Pourquoi un sac de jute, au mur, dans mon bureau ? 31 janvier 2008
Par Thierry Klein dans : Humeur.Lu 19 286 fois | 16 commentaires
Depuis des années, il n’y a rien sur les murs de mon bureau, à part ce sac de jute. Pourquoi ? Vous le saurez en lisant le témoignage que mon père vient d’envoyer à Yad-Vashem, pour que Mr Mandon, Minotier à Lamastre, puisse recevoir sa décoration.
« Je suis l’enfant unique de Pierre Klein et de sa femme Simone.
Mon père est né en Alsace en 1900 à Fegersheim et ma mère en 1912 à Bar le Duc.
A l’époque de la guerre nous habitions à Marseille (367 Avenue du Prado) et mon père était directeur de la société Weill et Cie (filature et tissage de jute). En 1942 un administrateur provisoire a remplacé mon père et c’est à cette époque que nous avons quitté Marseille pour Lamastre (Ardèche). Mon père connaissait déjà Emile Mandon qui était un de ses clients. C’est lui qui a proposé de nous héberger à Lamastre.
Mon père pourtant très méfiant savait qu’il pouvait avoir confiance en lui.
J’ai donc été réfugié à Lamastre de 1942 à 1945. J’étais à l’époque très jeune puisque je suis né en 1935 mais je me souviens parfaitement des faits suivants :
En 1942, mon père et ma mère (Pierre Klein et Simone Klein née Alphen) , mon oncle, ma tante et leur fils(Ernest Klein, Alice Klein née Levy et Etienne Klein , ma grand mère et mon grand père maternels (Armand Bernheim et Germaine Bernheim née Lehmann) ; ma grand-mère paternelle (Rose Klein née Levy) ainsi que des amis de mes parents (Pierre et Francette Montus), Françoise Maous et son mari avons été accueillis par Monsieur et Madame Mandon.
Pendant ces trois années ils nous ont nourris, secourus, réconfortés, entourés avec la plus grande bienveillance.
En 1943, une rafle a eu lieu à Lamastre. Au cours de cette rafle une dizaine de juifs ont été arrêtés dont Francoise Maous et son mari.
Le jour de cette rafle alors que sans le savoir ma mère et moi allions nous jeter dans la gueule du loup sur le lieu de l’arrestation ; Monsieur Mandon a couru à perdre haleine derrière nous pour nous rattraper et nous prévenir : « Madame Petit, Madame Petit (nom d’emprunt de ma mère pendant la guerre), vous avez oublié vos courses chez moi ».
Nous étions à 100 mètres des allemands et avons immédiatement rebroussé chemin. Nous étions sauvés.
Une autre fois, alors que des allemands et des miliciens s’étaient rendus à Lamastre, Monsieur Mandon est venu d’urgence prévenir le Directeur de l’école primaire qu’il fallait mettre immédiatement à l’abri les deux élèves Etienne et Francis Klein. Le Directeur nous a emmenés dans les bois et j’ai été ainsi sauvé une deuxième fois.
Suite à tous ces évènements, mon père décida d’exiler sa famille à Gap occupé alors par l’armée italienne qui lui semblait moins dangereuse que l’armée allemande.
C’est encore Monsieur Mandon qui nous transporta avec sa voiture personnelle dans les Hautes Alpes et ce au péril de sa vie et de celle de sa famille. Il nous a fait franchir la ligne de démarcation pour passer en zone libre. Puis après la capitulation italienne, Gap fut occupé par les allemands. C’est encore Monsieur Mandon qui une fois de plus risqua sa vie pour nous rechercher quelque temps plus tard et nous ramener à Lamastre.
Nous étions présentés aux gens du village comme étant des réfugiés venant de Marseille.
Les relations entre la famille Mandon et mes parents étaient quotidiennes : mon père travaillait comme comptable à la minoterie avec Monsieur Mandon. Leur entente a été parfaite pendant ces trois années. Ma mère passait beaucoup d’après midi avec Madame Mandon.
Moi-même j’étais ami avec Pierre Mandon (le fils), et ses sœurs Janine et Marinette.
Il n’a jamais existé aucun arrangement financier entre la famille Mandon et mes parents.
La motivation de Monsieur Mandon était essentiellement d’ordre humanitaire : il désirait porter secours à des familles persécutées.
