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Les formes élémentaires de l’aliénation (2) : la névrose 26 février 2010

Par Thierry Klein dans : Economie,Politique.
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Billet précédent : Les formes élémentaires de l’aliénation (1)

La névrose est une aliénation particulière, de nature inconsciente, où la victime est confondue avec l’oppresseur – le terme « alien » fait explicitement référence à un tiers lorsque victime et oppresseur sont distincts. Il est intéressant de noter que Marx et Freud ont tous deux eu l’impression que « la prise de conscience » (de la cause du refoulement dans le cas de Freud, de la lutte des classes dans le cas de Marx) permettrait de résoudre le problème.

Freud s’est assez vite rendu compte que l’observation clinique contredisait sa thèse initiale, mais aucune observation n’a jamais pu confirmer la thèse de Marx. Son oeuvre a principalement été utilisée de façon tactique pour la prise de pouvoir (en particulier lors du coup d’état de 1917) mais la fameuse « prise de conscience » a toujours été remise à plus tard. En termes marxistes, on pourrait dire que la contrainte communiste (consciente) a simplement remplacé l’aliénation du régime tsariste (inconsciente), sans aboutir jamais à la moindre prise de conscience, ni même, ce qui aurait été intéressant, à la transformation de cette contrainte en aliénation – c’est-à-dire en une adhésion populaire massive au mythe communiste.

Il semble que dans le monde moderne seule la démocratie possède cette propriété de faire adhérer la population au « mythe » (c’est bien un mythe, car penser que la vérité procède de la majorité est du domaine de la croyance. Tocqueville: « La démocratie […] entraîne une immense pression de l’esprit de tous sur l’intelligence de chacun »).

Cette distinction entre névrose et aliénation était nécessaire pour introduire l’aliénation consommatrice, qui définit et structure le monde actuel, tous pays et tous régimes confondus, et qui sera le sujet de mon prochain billet.

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Les formes élémentaires de l’aliénation (réponse à Enzo) 22 février 2010

Par Thierry Klein dans : Aliénation,Politique.
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Enzo a laissé une diarrhée de commentaires sur mon précédent article « L’aliénation choisie ».

En fin d’écoulement, Enzo finit par écrire qu’il ne sait pas très bien ce qu’est l’aliénation (ce qui fait que pour lui, à la fin des fins, tout devient « une question de curseur »). Il y a pas mal d’autres choses, positives et négatives, à prendre dans les commentaires d’Enzo qui sont aussi intéressants par leurs « a priori » et en particulier ce que j’appelle « l’a priori féministe ».

J’y répondrai progressivement, dans ce billet et dans ceux qui suivront, mais en attendant, tu n’as pas idée du plaisir que je prends, cher lecteur, à affirmer des conjectures, à les écrire sur ce ton professoral et pontifiant et à les regrouper sous un titre pompeux, un peu comme un professeur en classe prépa (on a le syndrôme de Stockholm qu’on peut !). Sans penser que tu vas (peut-être) les lire. Rien que pour ça, ce blog est totalement irremplaçable. Merci, merci, merci !

Le concept d’aliénation suppose une victime et un oppresseur, ainsi qu’une sorte de « collaboration » entre la victime et son oppresseur. Pour bien comprendre les différentes formes d’aliénation, il faut s’intéresser au côté conscient ou inconscient de la victime, au côté conscient ou inconscient de l’oppresseur et aussi à la réalité de l’oppression (il n’est en effet pas toujours évident de savoir s’il y réellement une victime et un oppresseur).

On peut jouer presqu’à l’infini avec tous ces paramètres et s’en servir pour créer une typologie des aliénations.
L’esclavage: contrainte et aliénation

Dans l’esclavage, la victime est consciente et l’oppresseur est, le plus souvent, lui aussi conscient de l’oppression. Dans ce cas, on ne parle pas d’aliénation mais plutôt de contrainte. La notion d’esclavage est incompatible avec la notion de liberté individuelle ce qui fait qu’il n’est pas toléré dans les pays dont la législation découle plus ou moins « des Lumières ». Cette situation reste une exception historique et l’esclavage reste une structure fondamentale du développement de l’humanité à travers presque tous les âges.

Dans certains cas, l’esclavagiste peut être inconscient. Aristote réduit l’esclave au rang « d’objet animé », dont la vocation est d’être commandé et justifie ainsi la légitimité de l’esclavage par l’intérêt commun du maître et de l’esclave. On peut dire qu’Aristote rationalise ainsi une structure dont il tire évidemment un avantage personnel, comme le faisaient les esclavagistes américains ou Afrikaners (comme le font aujourd’hui les néo-libéraux qui justifient les excès du capitalisme par son utilité finale) mais c’est prendre un homme génial pour un pur imbécile.

