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Interview : six questions sur le Capital Altruiste 5 mars 2007

Par Thierry Klein dans : Entreprise altruiste.
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* Quelle est votre idée nouvelle? En quoi cette idée est elle différente des pratiques existantes dans le secteur?

* A quel problème répondez-vous? Dépeignez l’urgence de la problématique, ainsi que ses dimensions qualitatives et quantitatives (données statistiques.).

* Expliciter de façon brève les composantes essentielles de votre stratégie pour résoudre cette problématique.

* Quel est l’impact que vous souhaitez avoir sur la société?

* Pourquoi travaillez-vous sur ce sujet/comment en êtes-vous arrivé à vous pencher dessus? Dans le passé, qu’avez-vous fait en rapport avec ce sujet?

* Avec quelles ressources financières, pensez-vous pérenniser votre projet?

1) Quelle est votre idée nouvelle ? En quoi cette idée est-elle différente des pratiques existantes dans le secteur ?

Mon idée est de susciter et promouvoir une nouvelle forme de développement économique humain nommée Capital Altruiste.

Pour faire travailler ensemble les hommes de ce siècle dans un but positif, pour sauver non seulement l’humanité mais les espèces animales, la planète, on sent bien qu’il est temps de proposer aux hommes des initiatives collaboratives et altruistes par nature.

Le monde du gratuit a d’ailleurs d’ores et déjà pris une importance économique majeure dans notre société moderne. Ainsi, Internet repose à 80% sur des protocoles et des programmes développés de façon gratuite par la communauté Open Source. Sans ces programmes, développés gratuitement dans le seul but de servir le développement humain, Internet n’existerait tout simplement pas.

En même temps, pour limiter les effets les plus dévastateurs de la mondialisation, qu’il s’agisse là encore de la destruction des ressources ou tout simplement du basculement inévitable vers la guerre, on sent bien que rien n’est possible sans puissance financière. Les intérêts économiques en jeu sont trop grands.

Il faut lutter contre l’argent par l’argent pour pouvoir agir économiquement, politiquement, industriellement au même niveau que les acteurs économiques déjà présents.

  • Mon idée consiste à susciter la création de sociétés dont le but affiché, dès le départ, soit d’agir pour une cause de nature humanitaire.
  • Ces sociétés seront des entreprises tout à fait normales au sens économique du terme. Elles se doivent d’être performantes, rentables, etc…  

Ce qui différencie l’entreprise Altruiste, c’est donc uniquement qu’une part significative de son capital « appartient » à la cause qu’elle a elle-même choisie. Elle s’appuie aussi largement sur le bénévolat, la collaboration.

Elle agit principalement, au moins au départ de mon initiative, dans le champ des nouvelles technologies, parce que c’est là où les forces collaboratives qui entraînent le monde sont les plus vives et les plus dynamiques, comme l’a montré le mouvement l’Open Source. C’est là aussi qu’on peut le plus, aujourd’hui, créer de  valeur financière.

Le Capital Altruiste n’est pas en lui-même une cause. C’est plutôt une « méta-cause », une cause au service de toutes les autres, une façon de rendre l’Altruisme réellement possible dans la société démocratique et capitaliste d’aujourd’hui.

C’est la puissance financière générée par l’ensemble de ces Entreprises Altruistes, prises en tant que groupe, qui permettra de doter les acteurs associatifs des moyens nécessaires pour peser dans le monde économique d’aujourd’hui et orienter la mondialisation dans le bon sens. 

 2) A quel problème répondez-vous? Dépeignez l’urgence de la problématique, ainsi que ses dimensions qualitatives et quantitatives (données statistiques.).

Fruit du formidable essor économique engendré par la révolution Industrielle, la mondialisation est devenue une réalité incontournable.

Tout en ayant de nombreux côtés positifs, elle fait peser sur le monde une triple menace :

  • De nature biologique (réchauffement climatique, extinction des espèces vivantes, épuisement des ressources naturelles, pollution).
  • De nature démocratique, le monde marchand se substituant de plus en plus et partout aux états,
  • De nature culturelle.

