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Pour atteindre l’état de droit, il faut en sortir. 1 octobre 2024

Par Thierry Klein dans : 7 Octobre,Politique.
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L’état de droit n’est pas sacré. Tout système judiciaire doit avoir pour objectif de maximiser la justice qu’il produit et l’état de droit n’est qu’un outil au service de cet objectif. Seule la Justice est sacrée, au sens où elle est inscrite dans la conscience universelle et c’est relativement à elle qu’on mesure le degré de progrès ou de civilisation. Dire que l’état de droit est sacré, c’est confondre la fin et le moyen, c’est-à-dire se rendre coupable d’idolâtrie.

Le principe fondamental de l’état de droit est le refus de l’arbitraire et l’égalité de tous devant la loi.  Les principes étant fixés et connus à l’avance, il assure que je suis jugé de façon équitable, exactement comme mon prochain. Le juge n’est chargé que de l’interprétation de ces principes – dont la réunion forme le corpus de la loi. Cette condition de relativité absolue (“juge ton prochain comme toi-même”) est bien indispensable à l’atteinte de la justice. 

Le juge ne faisant qu’interpréter les textes de loi, la plupart des décisions de justice sont de nature procédurale et c’est pourquoi, si le système judiciaire fonctionne, on peut considérer que les décisions ne peuvent pas être critiquées. En France, jeter le discrédit sur une décision de justice est depuis longtemps une infraction, infraction commise de plus en plus fréquemment et de moins en moins poursuivie, signe très sûr de la déliquescence de notre système judiciaire.

L’état de droit en lui-même n’est évidemment pas suffisant et la qualité de la justice dépend évidemment du contenu de la loi elle-même, en particulier de son accord à la conscience universelle. Simone Weil écrivait que c’est relativement à cet accord qu’on mesure le progrès.

Il appartient donc aux textes de loi de résoudre les problèmes éthiques qui se posent à l’homme et la société. Chez les anciens hébreux ou dans l’Islam, la loi procède de Dieu et les religieux détiennent largement le pouvoir judiciaire. En France, la loi procède du peuple français, les principes éthiques étant largement influencés par notre histoire judéo-chrétienne, à commencer évidemment par la notion même d’état de droit, dont découle la condition de relativité que j’ai évoquée ci-dessus.

Ainsi doivent normalement être soumis au Peuple Français les choix fondamentaux sur son avenir, les choix éthiques qui représentent les “cas limites” du droit, ceux que les textes existants ne pouvaient envisager. Dans la mesure où depuis une quarantaine d’années, les français ont été de moins en moins consultés sur ces cas, on peut dire que notre système est sorti de l’état de droit ou plutôt qu’il y a eu abus de l’état de droit. Ainsi en est-il de l’abolition de la peine de mort, de l’adhésion au Traité Constitutionnel Européen, de la non consultation des français sur la politique migratoire, de l’extension du rôle du Conseil Constitutionnel ou de diverses décisions prises par le Conseil d’Etat… Non seulement, ces choix auraient dû remonter aux citoyens, à qui on doit demander de se positionner non pas en partisans mais en philosophes, ou au Parlement.  Ainsi quoi qu’on pense des décisions elles-mêmes, elles ont été prises contre l’état de droit. A l’inverse, la loi Weil sur l’avortement, votée par l’Assemblée suite à un débat exemplaire, est totalement conforme à l’esprit de l’état de droit.

La procédure de destitution du Président Macron constitue une perversion de l’état de droit. Car la loi précise que “Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat.”. Qui peut en conscience nier la pleine capacité d’Emmanuel Macron ? Ainsi, les députés qui ont validé la procédure, se conduisant en partisans et non pas en philosophes, créent la confusion entre conscience universelle et esprit partisan. Seule la première relève de l’état de droit.

L’appel entendu si fréquemment depuis le 7 Octobre au “droit international” est aussi une perversion de l’état de droit, dans la mesure où celui-ci procède de l’ONU, lui-même majoritairement soumis à des états partisans, non démocratiques, qui prendront des décisions ne reposant pas sur la conscience universelle mais sur les intérêts de pays obscurantistes, voire terroristes et de dictatures. Ces sophismes doivent être dénoncés avec force car la confiance des français en l’état de droit, confondu avec la Justice, est telle qu’elle désarme souvent toute critique.

Il n’y a pas non plus d’état de droit sans force exécutive. Un des objectifs clés du système judiciaire est la protection des citoyens et si la décision du juge n’est pas mise en œuvre, l’état tombe dans l’anarchie, la violence interminable.

Ainsi non seulement Bruno Rétailleau a philosophiquement raison lorsqu’il déclare que “l’Etat de droit n’est pas sacré” mais il est en quelque sorte en deçà de la réalité: en France, l’état de droit n’est plus, par défaut de la force exécutive. Les peines de prison sont édulcorées, raccourcies. Les zones de non droit pullulent. Les OQTF ne sont pas exécutées. Le meurtre de Philippine a précisément mis en évidence de façon criante la faillite de l’état de droit et ceux qui s’indignent des déclarations du Ministre de l’Intérieur crient d’autant plus au feu que, selon les termes du grand psychanalyste Winnicott, la catastrophe est déjà accomplie. L’effondrement tant redouté de l’état de droit a déjà eu lieu. S’ils crient si fort au scandale, c’est justement pour ne pas voir la vérité en face – très souvent, ils ont été les acteurs de l’effondrement.

Dans l’Orestie, Eschyle décrit de façon très profonde la création du premier système judiciaire. Clytemnestre assassine Agamemnon, Oreste tue Clytemnestre et l’aréopage – le jury – est créé précisément par Athéna, la sagesse, pour mettre fin au cycle de violence interminable. Un processus formel de vote est mis en place mais au dernier moment Athéna en modifie les règles en décrétant qu’en cas d’égalité de voix, Oreste sera acquitté. En sortant de l’état de droit, elle rend possible l’état de droit. Une part d’humain, une part de divin – appelons le “conscience universelle”, la conscience qu’il n’y a pas de justice purement procédurale, Eschyle en savait déjà plus que nous sur l’état de droit.