Plus probablement, Aristote voit dans l’esclavage une sorte de « structure stable et naturelle de développement de l’humanité », au sens où un structuraliste pourrait aujourd’hui la concevoir. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il n’est pas certain qu’Aristote soit juste un pré-hégélien ou un pré-marxiste, totalement inconscient du côté arbitraire et injuste de la relation « maître / esclave » (il évoque d’ailleurs ces deux aspects). Aristote raisonne surtout en politique et voit les inconvénients qu’il peut y avoir à casser cette relation pour le bon développement de la société. En ce sens, il est aussi un « post-marxiste » qui a su tirer les leçons de la chute du Mur – le communisme, c’est à dire la destruction systématique de toutes les relations capitaliste / travailleur, fussent-elles injustes, ne fonctionne pas car il ne crée pas un modèle politique harmonieux de développement, une « structure stable et naturelle de développement de l’humanité ».

[Par rapport à quelqu’un comme Elisabeth Badinter, il se pourrait bien qu’Aristote ait 100 ans d’avance et non pas 2000 ans de retard. Je m’expliquerai plus en détail sur ce point dans mon prochain billet.]

Le servage

Dans le cas du servage, tel qu’il est pratiqué en France au Moyen-âge, il est clair que seigneur et serf sont en grande partie inconscients, sans que le côté contrainte de la relation ne soit jamais totalement éliminé cependant. Le Noble est certain que sa supériorité repose sur des critères génétiques et de caractère, le Serf voit dans la société une structure naturelle – on est dans un cas d’aliénation à peu près pur, si l’on admet que l’oppression est bien réelle (elle l’est, au moins sous l’angle de la liberté politique ou des droits de l’homme – 2 critères auxquels j’ accorde beaucoup de valeur, mais dont l’objectivité me force à reconnaître le caractère arbitraire et exceptionnel au sens historique).

Cette forme d’aliénation disparaît de façon tout à fait remarquable: la prise de conscience de l’aliénation la fait disparaître.

Avec Voltaire et Beaumarchais, Noble et Serf perdent progressivement l’illusion de leur différence. La demande « naturelle » du serf pour la liberté n’est plus contrebalancée par la croyance du Maître en sa supériorité. L’ordre naturel des choses s’effondre. La Révolution française n’a lieu que parce que les Nobles ne croient plus en leur supériorité intrinsèque. Ils ne se battent alors plus que pour conserver des privilèges. Ce combat est perdu d’avance, ne serait-ce que sur le plan moral.

Le travailleur et le capitaliste.

Marx nous parle d’une aliénation inconsciente du travailleur par le capitaliste et décrit, dans le premier livre du Capital, comment se crée la dépendance et l’oppression. Pour lui, le travailleur n’a que l’illusion de la liberté mais la plus-value qu’il crée par son travail est intégralement captée, à ses dépens, par le Capitaliste.

[A noter, pour Enzo, que Marx, comparant les taux de surtravail (2) de l’esclave, du serf et du travailleur montre que l’aliénation par le travail est la pire qui soit – au sens où l’ouvrier, en pourcentage de son temps de travail, passe plus de temps au bénéfice de son patron que l’esclave antique ou que le serf. En ce sens, l’aliénation capitaliste est pire que l’oppression esclavagiste].

L’aliénation dont parle Marx est de nature inconsciente, au moins pour l’ouvrier, qui n’a que l’illusion de la liberté. Marx crédite le capitaliste d’un plus haut niveau de conscience et montre comment l’exploitation ouvrière est organisée de façon rationnelle.

La réalité de l’aliénation marxiste reste à prouver. A partir du moment où le travailleur est formellement libre (d’aller voir ailleurs, de relire son contrat…), peut-on vraiment changer la société et les lois sur le présupposé que c’est un imbécile qui se laisse aliéner ? La gauche vous répondra « plutôt oui » (et c’est pourquoi elle a des tendances liberticides, au sens où elle veut changer les choses contre le gré de gens dont la prise de conscience n’a pas « encore » eu lieu), la droite vous répondra « plutôt non » (et c’est pourquoi elle a des tendances anti-sociales et un lien très fort avec la bêtise, puisqu’elle cherche avant tout à protéger et à nier des privilèges qui lui sont pourtant littéralement jetés sous les yeux ).