Voici la façon dont on peu analyser la crise actuelle dans notre société démocratique et libérale : la Main Invisible, qui agissait jusqu’à présent plus ou moins dans le sens du bien et du développement commun – on pouvait dire que son bilan était « globalement positif » – est devenue folle et mène le monde à sa perte.
Le Capital Altruiste rend les associations humanitaires plus riches, puisqu’il  fournit une méthode, reproductible à l’infini, pour qu’elles entrent au capital des entreprises. Il permet ainsi aux associations humanitaires de peser dans le monde économique marchand et de l’influencer de façon positive.

Dans un monde qui est et qui restera marchand, le Capital Altruiste est une tentative de correction des excès de la Main Invisible, par l’insertion de la sphère altruiste au sein de la sphère économique.

Deux constats :

  • les entreprises « alternatives au capitalisme » de type marxistes, alter-mondialistes, etc.. ont échoué et en tout état de cause, se situent en dehors du cadre de mon initiative de Capital Altruiste.

  • Presque tout monde veut agir, mais personne ne sait vraiment comment s’y prendre, car il semble que la nature même des problèmes à résoudre (réchauffement climatique, extinction d’espèces lointaines, etc…) dépassent l’individu.

Aujourd’hui, la crise résulte beaucoup plus de la somme des altruismes impuissants que de celle des égoïsmes triomphants.

Le Capital Altruiste vise au fond à rapprocher les effets collectifs de l’activité humaine de la somme des volontés individuelles des hommes.

3) Expliciter de façon brève les composantes essentielles de votre stratégie pour résoudre cette problématique.

3.1) Contexte préalable :

Avant d’introduire les composantes de la stratégie, il est nécessaire de parler un peu du contexte « historique » dans lequel je me place.
Le Capital Altruiste est le fils naturel de l’Open Source et de Bill Gates.
Il est par filiation très connecté aux technologies de l’information, au moins dans les  premiers temps de son histoire.

Jusqu’aux années 1980, il n’y avait comme formes d’engagement possibles pour une cause dite humanitaire que la donation (à titre privé) ou l’association.
Deux événements majeurs se sont produits depuis et ils ont pris racine dans les technologies de l’information, ce qui n’est pas un hasard :

1. le mouvement Open Source : l’Altruiste.

 Lancé en 1984 par Richard Stallman, le mouvement Open Source a pour objectifs de favoriser la libre circulation des connaissances et des logiciels (en opposition  avec les stratégies privées de sociétés telles que Microsoft), de faire collaborer les ingénieurs et de mettre à la disposition de tous le résultat de leurs travaux. En générant des dizaines de milliers de projets logiciels, en faisant travailler de façon collaborative des centaines de milliers d’ingénieurs, l’Open Source a eu – a encore – un impact majeur sur la société et est, entre autres, à l’origine d’Internet.

Il est à noter que la fondation Open Source ne développe aucun programme elle-même. Son action se « borne » juste à rendre possible le développement de logiciels faits sous cette forme et à promouvoir leur utilisation.

Ainsi elle a par exemple rédigé, il y a 30 ans, différentes licences types de cession de droits utilisés aujourd’hui par tous les développeurs Open Source.

Bref, elle a rendu les choses possibles et l’a fait savoir. Ce mode d’action est très proche de ce je cherche à faire dans le cadre du Capital Altruiste.

2. Bill Gates : le Capital.

 Bill Gates vient de devenir le plus important donateur privé du monde en créant une fondation dotée de 30 milliards de dollars – le potentiel financier de sa fondation est bien supérieur à celui d’un pays comme la France. On est certes dans le cas d’une donation privée mais à un niveau jamais vu auparavant.

En fait, Bill Gates a investi une part importante de sa fortune, constituée, de par le jeu boursier, des bénéfices réalisés par Microsoft sur 25 années.

 Dans le mouvement Open Source, il y a toute la puissance de l’action collaborative, d’Internet, de la mondialisation autour desquels s’organisera le XXIème siècle.

L’Open Source préfigure ce que pourront être demain l’action collective – il inspire même déjà des sociétés constituées de développeurs qui travaillent essentiellement à distance, comme la mienne.