N’oublions pas que cette ville de Lamastre est toute proche du Chambon sur Lignon qui a été reconnu comme Village des Justes. Beaucoup d’habitants de Lamastre, comme ceux du Chambon sur Lignon ont eu pendant la guerre ce comportement admirable, agissant simplement parce qu’il fallait le faire, sans compensation, sans forfanterie, sans gratification. C’était naturel, un point c’est tout. Et les Mandon sont des personnes de cette trempe qui n’ont jamais cherché à se glorifier de leurs actions.
Voila les raisons pour lesquelles je souhaiterais vivement que Monsieur Mandon aujourd’hui décédé (mais dont les trois enfants sont encore en vie), puisse recevoir à titre posthume la médaille des Justes. Il me semble en effet important que ses enfants et petits enfants gardent dans leur mémoire l’histoire exemplaire de leur père et grand père pendant la dernière guerre et qu’ils en conservent un témoignage officiel.
A la fin de la guerre, 1945 ou 1946, nous avons quitté Lamastre pour retourner à Marseille, mais les liens entre la famille Mandon ne se sont pas perdus. Mes parents écrivaient à Monsieur et Madame Mandon environ deux fois par an et moi même après mon mariage en 1960, je suis allé leur présenter ma femme.
J’ai revu Pierre Mandon ainsi que ses deux sœurs trois fois au cours de ces deux dernières années.
Pourquoi avoir mis aussi longtemps à demander cette distinction ?
J’ai ignoré l’existence de cette décoration pendant de nombreuses années. En regardant à la télévision la cérémonie organisée par Monsieur le Président de la République, Jacques Chirac au Panthéon, je me suis dit que j’étais le dernier à avoir vécu ces événements douloureux et qu’une fois disparu, tous ces faits passeraient dans l’oubli, et qu’il n’était pas trop tard pour réparer cette injustice. »
Francis Klein
Qui sont les Justes ? (Quiconque sauve une vie sauve l’Univers tout entier).
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Couvrir ou se couvrir: qu’auriez-vous fait à la place de Daniel Bouton ? 28 janvier 2008
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 4 925 fois | 5 commentaires
Mise au courant du risque lié aux agissements de Jérôme Kerviel, la direction de la banque avait deux possibilités:
– soit tenter de dénouer la situation au mieux des intérêts de la banque – les pertes auraient été très probablement divisées par 10, la banque aurait même pu retirer un bénéfice en conservant quelques semaines certaines positions (après tout, en décembre, la position était positive. Il semble même que 3 jours avant la découverte de la fraude, elle était toujours positive).
– soit tout liquider en quelques jours, pour solder la situation de la façon la plus rapide possible – et aussi la plus coûteuse.
Qu’auriez-vous fait si c’était votre argent ? Vous auriez évidemment choisi la première solution.
Pourquoi les dirigeants ont-ils pris la deuxième option ? Parce que c’était la seule qui, bien que coûtant 5 milliards, les exonérait de toute responsabilité personnelle.
Autrement dit, ils ont choisi de se couvrir au détriment des intérêts financiers de la banque.
Prenez Daniel Bouton, énarque, légion d’honneur, etc… Un homme honorable, très honorable, qui a passé sa vie dans les cabinets ministériels. A-t-il le profil du type qui va prendre le moindre risque personnel ? Non, il préfère plomber la boîte et tenter démagogiquement de s’accrocher à son poste.
Comme par hasard, tout son conseil d’administration, le gouverneur de la Banque de France – bref des gens comme lui, exactement comme lui – le soutiennent – pire le comprennent !
C’est le comportement type des élites à la française, ça découle de leur parcours, de leur formation…
Et vous, qu’auriez-vous fait à la place de Daniel Bouton ?
(A une époque où on fait des lois pour tout, il est dommage que Daniel Bouton n’ait pu faire jouer aucune procédure urgente de sauvegarde: la possibilité de s’adresser à une autorité juridique ou économique indépendante pour demander à disposer de moyens exceptionnels et inhabituels pour réagir. Un chef d’entreprise, lorsque son entreprise a des difficultés, peut signaler la situation au Tribunal de Commerce et demander à agir sous protection juridique).
