Sur Onfray, sans l’avoir lu 25 avril 2010
Par Thierry Klein dans : Critiques.Lu 5 092 fois | 3 commentaires
Si je comprends bien, Onfray critique Freud et crée un sorte d’événement en affirmant que « la psychanalyse ne fournit aucune vérité universelle« . Mais ceci est une évidence, connue depuis Popper, qui a écarté la psychanalyse du champ des sciences en montrant qu’elle faisait partie des théories non réfutables.
Consulté par le comité Nobel, Einstein ne soutint pas la nomination de Freud au Prix Nobel de Médecine et répondit lui aussi qu’il était incapable de dire si la psychanalyse était ou non vraie.
En fait, tout cela n’a pas grande importance.
Quel que soit le degré de vérité des « résultats » de la psychanalyse, Freud a posé les jalons d’un nouveau champ d’exploration de l’être humain, d’une discipline nouvelle.
On peut comparer son œuvre à celle d’Aristote, pour la physique. Avec 2000 ans de recul, il est clair qu’Aristote s’est trompé sur presque tout. Presque tout ! Pourquoi donc le lit-on encore aujourd’hui ? Parce que ce qui est le plus intéressant, c’est la méthode qu’il invente pour arriver au résultat (ce qu’on appelle aujourd’hui la physique, ou la science) et la façon dont il avance, pose les termes, sépare les concepts – tout ce qu’on appelle la démarche.
Aristote ne publie presque que des erreurs mais il donne un cadre à tous les scientifiques qui viennent après lui, dont il devient la référence presqu’unique. Sans Aristote, pas de Galilée (c’est Galilée lui-même qui lui rend constamment hommage, bien qu’inversant totalement ses résultats), pas de Newton pas de physique moderne. Il est faux de dire que Galilée infirme Aristote; en fait, il redécouvre Aristote et, le premier en 2000 ans, le prolonge.
Pendant 2000 ans, le génie d’Aristote stupéfie littéralement tous ceux qui s’y frottent. L’œuvre est tellement géniale, tellement en avance, que ceux qui l’étudient en sont réduits à la paraphraser de façon jargonneuse (voir les médecins de Molière) et la science devient une sorte de religion, de secte, dont Aristote aurait écrit la Bible. Critiquer Aristote tient littéralement du blasphème, comme Galilée en fera l’amère expérience.
Vous noterez l’analogie avec ce qui se passe pour la psychanalyse. L’œuvre de Freud est absolument géniale, je n’ai aucun doute là-dessus (et si je n’ai jamais lu Onfray, j’ai bien lu tout Freud).
L’œuvre est totalement saisissante, mais il absolument possible que tout, ou presque tout, soit faux dans les résultats de Freud. Il faudra peut être des centaines d’années pour qu’on en fasse quelque chose de réellement scientifique, pour qu’on obtienne des résultats. Peut-être même n’en sortira-t-il jamais rien car rien ne prouve que le psychisme humain soit réductible à une théorie scientifique, comme l’est le mouvement des planètes.
En attendant, des mouvements sectaires se sont emparé de la psychanalyse et jargonnent à qui mieux mieux (voir les réponses involontairement comiques de Julia Kristeva à Michel Onfray dans le Nouvel Observateur de cette semaine). Les descendants de Freud ont créé leurs chapelles (Freudiens, Lacaniens…) et suivent aveuglément la parole du Maître, à défaut de pouvoir la comprendre puisqu’elle n’est pas, à ce stade, réfutable. Et ils jetteront l’anathème sur le premier qui tirera un vrai résultat de la psychanalyse, exactement comme cela s’est passé pour Galilée et pour les mêmes raisons.
Reste que les concepts posés par Freud, la méthode, la démarche, l’art inspirent aujourd’hui même ses critiques les plus virulents. Quand Onfray dénonce, toujours dans le Nouvel Obs, « une théorie universellement valable en vertu de la seule extension du désir de Freud à la totalité du monde » ou « le fait que le complexe d’Oedipe explique toute la passion incestueuse que Freud manifeste dans la totalité de sa vie« , se rend-il seulement compte que c’est l’œuvre de Freud, et elle seule, qui lui permet de poser ce diagnostic (et qu’en outre, c’est dommage pour lui, il jargonne comme un Freudien de pure souche) ?
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Business Development et Capital Altruiste (Lundi à l’EDHEC) 23 avril 2010
Par Thierry Klein dans : Entreprise altruiste.Lu 4 590 fois | ajouter un commentaire
Merci beaucoup à Jérôme de m’avoir invité pour la conférence-débat organisée à l’occasion du lancement de son livre « Business development » (ce lundi 26 avril à 18:30 à l’Edhec).
Vraiment un livre riche et utile, qui balaie beaucoup de sujets liés à la croissance (la crise, la vision, l’international). J’ai découvert que, comme Mr Jourdain, il se peut que j’applique beaucoup de bons principes sans le savoir (je fais plus confiance à l’intuition qu’à l’intelligence pour avancer, tout pour moi part d’une vision et se clarifie au fur et à mesure). A mon grand dam, je loupe beaucoup de choses aussi.