L’initiative de Bill Gates est symbolique du rôle qu’ont pris les technologies de l’information mais dans sa forme est beaucoup moins originale, voire dépassée. Bill Gates apporte certes la puissance financière, mais son action reste individuelle et l’effet de levier, la dynamique créée resteront limités. Au mieux, ce sera une œuvre humanitaire de plus – ce qui est d’ailleurs très bien, au pire, ce sera la lubie d’un magnat. Mais Bill Gates ne changera pas, de cette façon du moins, la destinée du monde.

Même si en un sens Bill Gates a évidemment « réussi », on peut regretter qu’il n’ait pas fait savoir, dès le départ, que le Capital de Microsoft serait utilisé à des fins altruistes – mais peut-être n’en avait-il pas conscience lui-même. On peut en tous cas légitimement se demander jusqu’où aurait pu aller Microsoft si les clients avaient eu conscience qu’ils donnaient quelques dizaines d’euros par licence Office vendue.

3.2 La stratégie.

1) Susciter des startups créées « à partir » de projets Open Source.

Les inventeurs de la licence libre n’ont eu comme seule idée que de se débarrasser des inconvénients liés au droit d’auteur mais il n’en résulte aucune action de nature positive pour le monde. Il est en fait curieux – et caractéristique de notre époque – qu’il n’y ait pas de grande association humanitaire fondée sur l’utilisation positive des droits d’auteur. Autrement dit, il est étrange que des milliers de développeurs passent leur temps à développer sans but autre que la gratuité, plutôt que de développer pour une cause positive, quelle qu’elle soit (lutte contre la pauvreté, préservation de la planète ou autre).

Le Capital Altruiste donnera un cadre économique et juridique applicable à tous ceux qui, souhaitant développer des technologies de façon collaborative  pour des motifs altruistes, préféreront le faire sous forme d’Entreprise Altruiste plutôt que de projet Open Source.

A titre d’exemple, les projets Open Source ne peuvent pas être « tels quels » transposé en entreprises car ils en rassemblent que des techniciens. Il faut pouvoir faire rentrer dans les projets de purs entrepreneurs économiques pour créer un modèle d’entreprise. Faire connaître l’initiative auprès d’une population actuellement totalement étrangère à ces projets sera une des composantes de notre action.
Capital Altruiste et Capital Risque

La Fondation pour le Capital Altruiste suscitera de telles entreprises et s’efforcera de faire en sorte que les retombées positives pour elles soient maximales.

Sous certains aspects, le don d’une partie du capital de l’entreprise à une cause humanitaire peut avoir des effets comparables au capital risque pour l’entreprise :

Par exemple, il permet de faire rentrer dans l’entreprise des employés de grande valeur qui souhaitent mettre en accord leur vie professionnelle et leurs convictions personnelles. Le fait qu’une partie du Capital de l’entreprise est détenue par une association au service de la cause qui leur est chère est le garant de leur engagement.

Comme je l’ai écrit plus haut, ce point concerne aujourd’hui de plus en plus de monde. Il est possible que dans 20 ou 30 ans, une des motivations du dirigeant pour orienter son entreprise vers le Capital Altruiste soit tout simplement l’accès au capital humain.

Il peut aussi permettre à l’entreprise de communiquer autour de son statut altruiste pour créer un courant de sympathie. C’est une tendance universelle des entreprises que de vouloir susciter la sympathie autour de valeurs universelles, quelle que soit l’adhésion réelle à ces valeurs. Dans le cas du capital Altruiste, l’engagement de l’entreprise sous forme de Capital est garant sinon des intentions, au moins des effets de son action.

2) Créer des labels « Capital Altruiste »

Pour qu’il y ait une certaine visibilité auprès des tiers, des labels seront créés en fonction de l’engagement altruiste de l’entreprise. Ils vérifieront la réalité du don, le don en capital pouvant prendre des formes  de nature assez complexe (engagements futurs, options…). On concevoir des engagements de nature faibles (jusqu’à 5% du capital) et des engagements forts (plus de 50% du capital).

3) Permettre à toute startup, puis à toute entreprise de rejoindre l’initiative, quel que soit son domaine de compétences.

Même si nous anticipons que par nature, notre initiative séduira d’abord des projets situés dans le cadre de l’Open Source, elle est à même de séduire tout entrepreneur en phase de création de startup et qui souhaite, dès le départ, réserver une partie du capital à « l’Humanité ».