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Le temps de l’innocence, d’Edith Wharton, au programme des classes prépas 13 août 2024

Par Thierry Klein dans : Critiques,René Girard.
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Il doit y avoir quelque part, haut placé au Ministère de l’Education Nationale, un réactionnaire masqué qui définit les merveilleux programmes de français des prépas scientifiques. Ces programmes, depuis deux ans, constituent une déconstruction en règle de toute la rhétorique de gauche qui soumet toute la société à l’hypertrophie des droits de l’individu. En 2023, c’est le “droit à la paresse” qui était déconstruit, le programme allant pile poil à l’auteur clé pour moi sur ce sujet, Simone Weil (“Conditions pour un travail non servile”). La deuxième partie du programme, “Faire croire”, permettait de relativiser largement la notion, aujourd’hui mise à toutes les sauces, louée, hypertrophiée par l’extrême-gauche, de “désobéissance civique” (avec Hannah Arendt, là encore remarquablement pertinente et permettant de réfléchir sur les moments où ce concept peut être ou ne pas être justifié) ainsi que de comprendre les ressorts du discours totalitaire menant à la violence, typique de partis tels que le parti nazi à l’époque, typique de partis tels que LFI aujourd’hui.

En 2024, ce haut fonctionnaire masqué, que j’aimerais vraiment rencontrer, qui sauve l’honneur de l’Education Nationale, a récidivé et enfoncé le clou: le thème du programme 2024 est encore plus explicite, actuel et politique: “La communauté et l’individu”. Pourtant, ce thème n’est abordé qu’à travers des œuvres classiques très anciennes. Eschyle, naturellement;  Spinoza, bien sûr; il manque “Le contrat social” (mais on aura sans doute pu en parler en classe autour de Hannah Arendt) mais surtout, surtout !, il y a cet extraordinaire roman d’Edith Wharton, “The age of innocence”, écrit il y a une centaine d’années qui aborde, entre autres, le thème de la contrainte sociale, du politiquement correct, des “codes” que fait peser la société New-yorkaise sur ses membres. Ces phénomènes, les élèves n’en ont le plus souvent aujourd’hui qu’une vision unilatérale, militante, statistique,  sociologique – via Bourdieu et ses descendants “déconstructeurs”. 

Le point de vue d’Edith Wharton en tant que romancier est radicalement différent. Là où la sociologie utilise une sorte de télescope tentant d’analyser de loin la tendance statistique d’un groupe, elle se sert elle d’un microscope pointé sur chaque individu pour étudier les répercussions psychologiques du groupe sur l’individu. On oppose souvent la soit-disant “objectivité” de la sociologie à la “subjectivité” du romancier pourtant cela n’a aucun sens tant l’approche de Wharton est clinique et pour tout dire, anthropologique puisque ce roman est en fait la description d’une exclusion rituelle, tribale, d’un des membres du groupe. Le langage anthropologique, sacrificiel, religieux est partout présent chez Edith Wharton. 

Quelques exemples:

“L’individu est presque toujours sacrifié à ce qu’on pense être l’intérêt collectif.”

“Il fut frappé par la dévotion religieuse des femmes américaines, même les plus candides, envers la signification sociale de la robe.”

“Certaines choses devaient absolument être accomplies et parmi elles […], selon le vieux code New-yorkais, il y avait les manifestations de soutien tribales à une parente en voie d’exclusion de la tribu. […] C’était la façon qu’avait New-York de prendre la vie “sans effusion de sang. ”

On pense à Proust (qu’Edith Wharton avait évidemment lu – “Le temps de l’innocence”  est aussi une histoire de “salons”), à l’exclusion de Swann ou de Saniette du salon des Verdurins et à l’analyse qu’en fait René Girard, arrivé à la compréhension anthropologique du meurtre collectif via le roman :

“ Les rites d’union sont des rites de séparation camouflés. On n’observe plus ces rites pour communier avec ceux qui les observent pareillement, mais pour se distinguer de ceux qui ne les observent pas.”

Ainsi le point de vue du romancier, aujourd’hui décrié, est à la fois antérieur à celui du sociologue et plus profond car la communauté sociologique fonctionne aujourd’hui, à son corps défendant, comme la haute société new-yorkaise et le salon des Verdurins, qu’elle croit dénoncer. Elle a ses propres rites d’inclusion et d’exclusion. Le romancier, ou son lecteur, comprennent tout ceci alors que le sociologue et son étudiant passent à côté. Et on touche du doigt tout le paradoxe moderne: un grand nombre de disciplines qui croient aller au-delà de la critique classique, la dépasser, sont en fait l’objet même de la critique classique, et ce depuis plus de 2 000 ans.

Il y a aussi ces observations stupéfiantes de lucidité d’Edith Wharton sur la façon dont la société new-yorkaise gère ses transitions.

“C’était ainsi que New York gérait ses transitions: conspirant pour les ignorer jusqu’à ce qu’elles soient accomplies, et alors, en toute bonne foi, imaginer qu’elles avaient été accomplies depuis longtemps. Il y avait toujours un traître dans la citadelle et après qu’il eut donné les clés, quel avantage y avait-il à la déclarer imprenable ?”

Sur ce plan, la société progressiste actuelle est infiniment proche de la haute société new-yorkaise de l’époque. Ce n’est nullement un hasard puisqu’elle en est en quelque sorte la mère (via l’influence des philosophes déconstructeurs français) et la  fille (via l’export culturel des courants sociaux américains vers l’Europe dans les 30 dernières années).  Je vous donne quelques exemples d’applications récents tirés de l’actualité (et vous laisse en découvrir d’autres).

  • La négation pendant 50 ans des effets de l’immigration, suivie de l’observation qu’il est trop tard pour revenir en arrière.  « Notre peuple s’est créolisé, le peuple français a commencé une sorte de créolisation. il ne faut pas en avoir peur, c’est bien. On avance, on vit » (Jean-Luc Mélenchon, après avoir pendant des dizaines d’années minimisé ou nié l’importance du phénomène migratoire). Ce point de vue présente de multiples variantes, fausses mais énoncées probablement en toute bonne foi, comme “Historiquement, la France a toujours été une terre de migration”).
  • La non reconnaissance de la baisse de niveau en orthographe depuis 40 ans, suivie de l’observation, une fois cette baisse de niveau accomplie, qu’améliorer le niveau ne sert à rien. “Ca ne sert à rien d’étudier l’orthographe qui n’est qu’un code social arbitraire et inutile” a récemment déclaré Franck Ramus, membre du conseil scientifique de l’éducation Nationale. De multiples universitaires, les mêmes qui annonçaient fièrement que la baisse de niveau était une illusion, qu’en fait le niveau moyen montait, ont adopté ce point de vue. 
  • Le refus par les Verts de relancer les programmes nucléaires au prétexte qu’il serait trop tard, puisque les réacteurs planifiés aujourd’hui ne seraient pas prêts avant 2040. Depuis 50 ans, les Verts, avec succès, ont retardé ou tué les programmes nucléaires les prétendant superflus, en prônant le développement d’énergies alternatives qui sont très loin de pouvoir subvenir aux besoins énergétiques. Plutôt que d’utiliser la technologie la plus intéressante pour lutter contre le réchauffement, ils décrètent que la transition est accomplie.

