement utilitaire. Pendant qu’il travaille, l’ouvrier est soumis à sa hiérarchie, n’apprend rien, ne progresse pas. Il n’est plus vraiment un homme, plutôt une fourmi. Il n’est homme que pendant ses loisirs et cette vision conduit inéluctablement à une volonté de réduire le temps du travail et d’augmenter les loisirs – sans aller jusqu’à l’assistanat cependant. C’est là l’origine de la vision que la gauche a mise en œuvre ces 30 dernières années et cette vision est probablement partagée par un grand nombre d’employés de ma société.

De l’instinct animal au travail

Si on considère le travail sous l’angle unique de la nécessité, il est donc bien difficile d’en faire ressortir la moindre valeur morale. Pourtant cette valeur existe et pour aller la chercher, il faut partir, encore une fois de notre chasseur-cueilleur et comprendre en quoi le travailleur en diffère. Le chasseur-cueilleur des origines ne travaille pas vraiment. Poussé par la faim, il agit et chasse et il est donc dans un optique de satisfaction immédiate de ses besoins élémentaires. En ceci, il ne diffère pas des animaux qui chassent instinctivement et on ne peut pas appeler sa chasse “travail”. “Les animaux s’agitent, l’homme seul travaille, parce que seul il conçoit son travail” (Proudhon). Pour qu’il y ait réellement un travail, il faut une suite d’opérations manuelles et de pensée en vue de produire un objet qui sera consommé – et plus la division du travail est forte, plus il est probable que la production du travailleur sera consommée par d’autres hommes, lui-même achetant ou échangeant, grâce à sa production, les biens nécessaires à son entretien. Ainsi, notre clou n’est pas consommé par l’ouvrier qui le produit mais, via un système d’échange, lui permet d’acheter sa nourriture. Il n’y a donc travail que lorsque l’homme n’agit pas par impulsion instinctive, mais en vue d’un objectif pensé, qui est la consommation. La consommation n’est alors plus la cause mais la fin de l’action. “La consommation comme besoin est un moment interne de l’activité productive” (Marx). L’homme consomme en qualité d’être vivant, il travaille en qualité d’être pensant » (Simone Weil). 

Le travail est une donc activité pensée ayant pour fin la satisfaction d’un besoin (Simone Weil). Ces deux aspects sont absolument nécessaires. Si on exclut le besoin, en ne gardant que l’activité ou la pensée, on en revient à cette transition qu’a représentée la Grèce. La Grèce a séparé l’activité du besoin, inventant l’athlétisme. Elle a séparé la pensée de la nature, inventant la géométrie, science dont l’utilité pratique est nulle au départ – si les Grecs avaient cherché un savoir réellement utilitaire, ils auraient inventé l’algèbre.

Le chasseur-cueilleur est donc dominé par la nature alors que Grâce à son activité et à sa pensée, “le travailleur soumet la nature en lui obéissant” (Bacon). Passer de la domination pure à la seconde forme d’obéissance est une libération et c’est même l’unique libération possible pour l’homme. “Le génie du plus simple artisan l’emporte autant sur les matériaux qu’il exploite que l’esprit d’un Newton sur les sphères inertes dont il calcule les révolutions” (Proudhon). 

Qu’est-ce que la valeur morale du travail ?

La valeur morale du travail procède donc de  la confrontation entre la pression de la nature et l’action du travailleur. L’aliénation oppressive au travail, c’est la confrontation entre la pression humaine  (l’organisation du travail mise en place) et l’action du travailleur. Seuls les métiers non touchés par l’organisation du travail peuvent être considérés comme totalement libres de toute oppression (par exemple le paysan qui laboure son champ à la faux, l’artisan qui produit seul son objet). 

Les autres métiers sont toujours sujets à une oppression humaine, qui est la seule oppression possible, la nature agissant en tant que pression et non en tant qu’oppression puisqu’elle n’a pas d’intention. L’oppression naît du fait que, selon la remarque de Marx, ceux qui organisent contrôlent le travail de ceux qui exécutent, et ont tendance à les asservir. Il est impossible de se débarrasser de l’organisation du travail car il en résulterait une perte de productivité incompatible avec, entre autres, le maintien de la population à son niveau actuel. Donc il est impossible d’éliminer totalement toute forme d’oppression.

[Les larmes de Federer. J’ai choisi une approche philosophique pour définir cette valeur morale mais j’aurais pu aussi bien m’appuyer sur la psychologie populaire. Quand on dit de quelqu’un qu’il est “un grand professionnel”, on y met évidemment une signification morale. Pour comprendre comment le travail élève, il suffit de prendre un exemple récent, celui des larmes de Federer et de Nadal lors des adieux de Federer. Dans sa carrière, Federer a d’abord tout gagné “facilement”, puis est apparu Nadal qui, comme la nature pour le travailleur, lui a résisté et l’a forcé, par le travail physique et la réflexion, qui sont les deux grands constituants du travail, à améliorer son jeu, à aller plus loin, atteignant à la fin de sa carrière des sommets qui l’ont sans doute surpris lui-même. Federer pleure non pas les grands chelems perdus mais la grandeur que Nadal lui a permis d’atteindre, son dépassement, sa pleine réalisation en tant que joueur de tennis. Et Nadal, qui ne prend pas encore sa retraite, pleure exactement la même chose. Toute personne qui a eu la chance à un moment ou un autre de travailler intensément, dans un contexte où ce travail a été effectué de façon non servile, comprend de quoi je parle.

]

Vers une société de la coopération ?

On peut cependant avoir pour objectif de minimiser cette oppression. Ainsi, dans les manufactures du moyen-âge, le mode d’interaction entre les travailleurs était la coopération entre hommes. Chaque travailleur négociait avec un autre travailleur l’objet qu’il allait lui fournir, dans un but commun. Les compagnons collaboraient pour l’édification des cathédrales. 

Lorsque cette coopération humaine a été remplacée, au moment de la révolution industrielle, par une collaboration de machines, les travailleurs ont perdu toute capacité d’élaboration et coopération. Ils sont devenus asservis aux machines, c’est-à-dire aux ingénieurs et aux contremaîtres. Cette forme de production s’est imposée à cause de sa grande productivité, mais a été un recul sur le plan humain.

L’Open Source et la société de la collaboration

Dans notre société moderne, le développement logiciel, s’il est bien réalisé, donne une idée de ce que pourrait être une industrie de la coopération. Les ingénieurs conçoivent des architectures globales, qui sont nos cathédrales modernes, définissent leurs interfaces internes, les composants qu’ils utiliseront et échangeront avec eux. Cette coopération dans un but commun nécessite effort et créativité et respecte la liberté individuelle de chacun.