Cette part de capital sera probablement plus faible que celle réservée par les entreprises altruistes « Open Source ».

De façon ultime, toute entreprise peut aussi rejoindre, même de façon faible, le mouvement « Capital Altruiste ».

Il s’agit donc de faire connaître ce mouvement de façon massive aux entreprises et à ceux qui y investissent, de leur permettre d’y rentrer et d’en tirer nu maximum de fruits.

Par nature, les investisseurs  dits « éthiques » sont des « cibles » d’évangélisation intéressantes.

Il suffirait de convaincre un ou deux investisseurs majeurs pour en fait lancer l’initiative à une grande échelle (d’où d’ailleurs l’imprtance du point 5).

4) Développer l’initiative en Europe et aux Etats-Unis dès le départ.

A terme, la notion de Capital Altruiste est évidemment mondiale. Cependant, il est inenvisageable de ne pas, dès sa création, la développer sur le sol américain.

Les USA sont LA puissance financière dominante. Ils sont aussi LA puissance dominante dans le domaine des technologies de l’information. C’est peut-être aussi le pays dont la classe politique, grâce à Al Gore, est le mieux préparée à ce genre d’initiative.

Bref, le développement du Capital Altruiste passe par les USA comme le développement du catholicisme passait par Rome.

4) Donner à l’initiative un cadre théorique, juridique, économique et humanitaire cohérent
Le Capital Altruiste est une notion nouvelle et de multiples questions se posent. Je liste ci-dessous celles qui m’apparaissent comme les plus importantes et autour desquelles des compétences spécifiques m’apparaissent comme nécessaires. Structure juridique des entreprises altruistes et de l’ACF (Altruistic Capital Foundation)

  1. Régime fiscal applicable aux entreprises altruistes
  2. Critères d’entrée et de sortie d’une entreprise dans le système de l’ACF
  3. Critères d’évaluation des associations "capitalisées" par des entreprises altruistes
  4. Valorisation des entreprises altruistes : vers un indice boursier altruiste spécifique ?
  5. Labellisation des entreprises altruistes
  6. Idées forces et condition morale des entreprises altruistes
  7. Le cas spécial des entreprises Internet : InternetLand ?

4) Quel est l’impact que vous souhaitez avoir sur la société? 

Face à la sensation permanente de nature presque tragique que j’éprouve que l’Homme est en train de mettre fin à l’Humanité – sans parler du reste, j’ai cherché une réponse de nature cohérente et universelle, qui soit compatible avec la liberté et qui reste dans le domaine du possible.

Pour l’instant, le Capital Altruiste est une utopie. Il peut acquérir progressivement une influence déterminante sur la société, en donnant à des millions de gens le moyen d’agir de façon démocratique par le biais des entreprises.

L’impact sur la société sera forcément immédiat et cela n’est d’ailleurs pas d’une importance extrême. Peut-être l’idée se répandra-t-elle sous une forme légèrement différente ou sous un autre nom, par l’intermédiaire d’une autre association : là encore, cela n’a pas un grande importance.

Je suis extrêmement attentif à l’aspect structurel des choses.

Pourquoi par exemple le micro crédit se développe-t-il ? Parce que c’est un besoin par nature lié à la mondialisation, qui constitue le phénomène incontournable de notre époque. Pourquoi le Capital Altruiste se développera-t-il ? Parce que c’est un besoin par nature lié à la mondialisation et qu’il traduit aujourd’hui une aspiration générale de notre société.

Petites causes, grands effets. Il faut noter enfin que le Capital Altruiste aurait un impact majeur sur l’Humanité même s’il ne touchait, en proportion, qu’un nombre très réduit d’entreprises. Une capitalisation des entreprises altruistes égales par exemple à 0,1 % du NASDAQ suffirait largement pour protéger l’ensemble de la forêt amazonienne –tout simplement en l’achetant ! 

Il ne faut finalement pas beaucoup de choses pour faire pencher le monde dans la bonne direction.

5) Pourquoi travaillez-vous sur ce sujet/comment en êtes-vous arrivé à vous pencher dessus? Dans le passé, qu’avez-vous fait en rapport avec ce sujet?