Pour René Girard1, tout grand roman est l’histoire de la conversion chrétienne du héros et c’est à mon sens bien ainsi qu’il faut interpréter le choix ultime de Newland. Au dernier moment, alors qu’il peut renouer le contact avec Mme Olenska, 25 ans après son renoncement contraint, il renonce à la voir et son sacrifice subi se transforme en sacrifice consenti ce qui est l’archétype de la position chrétienne. On pense au Drogo à la fin du désert des Tartares ou, évidemment, au temps retrouvé chez Proust. 

Les événements qui vont déterminer le destin de Newland Archer s’enchaînent pour lui de façon inexorable, mécanique et selon une logique qui lui est extérieure. Il les vit comme le héros d’une tragédie grecque – retour à l’Eschyle du programme, le destin étant symbolisé dans le roman par la combustion et l’effondrement des bûches dans la cheminée, qui accompagnent chaque coup de théâtre tragique. Mais nous ne sommes plus en Grèce et ce ne sont plus les Dieux qui sont responsables du destin de Newland. En toute rigueur, ce n’est peut être même pas non plus “la société” (qui est aux sociologues ce que les Dieux étaient parfois à la Grèce, un bouc émissaire de circonstance). Le responsable direct est Archer Newland lui-même. Le roman le désigne mais ne le nomme pas, ne l’accuse pas et c’est peut-être (voir ci-dessous) ce qui crée l’atmosphère de poésie.

Archer Newland, s’il analyse parfaitement a posteriori les ressorts sociaux de son environnement traverse son histoire en aveugle car sa compréhension de ce qui se joue est toujours tardive, comme celle d’Oedipe chez Sophocle. C’est Mme Olenska qui le pousse à exprimer ses sentiments, en lui montrant qu’elle a compris la signification des roses jaunes qu’il lui envoie. Il comprend trop tard qu’il en est amoureux et c’est lui qui lui conseille de ne pas divorcer – il croit ainsi lui éviter un scandale alors que ce divorce la rendrait libre de l’épouser. Il comprend trop tard aussi qu’il est le jouet de la société new-yorkaise et que sa femme est moins candide qu’elle n’en a l’air. C’est elle qui convainc Mme Olenska de ne pas s’engager dans une relation en lui annonçant qu’elle est enceinte. 15 jours plus tard, elle convainc Archer en lui annonçant à nouveau la même nouvelle. A chaque fois, Archer décode ce qui se passe avec un certain retard, ce qui l’empêche d’agir comme il le souhaiterait. On pourrait parler de victime consentante.

Contrairement à Proust, tout le roman baigne dans une atmosphère de nostalgie et de poésie incomparable, émouvante, poignante – j’avoue avec une certaine honte que pour cette raison, je mets Edith Wharton devant Proust, au moins jusqu’au Temps Retrouvé. 

L’atmosphère rappelle par moments, je ne sais pourquoi, celle du Grand Meaulnes. Ou plutôt si, je sais pourquoi: parce que le roman peut se lire à deux niveaux. Entre Newland Archer et Mme Olenska, il s’agit d’une histoire très courte et inachevée. Tout œuvre poétique résulte d’une transfiguration et dans le Grand Meaulnes, l’histoire réelle du héros est, on le sait, celle d’un échec amoureux, d’un amour qui n’a jamais commencé, Alain Fournier ayant simplement croisé dans Paris une jeune femme qui a refusé ses avances. Je fais l’hypothèse que la Madame Olenska, qui fuit à Paris (comme Edith Wharton l’a fait) par idéal,  pour éviter que son amant ne trahisse sa femme, l’amitié, la société new-yorkaise…, c’est Edith Wharton elle-même. Edith Wharton qui se décrit de façon sublime et émouvante, “différente”, comme elle aurait souhaité que l’homme qu’elle aimait la vît. Et que Newland Archer, comme beaucoup d’hommes, n’a simplement pas voulu rompre son mariage par simple respect des conventions et peur sociale, parce qu’il n’était pas assez amoureux. Ainsi, comme Mlle de Galais, Newland Archer n’est peut-être qu’un fantasme sans réalité, il s’agit, de façon infiniment banale et horrible, d’un amour non réellement partagé. Le soit-disant comportement vertueux de Newland tient au mieux du manque de courage, au pire de l’indifférence. Edith Wharton, comme Alain Fournier, le sait sans vouloir l’exprimer clairement au lecteur et au-delà de l’analyse sociale, remarquable, la lumière poétique, tragique, douce-amère du roman provient de cette transfiguration: rendre idéal un amour qui n’a pas été.

Le seul défaut de ce programme ? La traduction française indigente (pourtant prescrite par le programme !) chez Garnier Flammarion. Indigente parce qu’elle omet des passages entiers – environ ¼ de l’œuvre a été expurgée dans le plus pur esprit “Reader’s Digest”. Les élèves ne liront pas Edith Wharton mais une œuvre différente, inférieure et moins subtile que l’œuvre originale. J’espère que les profs de français rectifieront et utiliseront une traduction intégrale. L’anglais d’Edith Wharton est trop complexe pour 99% des élèves de prépa mais une telle œuvre justifierait une collaboration avec les professeurs d’anglais pour que des passages puissent être travaillés en VO.

Quoi qu’il en soit, le programme de Français des deux dernières années permet aux ingénieurs qui seront capables de le recevoir de comprendre le monde et d’y avoir un impact positif qui va au-delà de la simple et facile “dénonciation gauchiste du système capitaliste”. On a vu récemment des ingénieurs d’Agro Paris Tech refuser leur diplôme au nom d’une remise en cause bien-pensante et convenue de “l’ordre capitaliste”. Le programme de français donne aux ingénieurs  les armes pour résister intellectuellement à cette propagande, que ce soit au niveau de la compréhension profonde de ce qu’est le travail, la liberté individuelle, la pression sociale, la propagande politique intense à laquelle ils ont été soumis, malheureusement via l’école, dès leur plus jeune âge. Au moment où le niveau s’effondre, tous les espaces gagnés sur l’obscurantisme sont bons à prendre.