De toutes les façons, on reste dans le domaine des sciences sociales, c’est à dire en dehors du domaine de la science (3) et toujours dans le domaine de la conjecture, même s’il y a des degrés dans le niveau de la conjecture. Un des drames des sciences humaines est que les plus grands découvreurs, comme Marx ou Freud, pensent que leurs conclusions sont de nature scientifique alors que seule leur approche l’est. Là aussi, il me semble qu’Aristote, n’ayant pas cette illusion, leur est supérieur.

[Tu t’indignes et tu bous, cher lecteur qui te sens une fibre sociale, mais comme toi, je pense que les situations sociales que décrit Marx sont inhumaines et doivent être combattues. Simplement, la réalité de l’aliénation est un problème différent. Le fait qu’il y ait des situations inacceptables ne prouve pas en soi l’aliénation. Il se pourrait que les situations inacceptables soient inévitables, comme le pense Malthus, et que la notion d’aliénation procède d’un autre trait de caractère humain: la recherche d’une cause facile et pour tout dire, d’un bouc-émissaire.]

Marx a étudié la révolution française, Lénine et les bolcheviks sont littéralement captivés par son exemple et pensent qu’il est possible de renverser le régime capitaliste comme les Lumières ont renversé la Royauté, à ceci près que la prise de conscience aura lieu après la révolution et non pas avant. Il faut au moins deux présupposés pour penser ceci: penser que l’aliénation est réelle (j’ai déjà parlé de ce premier point) et surtout penser qu’une société de type marxiste-léniniste peut constituer un « état stable de l’humanité ».

Les bolchevicks négligent ce point car la Révolution française a débouché, certes après beaucoup de massacres et de guerres, sur une société totalement nouvelle, sans esclave, bâtie autour d’un principe de liberté et d’égalité : cet état de choses tient maintenant sans trop grosse contrainte depuis deux siècles. On est sorti d’une structure stable pour aller tout naturellement vers une autre structure stable – et cette nouvelle stabilité empêche le retour en arrière (la Restauration). Il apparaît aux Bolcheviks que le plus dur, c’est de réussir la révolution.

Mais la vraie question, on le sait à présent c’est celle-ci: la structure qu’envisage Marx (ou plutôt Lénine) pour sa société peut-elle être stable ?

La question reste posée puisqu’un échec, celui de la période 1917-1989, ne peut pas prouver l’impossibilité théorique (4). De façon scientifique, je ne peux donc pas répondre non, mais de façon sensible et empirique, je pense profondément que la correction de l’aliénation par la prise de conscience est une vision de l’esprit (5), que les sociétés bâties selon les principes marxistes sont forcément inhumaines et ne peuvent, en tant que telles, perdurer de façon stable. En gros, ma position vis à vis du marxisme est « quelle que soit la réalité du phénomène constaté par Marx, le remède qu’on nous propose est pire. Et la possibilité même d’un remède de nature structurelle et permanente n’a pas encore été établie. ».

(La révolution française: une révolution qui réussit et qui aboutit vers un modèle de société stable.
Le communisme : une révolution qui réussit et une société qui échoue, car non stable.)

Le féminisme, l’aliénation maternelle.

Pour les féministes, l’aliénation de la femme est un processus inconscient pour la victime et plus ou moins conscient pour l’homme (comme chez Marx, on prend l’opprimé pour un imbécile mais on fait en quelque sorte honneur à l’oppresseur en lui accordant un degré de conscience assez élevé. On peut excuser ce travers et penser que, s’il y a réellement aliénation, l’indignation que montrent les féministes et Marx envers l’oppresseur est somme toute assez naturelle).

Mais là aussi, y a-t-il aliénation ? Dans le modèle « la femme au foyer, l’homme au boulot » qui a prévalu jusque dans les années 60 dans notre société, il est difficile de déterminer oppresseur et victime. Il y a juste partage des tâches, l’homme faisant indirectement vivre à la famille à travers son temps passé au travail et la femme directement par le temps passé au foyer.

L’aliénation féministe est encore plus difficile à mettre en évidence que l’aliénation marxiste. Au moins Marx peut-il mettre en évidence une captation de plus-value, qui constitue une sorte de « symptôme » aliénant – sans que l’aliénation elle-même ne soit formellement prouvée. Mais rien de tel chez les féministes. Pas de lien d’intérêt direct entre homme et femme, juste une contribution pour un objectif commun. Depuis au moins 50 ans, la femme est aussi tout à fait libre de travailler (c’est à dire, au sens marxiste, libre de s’aliéner). Donc il n’y a pas non plus contrainte, au sens où je le définissais précédemment dans ce billet.