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Aucune charge pénale contre Jérôme Kerviel ? 26 janvier 2008
Par Thierry Klein dans : General.Lu 4 277 fois | 2 commentaires
Le plus drôle, dans l’affaire de la SG, c’est qu’il pourrait n’y avoir aucune charge sérieuse contre le trader impliqué. Un petit porteur a porté plainte pour « escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux, complicité et recel » (mais il ne doit pas avoir beaucoup d’éléments là dessus). La SG a porté plainte pour « faux et usage de faux » et pour « atteinte au système informatisé de traitement des données ». Notez à quel point ces motifs sont vagues et modérés.
Faux et usage de faux… D’abord, Dominique Strauss-Kahn vous dira que ce n’est pas bien grave, mais surtout, dans un contexte où le trader n’a pas dû avoir à produire beaucoup de justificatifs, vue l’absence de contrôle, l’absence probable de demandes écrites, ça ne mènera pas bien loin. En plus, il y avait forcément des gens au courant en interne (d’ailleurs, la SG semble ne pas invoquer l’abus de confiance)…
Escroquerie: s’il ne s’est rien mis dans la poche, il n’y aura pas escroquerie…
Reste l’atteinte au système informatique. Mais en tant que salarié, JK était déjà dans le système. Et la mise en place de mesures de sécurité est du ressort de la SG – en bref, la SG devra montrer qu’elle a mis en place les mesures de sécurité informatique adéquates, ce qui est peu probable. En gros, l’atteinte n’est une faute que si le système a fait l’objet d’une protection minimale. Il faudrait que JK ait détourné des mots de passe ou utilisé des connaissances informatiques spéciales lui permettant de hacker le système. Je parierais que ce n’est pas le cas – et/ou probablement, l’enquête montrera que d’autres que lui étaient au courant des failles et/ou les ont utilisé.
Bref, pénalement, il n’y aura sans doute pas grand chose. Même le licenciement pour faute lourde pourrait éventuellement être contesté devant des prud’hommes « bien orientés », (c’est à dire enclins à adopter de façon scandaleuse le parti du salarié, comme ils le sont si souvent, paraît-il !).
J’imagine l’avocat de JK invoquant le stress au travail menant au pétage de plombs, la forte pression pour de meilleurs résultats, les usages en cours dans le service, l’absence totale de contrôle de l’activité du salarié, un système informatique défaillant – presque déjà une incitation !, la précipitation de la SG dans la liquidation des positions et pour finir la façon scandaleuse dont JK a été jeté en pâture aux média, l’atteinte à son honneur, sa déprîme, sa difficulté à se reconstruire, etc…
Ce serait quand même assez drôle que JK touche des indemnités au tribunal !
Ajout 27/01/2008: Ca vient de démarrer… Les avocats de JK dénoncent « les conditions volontairement précipitées et tout à fait anormales » dans lesquelles la banque « a liquidé des positions qui auraient pu se redresser avec le temps ».
Parlant du « scandale de la Société Générale » et dénonçant le « lynchage médiatique » de leur client, les deux avocats ont accusé le PDG de la Société Générale Daniel Bouton d’avoir « taxé » Jérôme Kerviel « de fraude » et de l’avoir « livré aux chiens ».
Selon eux, leur client « qui a été formé par la banque à faire du profit, n’a commis aucune malhonnêteté et n’a pas détourné un seul centime et n’a profité d’aucune manière des biens de la banque ».
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Le capital altruiste: comment concilier profit et bien commun 25 janvier 2008
Par Thierry Klein dans : Entreprise altruiste.Lu 9 576 fois | 4 commentaires
(Ce billet fait référence à cet article du Monde sur le super-capitalisme.)
Merci aussi à Iv de m’avoir signalé cet article du WSJ concernant les positions de Bill Gates sur le sujet.
Comme le dit Bob reich, il est effectivement vain d’attendre des entreprises un comportement citoyen. Ce n’est pas là leur objet et les entreprises qui disent agir pour le bien commun font preuve d’hypocrisie – consciente ou inconsciente – ou alors, en bonne théorie libérale, perdent en efficacité et font le lit de leurs concurrents – nuisant ainsi, à terme, aux causes mêmes qu’elles prétendaient défendre.