  1. Mensonge romantique et vérité romanesque ↩︎
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De Voltaire à Robespierre, retour sur une mise en Cène polémique 27 juillet 2024

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Deux scènes de la cérémonie d’ouverture des JO ont concentré l’essentiel de la polémique.

La première, c’est le détournement de la Cène, de Léonard.

Dans la Cène de la Cérémonie d’ouverture, Jésus est remplacé par un femme obèse, dûment entourée d’une auréole-diadème pour lever toute ambiguïté. Le metteur en scène a respecté la composition initiale (4 groupes de 3) du tableau mais tout est en quelque sorte nié et inversé. Les apôtres sont remplacés par une brochette de personnages noirs, trans, queer, femme à barbe. L’apôtre Thadée lève le bras gauche au lieu du droit, etc.

Dans certains pays, le blasphème est toléré, mais le tolérer, c’est déjà le reconnaître, peser le droit des religieux à ne pas se sentir offensés, à défendre leur vision de Dieu contre celle des athées – le rapport de force étant par nature instable et pouvant toujours évoluer en défaveur des athées. En France, nous avons eu beaucoup d’avance : “la République ne reconnaît aucun culte” (loi de 1905, article 5) et c’est une très bonne chose. Ce n’est pas que le blasphème est toléré, c’est qu’il n’est au sens propre, pas reconnu. Dieu n’est pas une entité juridiquement opposable (ou alors, il n’a pas d’ayant droit reconnu). Circulez, y’a rien à voir.

Ceux qui s’offusquent devant l’image détournée de la Cène sont donc coincés. Ces droitards sont souvent les mêmes qui ont défilé en faveur des caricatures de Charlie-Hebdo et si leur indignation est sélective, c’est évidemment parce qu’ils ne défendent la laïcité que lorsqu’elle s’en prend à l’Islam. Les voilà donc catalogués racistes (islamophobes) et conservateurs (défense de la religion catholique), voire incultes (le tableau initial de Léonard est lui-même volontairement et agressivement anachronique, les apôtres étant situés au sein d’un décor Renaissance, il n’y a donc aucun péché, juste un clin d’oeil, à le détourner lui-même à nouveau).

Un droitard – ou même un gauchiste tendance Jaurès, c’est aujourd’hui souvent la même chose – pourra toujours rétorquer que l’attitude du metteur en scène n’est pas particulièrement courageuse. S’en prendre au catholicisme n’est pas risqué, c’est même tendance en France, depuis au moins Molière. Un tel détournement appliqué à l’Islam aurait engendré des troubles planétaires et aurait donc été bien plus subversif, mais après tout, on est dans le domaine de liberté de l’artiste: à lui de choisir sa cible. Et la Religion est une cible.

Mais ce faisant, on méconnaît profondément la cible de Jolly qui n’est pas la religion, mais bien le catholicisme. Ce n’est pas la Religion, opium du peuple, qui est attaquée au nom d’une entreprise d’émancipation universaliste d’inspiration Voltairienne ou marxiste, mais le catholicisme. Ce n’est pas par hypocrisie ou par crainte mais bien par conviction que seul le catholicisme est attaqué. Le catholicisme représente tout à la fois la Bourgeoisie, la blanchité, le capitalisme, les cisgenres, la France périphérique, le colonialisme, la réaction et en tant que tel, il est opposé à toutes les aspirations du bloc islamo-gauchiste: prolétariat diversité, inclusivité (qui exclut), théorie du genre, France des villes et discours intersectionnel décolonial. Dans cette lutte, l’Islam est préservé, il est même un allié, en tant que religion des prolétaires et des colonisés. Il n’y a plus aucune aspiration universaliste dans cette représentation de gauche. Elle est simplement cathophobe. La laïcité sert d’alibi à l’intolérance religieuse crasse, tribale.

Ceux qui ont aimé comme ceux qui ont détesté ont parfaitement senti tout cela. Nulle hypocrisie. On s’en est pris volontairement aux cathos, pas aux religions dans leur ensemble. Intégristes et athées, il faut les lire de façon littérale, au premier degré.

Le deuxième tableau est celui de Marie-Antoinette décapitée, scène crue et macabre où on voyait le coup coupé de Marie-Antoinette tenant dans sa propre main sa tête qui parlait. Tableau rouge sang mais dans un style peu réaliste – et Marie-Antoinette sourit – pour en atténuer l’horreur.

Il reste que dans une cérémonie presque totalement dénuée d’Histoire au sens grandiose du terme, le seul personnage marquant de l’histoire de France pour le réalisateur, Thomas Jolly, assisté de l’historien officiel de la Cour de gauche, Patrick Boucheron, c’est la guillotine, la Terreur et toute la radicalité qui va avec. Robespierre (récemment réhabilité par Mélenchon et Antoine Léaument) ou Staline plutôt que de Gaulle, Napoléon ou même Jaurès. Eugénie Bastié a finement résumé la situation en parlant de “Puy du Fou woke”.

Là encore, les politiques ne s’y sont pas trompés. Aurélien Saintoul, député LFI et St-Just au petit pied lors des commissions parlementaires anti-Bolloré a adoré le tableau de Marie-Antoinette et la “liberté d’expression” dont a fait preuve Thomas Jolly. Marion Maréchal, moins. Et même Sandrine Rousseau a changé de vision sur les Jeux !

Cette magnifique cérémonie, profondément française malgré tout, allant même jusqu’à une forme de ringardisme kitsch assumé puisqu’elle tenait aussi de l’Eurovision (même si là c’est la France qui gagne), de Champs-Elysées (le premier Champs-Elysées post Drucker, mais la bande son a été intégralement respectée), de Maritie et Gilbert Carpentier (en un peu plus long et beaucoup plus cher qu’à l’époque), est la meilleure et la pire qu’un réalisateur de grand talent pouvait réaliser quand en même temps il laisse libre cours à son idéologie haineuse, intolérante, raciste – et en toute bien-pensance.

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A propos des élèves sous notés du Lycée juif Yabné. 12 juillet 2024

Par Thierry Klein dans : Non classé.
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Les données fournies par l’Education Nationale contredisent ses propres conclusions. Sur les 28 élèves ayant eu une note inférieure à la moyenne (graphique ci-dessous), 22 viennent de Yabné (soit 80%), alors que Yabné ne représente que 42% des élèves (72 / 169). Yabné est un très bon lycée, en général largement supérieur au niveau du public local: on aurait attendu bien moins de 42% de « mauvais » élèves.