Le mouvement Open Source est une parfaite illustration de ce que peut être l’industrie de la coopération, réunissant idéal et utilité. Lancé en 1984 par Richard Stallman, il a pour objectifs de favoriser la libre circulation des connaissances et des logiciels (en opposition  avec les stratégies privées de sociétés telles que Microsoft), de faire collaborer les ingénieurs et de mettre à la disposition de tous le résultat de leurs travaux. En générant des dizaines de milliers de projets logiciels, en faisant travailler de façon collaborative des centaines de milliers d’ingénieurs, l’Open Source a eu – a encore – un impact majeur sur la société et est, entre autres, à l’origine d’Internet.

Dans une entreprise, chaque dirigeant devrait, dans la mesure du possible, tenter de susciter à tous les niveaux la collaboration, son rôle se limitant à organiser et synchroniser les travaux. Chaque exécutant devrait admettre sans ressentiment que la coopération parfaite étant impossible, une part d’arbitraire, de travail forcé, voire de travail absurde, subsistera dans toute activité professionnelle. Et cette part peut malheureusement être parfois très importante. Plus le dirigeant et l’exécutant tentent de se conformer à ce modèle qu’il faut voir comme un état limite impossible à atteindre, plus il y a de vertu dans le monde et plus le travail prend de la valeur.

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Elon Musk et Twitter: vers la création du 1er réseau social conservateur 18 avril 2022

Par Thierry Klein dans : Politique,Technologies.
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(Article écrit avant le rachat de Twitter)

Elon Musk vient de faire une offre pour racheter Twitter. Le style de l’offre est caractéristique.

I am offering to buy 100% of Twitter for $54.20 per share in cash, a 54% premium over the day before I began investing in Twitter and a 38% premium over the day before my investment was publicly announced.

My offer is my best and final offer and if it is not accepted, I would need to reconsider my position as a shareholder.

Pour en faire quoi et a-t-il une chance de rentabiliser cette offre ?

(Les citations de Musk sont tirées de l’interview d’hier par Chris Anderson, voir la vidéo sur YouTube)

Twitter est un média énorme. Les français l’oublient souvent quand ils critiquent France-Inter (trop à gauche !), ou Cnews (trop à droite !), mais Twitter, Facebook, YouTube pèsent plus que n’importe quel organisme de presse écrite ou audiovisuelle. Plus que Ouest-France, Le Monde ou TF1 si on regarde le temps moyen passé par français par exemple. Acquérir Twitter c’est se donner les moyens politiques de peser dans le monde entier.

Or Elon Musk est un conservateur et Twitter est un média démocrate. Ainsi, la modération de Twitter penche vers les idées “libérales” (au sens sociétales) ou progressistes. On l’a vu quand Twitter a banni Donald Trump un peu avant les élections américaines. Twitter penche vers les idées progressistes à la fois par idéologie (les employés de Twitter, diplômés des universités américaines, sont presque tous des progressistes, comme chez Google ou Facebook); mais aussi par intérêt: Twitter, YouTube, Facebook sont des régies publicitaires soumises aux diktats progressistes de leurs donneurs d’ordre, les grandes entreprises mondiales. D’une façon générale, le communautarisme crée de multiples marchés de niche, au niveau alimentaire, au niveau culturel (mode, média, industrie du luxe, du sport, etc) et donc toutes les entreprises qui vendent des biens de consommation y sont intéressées. 

Bref, pour quelqu’un comme Elon Musk, la modération de Twitter n’est pas neutre et il importe de la corriger. Ce que propose Elon Musk, c’est de mettre en place au sein de Twitter le “free speech” et de rendre les algorithmes de Twitter plus transparents. En quoi cela consiste-t-il ?

Le free speech (ou l’equal speech)

Elon Musk insiste sur le fait que le free speech, soumis aux lois de chaque pays, serait plutôt une forme d’equal speech. Des règles identiques pour modérer les tweets et surtout un mode de modération extrêmement réduit par rapport à aujourd’hui. Grosso modo, si un tweet n’est pas clairement illégal, Elon Musk propose de ne pas le modérer. Elon Musk insiste sur le caractère légal des tweets et c’est déjà un immense progrès par-rapport au Twitter actuel, qui ne se conforme pas à la loi française puisqu’il est organisé pour ne pas donner de façon systématique les coordonnées des auteurs de tweets illégaux. Il est vrai que notre législateur s’est montré bien soumis vis à vis des plateformes US.

(Ajout: 28 avril. Définition de l’equal speech)

Dans un monde idéal, Twitter donnerait immédiatement à la justice française les coordonnées de l’auteur de tout tweet manifestement illicite. Il y en a des milliers par jour et les auteurs de ces tweets pourraient être alors facilement poursuivis. Pour ce faire, Twitter aurait l’obligation de connaître l’identité de ses contributeurs. Ainsi disparaîtrait automatiquement une grande partie de son côté irresponsable et corbeau. 

En un sens, ce que veut faire ici Elon Musk c’est ce que l’Etat français n’a pas voulu ou pas su faire.

La transparence

L’autre idée d’Elon Musk, c’est la transparence des algorithmes. Le code source des algorithmes serait disponible, ce qui permettrait à la communauté d’en modifier les erreurs et d’avoir confiance dans le traitement “juste” de la diffusion des tweets (aujourd’hui, certains tweets sont probablement plus ou moins diffusés en fonction de critères idéologiques et opaques, cela ne pourrait plus être le cas).

Having a public platform that is maximally trusted and broadly inclusive is extremely important to the future of civilization

(A noter l’utilisation savoureuse du terme progressiste politiquement correct « inclusive » que Musk reprend ici à son compte, en en détournant le sens. L’inclusion que pratique Twitter aujourd’hui est une censure idéologique qui ne dit pas son nom. Musk propose de la remplacer par une « inclusion large » (broadly inclusive) traitant tous les tweets légaux de façon identique et transparente.)

La transparence améliorerait-elle la performance de Twitter ? C’est loin d’être certain. En effet, si l’algorithme est transparent, il peut être facilement biaisé. Ainsi, l’algorithme de Google, dont les principes sont connus, est-il biaisé en permanence par les techniques de SEO, qui visent, de façon très efficace, à faire monter un site dans les résultats de Google – à tel point que Google en devient souvent inutile. Dans les sites où le classement des vendeurs est fait d’après des avis publics, les évaluations sont aussi biaisées. Ainsi, plus de transparence ne signifie pas forcément plus de neutralité, bien au contraire. L’opacité est souvent une des conditions nécessaires à la création de valeur collective: c’est le regard d’Orphée qui tue Euridyce.