Les entreprises ayant adopté le schéma du capital altruiste ne s’engagent pas à respecter un quelconque comportement citoyen – version moderne de la censure morale que dénonçait Molière. Ces entreprises ont simplement décidé, à une étape de leur développement, de donner une partie de leur capital à l’Humanité – représentée en l’espèce par l’Organisation Non Gouvernementale qu’elles ont elles-mêmes choisie.
L’association « Capital Altruiste » vise à favoriser la création et le développement du plus grand nombre possible d’entreprises altruistes. A terme, l’objectif est que l’économie altruiste représente une partie, la plus importante possible, de l’activité humaine.
Le pourcentage de l’entreprise donné à l’ONG est très variable. Certains entrepreneurs peuvent donner 1% à 10% de leur capital au moment de la création de leur startup; certains projets constitués de bénévoles et ayant acquis une valeur commerciale peuvent se constituer en entreprise et décider de confier la majorité de leur capital à une ONG (c’est typiquement, dans le domaine des nouvelles technologies, le cas des projets « Open Source »); des fonds altruistes peuvent décider de céder quelques points ou dixièmes de points de tous leurs investissments à une ONG.
L’avantage du « capital altruiste », c’est que la réalité du don est incontestable : ce n’est pas une opération de sponsoring, ce n’est pas une simple opération de communication qui vise à donner à l’entreprise une image « citoyenne » auprès de ses clients ou de ses employés, ce n’est pas non plus une offre promotionnelle visant à mieux vendre un produit en prétextant qu’une partie des ventes sera reversée à une œuvre.
Aussi faible soit-il en pourcentage, le don en capital est permanent et sa valeur suivra l’évolution de la valeur de l’entreprise. Les effets positifs du don ne dépendent que de l’ONG. (Une entreprise altruiste pourrait très bien décider d’avoir un comportement violant les valeurs de l’ONG qui la représente. Dans une économie libérale, ce comportement profiterait au final à l’ONG à travers l’augmentation de la valeur de l’entreprise).
L’avenir ne peut passer que par le don en capital. « Il y a plus d’argent généré chaque seconde sur les marchés en une seconde que ce que les états peuvent mettre sur la table en un an », déclare à juste titre Al Gore – et il suggère l’établissement d’une taxe carbone. Le problème est que, plus la mondialisation avance, moins de telles taxes deviennent efficaces ou tout simplement applicables. Il faut noter aussi, qu’à la différence d’Al Gore, le capital altruiste s’attaque à l’ensemble des problèmes liés à la mondialisation et pas seulement le réchauffement climatique. Sa portée est universelle car l’ONG choisie résulte de la libre volonté des donateurs.
Les moyens d’action du Capital Altruiste sont compatibles avec la liberté et la démocratie. Les fondateurs – ou les actionnaires – choisissent leur cause et leur niveau d’implication. Les états peuvent éventuellement encourager cette forme d’initiative en donnant des avantages spécifiques aux entreprises altruistes.
Les sociétés altruistes peuvent – doivent- communiquer leur statut à leur communauté (clients, investisseurs, employés…) de façon à créer une dynamique nouvelle leur permettant de retirer un bénéfice maximum de ce don en capital (sous forme de marketing gratuit, de gain d’image en interne et en externe, etc…). Un des objectifs de notre association est de permettre aux entreprises altruistes d’être suffisamment reconnues (création de labels, entre autres) pour que les actionnaires d’une entreprise aient intérêt à adopter le modèle, que leurs raisons profondes soient désintéressées ou non. A ce stade, la bataille serait gagnée car une partie de l’économie mondiale fonctionnerait au bénéfice de l’humanité.
Le Capital Altruiste n’est pas une forme d’alter-mondialisme. Le Capital Altruiste peut être vu comme une méthode de développement qui utilise la dynamique même de la mondialisation pour l’orienter vers le meilleur. Plutôt Sun-Tzu que Marx. Le développement extraordinaire de l’autre forme d’action humanitaire apparue dans les 30 dernières années, le micro-crédit, repose sur une dynamique comparable.
En bref, il y a aujourd’hui un déficit démocratique avec d’un côté les intérêts profonds de l’humanité – nos aspirations – et de l’autre les conséquences économiques de l’activité humaine. Dans cette lutte, nous avons tous une position plus ou moins schizophrène, étant moteur de la mondialisation et souhaitant la freiner tout à la fois. De plus en plus de gens, y compris des entrepreneurs, des salariés, souhaitent agir et ne savent pas quoi faire. Le capital Altruiste vise à injecter une dose de sympathie – le terme est d’Adam Smith lui-même – dans la grande balance qui régit l’équilibre mondial.