Le délai de réponse inférieur à 24h du Ministère est aussi tout à fait inhabituel pour qui connait l’Education Nationale. Tout laisse à penser que la Ministre s’est « saisie » après avoir déjà eu en main un premier rapport « positif » de ses équipes (l’affaire était sortie depuis 8 jours). La forme avancée du « pas de vagues » : on communique de façon rapide pour éteindre l’incendie mais on continue à détourner le regard.

A ce stade, il importe de corréler ces notes 1) au notes du bac en maths et physique des 22 élèves et 2) à leur niveau réel en maths et physique d’après leur bulletin. S’il y a anomalie (ce dont je suis presque certain), enquêter sur le contenu ayant été abordé en grand oral et sur le profil politique des profs.

Le drame dans lequel sombre le pays est le suivant : sur Twitter, tous les comptes pro-palestiniens, antisémites, EELV et LFI (largement confondus) prennent le parti du Ministère au nom de « l’auto-sémitisme », terme censé dénoncer le tropisme juif à se victimiser en toutes circonstances pour obtenir des avantages. A l’inverse, les élèves sont soutenus a priori par toutes les associations juives et pro-Israel (largement confondues). Personne ne raisonne et les arguments étant symétriques, un observateur neutre aurait tendance à renvoyer les parties dos à dos.

Suis-je donc aussi victime de cet esprit de clan, que j’abhorre pourtant, quand je trouve que les données aujourd’hui en notre possession corroborent la thèse des élèves plus qu’elles ne l’infirment ? L’avenir le dira, du moins je l’espère.

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Bienvenue dans la 6ème République 5 juillet 2024

Par Thierry Klein dans : Politique.
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J’ai fait un petit calcul.

En bleu le nombre de sièges par parti si l’élection s’était jouée à la proportionnelle d’après les résultats du 1er tour.

En orange, les prédictions des sondages actuels. A la marge d’erreur des sondages près, les 2 colonnes sont identiques.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Que du fait de la stratégie de désistement « Front Républicain », l’Assemblée « tend » vers les résultats du 1er tour. Tout se passera comme si l’assemblée était issue d’un mode de scrutin proportionnel à un tour.

On a changé de République et deux l’ont parfaitement compris: Mélenchon, qui appelle ce changement de ses vœux depuis 10 ans et Glucksmann, qui ce matin, a justement comparé l’assemblée au parlement européen (issu du scrutin proportionnel à un tour) et a souhaité un nouveau mode de fonctionnement plus « collaboratif », « sur le mode du parlement européen ».

Dans la réalité, soit LFI ne votera aucun projet qui n’est pas dans son programme. La situation sera bloquée puisqu’on ne pourra dégager aucune majorité. Soit LFI obtiendra des concessions exorbitantes et imposera des lois très à gauche que personne ne souhaite (sur le mode de fonctionnement, par exemple, du gouvernement israélien).

Bienvenue dans la 6ème République.

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La France ne s’effondrera pas demain, elle s’est déjà effondrée 29 juin 2024

Par Thierry Klein dans : Politique.
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A tous ceux qui vivent l’arrivée possible du RN au pouvoir comme un effondrement, je rappelle simplement que le grand psychanalyste Winnicott décrit la crainte de l’effondrement comme la crainte d’une catastrophe déjà arrivée.

La réaction de défense du patient – la névrose ou la psychose – n’a pas d’autre objectif que de cacher la réalité suivante : dans le passé du patient, l’effondrement tant redouté a déjà eu lieu. Le patient vit la même situation que les héros de l’Enfer de Sartre : Il redoute l’enfer alors qu’il y vit ; ce faisant, il vit un enfer sans avoir le moins du monde conscience d’y être. Et le travail thérapeutique du médecin vise grosso modo à lui faire comprendre alors que « le malheur, c’est maintenant ! » (vaste programme).

Que redoutent donc ceux qui luttent contre l’effondrement ? Si je prends l’exemple de l’antisémitisme, il est facile de le voir. La réalité, c’est que l’antisémitisme est déjà de retour. Non pas sous sa forme historique, Célinienne, Maurrassienne, mais réimporté et puissamment renouvelé en France via l’immigration qui a débuté dans les années 60. Les mêmes qui crient au scandale à propos de l’antisémitisme « historique » du RN détournent pudiquement les yeux quand il s’agit d’antisémitisme arabo-musulman. S’ils crient si fort au scandale, c’est JUSTEMENT parce qu’il ne faut pas regarder cette vérité en face. Les pauvres, on pourrait les traiter d’islamophobes. Couvrez donc cet antisémitisme que je ne saurais voir.

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Pas une tribune pour le RN…

Par Thierry Klein dans : Politique.
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10 tribunes. Entre hier et aujourd’hui, je recense pas moins de 10 tribunes de « citoyens engagés appelant à voter contre le Rassemblement National ».

Des collectifs de personnalité (Libé), les auteurs de BD (qui emmerdent le RN), le Collège de France, la RATP (!), Le Rock (qui emmerde le RN), des universitaires, le Conseil Scientifique de l’EN et même des chefs d’entreprise pour le NFP (Libé) ! Et bien sûr des sportifs.

Tout citoyen, tout collectif de citoyens est fondé à donner son opinion en démocratie et ces tribunes n’ont rien de choquant. Ce qui est choquant, c’est qu’alors que le RN va faire demain entre 30 et 40% des voix, vous ne trouvez pas la moindre tribune EN FAVEUR du RN. Il n’y a pas 10 personnes un peu connues qui ont jugé bon de rédiger un petit communiqué en commun pour dire pourquoi elles voteront RN.

Cette unanimité apparente est le vrai problème démocratique.


Conseil Scientifique de l’EN : https://www.lemonde.fr/…/lorsque-les-ideologies…

Collège de France : https://www.liberation.fr/…/elections-legislatives-le…

Les ingénieurs des grandes écoles (en écriture inclusive) : https://www.humanite.fr/…/nous-ingenieur-es-rejoignons…

La RATP : https://www.lejdd.fr/…/legislatives-la-ratp-menace-de…

Des universitaires : https://www.liberation.fr/…/legislatives-luniversite…

Le rock emmerde le RN : https://t.co/gqcFPmw0K1

Les auteurs de BD (« plus au temps de Tintin au Congo !) : https://www.francetvinfo.fr/…/legislatives-2024-des…

Les étudiants de l’école du Louvre…

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L’extrême-droite est-elle vraiment plus antisémite que l’extrême-gauche ? 28 juin 2024

Par Thierry Klein dans : Non classé.
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Notes de lecture rapide du rapport annuel de la CNCDH pour l’année 2023 : « La lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie ».