Les liens entre féminisme et marxisme.

Les deux reposent sur la dénonciation d’une structure d’aliénation inconsciente et non démontrée (ce qui fait que les féministes comme les marxistes sont de gauche), mais ces aliénations sont inconciliables et opposées: si les femmes travaillent « comme » les hommes, ce qui est le cas aujourd’hui, l’exploitation des travailleurs augmente (en gros, il faut deux personnes aujourd’hui pour faire vivre un foyer alors qu’il en fallait une il y a un siècle. Le temps passé à faire la vaisselle est troqué contre le temps passé à s’acheter le lave-vaisselle. Est-ce un progrès ?).

En augmentant la taille de « l’armée de réserve », les femmes mettent les travailleurs de tous les sexes en concurrence au bénéfice du Capitaliste, qui profite à la fois de l’augmentation de la réserve de travailleurs et de celle du nombre de consommateurs (c’est à dire du marché). (6)

Le slogan féministe : « A travail égal, salaire égal ! (pour les femmes)». La réalité « A travail égal, salaire inférieur » (pour tous !).

Il semble honteux, pour les féministes, d’invoquer la « loi naturelle » pour justifier la femme au foyer, ou simplement la femme qui élève son enfant. Il n’y aurait là qu’aliénation. Les deux hypothèses étant des conjectures, qui plus est non exclusives l’une de l’autre, j’ai plutôt tendance à croire en la réalité d’une loi naturelle, observable chez la plupart des espèces animales et dans la plupart des sociétés, qui fait que la femme a plus naturellement « envie » de s’occuper de ses enfants que l’homme.
Je ne suis pas sûr que le mélange à égalité des rôles parentaux corresponde à une structure stable de la société et je pressens autant d’inconvénient à imposer ceci qu’il a pu y en avoir à imposer une structure marxiste de la société.

Le capitalisme moderne crée aujourd’hui des foyers où les enfants sont laissés à l’abandon par les parents des deux sexes – au mieux, ils sont laissés à l’éducation des tiers (professeurs, nounous, etc…) – le but final semblant être de pouvoir les équiper de Nike. On a troqué l’éducation parentale contre des biens de consommation. Mais une des sources de la supériorité de l’homme, c’est sa capacité à transmettre aux générations futures et son principal risque de survie, en tant qu’espèce, c’est son incapacité à maîtriser sa consommation, qui se traduit par l’épuisement des ressources dont il vit.

La femme au travail, au regard de ces deux critères, apparaît donc avant tout comme un élément de développement non durable.

(J’espère que comme Enzo tu m’excuseras, cher lecteur, pour cette phrase qui peut sembler provocatrice mais dont j’admets volontiers que le principal intérêt est de fournir une chute élégante à ce billet qui commence à se faire un peu long mais qui est loin d’être terminé. Je t’infligerai rapidement une suite dont la trame est la suivante: aliénation et névrose, l’aliénation consommatrice, imprégnation et aliénation, aliénation allemande et Lebensraum, aliénation envie et victimisation, le syndrôme de Stockholm humain, l’aliénation animale, une modélisation physique des sociétés stables).

(1)Cela semble un point évident, mais ce n’est pas si facile à montrer. Si le critère est la liberté ou les droits de l’homme, l’oppression du serf par le seigneur est réelle.
(2)Dans le temps de travail de l’esclave ou du travailleur, Marx distingue le temps nécessaire pour assurer sa subsistanceies du temps (sorte de minimum de travail incompressible) du temps qui enrichit ou accroît le confort de son oppresseur (sorte d’unité de mesure de l’aliénation).
(3)On est dans le domaine de la science quand on est capable de prédire des phénomènes de façon quantitative à partir de lois déduites de l’observation.
(4)Qui plus est le marxisme-léninisme ou le stalinisme ont à peu près autant de choses à voir avec Marx que l’Eglise de l’Inquisition avec les évangiles.
(5) Comme l’est, au niveau individuel, la correction de la névrose par la prise de conscience.
(6) Un problème politique intéressant en découle. Dans la mesure où les aliénations s’entrechoquent, une société sans aliénation est-elle possible ou simplement souhaitable ? Selon quel modèle les aliénations s’entrechoquent-elles ? Je sens ton impatience, cher lecteur, surtout si ton nom est Enzo et j’essaierai de te fournir quelques conjectures à la fin de ce billet.

