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Quand on travaille avec Geogebra, on ne fait pas des maths 27 octobre 2019

Par Thierry Klein dans : Speechi.
Lu 4 fois | ajouter un commentaire

Geogebra est un programme qui permet de réaliser simplement des figures géométriques. Il est très utilisé au collège et rencontre un énorme succès (dans tous les manuels scolaires que j’ai consultés, il y a de nombreux exercices ou illustrations où on demande aux élèves de construire des figures ou de “démontrer” des propriétés mathématiques avec Geogebra). Pourtant, à quelques exceptions près, l’utilisation de Geogebra n’a rien à faire en cours de maths (et ceci quelles que soient l’excellence et la qualité du logiciel lui-même). Non seulement l’utilisation d’un logiciel comme Geogebra est inutile, mais elle est contre-productive. 

Geogebra empêche les élèves de comprendre la nature même du raisonnement géométrique

En géométrie, la précision de la figure n’a aucune importance. L’élève peut tracer une figure où les cercles sont ovales, les droites courbes, du moment que sa démonstration est exacte. Points, droites, courbes sont uniquement des abstractions, des concepts. La figure est destinée à aider l’élève à raisonner, sa précision est indifférente à la qualité de la démonstration. Erreur de fond n°1.

Il y a confusion entre la précision des figures et la démonstration

L’expression “démontrer avec Geogebra” est parfaitement impropre. Pourtant, elle est couramment utilisée dans un grand nombre de manuels scolaires. La précision de l’ordinateur étant limitée, Geogebra ne peut que montrer que certaines propriétés sont atteintes aux erreurs de l’ordinateur près. Par exemple, si deux points sont confondus sur Geogebra, cela signifie simplement que leur distance est inférieure à l’imprécision des calculs. Ce résultat est évidemment d’une qualité infiniment inférieure à la certitude de la démonstration géométrique qui prouve l’identité des points. Erreur de fond n°2, qui crée la confusion chez un grand nombre d’élèves au collège. En laissant croire que la démonstration peut être tirée de la figure, aussi précise soit-elle, Geogebra (ou du moins son utilisation) crée une barrière entre le raisonnement mathématique et l’élève.

Manipuler Geogebra prend du temps, ce temps est volé aux mathématiques

Les constructions demandées aux élèves leur prennent beaucoup de temps. Et ce temps est pris sur le raisonnement mathématique. Dans un devoir à la maison récemment demandé à mon fils, la manipulation de Geogebra prenait à peu près les deux tiers du temps passé. Or cette manipulation ne tient pas du raisonnement mathématique, mais, au mieux, consiste à apprendre à se servir du logiciel (travail qui tient du secrétariat) et à comprendre les instructions pour construire la figure (travail en soi non inutile, mais qui ne tient pas de la démonstration elle-même et qui n’est pas spécifique à la matière mathématique).

Geogebra nuit à la réflexion mathématique

Lorsque la démonstration n’apparaît pas immédiatement à l’élève, sa recherche passe souvent par la réalisation de figures ou de constructions intermédiaires qui servent de support à la réflexion. Certaines de ces constructions se doivent d’être hypothétiques ou fausses. Par exemple : “Et si ces droites ne sont pas parallèles, que se passe-t-il ?”, etc. Geogebra ne permet pas de construire des figures (visiblement) fausses; le papier et le crayon restent de loin le meilleur support (et le plus souple) pour aider l’élève à réfléchir.

L’esprit des erreurs induites par Geogebra

Un logiciel “amusant”. Pourquoi Geogebra a-t-il un tel succès ? D’abord, il y a l’idée que c’est un logiciel amusant à utiliser pour les élèves, qui leur évite de s’ennuyer, parce qu’il permet de tracer de jolies figures. C’est possible, après tout, mais moi je trouve ceci profondément ennuyeux. Et si c’est le cas, cela justifie l’utilisation de Geogebra en dessin, voire en technologie, mais certainement pas en maths. L’usage d’un tel logiciel en maths est un symptôme du renoncement à enseigner les mathématiques. 

Un logiciel “utile”. Il y a ensuite, et surtout, l’idée qu’il faut apprendre des choses “utiles aux élèves”. Et effectivement, avec Geogebra, il est facile d’obtenir la surface, le périmètre “exact” de telle ou telle figure. Ce résultat est communément qualifié d’utile parce qu’il autorise toutes sortes d’applications techniques, comme déterminer précisément la longueur de la barrière nécessaire à clôturer un champ (périmètre) ou sa production (surface). Le problème, c’est qu’accorder de l’importance à cette utilité, c’est s’écarter de l’esprit même des mathématiques. Les applications techniques n’ont nul besoin de l’exactitude parfaite qu’apportent les mathématiques, elles tolèrent en revanche parfaitement l’approximation des calculs de Geogebra. 

C’est une idée commune, mais probablement erronée, que de penser que la démonstration a été inventée en vue de son application technique. L’utilité technique des mathématiques n’est qu’une conséquence de l’invention de la démonstration, une conséquence qui d’ailleurs ne cesse d’étonner car points, droites et cercles sont des concepts purs, qui ne peuvent exister dans la nature et donc il est très surprenant que des applications techniques, et finalement tout le progrès scientifique, en surgissent. Tout élève devrait, sans doute au lycée, pouvoir réfléchir à ce paradoxe. L’usage de Geogebra l’en écarte. Les mathématiques ne sont pas là pour apprendre aux élèves des choses utiles, mais des choses vraies.