Ma volonté de travailler sur ce sujet résulte avant tout d’une sorte de tension interne personnelle. Je n’ai absolument aucun passé humanitaire et les choses se sont faites progressivement.

Diplômé de Stanford en 1988 (Informatique et Business Administration), j’ai observé presque depuis sa création les évolutions du mouvement Open Source – au départ avec un certain scepticisme, tant il me semblait presque impossible que travailler dur pour faire du logiciel gratuit puisse devenir une idée populaire.
Maintenant que cette idée a en quelque sorte « réussi », elle me semble assez vaine. Des milliers de développeurs de haut niveau créent aujourd’hui des logiciels sans autre but que la gratuité, alors qu’ils pourraient agir de façon positive pour le bien de l’Humanité.

Je suis avant tout un entrepreneur. Je travaille depuis 15 ans dans les technologies de l’information, et en particulier dans l’Internet. J’ai très progressivement pris conscience de la puissance des forces « collaboratives » qui s’exerçaient dans le monde d’aujourd’hui.

Les projets Open Source préfigurent ce que seront les entreprises de demain – dans tous les domaines. Une collaboration de nature multinationale basée sur l’intelligence, pas de structure. Tout ce qui est de nature matérielle (production physique, logistique) se sous-traitera – se sous-traite déjà.

Mon entreprise Speechi, créée en 2003 est basée sur ce modèle. Speechi développe un logiciel pour l’éducation qui permet à un professeur d’enregistrer et de publier sur le Web ses conférences PowerPoint et nous sommes devenus les leaders du domaine en France. Nous avons des développeurs français, russes, indiens et américains. Mais j’ai toujours mon bureau chez moi – dans un petit village du Nord de la France. Nous avons aussi une filiale commerciale à Boston. Nous  sommes probablement une des plus petites multinationales au monde !

L’idée de Capital Altruiste a donc progressivement pris corps par observation du phénomène Open Source et trouve ses débouchés en priorité, presque par filiation, dans de tels projets qui sont déjà par définition des projets de nature altruiste.

Mais elle est de nature beaucoup plus universelle que le mouvement Open Source et son cadre d’action n’est absolument  pas limité aux technologies de l’information.

6) Avec quelles ressources financières, pensez-vous pérenniser votre projet?

Les besoins ne sont pas forcément très importants.

La Fondation pour le Capital Altruiste vise à faire la promotion de l’initiative altruiste. Elle doit se doter d’un budget de fonctionnement et de communication, en phase avec la stratégie définir plus haut, mais n’a pas à « investir » dans des actions.

Elle peut, elle doit se développer au fil du temps et en fonction de l’importance prise par l’entreprise elle-même.

Les différentes ressources possibles sont :

  • les dons privés (en particulier en provenance d’entrepreneurs intéressés par l’initiative)
  • les ressources éventuellement liées à la labellisation
  • les ressources éventuellement liées aux publications
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Commentaires»

1. Raooul - 6 mars 2007

Je ne trouve pas cela très clair pour être franc:

1. unique compelling reason to buy = because we are humans, is it enough

2. unique distinctive feature = did not find it yet

Ce qui n’est pas clair est la distinction entre une fondation = 100% de capital altruiste, et une société socialement "normale" = néanmoins 0% de capital altruiste.

A mon sens l’idée doit être affinée/explicité par des exemples concrets. Ou alors je n’ai rien compris, ce qui est fort possible…

Cela ressemble en l’état à l’intersection entre une société responsable, et une fondation… Quelle est la différence entre 5% de capital altruiste et verser tous les ans une dîme pour je ne sais pas quelle association. Vous me direz, la multiplication du capital. Mais je ne vois pas comment? Sauf à ce que cette part de capital soit une sorte d’impôt sur le capital "traditionnel"… récurrent, mais également un impôt in fine lorsque la société change de mains? A éclaircir?