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L’aliénation choisie 14 février 2010

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Elisabeth Badinter dénonce « l’aliénation maternelle » et l’idéologie du « retour de la femme au foyer ». Mais si la femme n’est pas au foyer, elle est au travail, ce qui est aussi une aliénation. Et l’indépendance financière la rend consommatrice, c’est-à-dire aliénée par la publicité.

Le fait que ces deux dernières formes d’aliénations soient « mixtes » et touchent à la fois hommes et femmes ne les rend pas meilleures ni plus souhaitables, comme Elisabeth Badinter semble le croire.

[Le fait de préférer les aliénations mixtes (travail, consommation) à l’aliénation féminine (allaitement…) montre d’ailleurs à quel point le féminisme, tel que le conçoit Elisabeth Badinter, est plus une frustration qu’un humanisme]

Vouloir imposer à un être humain de renoncer à son aliénation (autrement dit, en langage courant, « vouloir faire le bien de quelqu’un contre son gré ») procède toujours d’une vision totalitaire (inquisition, stalinisme…).

On peut certes rêver de lendemains meilleurs, d’un âge d’or où les hommes et les femmes ne subiraient plus d’aliénation consciente ou inconsciente.

Mais en attendant, on n’a pas inventé mieux que la Liberté (qui n’est au fond que le droit, pour chaque être humain, de choisir son aliénation et non pas la fin de l’aliénation).

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BHL à « On n’est pas couché ».

Par Thierry Klein dans : Critiques.
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J’ai lu 4 ou 5 livres de Bernard-Henri Levy – tous mauvais, mal écrits, superficiels et, ce qui ne pardonne pas pour moi, lourds.

Mais à chaque fois que je le vois à la télé, il y est excellent, intéressant, parfois même profond – et reste assez léger.

Il n’y aurait pas grand chose à reprocher à BHL s’il ne cherchait pas à s’intituler philosophe ou écrivain (jamais je n’ai vu un tel décalage entre l’écrit et l’oral !).

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Tendre, et surtout savoureux. 4 février 2010

Par Thierry Klein dans : Animaux.
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(Via Animal mon prochain)

Aussi tendre, mais moins savoureux.

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Mort de J.D. Salinger

Par Thierry Klein dans : Littérature.
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Le meilleur article que j’ai pu lire (Eric Neuhoff), le plus instructif (New Yorker ).

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D’un certain discours lénifiant sur le numérique à l’école vu comme un symptôme de la perte du capital scolaire.

Par Thierry Klein dans : Crise Financière,Economie.
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Françoise Benhamou (Le Monde du 27/01/2010) décrète que « le numérique à l’école constitue le grand oubli du grand emprunt ».

Elle nous présente les technologies numériques, en vrac, comme l’avenir, la panacée, le symbole de l’enseignement de demain, les technologies qui créeront les emplois, relanceront notre économie, éveilleront nos enfants et même, réduiront leurs scolioses (je m’arrêterai là car les lieux communs me manquent).

Un impact industriel quasi nul

Mais introduire les technologies numériques à l’école, surtout sous la forme d’un « plan d’équipement massif en tableaux interactifs » comme le propose Françoise Benhamou n’aurait aucun effet de levier industriel. Presque tous les fournisseurs d’ordinateurs et de tableaux interactifs » étant étrangers : ces dépenses iront donc, tout naturellement, renforcer d’autres économies que la notre.

Seul donc l’argument pédagogique pourrait justifier un tel plan, même si c’est un argument à très long terme puisqu’il il faudrait une bonne dizaine d’années pour que les élèves concernés rentrent dans la vie professionnelle.

Les tableaux interactifs sont-ils utiles pour l’enseignement ?

En tant que chef d’une des entreprises qui en vend le plus en France, je vais vous répondre « Oui, bien sûr ! ». En tant qu’individu intuitif et à titre personnel, j’en suis assez convaincu. Mais en tant qu’être humain raisonnable, doté d’une capacité d’analyse critique, lisant à peu près tout ce qui s’écrit dans ce domaine, je suis obligé de reconnaître qu’il n’y a aucune preuve : les études sérieuses sur le sujet sont à peu près inexistantes et les retours d’expérience contradictoires (aux USA, certaines écoles abandonnent progressivement l’utilisation des nouvelles technologies).

Au fur et à mesure que la technologie se répand, la question même de l’utilité devient tabou, un intérêt commun finissant par réunir décisionnaires, acheteurs, vendeurs et utilisateurs.

