Un exemple de cours de robotique Algora sous microbit: la synchronisation des vers luisants 19 avril 2018
Par Thierry Klein dans : Non classé.Lu 3 fois | ajouter un commentaire
La philosophie des cours Algora : comprendre la beauté du monde qui nous entoure
L’objectif profond de nos cours Algora est de faire comprendre aux enfants le fonctionnement du monde qui les entoure, et qui les entourera de plus en plus: celui de la révolution numérique. La révolution numérique a commencé au début des années 2000 et est toujours en cours. Pour la comprendre, il faut savoir programmer et surtout raisonner à l’aide d’algorithmes.
Les machines programmées étudiées dans notre cursus de programmation de robots Algora (qui s’étend sur 3 ans) couvrent un spectre d’applications extrêmement vaste (voitures intelligentes, machines outils, robots “aspirateurs intelligents”, robots “de combat”, jeux vidéos programmés – voir ci-dessous) et nous avons aussi un certain nombre d’exemples qui nous sont inspirés par la nature. Par exemple, je suis très fier de ces robots qui marchent (mille-pattes, puis araignée, puis chien puis robot bipède), où nous apprenons à l’enfant les principes de la marche, puis de l’équilibre de façon à ce qu’il puisse ensuite les programmer.
Le cas des vers luisants
Avec cet exemple des vers luisants, nous allons au coeur même de la compréhension de la nature, qui fonctionne elle aussi, parfois, par algorithme. Les vers luisants dans la nature clignotent ensemble, ils se synchronisent entre eux. Mettez 1000 vers luisants ensemble, ils clignotent au départ de façon non synchronisée puis, progressivement, ils vont se mettre à clignoter ensemble. Le mécanisme de cette synchronisation est resté longtemps mystérieux et a été découvert en 1992. Tous les verts luisants sont munis d’une horloge biologique interne qui définit le rythme des clignotements. Ces horloges sont au départ désynchronisées, mais quand un ver luisant clignote à proximité, le ver luisant qui voit la lumière avance légèrement son horloge et, par un mécanisme qu’il est extrêmement difficile de comprendre sans le réaliser, cela suffit pour que tous les vers luisants se synchronisent progressivement, même s’ils sont des dizaines de milliers.
(Ci-dessous, une vidéo de vers luisants dans la nature)
C’est un vrai cas d’intelligence collective: un ordinateur central, aussi puissant soit-il, aurait beaucoup de mal à synchroniser les vers luisants dès que le nombre dépasse quelques centaines. Avec une intelligence minimale (quelques centaines de neurones) et une horloge interne, la nature parvient sans effort à créer ce phénomène.
C’est magique, incroyable ou miraculeux, selon l’angle sous lequel on envisage la question. (Nous ne rentrons pas dans ces considérations dans nos cours, nous cherchons à faire sentir à l’enfant que tout ceci est tout simplement beau).
Les fonctions de communication de robots sur la carte microbit
J’ai expliqué dans un billet précédent qu’un des avantages de la carte microbit est qu’elle possède des fonctions d’émission de signal radio à la fois très avancées et très simples à mettre en place. Il est possible, avec une vingtaine de lignes de code, de synchroniser entre eux autant de vers luisants numériques qu’on veut, c’est très simple à réaliser. Les deux lignes qui comptent, tout le monde peut les comprendre:
Et les enfants, comme nous, même après avoir programmé les vers luisants, passent du temps à essayer de comprendre comment cela se passe. Essayez: avec 2 verres luisants, on comprend. Avec 3, va encore. Au delà de 4 ou 5, notre capacité de réflexion explose: on ne peut plus que constater que ça fonctionne.
(Ci-dessous, une vidéo des vers luisants virtuels)
Les algorithmes distribués au coeur de la nature
Il y a tout une classe d’algorithmes dit “distribués” ou “collaboratifs” où un comportement apparemment très complexe est obtenu à partir de choix très simples, effectués par chacun des agents: la forme que prennent les nuages d’oiseaux dans le ciel (ou les bancs de poisson dans l’eau), la façon dont les chiens de berger rangent les moutons, etc. La découverte de ces algorithmes s’effectue de façon très progressive et a commencé il y a une vingtaine d’années. Nous tentons de les faire pressentir aux enfants, mais évidemment, dans notre cursus plus avancé, pour le lycée ou l’enseignement supérieur, nous irons plus loin (1).
Lorsque nous arrivons à faire marcher nos robots, nous reconstituons la nature (la plupart du temps assez maladroitement, il faut bien l’avouer !). Lorsque nous faisons clignoter nos vers luisants virtuels, nous la comprenons réellement, nous sommes au cœur de ce qui fait la nature.