La rentabilité de Twitter et l’offre de Musk

L’offre d’Elon Musk est à 54 USD par action, la valeur de Twitter est au moment de l’offre de 35 USD par action. C’est une belle offre mais pas fantastique car l’action de Twitter n’a pas progressé depuis 5 ans au même rythme que celles de Google ou de Facebook. Et depuis 1 an, elle stagne carrément. Il est clair que le cours de Twitter est sous estimé par-rapport à facebook ou Google, et c’est lié aux problèmes de management et de positionnement de Twitter. Le capitalisme a horreur du vide et c’est une des raisons qui a rendu l’offre de Musk possible.

S’il prend possession de Twitter, Musk devra s’opposer aux salariés, qui sont uniformément progressistes, en désaccord avec la notion de free speech qu’essaiera de mettre en place Musk. Des départs massifs sont possibles. Est-il possible de construire un média Internet de masse non progressiste ? La question est posée, Trump a échoué.

(Ajout 28 avril: le début de l’opposition aux salariés progressistes de Twitter, ici la directrice juridique, juste 2 jours après l’annonce du rachat)

Musk déclare ne pas avoir d’objectif financier dans l’affaire

I don’t care about the economics at all.

Ca tombe mal, si j’ose dire, parce que les actionnaires de Twitter n’ont pas tous des intérêts financiers non plus ! On y trouve le fond souverain d’Arabie Saoudite, par exemple, qui a un intérêt au maintien de la politique “multi-culturaliste” de Twitter. Twitter est clairement un medium démocrate et donc, il n’est pas certain que ces actionnaires soutiennent Musk, même si c’est leur intérêt financier de le faire. Tout semble aujourd’hui montrer au contraire que l’affaire est politique, progressisme contre conservatisme.

L’offre de Musk peut-elle être créatrice de valeur pour Twitter ?

Oui, mille fois oui. La réponse est dans ce simple graphique.

On y voit que 33% seulement des utilisateurs de Twitter sont des républicains (traduisons: non progressistes). Musk, si sa stratégie fonctionne correctement, peut augmenter le trafic de Twitter de 33% environ. La hausse de trafic pourrait être bien supérieure du fait de l’intérêt généré et si ça marche, Facebook, Instagram, etc seraient obligés de suivre. Sans parler des multiples effets bénéfiques induits qui se monnaieront aussi à terme (liés à la confiance dans le média). C’est l’avenir des réseaux sociaux qui se joue ici.

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Mac Kinsey : l’enfant monstrueux de la gauche, de la droite, de l’Europe et d’Hollywood. 3 avril 2022

Par Thierry Klein dans : Politique.
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(Ou pourquoi Macron n’est pas responsable de l’affaire Mac Kinsey. Mise à jour d’un article écrit en 2005)

Si je jette un coup d’œil en arrière sur la génération précédente, presque tous les amis de mes parents qui, à 20 ans, ont réussi le concours d’entrée des grandes écoles considérées comme les plus élitistes (ou les plus difficiles) auront eu une carrière de haut fonctionnaire. (j’entends fonctionnaire au sens large, ce qui inclut, mais de façon non limitative, le service de l’état).

Pour bien comprendre ce point, il va falloir que je donne une définition généralisée du fonctionnaire. Je vous conseille la lecture de l’ Arrière-Saison de Stifter.

« Tant que l’administration s’élargit et s’agrandit, elle doit engager un nombre de plus en plus grand d’employés et parmi eux, inévitablement, de mauvais ou de très mauvais. Il est donc impératif de créer un système qui permet que les opérations nécessaires puissent être accomplies sans que la compétence inégale des fonctionnaires les pervertisse ou les affaiblisse. Pour bien préciser ma pensée, je dirais que l’horloge idéale devrait être construite de telle façon qu’elle fonctionne bien même si on échange ses pièces en remplaçant les mauvaises par les bonnes et vice-versa. Une telle horloge est inconcevable. Mais l’administration ne peut exister que sous une telle forme ».

Autrement dit, le fonctionnaire c’est celui qui effectue avec zèle des travaux partiels sans comprendre, ou essayer de comprendre le tout – voire même ce qui se passe dans les bureaux voisins. Je trouve ce point de vue intéressant car il permet de rapprocher des aspects de société qu’on a en général tendance à opposer. Il se pourrait en effet que des sociétés hyper fonctionnarisées telles que l’Union Soviétique des années 50, ou la France d’aujourd’hui ne soient pas humainement si distantes de sociétés hyper libérales comme les USA. Le travailleur à la chaîne tel que le définit Ford est aussi un fonctionnaire au sens de Stifter et il suffit d’avoir voyagé ne serait-ce qu’une fois aux USA pour voir à quel point le pays est fonctionnarisé (passez  la douane, allez au MacDo et appelez ensuite n’importe quel SAV de grande société américaine pour me comprendre).

Dans le roman de Stifter, Risach, le héros est un haut fonctionnaire qui quitte son poste parce qu’il ne supporte pas un travail dont le sens lui est incompréhensible – ce qui fait qu’il ne peut pas agir en fonctionnaire. Je pense que le comportement de Risach constitue un raccourci saisissant de ce qui se passe aujourd’hui pour les élites françaises.

Au sens où elles existent aujourd’hui, les élites françaises ont été créées par Napoléon – et renforcées par de Gaulle – pour servir l’Etat. L’Etat, c’était la France et pour tous les français, y compris les élites, la notion de France était confondue avec tout un tas – ou un fatras – de valeurs universelles (les droits de l’Homme, le rayonnement, une « certaine idée de la France », etc… Lisez les Mémoires de Guerre de deGaulle ou La promesse de l’Aube pour une vision, certes exaltée, mais au fond assez commune de la France).

Si, donc, je regarde les amis de mes parents, ceux qui faisaient partie des élites rentraient au service de l’Etat, si possible par l’intermédiaire d’un grand Corps, ou d’une grande entreprise et n’en bougeaient plus. Jusque dans les années 70, les grands projets du pays étaient valorisants, scientifiquement intéressants, parfois d’avant garde (Aerobus, qui est devenu Airbus, la SNCF puis le TGV, le nucléaire, Ariane, Concorde, la télé couleurs, et j’en passe…). Leur activité coïncidait totalement avec une certaine idée humaniste de la France et du monde qu’ils entretenaient pour la plupart. De par leur formation – quasi militaire – et leur potentiel intellectuel, ils étaient des outils parfaitement efficaces pour le développement de ces grands programmes, et de l’administration en général. Ils étaient certes des fonctionnaires, mais n’avaient pas à quitter leur poste comme Risach puisque la finalité de leur travail leur apparaissait comme généralement utile et compréhensible.