Etant moi-même entrepreneur, je peux constater que le développement d’une entreprise altruiste est beaucoup plus simple. Cette forme d’action permet à une startup de recruter des profils auxquels elle n’a pas naturellement accès : la forme d’action compense le gain de salaire et la sécurité qu’apporte une entreprise de taille plus importante. L’accord sur le but fait beaucoup plus, pour souder l’entreprise, que la traditionnelle « mission » rédigée en parfaite langue de bois. Pour le développement de ma société, le capital altruiste remplace avantageusement le capital risque – il dilue moins mon capital et m’apporte plus de satisfaction.
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Société Générale: incompétence, imbécilité et hypocrisie 24 janvier 2008
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 4 569 fois | 1 commentaire
1) Comme par hasard, l’annonce de la perte de 5 milliards « du fait d’un seul individu (!) », arrive au moment où la SG doit annoncer sa perte sur les subprimes – 2 milliards, c’est pas brillant, mais l’ampleur de cette somme est comme masquée par la fraude !
2) Comme par hasard, la SG resterait bénéficiaire. Mais l’estimation du résultat de la banque, vu le krach financier, est prequ’impossible cette année (il s’agit d’estimer la valeur de produits volatils complexes). Et comme par hasard, on annonce un besoin de recapitalisation de 5 milliards d’euros (pourquoi donc, si la SG n’a pas perdu d’argent cette année ?).
3) L’ampleur de la fraude proviendrait du fait qu’elle a été constatée tout récemment et que les positions auraient été liquidées « immédiatement », au plus fort du krach, pour des raisons déontologiques ! Ce qui veut dire qu’on aurait couplé la rigidité déontologique la plus extrême, je n’ose dire la plus imbécile, à l’absence totale de contrôle effectif sur les opérations depuis un an.
4) Et enfin, il y a le côté politique, paternaliste, 19ème siècle, de la communication de la banque. Le PDG qui déclare que « tous les maillons de la chaine de contrôle ont été licenciés » (et lui ? Il a présenté sa démission qui a été élégamment refusée par son Conseil d’Administration – autrement dit ses petits copains !). Et j’oubliais ! Il ne se versera pas la part fixe de son salaire (admirez la précision des termes) « pendant au moins 6 mois » ! C’est bien, un bon point en chocolat pour toi, Daniel. Mais communiquer sur son sens de l’honneur, c’est mettre cet honneur au service de la stratégie de communication. Libre à toi de ne pas te payer, mais pour que ça ait une valeur morale, il fallait te taire.
La réalité, c’est que la SG, comme toute les grandes banques françaises, fait de très bonnes affaires, très faciles et sans risques, avec les particuliers et les PME (vous, moi). L’argent facilement (et pour moi, souvent honteusement) gagné, au lieu d’être investi dans notre économie, aura servi au mieux à financer les dettes du consommateur américain – au pire, n’aura servir à rien ou même se retrouvera dans les poches de quelques escrocs.
Heureusement, il nous reste Tsonga.
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Tsonga inaugure la plus grande décennie du Tennis français 22 janvier 2008
Par Thierry Klein dans : Sport.Lu 4 469 fois | 1 commentaire
L’absence de grand champion « révélé » ferait presque oublier qu’il y a 15 français dans les 100 premiers du classement ATP: c’est du jamais vu depuis les mousquetaires.
Dans les prochaines années, il y aura 2 à 5 joueurs dans les 20 premiers du classement, ce qui veut dire, presque statistiquement, 2 ou 3 coupes Davis sur 10 ans – on comprend que Forget s’accroche !
Pour les titres du grand chelem, rien n’est sûr car le champion capable de gagner un grand chelem échappe à la statistique, mais quand même, sur les 10 prochaines années, il serait extraordinaire qu’aucun titre ne revienne à un français. On a connu la même situation chez les filles il y a 10 ans et cela a donné 4 titres du grand chelem – ça devrait donner au moins la même chose chez les garçons.