(1) Et dans le supérieur, ou en Terminale, on doit sans doute, avec quelques précautions opératoires, pouvoir faire communiquer les vers luisants au son, les éloigner de quelques mètres et synchroniser les horloges en mode “relativité restreinte”, le son jouant le rôle de la lumière. Je rappelle que ce problème de synchronisation est au cœur de la théorie de la relativité. Même avec 2 vers, ceci est intéressant car il y a très peu de façon d’observer la relativité restreinte.
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« Au Collège des Bernardins, je vous ai compris » 15 avril 2018
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 3 344 fois | ajouter un commentaire
Il y a eu une telle levée de boucliers « laïques » contre ce discours que j’aimerais y apporter mes commentaires – dans la mesure où je n’ai pas pu trouver ces idées ailleurs. Pour moi, qui suis un laïc « strict » (puisque malheureusement on doit aujourd’hui préciser le côté « strict »), le discours de Macron aux Bernardins non seulement n’est en rien une entorse à la laïcité mais la renforce.
Mais on ne peut le comprendre que si on comprend ce qui sous-tend sa vision : la différence de fond entre l’Eglise catholique, pouvoir temporel issu des dérives de l’Empire Romain et les chrétiens eux-mêmes. L’Eglise, en tant qu’Institution, tout en prétendant s’inspirer des Évangiles, n’y a pas compris grand chose pendant des centaines d’années. l’Inquisition, par exemple, n’est pas présente dans les Évangiles. Il faut différencier la façon dont les hommes tentent de mettre en œuvre un message et le message. De même, le Goulag russe n’est pas une démonstration contre le marxisme, etc.
Quand Macron s’adresse à l’Eglise catholique, il la garde à la place que la République lui a assignée : loin du pouvoir temporel. Quand il s’adresse aux chrétiens, il leur demande de se mettre au service de la France, non pas en tant que membres de l’Eglise, mais en tant que citoyens pris chacun individuellement.
Je précise que je ne suis ni de religion chrétienne ni croyant. Il y a grosso modo aujourd’hui trois catégories de laïcs : des laïcs « stricts » qui n’ont rien contre les personnes croyantes a priori (j’en fais partie), des laïcs dits « accommodants » qui pour moi n’ont plus rien à voir avec la laïcité (contre lesquels je lutte), des laïcs stricts, bouffeurs de curé, avec lesquels je n’ai rien en commun. Ces bouffeurs de curé arrivent souvent aux mêmes conclusions que moi, mais c’est presque par hasard et ça ne compte pas vraiment, si on considère qu’il n’y a que le raisonnement qui compte.
Le principe de laïcité réaffirmé : « Vous comme moi, nous savons que la voix de l’Eglise ne peut être injonctive »
S’il y avait une phrase, une seule, à retenir de ce discours, c’est celle-ci :
« Vous comme moi, nous savons que la voix de l’Eglise ne peut être injonctive ».
Petite explication de texte : l’utilisation du terme « injonctive » définit exactement la place de l’Eglise telle qu’elle lui a été attribuée par le principe de laïcité. « Vous comme moi, nous savons… » : « Vous » (L’Eglise) car il vous a été demandé de « rendre à César ce qui appartient à César » et que cette citation de Jésus est une des sources de la laïcité française. Et « moi » (Macron), Président de la République à qui, donc, la laïcité républicaine s’impose nécessairement. Même si cela paraît paradoxal, la laïcité est bien une idée chrétienne que nous, français, avons dû imposer à l’Eglise catholique. L’Eglise catholique, en s’opposant à la laïcité a commis une erreur historique et surtout n’a pas su interpréter ses propres textes fondateurs. (D’autres textes évangéliques esquissent par ailleurs la séparation temporel / intemporel, par exemple l’opposition permanente entre « le Père » et « les puissances du monde »). A tel point qu’on peut certainement considérer sérieusement l’idée que l’émergence « miraculeuse » de ce courant philosophique justement en occident chrétien, justement en France, n’est pas un hasard mais une conséquence de la « Révélation » chrétienne.
Le lien abîmé : « nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer »
Les « athées » de la Révolution et ceux qui ont suivi sont imbibés de christianisme jusqu’à la moelle pour la plupart. Ils haïssent l’Eglise, certes, mais l’Eglise avait commis de nombreux abus et ce qui leur fait haïr ces abus, c’est peut-être justement la part de l’influence du christianisme en eux. (« athée » entre guillemets car évidemment, aussi de nombreux croyants chez les révolutionnaires). A un certain moment, finalement, être chrétien sincère, cela signifiait forcément s’opposer – avec force – à l’Eglise et beaucoup d’athées partagent avec les chrétiens le même esprit de Justice, qui imbibe toute notre société. Comme Mr Jourdain fait de la prose, ils font du christianisme en le rejetant, et sans le savoir. Voilà pour les crimes de l’Eglise, qu’il vous convient de réparer. D’un autre côté (et en même temps !), des abus ont été commis du côté de l’Etat même (spoliations, assassinats et persécutions de prêtres). Et ces crimes, c’est à l’Etat français, à moi, de les réparer aujourd’hui. Quand il dit donc qu’un lien a été cassé entre l’Eglise et l’Etat, Macron ne parle pas nécessairement d’un lien institutionnel ou juridique. Il parle d’une situation historique, où les torts sont partagés.