Tous ceux qui ont lu Pagnol se souviennent de la description de son père instituteur, la foi un peu simple qu’il avait en son métier, son enthousiasme, sa vision du progrès qu’il partageait avec tous les autres instituteurs ou presque. Et bien, les élites françaises étaient comme le père de Pagnol. Evidemment, elles vivaient beaucoup mieux que lui – mais n’étaient pas fortunées pour autant et cela leur importait peu car elles recherchaient un statut social avant tout. Les élites étaient la version « caviar » de l’instituteur de Pagnol.

Cet état d’esprit n’existe plus aujourd’hui. La plupart de mes amis X ne sont plus au service de l’état. Ceux qui y restent, qu’ils aient ou non fait des grands corps, n’arrêtent pas de se plaindre du mauvais traitement qui leur est fait, comparent avec envie leur salaire à celui du privé et cherchent la meilleure façon de « pantoufler » (« pantoufler », pour un haut fonctionnaire, c’est le miroir aux alouettes; l’équivalent de « créer une entreprise » pour la majeure partie d’entre nous. Un brin de prise de risque – pas trop quand même car on peut toujours redevenir fonctionnaire, un petit goût de défendu – les collègues de bureau le déconseillent et malgré tout un côté tendance et affirmation de soi qui permet de se dire « je l’ai fait ! »…). Il y a 30 ans, tout était bon pour rentrer dans le Corps. Aujourd’hui, on cherche avant tout à en sortir. Bref, les hauts fonctionnaires sont devenus de simples cadres supérieurs comme les autres. J’y vois trois causes principales, deux de nature nationales et une de nature internationale.

Les causes nationales

1) De Gaulle a été le dernier dirigeant qui a su créer le sentiment que la France était universelle, en lançant réellement des projets d’envergure (j’en ai parlé plus haut) et en glorifiant la notion d’une France au service de l’humanité. Depuis de Gaulle, que ce soit par manque de vision ou de leadership – et probablement les deux, plus un programme d’état d’envergure (au sens où, s’il réussit, le pays peut compter dessus pendant 50 ans pour en vivre). On amuse la galerie avec différents programmes (cf les récents pôles de compétitivité) mais la révolution de l’informatique, qui constitue LE fait industriel majeur des quarante dernières années a été manquée et on semble s’y résigner. Il y a toujours un corps des Mines, alors que les Mines n’existent plus depuis longtemps, mais il n’y toujours pas de Corps de l’Informatique.

2) Indépendamment de tout problème lié à ses dirigeants, l’Etat s’est de plus volontairement retiré de l’Industrie depuis 30 ans.

La droite prône ce retrait par libéralisme, ne se rendant pas compte que l’Etat, se retirant, ne laisse derrière lui qu’un désert que les entreprises sont incapables de combler, quoi que prétende le Patronat. L’Europe a renforcé ce phénomène en interdisant toute initiative d’envergure des états par idéologie et en ne sachant pas susciter elle-même de nouvelles directions.

La gauche a agi de façon pire encore en multipliant le nombre de fonctionnaires inutiles simplement pour lutter contre le chômage – qui plus est en s’en vantant. Pour reprendre le paradigme de la montre, dont je parlais plus haut, la droite prétend que les montres sont devenues inutiles – ce que personne de sensé ne croit vraiment, au fond, mais la gauche a créé de nouvelles montres, ressemblant en tous points à de vraies, y compris au niveau du mécanisme intérieur, à la différence près qu’elles n’ont pas d’aiguilles et qu’on n’a même plus l’espoir de jamais y lire l’heure. Dans un contexte où les hauts fonctionnaires acceptaient finalement leur condition au nom d’un idéal de progrès, la gauche a une grande responsabilité dans la destruction morale d’une des forces majeures du pays, qu’elle s’attachait pourtant à protéger. Ce que la droite la plus libérale n’aurait sans doute jamais pu accomplir, la gauche l’a fait, en enlevant, si j’ose dire, son ressort à l’administration.

Une tendance internationale

Qu’on le veuille ou non, les regards sont depuis 30 ans tournés vers l’Amérique. L’Union Soviétique s’est effondrée, la France n’a plus d’existence politique réelle et l’Europe n’en a jamais eu. Les américains ont gagné la bataille de la communication et le modèle de l’intérêt commun organisé et centralisé (l’Etat français) paraît bien désuet face au modèle de l’intérêt individuel triomphant et décentralisé. Les anciens pays communistes regardent les Etats-Unis bien plus que l’Europe, qui est vue comme une sorte d’état intermédiaire entre la dictature et le Nirvanã américain. La publicité, le cinéma renvoient cette image d’individualisme forcené qui est de plus en plus vécue comme le stade ultime de l’évolution de l’homme vers la liberté entamée, en gros, en 1789. C’est l’Amérique qui fixe nos valeurs et peut-être bientôt notre langue. En tous cas, c’est l’Amérique que les élites regardent et qu’elles admirent – ou souvent dénigrent, ce qui est en fait exactement la même.

Mon article de 2005 se focalisait sur les causes morales de la crise des élites. Les consultants qui travaillent aujourd’hui chez Mac Kinsey sont donc les mêmes que ceux qui, il y a 50 ans, rentraient au service de l’Etat. Simplement l’administration a réduit son périmètre et perdu tout ressort, elle n’a plus rien d’intéressant à leur proposer. Ils font chez Mac Kinsey ce qu’ils ont toujours fait, simplement ils le font pour le compte d’une société privée, ce qui est un affaiblissement moral et ils le font en plus pour beaucoup d’argent car les salaires proposés par Mac Kinsey n’ont rien à voir avec des salaires de fonctionnaires. Autre affaiblissement moral. En contrepartie de ce salaire exceptionnel, ils vont travailler comme des chiens pendant 2, 5, 15 ans, le temps que durera leur expérience de conseil. Là aussi, ils font ce qu’ils ont toujours su faire (les classes prépa l’ont montré), ce que l’administration française ne leur propose plus (ils s’y ennuieraient). Et cette situation n’est pas un progrès non plus pour eux car le rythme de travail imposé ne facilite pas leur épanouissement ni leur entrée dans la vie.

Par-rapport à leurs anciens, ces jeunes sont à plaindre: ils ont de l’argent mais ils n’ont pas le sentiment de travailler pour l’intérêt général et non seulement les intérêts des cabinets de conseil, privés, ne sont pas alignés avec l’intérêt général mais les coûts exorbitants de facturation des cabinets en font de fait des pilleurs de fonds publics. Ce pillage, inconscient aux yeux de la plupart, est dissimulé par une dialectique glorifiant le surtravail, la performance, la libre concurrence, le droit de l’Etat de ne pas faire appel au Cabinet, etc. L’acceptation de cette dialectique, que je nommerai par facilité « libérale », est facilitée si les consultants ont aussi effectué des études de type MBA aux Etats-Unis, ce qui est souvent le cas.