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Je me joins à Carla et Nicolas pour vous présenter mes meilleurs voeux pour 2008 16 janvier 2008
Par Thierry Klein dans : High-Tech dans le Nord.Lu 4 091 fois | comments closed
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Pôles de compétitivité: le début de la fin 15 janvier 2008
Par Thierry Klein dans : Technologies.Lu 4 404 fois | ajouter un commentaire
Il aura fallu quand même 2 ans pour que surgisse enfin dans le Monde le début d’une ébauche de critique envers les pôles de compétitivité.
Evidemment, les pôles de compétitivité ne sont critiqués ni à gauche, ni à droite. La principale raison est que tout le monde touche… Il y a 71 pôles de compétitivité, presqu’autant que de départements !
Mélangez tout ça avec un peu de mise en scène pompeuse et les mots qui tuent (« innovation », « société de l’intelligence« , »pôle régional »)…
Ce que j’observe (d’assez loin, c’est vrai) dans ma région, c’est 1) le vide sidéral au niveau du contenu des projets, 2) la débauche de créativité (est-ce là l’innovation dont on parle ?) dans les entreprises qui veulent avant tout aller à la soupe (c’est à dire prendre les subventions liées au pôle – le succès industriel est absolument secondaire).
La première chose à comprendre, c’est que la France ne peut pas se concentrer sur 71 pôles… Au maximum sur 4 ou 5, et encore. 71 pôles, ce ne sont plus des pôles, c’est de la dilution, du saupoudrage (plus ou moins bien) organisé. C’est un refus de choisir.
Mais 4 ou 5 pôles, évidemment, ça sera critiqué car tout le monde ne sera pas arrosé… Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, plus on est consensuel, moins on est efficace.
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La presse se meurt… et Jean-François Kahn se trompe d’époque 6 janvier 2008
Par Thierry Klein dans : General.Lu 5 625 fois | 3 commentaires
Pour Jean-François Kahn (le Monde du 5 janvier), les problèmes actuels de la Presse sont en gros des problèmes de lutte des classes et de concurrence déloyale…
Lutte des classes parce qu’il estime que les organes de presse dépendent trop de leurs annonceurs et sont mal gérés (c’est probablement vrai) – et concurrence déloyale à cause du rôle des gratuits.
Ce qui est triste, c’est de voir un de nos plus grands critiques – qui plus est un grand patron de presse – passer complètement à côté des causes structurelles qui font que la presse meurt et qui tiennent en fait en un seul mot: Internet.
La tentative de contrôle sur le contenu des journaux menée par les annonceurs, que dénonce JFK, est vieille comme la Presse elle-même. La concurrence du gratuit est elle-aussi ancienne (elle remonte au moins à l’apparition du premier journal télévisé). Tout ça attaque, mais ne tue pas la presse écrite.
Ce qui tue la presse écrite, c’est que, pour la première fois, il y a monopole dans la distribution de l’information (Google) et dans la régie publicitaire (Google). La presse ne contrôle plus ni son média, ni sa régie. Si je peux donner une clé d’analyse à JFK pour qu’il comprenne: Google, c’est les NMPP à la puissance 1000.
Quelques remarques et conseils:
1) La presse qui ne va pas sur le Net se porte plutôt bien (Du Canard Enchaîne à Voici).
2) Donner son contenu gratuitement (à travers GoogleNews ou en direct, comme le font le Monde, Libé) est un stratégie absurde, qui donne à terme le contrôle du journal à la régie qui exploite le web, autrement dit Google.
3) la presse traditionnelle donne chaque jour son contenu et fait payer ses archives. La bonne stratégie commerciale de départ consiste en réalité à faire payer le contenu du jour à donner ses archives, pour ne pas cannibaliser ses propres revenus !
Je tiens quand même à donner la palme, dans la catégorie « La Presse se suicide », à Europe1. Comme tous les media du groupe Lagardère, Europe1 a pour mot d’ordre stratégique « le Web » – le problème est que la réflexion du groupe, me semble-t-il, s’arrête là. Ainsi, Europe 1 est intégralement disponible sous forme de Podcast (bravo !), mais les podcasts sont expurgés de toute publicité – et donc non rentabilisés par la station auprès des annonceurs !
4) La Presse doit chercher à développer ses propres régies et media de diffusion. Le téléphone mobile est un excellent moyen de diffusion, justement parce qu’il n’est pas gratuit et justement parce que les régies et les opérateurs sont en position de concurrence. Pourquoi croyez-vous qu’Apple se développe sur ce créneau ?