Sur le rôle des chrétiens et des croyances dans la société
On a reproché à Macron de flatter les catholiques et de ne s’adresser qu’à eux, de ne louer qu’eux. Ce reproche est évidemment injuste. Macron s’est adressé aux juifs, aux protestants, en des termes à peu près similaires (tradition républicaine d’ailleurs). Il pourrait s’adresser aussi bien d’ailleurs à des associations non cultuelles telles que les francs-maçons. Il a appelé à l’engagement tous les jeunes. Tout ceci n’est pas forcément de la basse politique ou de la flatterie clientéliste. Le rôle du Président est de rassembler les énergies et de les mettre au service d’une « certaine idée de la France ». Qu’il s’adresse à chaque association de façon indépendante ne constitue pas un communautarisme, mais plutôt une spécialisation, une segmentation d’un discours politique universel et qui prône l’engagement.
Sur le nécessaire comportement d’un citoyen chrétien au quotidien
Macron appelle les chrétiens à s’engager en tant qu’ils sont citoyens, il n’appelle pas l’Eglise à prendre plus de pouvoir. Le principe républicain ne fait pas fi des croyances. Il est écrit simplement que « la République ne reconnaît aucun culte », c’est très différent. Ensuite, dans notre vie privée, professionnelle, tout ce que nous faisons est nécessairement influencé, infusé, par nos croyances (pas forcément religieuses, la vision qu’on a de l’homme est aussi une croyance. La laïcité n’a de sens que si on croit en l’Homme, comme Zola, et Buisson, à juste titre, parlait de « foi laïque »). Laïcs, athées, agnostiques, religieux, nos croyances dictent nécessairement notre comportement éthique. Vouloir enlever ceci aux chrétiens, dans la mesure évidemment où leurs croyances sont compatibles avec nos lois, c’est une vision liberticide et totalitaire des choses. Tout ceci est une évidence mais il faut le rappeler car beaucoup de laïcs stricts ont été choqués que Macron rappelle le rôle de la croyance dans le comportement de tout chrétien. Rappeler ceci, ce n’est pas une atteinte à la laïcité, ce n’est pas avoir avalé l’eau des burettes, c’est simplement reconnaître que l’Homme est un animal métaphysique.
Il faut réfléchir au comportement d’un croyant fonctionnaire, par exemple d’un juge chrétien, pour comprendre ce que veut dire Macron. Si les lois françaises, s’opposent à la vision qu’a le juge chrétien des lois de Dieu, il ne peut y avoir de juge chrétien stricto sensu, car tout croyant sincère, et c’est normal, et cela ne peut être autrement, doit faire passer les lois de Dieu avant celles des hommes. S’il y a donc des juges chrétiens, c’est que la vision de la Justice au sens des évangiles et au sens de la République sont absolument compatibles (1). Le juge chrétien jugera donc au nom de Dieu (par principe) et au nom du peuple français (raisonnement de droit), mais
« Ces dimensions en réalité sont tellement entrelacées qu’il est impossible de les démêler » [Macron, à propos du gendarme Beltrame]
L’Eglise catholique, les islamistes, ont-ils compris ce discours ?
On a vu des représentants officiels de l’Eglise catholique se féliciter de ce discours, ainsi que diverses associations de l’Islam communautariste et de l’islamisme. A mon avis, ils ont eu tort de se réjouir car la puissance de « la voix non injonctive » est terrible. Si les islamistes acceptent de reconnaître que la voix de l’islam est non injonctive, eh bien, c’est parfait !
La réalité, c’est qu’après un tel discours, Macron garde les mains libres. Laïcité stricte ou accommodante (qui est en réalité une sortie de la laïcité), il est toujours impossible de dire quel parti Macron va prendre. Ce discours, et les réactions qui ont suivi, pourrait bien être l’équivalent Macronien du « Je vous ai compris ». – où justement personne n’avait compris !
(1) Raphaël Enthoven, dans le fin mot de l’info cette semaine: « la laïcité, c’est la reconnaissance qu’il y a plusieurs vérités ». Je pense plutôt que le concept ne fonctionne que parce qu’il n’y a qu’une seule vérité, un seul esprit de justice. La laïcité fait passer le reste (Dieu, etc.) au second plan.
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