Macron et la plupart de ses jeunes ministres les plus emblématiques ont eux-mêmes des profils de consultants. Amélie de Montchalin est diplômée de la Harvard Kennedy School. Agnès Pannier Runachier est lauréate de la fondation américaine Akosha. Ils sont eux-mêmes fascinés par l’Amérique, par le mélange des genres public / privé / pro-bono qu’ils ont tous appliqué au sein de leur propre carrière professionnelle. Fascinés par Mac Kinsey qui embauche, j’insiste sur ce point, les meilleurs élèves de nos grandes écoles (on peut considérer l’entrée chez Mac Kinsey, ou chez tout autre grand cabinet de conseil en stratégie, comme un premier succès professionnel tellement cette entrée est sélective.).

Qui plus est l’administration française n’est plus capable, sauf exception, d’effectuer les tâches qu’effectuent les consultants. Pour deux raisons: parce qu’elle a été privée de ses meilleurs jeunes éléments (qui sont dans les cabinets de conseil) et parce que progressivement, les énarques ont remplacé les ingénieurs aux plus hauts postes de l’administration et de l’industrie d’Etat. Or les énarques n’ont pas la formation analytique nécessaire pour mener à bien ces missions. Les jeunes consultants des cabinets de conseil sont des ingénieurs, parfois des HEC (qui disposent d’un bon bagage analytique), rarement des énarques (ceux-ci seront recrutés à un stade plus avancé de leur carrière, pour leur connaissance des rouages internes de l’Etat et leur portefeuille relationnel). La prise de pouvoir des cabinets, c’est aussi, en un sens, le retour des ingénieurs dans l’appareil d’Etat.

La pénétration des grands cabinets de conseil américain au sein de l’Etat dépasse donc largement Macron ou ses ministres en tant qu’individus. Elle est la conséquence des faits que j’ai énumérés plus haut (la gauche, la droite, l’Europe, Hollywood). Ceux qui attaquent Macron ont évidemment eux-mêmes souvent fait appel à ces cabinets dès lors qu’ils ont gouverné (les LR, les socialistes).

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Sciences Po: de la discrimination positive à la « culture du viol » 16 février 2021

Par Thierry Klein dans : Aliénation,Politique.
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Il y a actuellement à gauche une tendance à faire du vice, ou de toute tendance affective personnelle, un système élaboré de « valeurs ». Dans les années 80, ces valeurs étaient « la libération sexuelle », surjouée, forcée – avec les abus inévitables qui font que ces valeurs ont aujourd’hui été transformées en « me too ». Ceux qui portent ces valeurs sont les mêmes personnes et si je puis dire, la Vanessa Springora des années 80, icone consentante sur l’autel de la libération sexuelle, annonce celle des années 2020, icone consentante sur l’autel « me too ». Elle est le niveau à bulle de l’époque, ayant pour fonction d’être un reflet. J’ai entendu Jack Lang l’autre jour condamner violemment, presqu’en larmes, une pétition qu’il avait signée dans les années 80 en faveur de l’inceste.

Idem pour Sciences Po. Dès lors qu’un seul élève est rentré de façon injuste à Sciences-Po (discrimination positive), c’est tout un système qui a été transformé, d’une hiérarchie de compétences vers une hiérarchie aristocratique, privilégiant l’origine, la position, le mensonge et le népotisme. La « culture du viol » est présente dès l’époque Descoings, qui séduit des élèves de 17 ans, et dès cette époque, tout le monde se tait. Cet enchainement est très compréhensible et simplement une dérive banale, qu’on a vue dans de multiples établissements d’enseignement supérieur politiquement corrects aux US. J’avais pu moi-même la constater à Stanford dans les années 90.

Mais ce matin, Alexandre Kouchner au micro d’Europe 1 fait de cette dérive un système général. « Non, nous dit-il, la dérive du viol n’est pas propre à Sciences Po mais à toute la société ». On voit comment cette théorie se fait jour dans son esprit. Il y a d’abord la dérive névrotique d’une organisation, à laquelle il a participé de façon active ou, plus probablement, lâche. Il y a le contexte familial du viol toléré, sinon encouragé et là aussi, il a fallu détourner le regard – et comme c’était impossible, se forcer à ne pas penser, ce mécanisme étant caractéristique de ce que Simone Weil nomme « attachement » (à sa famille, à ses amis, à son groupe de pensée, tout ceci étant, dans le cas de Kouchner, presque confondu).

Ensuite il y a le refus de regarder sa réalité en face et la projection de ses propres turpitudes sur autrui, sous forme de rationalisation a posteriori : « toute le société est gangrénée, Sciences Po n’a rien d’exceptionnel ». En ceci, il est exactement comme un cardinal qui refuserait d’admettre le problème de la pédophilie ecclésiastique au prétexte qu’elle concernerait toute la société. Ou comme un Tartuffe (mais ici, un Tartuffe probablement inconscient), qui demande à couvrir ce sein (transformation du désir personnel en norme de comportement générale).

Ce mécanisme définit actuellement de façon très profonde la gauche, dans ce qu’elle a de plus woke. Elle est plus une fidélité à un groupe, un attachement, qu’une pensée. La recherche systématique d’un racisme « systémique » (qui n’a plus rien à voir avec le racisme), de la « culture » du viol, de la « violence symbolique » à l’école, de la « violence coloniale systémique » sont des névroses de type paranoïde projetées sur l’ensemble de la société, déclarée malade par les malades eux-mêmes. Ces termes nous parlent de ceux qui les emploient plus que de notre société. Ces théories seraient risibles si elles n’étaient pas aussi répandues. Cliniquement, la gauche woke est une forme de paranoïa décomplexée.

(Je pense profondément que la « pourriture » n’est pas une question de couleur politique, et donc il y a sans doute une proportion constante de pourris à droite et à gauche.

Mais un violeur de droite ne ferait pas tous ces chichis. Il ne chercherait sans doute qu’à se cacher. Difficile de savoir si c’est par manque d’intelligence, par lucidité sur soi-même, par égoïsme ou par indifférence.)

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Préjugés sociologiques universitaires : le poids de l’Islam 17 janvier 2021

Par Thierry Klein dans : Politique.
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(Une critique de l’article Stéréotypes sexistes dans le monde : le poids de la religiosité, paru dans « The Conversation »)

J’ai rédigé une critique de ce papier intéressant, non pas par ses conclusions mais parce que ce genre d’article est très révélateur des biais de la sociologie universitaire.

De quoi parle-t-on ?