En vérité, ce que masquent tous ces discours lénifiants, qui s’apparentent au final à de la pure propagande, c’est une perte de projet et de capital scolaire, au sens où l’entend Bourdieu dans La Noblesse d’Etat.

 » La logique qui pousse les écoles les plus démunies de capital proprement scolaire […] trouve un contrepoids qui impose un effort pour accumuler du capital scolaire, fût-ce au prix d’une exhibition ostentatoire des signes extérieurs de l’avant-gardisme pédagogique: par exemple en déployant des trésors d’invention moderniste, tant en matière d’équipements, laboratoires de langues, ressources informatiques, moyens audio-visuels, qu’en matière de techniques pédagogiques, qui se veulent toujours plus actives, plus modernes, plus internationales. « 

1) Les budgets de l’Education Nationale sont de plus en plus réduits, le nombre de professeurs diminue. Simultanément, on met en valeur un peu partout les investissements TICE les plus visibles et les plus modernistes (laboratoires de langues, ressources informatiques, etc…). Cet effort masque (ou plutôt accompagne) la baisse moyenne du capital scolaire. Combien de professeurs vaut pour un TBI ?

2) Le Royaume-Uni, pays « exemple » selon Mme Benhamou car « déjà » équipé presqu’à 100% en tableaux interactifs, est surtout le pays où l’enseignement a été le plus désorganisé dans les 10 dernières années. Depuis les réformes de Tony Blair, les écoles se sont retrouvées de plus en plus en concurrence et doivent afficher des « signes extérieurs» de capital scolaire à défaut d’en posséder toujours. Faut-il intégralement s’en inspirer ?

3) De Gaulle refusait d’inaugurer les chrysanthèmes mais on inaugure plusieurs fois par jour des tableaux interactifs et des écoles numériques. Presqu’à chaque fois, le discours est similaire et lénifiant, toutes tendances politiques confondues. On parle de l’avenir de la nation qui passe par les TICE, de la réduction de la fracture numérique… On masque, une fois encore, l’absence de projet.

4) Or, la réalité du terrain, je la constate quotidiennement : une grande partie de l’équipement déjà acheté est sous-utilisé. On voit souvent du matériel flambant neuf et rien derrière. Peu de support, peu de suivi, peu de compétence et surtout, aucune réflexion éducative.

Faut-il donc, dans ces conditions, faire de l’école numérique la norme ?

Evaluer les effets de l’Ecole Numérique.

L’évaluation de la politique numérique reste à faire, en France comme ailleurs.

Reconnaître ce point, là est l’avantage compétitif et industriel.

La France s’est dotée depuis une vingtaine d’années d’un système d’évaluation de masse, mais le temps nécessaire pour obtenir des résultats est trop long compte tenu de la vitesse des changements qui s’opèrent dans le secteur numérique.

Depuis quelques années, une chercheuse française, Esther Duflo, a utilisé la méthode aléatoire pour évaluer les effets des politiques de lutte contre la pauvreté avec des résultats remarquables.
La méthode aléatoire repose sur des évaluations faites sur des petits groupes dont les caractéristiques sont identiques au départ. Un de ces petits groupes adopte un « processus nouveau» et on compare ensuite, sur des critères précis, leur performance (leur richesse, leur taux d’équipement, d’épargne, etc…).

Il est stupéfiant de constater qu’avec des moyens très limités, la méthode aléatoire a donné, en Inde, plus de renseignement sur les usages du numérique que dans tous les pays développés !

Le tableau interactif est-il plus utile en zone rurale ou urbaine ? Faut-il en mettre plus ou moins dans les zones défavorisées ? Un par classe ou un par école ? Peut-on réellement observer des améliorations de niveaux pour les classes qui l’utilisent ? Y a-t-il des matières où son rendement s’avère meilleur que d’autres ? A coût comparable, vaut-il mieux embaucher une personne chargée du soutien scolaire ou investir dans une classe numérique ?

Ne serait-il pas intéressant d’avoir un début de réponse à toutes ces questions pour la France ?

La méthode aléatoire permet d’obtenir des résultats rapides de façon peu coûteuse et à partir de là, d’infléchir les politiques.

Dans un secteur aussi sujet aux idées reçues et aux influences de toutes sortes, dans un secteur finalement aussi peu connu que le Numérique, il ne devrait pas y avoir d’investissement sans une réflexion, menée simultanément, sur l’évaluation future et à court terme de cet investissement.

En mesurant l’efficacité relative de différentes mesures, les expérimentations aident les décideurs à mieux dépenser l’argent public.

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