Un commentaire sur l’Open Source… C’est le mode de rémunération des "artistes" qui a changé, rien d’autre. Au lieu de faire et de faire payer un droit, on fait et fait payer le temps et donc l’expertise. On fait pour apprendre, challenger son prochain, et puis pour s’imposer comme expert d’un domaine particulier… et si c’est meilleur que ce qui vaut très cher (un élément de motivation), c’est encore mieux. La musique n’y échappe pas: au lieu de faire, promouvoir et faire payer; on fait, et si on est "expert", si l’on fait mieux que la moyenne, on devient une star que l’on paie: voire ce qui se passe pour ts les DJ de la planète ou des artistes comme Darude, qui ont commencé sur le web "directement". L’Open Source est en quelque sorte un retour aux sources, au temps qui précédait la copyright et le marketing. Mozart n’était payé que pour ses représentations, et sa virtuosité… rien d’autre. Dit autrement il ne faut voir dans le mouvement Open Source qu’un retour à une économie anté-support- physique où compte tenu de l’impossibilité de protéger (avant l’Internet le piratage des musiques et des logiciels était plus compliquée…), on fait payer à la représentation. C’est tt le problème du DRM, qui essaie de perpétuer un système qui a été inventé pour une production de masse non copiable aisément (CD, Livres papier…).

…de la représentation, on est passé au support de masse, et avec l’Internet on retourne à la représentation…

Evidemment, il peut y avoir un phénomène de groupe, comme on a des groupes de chanteurs, on a des groupes programmeurs, et des stars au sein des groupes… et puis le réseau aidant, le groupe peut être assez large, avec des premiers et second couteaux. Enfin, les second couteaux, qui ne brillent pas par leur capacités techniques, brillent par leur "altruisme" ou simplement connaissance de la matière…

Et puis un beau jour lorsque dans un secteur donné ce groupe a pris de l’avance, il se structure et donne Red Had, Zend… et tous les autres. Il y a même des parasites, qui laissent courir les autres et vendent leurs conseils de coachs… et créeent des sociétés pas du tout altruistes.

A suivre…

2. Thierry Klein - 6 mars 2007

Je vais essayer d’être clair: c’est important.
Fondation ou association: entité à but humamitaire qui n’est pas dans le jeu économique. Son but est d’utiliser ou de dépenser au mieux son capital – ou les dons qu’elle reçoit – au bénéfice de sa cause. Ex: Croix-Rouge, Médecins Sans Frontières, WWF.

Entreprise « normale » : A pour objet la réumération de ses actionnaires, qui en possèdent le capital.

Entreprise altruiste : entreprise « normale » dont un au moins des actionnaires est une association ou une fondation.

Caractéristique du monde moderne: l’entreprise « normale », dont la traduction macro-économique est « le monde marchand », envahit tout le champ de l’activité humaine. Si on a pu considérer, bon an mal an, jusqu’à il y a 20 ans que c’était pour le meilleur (en pays de l’Est on disait « globalement positif »), il n’y a plus de doute aujourd’hui que ce soit aussi en grande partie pour le pire.

Il est impossible de contrer ou de limiter ce phénomène – la mondialisation – de l’extérieur. On ne fait rien dans le monde marchand sans peser économiquement. Pour influencer la mondialisation, il faut être à l’intérieur et il faut peser en capital. Le jour où les entreprises altruistes pèseront 1 % de la capitalisation mondiale, c’est gagné, ça veut dire qu’on saura éviter la plupart des effets pervers.

A la question « Quel pourcentage du capital doit être donné pour que l’entreprise soit altruiste ? », je n’ai pas encore de réponse. Un projet Open Source sera à même de créer une entreprise dont presque 100% du capital est dans une association (le reste entre les mains des salariés). Un entrepreneur ne mettra sans doute pas plus de quelques % (disons 5- 10%) au lancement de son entreprise…

Un VC, si c’était tendance et si on le lui valorisait bien, en disant que ça va attirer des ressources de qualité, pourrait aussi mettre quelques %, non ?. Le reste, c’est le champ des possibles.

Donc il ne s’agit pas de refaire des associations (elles pansent des plaies, mais n’évitent pas la maladie).

Unique distinctive feature: ce n’est pas ce qui me guide mais l’entreprise altruiste permet de préserver une économie efficace au sens libéral (Hayek) du terme puisque les entreprises altruistes appartiennent à 100% à leurs actionnaires et sont à 100% dans le jeu économique. En même temps, elle conduit à une société plus juste – ou du moins à une société où les intérêts associatifs pèsent plus – ce qui, je sais, n’est pas forcément la même chose. Je ne connais pas tant de solutions qui aient structurellement ces 2 caractéristiques.