Denise Bombardier fait le lien, nous le verrons à juste titre, entre Islam et préjugés sexistes en s’appuyant sur une publication de l’ONU (http://hdr.undp.org/sites/default/files/hd_perspectives_gsni.pdf, table A1 page 20).

Pour les auteurs, ce lien correspond visiblement à une stigmatisation inacceptable de l’Islam. L’article vise donc à amoindrir la responsabilité de l’Islam et prétend donner à cette défense un argument scientifique – on n’est pas sociologue pour rien. L’article paraît dans « The Conversation », magazine qui est une sorte de niveau à bulles de la sociologie politiquement correcte, de gauche.

Quel est le raisonnement ?

Les auteurs constatent bien (comment faire autrement ?) le lien entre Islam et sexisme : les 23 pays musulmans affichent un niveau de préjugés sexistes « plus élevé » que les 52 autres pays analysés. A noter que le terme « plus élevé » est un euphémisme: selon la mesure utilisée, le sexisme en pays musulman est jusqu’à deux fois supérieure à celle des pays non musulmans (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02903144v2/document, figure 4)

Les auteurs introduisent alors 2 autres variables :

  • La religiosité du pays (selon les réponses à un questionnaire demandant aux habitants quelle est l’importance de la religion dans leur vie. L’index varie de 1 « sans importance » à 4 « très importante »)
  • Le « niveau de développement humain » du pays

Faisant alors appel à un « modèle » mathématique, ils concluent alors que l’Islam a peu ou pas d’impact sur le sexisme. En réalité, la religiosité du pays et le niveau de développement humain sont les facteurs les plus importants. Toutes les religions sont donc aussi coupables que l’Islam… Prétendre le contraire tient sans doute de l’islamophobie. Circulez, y’a rien à voir !

(Cette technique qui consiste, non pas à nier les excès de l’Islam mais à les relativiser en les étendant à d’autres religions, et en particulier au christianisme est par ailleurs un symptôme d’islamo-gauchisme. On va par exemple comparer le voile des musulmanes à celui des bonnes soeurs, le burkini à la soutane, etc. L’islamo-gauchisme n’est pas mon sujet ici, mais je le mentionne car j’ai l’intention d’en caractériser les principales caractéristiques dans de prochains billets)

Quelles sont les erreurs des auteurs ?

Les erreurs commettent en réalité une erreur indigne d’un élève de Terminale, ce qui fait qu’il est difficile de penser que cette erreur n’est pas due à leur idéologie, difficile aussi de penser que l’erreur n’est pas volontaire.

Pour effectuer leur analyse, les auteurs ont supposé que leurs trois variables (Islam, religiosité, niveau de développement humain) étaient indépendantes. Or elles ne le sont évidemment pas. Par exemple, aucun pays musulman n’a un indice de religiosité inférieur à 3 (indice très élevé). Les pays ayant des indices inférieurs à 2,5 sont des pays chrétiens, ou asiatiques (notion de religion différente), ou des pays où la liberté religieuse n’existe pas. Cela est tout à fait compréhensible car on peut sortir sans problème de la religion chrétienne (qui est donc compatible avec une faible religiosité) et non de la religion musulmane (ce qui entraîne évidemment un biveau de religiosité supérieur).  Par conséquent, on voit bien que les variables « pays musulman » et « religiosité » sont intimement liées. En réalité, ce que les auteurs ont introduit sous le nom de religiosité, c’est, très largement, l’Islam sous un autre nom.

Le lien entre indice de développement humain (HDI) et islam est aussi évident. Le HDI prend en compte le niveau de vie et d’éducation. Les pays musulmans, non démocratiques sauf exception, ont un niveau de vie plus faible (on peut imaginer que l’Islam joue un rôle) et un niveau d’éducation faible (il est certain que l’Islam joue un rôle). Là aussi, ce que les auteurs observent, à travers cette deuxième variable, c’est très largement l’Islam.

Qu’auraient dû faire les auteurs ?

La technique de base à utiliser pour ce genre d’analyse est non pas l’impact des variables sur la variance, comme l’ont fait les auteurs mais une analyse en composantes principales (ACP). Une telle analyse, couplée à des techniques de regroupement des variables redondantes (grâce par exemple à une « matrice des corrélations » ou à un « cercle des corrélations »), d’élimination des critères non pertinents et éventuellement de clusterisation permettrait d’obtenir une idée réellement objective de l’impact de l’Islam sur le sexisme et de la quantifier.

Elle conclurait évidemment que l’impact de l’Islam est extrêmement fort, une simple lecture attentive des données, telle que celle que j’ai faite plus haut, suffit à s’en convaincre. Il faut sans doute être sociologue universitaire pour ne pas faire le lien.

Pourquoi donc Denise Bombardier arrive-t-elle, sans utilisation d’aucun modèle, à de meilleures conclusions que les savants auteurs de The Conversation ?

Parce que

« Ceux qui n’ont aucune science sont dans une situation meilleure, et supérieure, par leur prudence naturelle, que ceux qui, en raisonnant de travers ou en faisant confiance à ceux qui raisonnent faussement, parviennent à des règles générales fausses et absurdes »

(Thomas Hobbes, Leviathan, chapitre  5 « De la raison et de la science »).
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Non, Mr McAuley, vous n’avez pas compris l’idéal français. 11 décembre 2020

Par Thierry Klein dans : Politique.
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(En réponse à la tribune sur la laïcité de James McAuley, journaliste au Washington Post, publiée dans le Monde du 5 décembre dernier).


Pour comprendre la différence fondamentale de perspective entre la France et l’Amérique vis-à-vis des religions, il faut se souvenir que les Etats-Unis ont été fondés par des bigots persécutés, qui ont avant tout cherché à ce que cette situation ne se reproduise jamais sur le sol américain.

Aux Etats-Unis, la religion est au centre, sur les billets de banque mêmes, et toutes les religions sont également favorisées. Votre pays est religieux par défaut.

Au contraire, les français ont cherché avant tout à se protéger contre les excès d’une religion dominante et omniprésente, le catholicisme. Cette lutte contre l’emprise politique du catholicisme, achevée par la république en 1905 avec la laïcité, avait été initiée sous la royauté, au moins depuis Philippe le Bel. La position française est une position de méfiance envers les excès des religions et bien qu’une communication politique malheureuse et récente, que vous reprenez James  McAuley, l’affadisse en la réduisant à « la liberté de croire et de ne pas croire », l’article réellement révolutionnaire du texte, dont tout l’esprit de la laïcité découle, est bien l’article 2 qui précise que « la République ne reconnaît aucun culte ».

Ainsi, les religions ont en France le simple statut de superstitions tolérées. Comme la notion de culte n’est pas reconnue, la notion de blasphème ne peut l’être. Blesser un croyant en critiquant son culte n’a pas non plus de sens légal.