Il se trouve que Speechi est dans le « Business development » jusqu’au cou en ce moment, et en particulier à l’international. « Jusqu’au cou », cela veut dire que ce n’est pas encore tout à fait possible pour moi de dire si ça va nous tirer vers le haut ou vers le bas (mais pas possible de revenir en arrière, c’est sûr !).
En attendant, il me semble que je pourrais coucher sur le papier trois bonnes caisses d’exemples illustrant les propos du livre.
Ce livre me touche aussi beaucoup parce que c’est le premier qui parle du Capital Altruiste et qui l’envisage sous l’angle du développement durable. C’est le thème sur lequel j’ai prévu d’intervenir lors de la conférence d’ailleurs.
Il ne doit pas rester beaucoup de places, mais si vous êtes intéressé(e), vous pouvez contacter Jérôme Gayet (contact@bd-consultants.com).
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Imprégnation et aliénation infantile 16 avril 2010
Par Thierry Klein dans : Aliénation,Non classé.Lu 5 350 fois | ajouter un commentaire
Comment cette magnifique photo a-t-elle été prise ?
Il suffit que le cameraman soit à proximité des oisons lorsqu’ils viennent au monde et ceux-ci s’attacheront à lui pour toute leur vie. Ils ne le quitteront plus et le suivront comme si c’était leur mère. Si le cameraman achète un deltaplane, ils voleront instinctivement en formation avec lui. C’est ce que Konrad Lorenz appelle l’imprégnation.
L’imprégnation est donc plus qu’une simple aliénation inconsciente, comme l’était l’aliénation consommatrice. C’est une aliénation instinctuelle, fruit de l’évolution et qui échappe totalement au libre arbitre ou à tout calcul coût-bénéfice conscient ou inconscient (1). L’imprégnation est. Point-barre.
On peut évidemment déplorer, au nom du droit des oiseaux à disposer d’eux-mêmes, cette aliénation totale de l’oison à sa mère. Mais on ne peut pas l’empêcher sans employer la contrainte.
Et même si vous contraignez l’oiseau toute sa vie, même si vous contraignez ses petits et les petits de ses petits, même si, selon le souhait de Lenine, vous contraignez 10 générations d’oiseaux, vous ne rendez jamais la 11ème génération d’oiseaux heureuse car il est dans la constitution de l’oiseau d’être imprégné : il est câblé ainsi.
Dans l’amour d’un enfant pour sa mère, il y a probablement une composante instinctuelle très comparable dans son principe (sinon dans sa cause biologique) à l’imprégnation, le plus remarquable étant que les deux attachements sont totalement aveugles – oison et enfant s’attachent à ceux qui vont s’occuper d’eux sans aucune considération biologique.
De tous temps, dans les régimes totalitaires les plus avancés, on tente de combattre l’imprégnation de l’enfant à sa famille parce qu’elle fait en quelque sorte concurrence à une aliénation dont l’intérêt est jugé supérieur : celle du citoyen à l’état. C’est ce qui se passait à Sparte, dans la Rome des origines (Horace tue sa sœur parce qu’elle pleure la mort de son fiancé Curiace), en Union Soviétique, dans la Chine de Mao (et encore d’aujourd’hui, mais dans une moindre mesure).
En URSS, des bébés de quelques mois pouvaient, sous Lenine, être enlevés à leurs parents « réactionnaires » et placés dans des écoles d’éducation collective au nom d’une double « logique » : leur éviter d’être contaminés par les opinions contre-révolutionnaires des parents, placer l’ensemble des enfants dans de strictes conditions d’égalité.
L’aliénation, si tant est qu’elle existe, est souvent ancrée en nous de façon si profonde que seules des méthodes parfaitement inhumaines semblent pouvoir la tuer ou la réduire. On sent bien aussi le côté inhumain des thèses d’Elisabeth Badinter, qui, voulant lutter contre l’aliénation maternelle, nie la composante instinctuelle, présente dans un grand nombre d’espèces animales, qui donne envie à une mère de s’occuper de son enfant.
Le problème, c’est que même si les autres (aliens) sont un enfer, il n’y a probablement pas de bonheur possible sans aliénation.
(1) Voir les remarques de PBD sur les boucles longues et les boucles courtes. Ici, il n’y a pas de boucle – ou alors, c’est une boucle à l’échelle de l’évolution, sur une durée d’au moins 1000 fois la vie de l’individu.
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Le capital altruiste sur Weo
Par Thierry Klein dans : Entreprise altruiste.Lu 3 769 fois | 2 commentaires
Merci à toute l’équipe de Weo pour leur invitation au Journal « Grand Place » hier soir. C’était très sympa et Julie Zenatti a même assuré ma première partie.
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