3. Raool fidèle lecteur - 11 mars 2007

OK, mais quelle différence entre IKEA, détenu par une fondation Néerlandaise, IKEA notoirement profitable qui fait pâlir d’envie tout investisseur, et une société à Capital altruiste? IKEA détenu par cette fondation a été fondée par un type qui a commencé par vendre des allumettes, en 43, et est aujourd’hui considéré comme le "Bill Gates du Retail", n’a jamais ouvert son capital et transmis ses actifs à une fondation propriétaire d’IKEA AB, celle, là qui dégage tant de bénéfices et fait tant de croissance… Ne serait-ce à dire que Capital Altruiste => croissance organique des actifs sans faire appel à tiers détenteurs qui ne veulent pas construction pas se diluer dans moins "requin" qu’eux?
Le problème va être pratique, j’ai une boite, 100 actions, il y en a 10 qui sont altruistes, qu’est-ce que cela veut bien dire? Que je ne peux les vendre à moins altruiste, que j’en affecte les dividendes à autre chose qu’à acheter des conn…, que je réinjecte les dividendes? Je réinjecte les dividendes, cela veut simplement dire, je ne distribue pas une partie des bénéfices, pas besoin de capital altruiste pour cela. Je ne les vends pas à moins altruiste, cela s’appelle une "poison pill" qui va faire fuire tt le monde. Il faut alors peut être simplement inventer une classe d’actions, avec des droits de votes, des mécanismes de distribution particuliers? Mais qu’est-ce qui empèche un minoritaire aujourd’hui d’être altruiste, voire majoritaire, rien? Ce qui me met la puce à l’oreille est que le modèle Open Source qui inspire cette réflexion tt à fait intéressante et positive, n’est à mon avis pas un courant altruiste, mais une manière pour Joe Doe, sans ressources marketing de survivre dans un monde qui au bout de 30 ans a été "trusté" par qques grands. C’est un changement de paradigme et de stratégie, plus qu’un mouvement altruiste à mon humble avis.

Le problème de Raool (notons que son nom a été anglicisé pour faire "in") est qu’il adore discuter et qu’il se souvient avec une certaine jouissance des cours de philo, qui étaient plus des séances de débats contradictoires façon café du commerce, de ses jeunes années.

4. Raool qui a des problèmes de mémoire - 11 mars 2007

Suite du précédent commentaire.

Je suis proprio de mes 100 actions

1. rien ne m’empèche d’en faire "don" à une fondation (modèle IKEA simplifié)

2. rien ne m’empèche de créer une fondation avec mes actifs

La différence entre 1. et 2. pour la société "mère", la corporate gouvernance, évidemment: en 1., en gros, c’est une fondation qui gouverne, en 2. ce sont les mecs qui m’ont donné l’argent pour mes actifs. Et mes actifs servent alors à faire des dons ou recréer une autre Société à CA. Les actifs sont disjoints de leur origine.

Les plus de 1.: le modèle est perpétué, au risque qu’il ne soit dévoyé (i.e. plus profitable) par confusion des genres

Les plus de 2.: séparation des variables, mais au risque d’épuiser la ressource si les mauvais choix sont faits. Dit autrement, le problème du "surplus", reste ouvert et peut être réaffecté à de Capital "normal", du CA ou des dons.

So far so good.

Mais prenons maintanant le cas où j’ai disons 5% de Captial altruiste: pas de problème vu du côté des majoritaires, j’ai bien une poison pill, mais comme elle n’a pas son mot à dire ce n’est pas gênant sauf dans les situations qui requièrent l’unanimité. Moi, minoritaire à 5%, mon CA n’a d’altruiste que le mot, car je ne gouverne rien. On peut tout à fait "assècher" mes ressources sans que je n’aie rien à dire.

Maintenant, si j’en ai 40%. Gros problème: les intérêts des actionnaires ne sont pas alignés. Pour exemple comme précédemment, je peux en tant que majoritaire vouloir maximiser la valeur et la croissance, et donc assècher les ressources des détenteurs de Capital Altruiste (CA). Si j’ai 40%, j’exerce ma minorité, et hop, on se retrouve en IVème République, ingouvernable. Là c’est une vraie "poison pill".