En France, la religion est à la périphérie et toutes les religions sont également déconsidérées. Mon pays est agnostique par défaut, voire athée. Je chéris ce principe d’un pays débarrassé de l’omniprésence religieuse.  Je n’échangerais pour rien au monde cette position avec la position américaine. Avec l’arrogance française qui me caractérise, je pense que notre perspective, découlant directement de l’esprit des Lumières, est philosophiquement supérieure.

En temps normal, les différences concrètes entre ces deux positions sont minimes, presque folkloriques. Chaque français apprend ainsi avec étonnement, grâce à Jules Ferry ou grâce à Hollywood, que les témoins d’un procès sont tenus au Etats-Unis de jurer sur la Bible. Mais le plus important, de part et d’autre de l’Atlantique, reste l’égalité de traitement des religions et la liberté de croyance, qui garantit le bonheur de tous les citoyens des deux côtés de l’Atlantique : ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas.

Le discours français sur l’universalisme, contrairement à ce que vous pensez, Mr Mc Auley, a toujours été dur et même parfois très violent. C’est la loi de 1905 qui de fait met fin à la persécution des religieux catholiques en France. Auparavant, Napoléon avait intégré les juifs en tant que citoyens français en leur imposant de façon très ferme la primauté des lois françaises. En particulier, les juifs devaient admettre le principe du mariage mixte, de la monogamie, et regarder leur France comme leur patrie. Trois points qui, l’actualité récente l’a montré, posent encore problème aujourd’hui à beaucoup de musulmans.

Des débats parlementaires en 1905, il se dégage que les députés, enfants de Marx, avaient compris remarquablement tôt que l’emprise politique de la religion repose entre autres sur l’omniprésence, en quelque sorte publicitaire, du signe religieux. Ils ont cherché par tous les moyens à limiter ces signes. Toute religion visible dans l’espace public est susceptible de peser socialement sur les individus, de nuire à leur liberté de conscience ainsi qu’à la séparation du religieux et du politique. L’article 28, visant évidemment la religion catholique, est une mesure de prophylaxie radicale à cet égard. Il interdit « d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit […] ». Ainsi, les français n’ont pas été aussi loin que les talibans, ils n’ont pas détruit leurs monuments religieux, mais ils se sont arrêtés juste avant le fanatisme en empêchant l’édification de nouveaux signes religieux. L’article 28 permet de bien sentir en quoi la position française de bornage strict du domaine religieux est radicalement différente de la position américaine, qui est une position de bienveillance envers la religion.

Dans cet esprit, il paraît tout à fait naturel que lorsqu’une nouvelle religion apparaît sur le sol français, les « laïcards », dans l’esprit de la loi de 1905, cherchent à limiter cette visibilité et à contraindre cette religion à se soumettre à l’esprit de la loi. Or l’Islam est une religion devenue aujourd’hui hyper visible dans l’espace public – ne serait-ce que par le port du voile. Pour les laïcards, il ne s’agit donc pas de pointer du doigt l’Islam mais simplement de lui imposer un traitement comparable à celui qu’ont connu les autres grandes religions. Car même si le législateur de 1905 a cherché à être universel dans son principe, il ne pouvait prévoir la force que prendrait l’Islam en 2020 sur le sol français.

Le plus étonnant, en fait, c’est que les laïcards aient pu se diviser sur cette question. Comment des hommes de gauche, et souvent d’extrême gauche, ont-ils pu oublier que la religion était « l’opium du peuple » – au point de laisser un temps  à la droite le monopole de la défense de la laïcité ? J’ai longuement réfléchi à cette question et je propose ici une explication, qui éclairera aussi à mon sens le terme « islamo-gauchisme » que James McAuley juge flou et « aux connotations historiques sinistres » (cherchant ainsi, de façon rhétorique à diaboliser l’expression en faisant référence au terme raciste « judéo-bolchevisme », largement utilisé par les nazis).

La loi de 1905 est effectivement une loi de tolérance mais beaucoup à gauche n’y ont vu qu’une façon de lutter contre l’influence de l’Eglise catholique, église honnie en tant que symbole bourgeois, colonial, réactionnaire, etc. On les croyait laïcards universels mais ils n’étaient que des bouffeurs de curés intolérants et la laïcité servait d’alibi à leur intolérance. Ils n’ont eu aucun problème pour laisser tomber les principes laïcs car ils n’en avaient pas. L’Islam a été vue comme la religion des défavorisés, des victimes du colonialisme et comme une force d’opposition à l’église catholique.

Les représentants de l’Islam politique ont utilisé cette sensibilité avec habileté pour entrer dans le sein des partis de gauche – là est l’origine et la signification profonde du terme « islamo-gauchisme » qui ne fait nullement référence aux musulmans dans leur ensemble mais évidemment uniquement à l’Islam politique, à l’Islamisme. Il faut évidemment le distinguer du terme « judéo-bolchevisme », qui faisait référence aux juifs en tant que personnes. Et la confusion entre Islam et Islamisme, c’est donc vous, James McAuley qui la faites en introduisant cette comparaison. Vous qui la faites en utilisant par exemple le terme « islamophobie » dans de nombreux articles, alors que ce terme entretient la confusion entre ceux qui luttent contre l’influence politique de l’Islam, forme d’anti-cléricalisme parfaitement dans la tradition laïque française et ceux qui veulent s’en prendre aux musulmans, discrimination raciste totalement contraire à l’idéal universel de la France. Vous qui la faites encore en qualifiant d’organisations « musulmanes » le CCIF et Baraka City, alors que ce sont des organisations islamistes, jouant elles aussi abondamment sur l’ambigüité du terme « islamophobie » pour essentialiser tous les musulmans.

Contrairement à ce que vous affirmez, la projection des caricatures sur les murs ne viole en rien la neutralité de l’Etat. Les cultes n’étant pas reconnus, les caricatures ne sont pas projetées en référence à une religion, mais en tant que symboles de la liberté d’expression. Projeter ces caricatures ne signifie même pas qu’on soit en accord avec leur contenu – pour ma part, je trouve qu’elles sont médiocres. Cela signifie simplement, selon le mot de Voltaire, que même si nous ne sommes pas d’accord avec le contenu des caricatures, nous nous battrons jusqu’à la mort pour qu’elles puissent exister.

Comme vous l’écrivez, il existe une composante universaliste admirable au sein des trois grandes religions du Livre. Cet idéal universaliste n’est en rien mis en danger par la laïcité. C’est uniquement la composante sectaire, obscurantiste, superstitieuse que nous, les « laïcards », combattons lorsque, devenant visible, publique, omniprésente, elle fait peser, comme l’écrit Tocqueville, français qui avait  compris l’Amérique mieux que vous n’avez compris la France,  « une immense pression de l’esprit de tous sur l’intelligence de chacun ».