Voir, pour plus de détails, « La presse ne meurt pas, elle se suicide« .
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Au Congo, l’ONU respecte son mandat et un commandant de patrouille sauve l’honneur de notre espèce.
Par Thierry Klein dans : Animaux.Lu 5 275 fois | ajouter un commentaire
Au Congo, une patrouille de l’ONU est tombée sur des braconniers qui, après avoir massacré les mères, emmenait les bébés gorilles au marché pour qu’ils soient mangés…
L’ONU, paraît-il, n’a pas mandat pour intervenir. Mais les bébés étaient dans un état suffisamment lamentable (battus, mutilés, apeurés) pour que le commandant de la patrouille décide de les confisquer et les remette à WildLife Direct: une association dont je vous ai déjà parlé et qui effectue un énorme travail.
De temps en temps, certains justes « sortent de leur mandat » et sauvent ainsi l’honneur de toute l’espèce humaine.
Je vous renvoie, une fois de plus, à ces quelques lignes de Romain Gary.
« Ceux qui s’efforcent de changer nos moeurs, peinant pour sauver cette planète et ses habitants humains ou animaux, placent souvent leur espoir d’actions constructives dans notre intérêt propre et notre capacité d’écouter la voix de la raison. Leur raisonnement est juste; quoi que l’homme fasse contre la nature et ses chances de survie, c’est contre lui qu’il le fait. Néammoins, plaider la cause de la préservation au nom de l’homme seulement me paraît être une approche un peu attristante; à mon sens, les défenseurs de l’environnement surestiment la capacité de l’espèce humaine à se conduire rationnellement. Je vois davantage d’espoir pour les espèces menacées – et en vérité pour nous-mêmes – dans les relations irrationnelles entre un homme et son chien, une vieille dame dame et son chat, un enfant et son serpent ou son canari. Après tout, la nature n’est pas quelque chose que l’on peut dissocier des émotions.On ne sauvera pas les grands chats d’Afrique, les serpents géants, le grand panda ou le kangourou en admettant rationnellement que deux et deux font quatre. » …
« Dans les Andes boliviennes, j’ai vu un paysan famélique partager avec son chien quelques vivres que je lui avais données, puis hisser le grand animal squelettique sur son dos pour grimper sur la montagne. Il n’y avait là aucun rationalisme : juste ce que l’on connaît sous le nom d' »humain ». Voir dans les animaux plus que de la viande et de la peau est un acquis culturel, tout comme la beauté, et un tel concept est indissociable des sentiments. Trop longtemps, on les a dénigrés pour n’y voir que du sentimentalisme tout en exaltant le matérialisme au point que le monde a vu holocauste sur holocauste. Essayons les sentiments et les émotions, pour changer. » …
« Ai-je besoin de rappeler au lecteur le massacre des bébés phoques en Norvège ?Il a fallu des générations pour que cette information particulière atteignît le monde extérieur, suscitant un formidable cri de réprobation. Mais les images déchirantes continuent d’arriver, année après année. Il est on ne peut plus clair que c’est autant l’Homme – et oui, avec un H majuscule – qu’on assassine qu’un phoque. Si nous en sommes réduits à invoquer, pour la milliardième fois, les notions de respect de soi et de dignité quand nous avons affaire à une nation aussi humaniste que la Norvège, il se pourrait bien que le chasseur africain analphabète qui épuise son gibier par ignorance soit le moins menaçant pour notre futur.
Nous tuons des poulets, bien sût, des agneaux et des lapins, alors pourquoi pas des phoques, des cerfs, des rinhocéros ou des vigognes ? Je n’ai aucune réponse à cela, mes amis. Pour ce qui est de la raison pure et dure, c’est donc le tueur qui rafle la mise. Le coeur parle ou ne parle pas. Ses raisons sont autant en rapport avec la rationalité qu’avec la beauté » …
« Il est absurde d’encombre nos musées d’oeuvres d’art et de dépenser par millions pour la beauté, puis de la laisser détruire gratuitement, dans toute sa splendeur vivante. »
Via « Gorilla Protection », le blog de Wildlife.
: Ajout 15/01/2008: ce gorille n’a malheureusement pas survécu.
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