« Redonnons du pouvoir au consommateur », ou la bêtise d’une loi 3 novembre 2014
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 3 293 fois | ajouter un commentaire
Dans un pays pas assez compétitif, toute distribution de pouvoir d’achat se finit par un appauvrissement. Les biens supplémentaires achetés sont des biens importés (parce que le pays n’est pas compétitif) et donc la distribution de pouvoir d’achat se traduit en déficit commercial et bientôt, pour la France, en augmentation de la dette.
Pour relancer, il faut être fort, ou fermé
Pour cette raison, les politiques de relance n’ont de sens que si le pays est compétitif (auquel cas les biens importés seront en quantité faible) ou si le pays est fermé aux importations. C’est le paradoxe de toutes les politiques depuis 30 ans: plus on relance, plus on s’appauvrit et aucun gouvernement n’a été assez fort pour imposer l’une ou l’autre des 2 conditions ci-dessous: une rigueur préalable, permettant de gagner en compétitivité ou un protectionnisme fort, permettant de fermer les frontières.
Quand l’idéologie le dispute à la bêtise
La loi Hamon qui a pour objectif démagogique annoncé de redonner du pouvoir aux consommateurs (alors qu’un des maux du siècle est précisément que ces consommateurs ont, via la mondialisation, acquis déjà beaucoup trop de pouvoir) aura un effet quasi-nul sur la consommation en ce qui concerne par exemple la mise en concurrence des notaires. Les notaires sont des gens aisés, mais leurs clients (particuliers et entreprises) le sont aussi. Robin des Bois moderne à la sauce mondialisée, Benoît Hamon prend aux riches pour donner aux riches. Pour des raisons purement idéologiques, on déplace, au mieux, la valeur ajoutée de la filière en rendant la situation des clients plus favorables. (Au pire, on désorganisera l’immobilier en supprimant le tiers de confiance assermenté qu’est aujourd’hui le notaire).
Beaucoup moins drôle: la loi Hamon est d’une inconséquence rare et nuisible en ce qui concerne les dispositions permettant aux avocats de faire de la publicité.
La plupart des avocats sont constitués en très petites entreprises ou en entreprise individuelle. Leur permettre de faire de la publicité ne peut que faire monter le prix des prestations. Surtout, cela signifie qu’à terme, des entreprises très capitalisées (qui seront probablement de grands groupes anglo-saxons) vont se développer et récupérer l’essentiel du marché (il faudra 5 à 20 ans pour ceci et Hamon n’en sera pas tenu pour responsable).
Que se passera-t-il à ce moment là ?
– Le consommateur paiera ses prestations juridiques de plus en plus cher,
– Les investissements publicitaires seront faits essentiellement via de grands groupes (Google Adwords) qui délocalisent leurs profits,
– Les bénéfices des sociétés d’avocats seront faits par des multi-nationales qui exporteront aussi leurs profits,
– Les avocats, dont l’exercice et la consommation actuels ne sont pas délocalisables, seront progressivement paupérisés avec un pouvoir d’achat inférieur.
Et donc, au final, l’effet recherché de relance sera on ne peut plus négatif.
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