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L’extension du domaine de la lutte 25 mai 2020

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Qui est déraciné déracine. Qui est enraciné ne déracine pas. Sous le même nom de révolution, et souvent sous des mots d’ordre et des thèmes de propagande identiques, sont dissimulées deux conceptions absolument opposées.

L’une consiste à transformer la société de manière à ce que les noirs puissent y avoir des racines; l’autre consiste à étendre à toute la société la maladie du déracinement qui a été infligée aux noirs. Il ne faut pas dire ou penser que la seconde opération puisse jamais être un prélude de la première; cela est faux. Ce sont deux directions opposées qui ne se rejoignent pas.

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Statues brisées de Victor Schoelcher

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Une occasion manquée 16 mai 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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Le protocole sanitaire qu’a pondu l’administration pour l’industrie du tourisme est extrêmement difficile à appliquer mais il est rationnel. Dans un restaurant, où les clients ne peuvent évidemment être équipés d’un masque, où le risque de contamination est maximal, l’espace de 4m2 par personne est un minimum. Probablement trop peu pour éviter la contagion, mais trop élevé pour permettre au restaurant de gagner sa vie.

La situation est totalement différente du protocole pondu pour l’éducation nationale, 60 pages de délire bureaucratique alors qu’on aurait simplement dû équiper enfants et enseignants de masques. Le masque suffit à éviter la contagion scolaire, on le constate jour après jour partout en Asie.

Deux professions, deux attitudes. La situation des industriels du tourisme est très précaire. Ils sont dans l’obligation absolue de travailler cet été. Ils savent que le protocole va les en empêcher et se battent tous azimuts pour qu’il soit allégé. Ils ont l’énergie du désespoir et ont de grandes chances d’obtenir satisfaction, ce qui serait un contre-sens sanitaire total mais ils luttent. Ils sont à la radio, à la télé, s’expriment de façon très émouvante. Leur énergie les rend sympathiques à tous.

Les enseignants n’ont pas de pression économique à reprendre leur activité et cela contribue, consciemment ou non, à les rendre trop prudents, plus craintifs qu’il n’y a lieu d’être. Les écoles n’ont pas encore rouvert – elles ne le feront que sur plusieurs mois, certaines uniquement en Septembre. Ils se sont appuyés sur la complexité du document pour retarder l’ouverture au lieu de le contester vigoureusement, comme le font les industriels du tourisme.

J’aurais aimé les voir se multiplier dans les média, demandant « simplement » des masques pour tous, profs et élèves et l’annulation des mesures débiles du protocole sanitaire – avec en contrepartie une reprise le 11 mai pour tous. L’école obligatoire, pas le « volontariat », qui est une honte.

C’était une occasion rêvée pour remettre en cause leur administration obèse, qui les opprime et, n’étant même pas capable de fournir des masques pour tous, les empêche de fonctionner à peu près correctement avec ce protocole hors sol. Pour réaffirmer le rôle de l’école, au service de l’instruction des enfants. Pour reprendre le pouvoir. Pour regagner la sympathie des français.

J’avoue être très pessimiste pour l’avenir de l’école. Elle est fragile. Si ceux qui y ont dédié leur vie ne la défendent pas, qui le fera ?

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Pourquoi les essais randomisés en double aveugle donnent des résultats biaisés. 7 mai 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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Tout le monde attaque Raoult du fait de ses méthodes empiriques et observationnelles. Mais cette petite étude a analysé les 10 essais randomisés en double aveugle les plus cités au monde et conclut que leurs résultats sont significativement et systématiquement biaisés. Les erreurs méthodologiques abondent car la méthode est très complexe, parfois impossible à mettre en oeuvre. Les études ne sont pas non plus indépendantes des laboratoires, les personnels participant à l’étude étant souvent payés par les labos.

Le plus honteux est le « biais publicitaire » (à entendre au sens de « biais de publication ») des études (best result bias). Sans doute dans le but d’être publiées, les études ne font preuve que de peu d’esprit critique vis à vis des résultats qu’elles obtiennent, masquent les résultats négatifs, cachent sous le manteau les problèmes méthodologiques.

C’est toute la recherche médicale qui est touchée par ce biais publicitaire, qui est une forme de perversion ou même de négation de la démarche scientifique. J’ai lu des dizaines d’études depuis le début du confinement et malheureusement, je ne peux que confirmer ce point.

Autant dire que les reproches faits aux études de Raoult, qu’ils soient justifiés ou non, sont d’une mauvaise foi ou d’une naïveté absolues (c’est selon).

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Une journée ordinaire (6 mai 2020)

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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Une déclaration ministérielle qui n’a pas très bien vieilli.

Méfiant depuis leur article délirant sur la pharmaco-cinétique de la chloroquine, je parcours à nouveau le site de Sciences et Avenir… Encore une perle avec cet article judicieusement nommé « Masques et gants, fausse bonne idée contre le coronavirus » qui contient en particulier cette remarque éclairée d’Olivier Véran (celui qui a interdit aux médecins de ville toute prescription de chloroquine / AZT pour soigner le Covid):

«  »Je suis surpris de voir par la fenêtre de mon ministère le nombre de personnes qui sont dans la rue avec des masques (…) alors que cela ne correspond pas à des recommandations »


« Discovery », le nom était mal choisi

Des nouvelles de nos champions du test scientifique-methodologique-tout-bien-comme-il-faut-c-est-promis-juré. « Discovery n’ira sans doute pas au bout » (Le Figaro) parce que le coronavirus sera fini avant qu’ils n’aient pu rassembler assez de patients. Ceux qui critiquaient les études de Marseille n’auront pas su, à grands frais, rassembler les moindres données. Eussent-ils produit des études, aucune conclusion n’aurait pu en être tirée car le traitement testé n’était pas celui de Raoult.

On les tient décidément, nos champions.


L’humour des chercheurs

L’humour dans un papier de recherche, c’est assez rare mais c’est pourtant le cas dans cette analyse critique de l’équipe de l’IHU de Marseille concernant une étude chinoise montrant un net effet positif de l’hydroxychloroquine que j’avais critiquée ici.

La table ci-dessous suggère en gros que si vous faîtes tout bien, au top du top de la méthodologie dite scientifique, vous tuez des milliers de gens. Et que 15 à 20 000 personnes sont mortes en France pour, Mesdames et Messieurs, j’ai nommé : La Preuve Scientifique.

Auparavant, on donnait parfois son corps à la science, aujourd’hui on peut le donner à La Preuve. C’est sans doute un énorme progrès.

Table 1

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