Je me suis intéressé à ce rapport parce qu’opportunément sorti hier, il est repris sur toutes les télés et radios (et évidemment sur X) pour affirmer qu’il y aurait moins d’antisémitisme à l’extrême gauche (LFI), qu’à l’extrême droite (RN). C’est ce graphique en particulier qui tourne en boucle, il est repris par toute l’islamo-gauchosphère :

Je ne connaissais pas la CNCDH qui est un  « machin » officiel issu d’une loi de 2007. Sur la forme, rapport très bien présenté de 351 pages (!). Toute la charte graphique est destinée à accréditer l’idée d’une organisation institutionnelle et sérieuse. Usage massif des couleurs bleu-blanc-rouge, copie du texte de loi définissant la mission dans les premières pages. Sur la page de couverture, un tampon « Rapporteur national indépendant » destiné à apporter encore plus de crédibilité. Indépendant, peut être, mais nous le verrons, pas neutre.

Un rapport marqué à gauche

Le rapport m’est immédiatement apparu extrêmement marqué à gauche. Il en reprend tous les éléments de langage, le style, les stéréotypes. Je ne vais pas m’étendre là-dessus, tout ceci est apparent dès l’introduction (p.13). De tels passages constituent pour moi des morceaux de bravoure (p.13).

Ainsi, la recrudescence des actes antisémites est liée autant au Hamas qu’à la « brutalité de la riposte israélienne » : des juifs en sont donc responsables. Et elle alimenterait le degré d’insécurité des musulmans, « pour des raisons différentes » (mais évidemment non expliquées).

Ou encore (p. 229)

Ainsi, les « individus » ont toujours tort et les chercheurs toujours raison (surtout s’ils sont de gauche !). C’est la version scientifiquement correcte du « sentiment d’insécurité » dont parle Dupond-Moretti pour nier l’insécurité.

La confusion assumée entre « islamophobie » et « racisme anti-musulmans »

Le rapport utilise le terme islamophobie en lieu et place du terme anti-musulmans, ce qui n’est pas la position officielle de l’état français mais celle des frères musulmans, qui font ainsi passer toute aversion envers l’Islam pour une aversion contre les musulmans, de façon à essentialiser les musulmans. Or en France, on a le droit, protégé depuis 1905, de ne pas aimer les religions – mais évidemment pas celui de discriminer quiconque en fonction de sa religion. L’antisémitisme (aversion contre les juifs) est donc mis au même niveau que l’islamophobie, terme volontairement ambigu (p. 192, p. 209)…

L’islamophobie est prise en compte comme un facteur de racisme dans les statistiques (p 229) ce qui a pour effet potentiel d’augmenter l’importance du racisme anti-musulmans dans le rapport. Ce refus de lever l’ambigüité du terme « islamophobie » est évidemment volontaire: les auteurs sont tout à fait conscients du problème mais assument l’usage du terme « passé progressivement dans le champ des recherches internationales » (qui évidemment sout toutes de gauche !).

Il va alors de soi que pour les auteurs, la laïcité, au sens classique du terme est islamophobe. Ils conçoivent uniquement la laïcité, qu’ils ne comprennent pas, comme un œcuménisme, pas comme la défense du droit de ne pas croire.

Ci-dessous, un tel tableau (p.242) dans la partie scientifique du rapport est extrêmement grave car le sentiment « anti-juifs », qui tient du racisme, y est mis sur le même plan que le sentiment « anti-islam » qui tient de l’opinion sur une religion et non sur un individu. Tout marxiste, par exemple, est normalement « anti-islam », la religion étant l’opium du peuple. Ainsi, pour les auteurs du rapport, le marxisme est un préjugé islamophobe…

Un rapport de propagande

J’ai googlé au hasard 3 des auteurs du rapport (sur une vingtaine d’auteurs, p.12) et bingo ! Je tombe sur des profils très à gauche. Léna Collette est chez Amnesty International (ONG au mieux anti-israélienne, au pire anti-sémite), Christian Laval prof de socio à Nanterre est un ancien d’Attac, Anaïs Schill  relaie sur son LinkedIn des appels de gauche (pro-palestiniens, anti-RN…). Je vous laisse poursuivre.

Il s’agit donc, et il faut le lire comme tel, d’une œuvre de propagande sous couvert d’un rapport objectif, que cela constitue ou non la volonté consciente des auteurs. Comme souvent, le côté apparemment officiel, « neutre » et « scientifique » du rapport masque une idéologie. Ceci ne veut pas dire que les chiffres soient faux, le travail malhonnête, etc. Mais il y a des biais évidents. Et partout.

Je me concentre maintenant sur la partie « scientifique » du rapport intitulée « Regards de chercheurs » (p223).

L’utilisation de termes prêtant à confusion, car détournés de leur sens habituel: la tolérance

Cette partie multiplie les clichés. D’abord un « indice de tolérance » est défini. Le beau mot de tolérance est évidemment connoté positivement, donc plus l’indice est haut, mieux c’est. Le problème est que l’indice est calculé à partir de questions stéréotypées posées aux sondés. Par exemple, si je réponds oui à la question « les immigrés sont la principale source de l’insécurité », cela tient de l’observation de la réalité et ça n’a rien à voir avec la tolérance. Ainsi, de nombreuses questions posées sont abusivement rattachées à l’indice de tolérance ou de racisme ce qui fait que grosso modo, l’indice de tolérance devient un gloubi-boulga correspondant en réalité à la question suivante : « êtes vous de gauche, inclusif, moderne ? ». Et le chercheur n’a alors aucun mal à conclure que :

  • « Les jeunes sont plus tolérants ». Son interprétation est qu’ils se sont débarrassés des préjugés racistes des ainés, la mienne est qu’ils sont subi la propagande et surtout la chute de niveau de l’école française qui a sérieusement entamé leur capacité critique.

  • « Les diplômés sont plus tolérants » (pour le chercheur, parce que l’éducation libère des préjugés ; pour moi parce que les parcours supérieurs actuels sont bourrés des préjugés dont le chercheur recherche la confirmation).

Je pourrais être en phase avec ça. Mais ce que l’auteur ne voit peut être pas, c’est que l’école et l’université actuelles forment les étudiants à partager les mêmes préjugés politiquement corrects, comme on a pu le voir récemment à Sciences-Po, plutôt qu’à critiquer ces préjugés. Cette formation sectaire, « woke », couplée à la chute de niveau entame au contraire fortement la capacité critique des étudiants (comme elle a entamé, semble-t-il, la capacité critique de l’auteur du rapport).