Bref, je dirais en guise de conclusion (intérimaire ou intermédiaire):

100% de CA, no problem, c’est à moi à 100%, je peux en faire ce que je veux. Notons que ce n’étais/n’est pas le cas de Bill.

Epsilon % de CA, no problem, on se fiche de ce que veut faire un minoritaire. Mais je risque qd même de subir des décisions qui ne sont pas miennes.

Enfin, "at least but not last", je peux imaginer que qqun qui a suffisemment d’actifs pour se poser la question de l’alternative entre récréer une structure 100% CA et faire des dons pour simplifier, ira sans doute vers la deuxième alternative, pour 2 raisons:

1. il doit en avoir assez de gérer des trucs qui doivent être profitables

2. le don crée psychologiquement (c’est assez connu, voire les études sur le potlatch de indiens d’amérique par exemple, ou toutes les autres études) une gratification immédiate, une augmentation de l’estime de soi. Le CA est un don "indirect" qui n’offre pas cette dimension psychologique.

Prenons un autre exemple: J’ai un immeuble à 5 étages à Paris, dont un étage est un HLM. Les 4 autres étages sont des propriétaires individuels qui y habitent ou non, un propriétaire unique qui loue… que du traditionnel.

L’Assemblée des Copropriétaires peut-elle imposer à l’office HLM le changement de la moquette au sol pour un velours rouge directement importé d’Italie, brodé de fils de cuivre, également le polissage du marbre de Carrare sous-jacent? Sûrement. Elle peut donc imposer à l’Office HLM de divertir ses ressources pour une rénovation luxueuse en dehors de sa mission. Imaginons les titres du Canard Enchainé… Par ailleurs cet immeuble peut-il être vendu à un Fonds Anglais en chasse d’actifs à Paris pour en faire de l’immobilier de bureau plus rentable? Difficilement… Donc en tant que propriétaire au sein de ce mix je peux être floué comme minoritaire (l’office HLM qui vers une obole aux "riches"), mais aussi comme majoritaire (car la valeur de mon bien est réduite par la "poison pill"). Le seul bénéficiaire est le locataire… celui a qui l’on veut faire du bien, c’est l’idée du CA. Mais le problème est que le locataire n’est pas le propriétaire. Dit autrement si les intérêts ne sont pas alignés c’est difficile.

Donc la question du CA, est pratique: COMMENT ALIGNER LES INTERETS DE TOUS?

5. Thierry Klein - 20 mars 2007

Pour te répondre brièvement:
1) L’intérêt de l’actionnaire « altruiste » est TOUJOURS que ses actions valent le plus possible, car c’est de cette façon qu’il gère le mieux sa cause (ie qu’il mettra le plus d’argent à disposition de sa cause). S’il réduit sa plus-value au nom d’une politique soi-disant « éthique », cela veut dire qu’il privilégie le comportement éthique de l’entreprise dont il est actionnaire par rapport à la cause qui est sa raison d’exister. Ce serait un peu un abus de biens altruiste. C’est pour ça que je parle d’un marché qui reste efficace au sens de Hayek: tous les acteurs continuent bien à privilégier leur propre intérêt. Bref, on est à 100% dans le cas d’une entreprise classique quant au rapport entre les actionnaires.
2) Voir par exemple : Une entreprise altruiste doit-elle se conduire de façon + éthique que les autres ?

6. raoul - 21 mars 2007

Pas convaincu. Si le porteur d’actions CA doit arbitrer… s’il et forcé à arbitrer sa réaction estimprévisible. Il faut un pacte d’actionnaire bien ficelé avec des clauses de sortie, et tt le reste… donc inacessible au coté. Je n’ai pas de réponse sur l’exemple de mon HLM 😉 qui a mon avis illustre assez bien la problématique (fier de moi!)

7. Thierry Klein - 21 mars 2007

Ce que je veux dire, c’est que tes problèmes touchent à la relation entre les actionnaires – ou les co-propriétaires – en général, dans une économie non altruiste classique. Mon exemple de Capital Altruiste ne les résoud pas – mais n’en crée pas d’autres non plus, ce qui est déjà beaucoup.