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Mon intervention au Summit OVH (Pourquoi un cursus Algora pour adultes ?) 15 octobre 2019

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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Manifestation impressionnante d’OVH à laquelle j’étais invité jeudi dernier Porte de Versailles. Pourquoi développons-nous actuellement un cursus Algora pour les adultes ? Et pourquoi spécifiquement pour les non informaticiens ? Quelle est la société #Cloud, basée à Roubaix, qui va expérimenter en premier ce nouveau cursus et quels sont ses objectifs ? Vous le saurez en regardant cette vidéo.

(Et par ailleurs, un intéressant discours de Cédric O, notre nouveau Ministre du N, sur lequel je reviendrai dans un prochain billet.)

Un grand merci à Octave, Steph et toute l’équipe d’OVH.

Le texte complet de l’intervention ci-dessous.

J’ai créé Speechi en 2004 avec pour objectif d’améliorer l’éducation grâce aux nouvelles technologies.

On a commencé avec un logiciel pour aboutir aujourd’hui à un écran interactif géant qui est en train de remplacer le tableau noir dans les salles des écoles et des universités.

Et puis on s’est rendu compte que toutes les entreprises avaient besoin de tablettes tactiles géantes dans leurs salles de réunion pour faire leurs présentations et travailler de façon collaborative et aujourd’hui comme il y a beaucoup plus de salles de réunion que de salles de classe ; nous vendons beaucoup aux entreprises.

Il y a 2 ans, on a ressorti des cartons un développement qu’on avait imaginé en 2014  et dont le but est d’enseigner l’informatique aux enfants avec des petits robots. Ca s’appelle Algora (les écoles Algora) et le but, c’est de se servir des robots pour apprendre aux enfants à programmer. Le robot, c’est un support ludique très utile et très motivant pour les enfants. Et on peut lui faire faire une infinité de choses.

« Donc tu leur apprends à coder, c’est ça ? »

Oui, on leur apprend à coder par opposition à juste être enfermé dans un programme ou une interface conçue par d’autres, comme Windows, Word ou Facebook. Nous, on veut ouvrir le capot des machines numériques et leur donner assez de connaissances pour apprendre non pas à utiliser des programmes, mais à réaliser leur propre programme, leur propre interface utilisateur, leur propre robot

Donc dans le cursus Algora, on a une cinquantaine de robots plus ou moins élaborés, qui aident l’enfant à comprendre le monde issu de la révolution numérique : une voiture connectée, une voiture anti-collision, des machines outils, des scanners… et on leur explique aussi la nature : comment marche une fourmi-robot (ça c’est facile), un chien robot (déjà plus compliqué, 4 pattes) et un humanoïde (déséquilibre permanent, très compliqué !).

On a démarré avec un cursus pour les 10-14  ans et maintenant, avec des algorithmes et des- engrenages très simples, on descend même jusqu’à 6 ans ! En 2 ans, on a ouvert une centaine d’écoles en France.

Mais tu veux le faire aussi pour les adultes ?

Oui, l’idée est la même pour les adultes, de 15 ans à 115 ans. Les adultes n’ont pas eu de formation au codage et ne comprennent pas la source réelle des changements que crée la révolution numérique autour d’eux. Comment fonctionne une Tesla, Google, Siri, une reconnaissance de visage, comment l’ordinateur, une simple machine à calculer, peut battre le champion du monde d’échecs…

Notre programme pour les adultes a pour but de former à la compréhension de l’informatique des gens qui ne seront jamais informaticiens, à titre de culture générale ou pour infuser dans leur travail et générer de nouvelles idées… car le paradoxe est le suivant : tout le monde ne sera pas informaticien mais sans la compréhension des principes de l’informatique, et particulièrement du deep learning, on ne peut plus espérer comprendre le monde, ni y avoir un impact.

Soit nous saurons programmer,

Soit nous serons programmés !

Depuis le début de ce Summit, tout le monde est tombé d’accord pour dire qu’il faut mettre l’éducation au centre. C’est notre seule chance. Mais que faut-il mettre au cœur de l’éducation ?

A chaque âge sa matière. Au Moyen-âge,  On apprend le latin qui permet d’accéder à l’étude de la religion, du droit, de la médecine. A l’âge de la Révolution Industrielle, c’est à dire quand la force des machines remplace celle des hommes et des animaux, ce sont les mathématiques et les ingénieurs, qui, permettant de concevoir et développer les machines industrielles, passent au centre. A l’époque de la Révolution Numérique, c’est-à-dire quand le cerveau des machines programmées remplace les cerveaux humains, c’est l’informatique (au sens anglo-saxon de Computer Science) qui devient centrale. Le but n’est pas de créer une génération d’informaticiens, pas plus qu’il ne s’agissait de créer une génération de latinistes ou de mathématiciens. Le but est de pouvoir comprendre et décrypter le monde.

Dire qu’il y a révolution numérique, c’est très exactement dire ceci : sans connaissance du codage, il devient impossible de comprendre et d’organiser le monde qui nous entoure. Pour paraphraser Platon:

Nul n’entrera ici s’il n’est informaticien.

C’est pour cette raison, parce que l’informatique est devenue centrale, que nous avons appelé nos écoles Algora. Algo, c’est évidemment l’algorithme et Agora, c’est une référence au cœur de la cité athénienne, à la culture, au savoir classique, dont nous essayons de perpétuer la transmission.

Comme l’Agora est au cœur de la Cité, il faut mettre l’informatique au cœur de l’éducation.

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