  • « La gauche est plus tolérante » (est de gauche tout ce qui partage les préjugés du chercheur)
Les journalistes télé et radio ne prendront pas la peine de lire tout le rapport. Ils retiendront en mode lecture rapide que la gauche est plus tolérante que la droite, moins ethnocentrée que la droite, etc. Pourtant, la tolérance ou l’ethnocentrisme au sens du rapport n’ont rien à voir avec la tolérance ou l’ethnocentrisme au sens commun des mots.

L’extrême droite est-elle plus antisémite que l’extrême gauche ?

Les données « montrant » que l’antisémitisme est plus fort à l’extrême droite qu’à l’extrême-gauche, sont faibles et contradictoires. L’antisémitisme d’extrême-gauche serait plus fort fin 2022 (48) que fin 2023 (35), après les massacres du 7 Octobre ! Et en 2023, l’antisémitisme chez LFI (36) serait égal à l’antisémitisme chez LREM… Tout ceci est très surprenant.

A noter que l’image d’Israël a été étudiée indépendamment et que cela inverse les résultats (p. 267). Ci-dessous, l’extrême gauche est à 53, le centre à 39 et l’extrême-droite à 33. Ainsi, les auteurs semblent assez fins pour interpréter, d’autorité, la laïcité comme un cache-nez de l’islamophobie mais pas assez fins pour comprendre que dans 90% des cas, l’antisionisme, ou l’aversion d’Israël, est le cache-nez de l’antisémitisme. Ils estiment pertinent de rassembler en une seule catégorie le racisme anti-musulmans et l’aversion envers l’Islam mais séparent l’antisémitisme de l’aversion envers Israël. Comme disait Churchill:

« Je ne crois qu’aux statistiques que j’ai modifiées moi-même ! »

Cet autre graphique (p.269) contredit aussi les conclusions sur l’origine de l’antisémitisme. On voit que la responsabilité d’Israël dans le conflit est maximale à gauche, minimale à droite.

L’antisémitisme d’origine musulmane

Surtout, ce qui apparaît mais n’est pas explicitement souligné dans le rapport, c’est l’antisémitisme extrêmement fort d’origine musulmane (p.253).

Ainsi, le score d’antisémitisme musulman est à 62 (41+21). C’est bien au dessus de l’antisémitisme des partis, quels qu’ils soient (LFI est à 35…). Ceci est confirmé par l’analyse du Tableau 20, p244, où ceux qui expriment le plus fort sentiment de communautarisme juif sont très probablement musulmans (Colonne dim 3 du tableau).

Et on voit aussi, malheureusement sans commentaire, que le « vieil antisémitisme » (les clichés tels que juifs et argent, juifs et pouvoir…) est à 0,34 à l’extrême-droite mais à 0,48 chez les musulmans.

Les données sur l’antisémitisme en fonction de la couleur politique semblent aberrantes

Les données brutes de l’étude ne sont malheureusement pas fournies ni détaillées dans le rapport (c’est vrai qu’il ne fait que 350 pages !). Mais il semble qu’il y ait des imperfections (ou des subtilités non détaillées) dans la manière dont l’antisémitisme a été quantifié. Le rapport mentionne 5 critères mais seulement 4 sont détaillés dans le tableau récapitulatif (n°20, p.243) et l’antisémitisme n’est pris en compte qu’à partir de 2 critères positifs (tableau 24): pourquoi ? Il est possible que l’étude n’ait pas donné de résultat réellement probant, ou analysable, concernant la relation entre antisémitisme et couleur politique et que cette relation ait dû être artificiellement amplifiée. Le tableau 24 va en ce sens: l’antisémitisme y est présenté comme faiblement corrélé à l’échelle gauche-droite, contrairement à l’aversion à l’Islam.

Ainsi, il y a un problème flagrant de catégorisation et de cohérence dans les données. Mais il fallait bien pouvoir servir à la Presse l’essentiel, le message de la bonne gauche bien pensante :

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Faut-il suspendre le droit du sol ? 27 juin 2024

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Depuis des centaines d’années, la France applique le droit du sol. Les rois l’ont d’abord probablement appliqué par intérêt « démographique »: plus la France était peuplée, plus elle était puissante, plus elle était capable de faire la guerre.

La République a récupéré le droit du sol et l’a utilisé aussi dans une vision de puissance guerrière au moins jusqu’à la seconde guerre mondiale. « Est français qui se bat pour la France, quel que soit son lieu de naissance ». Mais elle en a aussi largement étendu le concept et l’a appliqué dans une vision d’émancipation révolutionnaire et universaliste.

  • « La fin des privilèges ». Par principe fondateur, la République s’oppose à tout droit du sang puisque ce serait, sous une certaine forme, prolonger l’aristocratie. Le droit du sol est intimement lié à la fin des privilèges révolutionnaire.
  • « La démocratie libère les peuples ». Napoléon a tenté d’exporter la vision française dans toute l’Europe et, après qu’il eut échoué, la liberté et la prospérité françaises ont attiré d’autres peuples européens. Les juifs sont venus en France parce qu’ils n’y étaient pas persécutés comme en Europe de l’Est. Les Italiens, Polonais, Portugais, Espagnols…, qui recherchaient à la fois la liberté et un travail, ont immigré massivement en France depuis la fin du XIXè siècle.

La puissance d’assimilation de la France était alors très grande. En une génération, les immigrations successives se sont diluées dans notre civilisation. On ne distingue plus aujourd’hui qui fut espagnol, polonais, etc.

En revanche, on distingue parfaitement, après 3 générations, l’immigration d’origine musulmane. Je ne parle pas là des traits ethniques, dont personne n’a rien à faire sauf quelques racistes très minoritaires, mais des traits civilisationnels et religieux, tels que par exemple le voile ou l’augmentation de la délinquance. Les Français, habitués à intégrer, perçoivent aujourd’hui que leur civilisation est soluble dans l’Islam, qui a une capacité de résistance supérieure à leur pouvoir d’intégration. L’école, qui était un vecteur d’intégration majeure, est presque détruite. Les professeurs ont peur d’émanciper, si l’émancipation s’oppose à la foi islamique. L’antisémitisme est de retour et il est lié à l’Islam. Tout ça leur fait peur, tout ça me fait peur.

  • La nationalité française donnée de façon généreuse. Les opprimés, les pauvres du monde entier venaient en France et la France allait les intégrer. Dans cette capacité d’intégration, il y avait le fait que la France était généreuse dans son accueil. On donnait (assez) facilement la nationalité et la confiance dans le pouvoir de transformer les étrangers en Français était telle qu’on donnait, de façon automatique, la nationalité française aux enfants nés en France. Et ce don tenait aussi de la prophétie auto-réalisatrice: la nationalité française donnée aux enfants par anticipation permettait aux immigrés de faire leur vie ici, de s’intégrer mieux par anticipation.

Tout ceci était très sensé et même très beau, c’était une sorte de croyance optimiste dans le progrès, corroborée par les faits: « Aide toi, le ciel t’aidera ». Qui peut, à part quelques racistes ou nationalistes étroits, être contre ceci ? Les français sont très attachés au droit du sol car il est constitutif, en quelque sorte, de l’esprit de la France. Et ils ont raison d’y tenir.

Mais qui peut aussi nier que tout ça ne fonctionne plus depuis que l’immigration est d’origine musulmane, c’est-à-dire depuis les années 50 ? Qu’au contraire, les enfants sont souvent moins intégrés que les parents, l’écart s’amplifiant à chaque génération ? Les raisons sont connues et multiples: ressentiment importé des conflits coloniaux antérieurs, difficulté de l’Islam à intégrer les valeurs émancipatrices de la société française, import d’un antisémitisme musulman religieux et culturel, puissance destructrice des réseaux sociaux et j’ajoute à tout ça le travail politique néfaste de la gauche qui cultive et renforce ces problèmes dans un but purement clientéliste.

Aujourd’hui nous vivons, sur notre sol, un conflit de civilisation.

Pour toutes ces raisons, non seulement la suspension du droit du sol ne me fait pas peur mais je pense qu’elle s’impose. Nous devons reconnaître que nous ne savons plus intégrer, repenser nos stratégies d’intégration et en attendant, tout faire pour ne pas amplifier les problèmes.

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Le contre-sens volontaire de Rima Hassan sur l’œuvre de Martin Luther King 23 juin 2024

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Le tweet (raciste) publié aujourd’hui par Rima Hassan ignore que toute l’action de Martin Luther King a été bâtie sur le sentiment profond que le Sud était le produit commun des blancs et des noirs.

Le parcours de de King est complexe et ses hésitations, en particulier dans sa jeunesse, avant le mouvement des droits civiques sont nombreuses. Le jeune Luther King fut profondément influencé par la philosophie de Niebuhr et Luther King ne rejeta jamais sa vision sur « les illusions d’un optimisme superficiel à propos de la nature humaine et les dangers d’un faux idéalisme ». Pour Luther King,

« Trop [de pacifistes] témoignaient d’un optimisme injustifié au sujet de l’homme et souffraient inconsciemment d’un penchant pour l’autosatisfaction […] Ce fut ma révolte contre ces attitudes, sous l’influence de Nierbuhr, qui fit qu’en dépit de ma grande inclinaison pour le pacifisme, je ne rejoignis jamais un mouvement pacifiste. Après avoir lu Nierbuhr, je tentais de parvenir à un pacifisme réaliste [qui s’avèrera être la nom violence] ».

En d’autres termes, à cause de sa vision pessimiste sur la nature humaine, Luther King a vu le pacifisme comme un « pharisianisme d’autosatisfaction« . L’ordre chrétien d’aimer son ennemi n’impliquait pas pour lui la croyance que l’ennemi était bon, mais simplement que l’ennemi était aimable en tant qu’objet de l’amour de Dieu. La fraternité humaine découlait d’une faiblesse et d’une fragilité communes. Cette vision d’espérance dont est absent tout optimisme est typiquement évangéliste.

Ainsi, jusqu’à la fin de ses études à la Boston University, le jeune Luther King oscille et évolue entre la révolte contre la ségrégation, qui l’incite « à haïr chaque blanc, ce ressentiment persista à se développer« , écrit-il, même si ses parents lui affirmaient qu’il « ne devait pas haïr l’homme blanc, mais que son devoir était de l’aimer« . Il passa par des périodes profondes de doute, manquant de perdre la foi, se demandant si l’enseignement de l’église était intellectuellement raisonnable face aux sciences sociales qu’il étudiait.

Le compromis intellectuel qu’il élabora, la « discipline intellectuelle contre le ressentiment » (chaque mot compte et il faut entendre le terme ressentiment au sens Nietzschéen) fut à la base du mouvement des droits civiques lancé par les noirs du Sud dans les années 50. Toute cette action fut bâtie sur un sentiment commun de fraternité entre blancs et noirs.

« Nous, hommes du Sud, noirs OU blancs, ne devons pas permettre que notre héritage se voit déshonoré aux yeux du monde entier »

ou encore (citation de la maturité qui contredit totalement le tweet de Rima Hassan)

« il existe d’importantes ressources de bonne volonté chez l’homme blanc du Sud dont nous devons tirer parti ».

Les blancs du Sud, du moins ceux qui étaient en faveur de King, avaient parfaitement bien compris que King parlait de l’esprit du Sud dans sa totalité. Son appel moral ne réussit que parce qu’il s’adressait directement aux blancs du Sud (et indirectement, via les média, du Nord).

Son fameux « I have a dream » est adressé aux blancs comme aux noirs. Et bien sûr, il ne put rassembler que parce qu’il prônait la non violence (qui n’est pas le pacifisme), ce qui lui a permis d’unifier la population blanche et noire autour du meilleur du rêve américain.

« I have a dream that one day on the red hills of Georgia the sons of former slaves and the sons of former slave owners will be able to sit down together at the table of brotherhood. »

« I say to you today, my friends, so even though we face the difficulties of today and tomorrow, I still have a dream. It is a dream deeply rooted in the American dream. »

Le parcours de Mandela, chrétien lui aussi et adepte de cette philosophie du pardon, par opposition à celle du ressentiment, est très comparable à celui de Luther. Et son succès est évidemment dû, là aussi, au fait qu’il a su donner à toute la nation sud-africaine, blancs et noirs, la vision d’un avenir commun. Ainsi, Luther King et Mandela ont réussi parce qu’ils ont su s’adresser aux blancs et à cause d’une inspiration chrétienne menant, dans leur interprétation, à la non violence.

Non violence dont on a peine à croire qu’elle puisse un jour être adoptée par Rima Hassan et ses amis du Hamas. Idéologie chrétienne du pardon plutôt que de la vengeance interminable qui leur est aussi totalement étrangère.

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