Enorme 23 octobre 2009
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 3 196 fois | ajouter un commentaire
Le fils Sarkozy a été énoooorme, ce soir sur la 2.
Sans avoir jamais l’air ridicule, il a réussi à faire passer l’idée que n’être « que » candidat au conseil d’administration de l’EPAD était un acte de tolérance, d’humilité, de compréhension, d’écoute, d’engagement, etc (J’en passe, je ne sais pas être aussi lyrique !).
Il a convaincu même la gauche, qui parle de « retrait », « bon sens », « victoire », « retour sur terre » – qui oublie qu’au fond, c’est aussi incroyable, à 23 ans, d’être membre du conseil d’administration que Président !
Ils sont très peu en France, moins de cinq peut-être, à pouvoir faire ce genre de numéro. Tapie, Sarkozy Père, Kahn, Cohn-Bendit…
Il a peut être renoncé (temporairement) à l’EPAD, mais il a gagné beaucoup plus. En 15 jours, il est devenu un homme politique d’envergure nationale au yeux de ses adversaires mêmes, qui lui ont dressé son piédestal.
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De France Télécom à Al Quaïda ? 19 octobre 2009
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 4 091 fois | 6 commentaires
Y a-t-il jamais une raison unique donnée à un suicide ? Probablement pas. Un suicide a toujours un ensemble de causes « latentes » : historiques, personnelles, familiales et peut-être professionnelles.
Même si les raisons qui poussent au suicide sont diverses, la personne qui se suicide a souvent l’illusion qu’elle se suicide « pour » l’une d’entre elles qui lui tient lieu de raison manifeste (chagrin d’amour, perte d’un proche, accident…) ou bien « au nom » de l’une d’entre elles (attentat suicide au nom d’un idéal politique ou religieux).
Quand on se suicide « pour une raison », on parle de grand chagrin ou de folie. Quand on se suicide « au nom d’une cause », on parle de fanatisme.
Aujourd’hui, au milieu, il y a les employés de France Télécom. La raison manifeste invoquée du suicide : le cadre de travail ; la cause au nom de laquelle on se suicide : la lutte syndicale. Car les lettres laissés par les employés sont de purs tracts, il est clair qu’ils ont aussi fait de leur suicide un moyen de lutte.
Folie d’un côté (car qui peut sérieusement croire qu’un acte aussi grave puisse être expliqué uniquement, ou même principalement, par les conditions de travail chez France Télécom, aussi exécrables soient elles ? En recherchant dans la vie personnelle des victimes, on trouverait tellement d’autres choses…) et fanatisme de l’autre (car quand on en est arrivé au point de « tract-suicide », le plus « dur » est fait, à savoir l’anéantissement de l’instinct de conservation personnelle et il n’y a plus beaucoup de marches à franchir pour en arriver à « l’attentat suicide » à savoir l’anéantissement de l’instinct de conservation des autres, celui-ci étant évidemment beaucoup moins fort que celui-là).
Folie aussi au niveau de l’interprétation, partisane jusqu’au délire, qui est faite de ces actes.
Qui croît encore aujourd’hui que les causes manifestes d’un suicide (celles dont parle la victime) sont les causes réelles ? Qui n’est pas au courant du fanatisme derrière la plupart des actes de suicide pour des raisons politiques ? Pourtant, tout ça est mis de côté par tous ceux qui parlent de cette « vague » de suicides.
Du côté de la direction de France Télécom et du gouvernement, ce n’est probablement que bêtise, aveuglement et culpabilisation plus ou moins sincère.
La façon la plus efficace de lutter contre cette « vague » n’est pas la fausse compassion affichée par tous, mais la dénonciation du caractère ridicule et illusoire de la cause invoquée et surtout du fanatisme qui se cache derrière le « tract-suicide ». Si vous arrivez à faire comprendre à un homme qu’il va se suicider pour de très mauvaises raisons, des raisons ridicules, des raisons fanatiques; il hésitera beaucoup plus à franchir le pas. Car il n’y trouvera ni justification, ni grandeur.
Presque partout et presque toujours, le suicide, c’est le problème du malade. Il faut l’aider à prendre conscience de son état et non pas lui faire croire qu’il agit de façon rationnelle. Il s’agit de consulter à temps.
Que dire donc des syndicats et partis divers, qui, mettant de l’huile sur le feu, jouent dans cette affaire le même rôle qu’Iago vis-à-vis d’Othello. Ils sont sans doute les premiers impliqués dans la « croyance » qu’ont les suicidés que leur mort est justifiée par les horribles « conditions de travail » et « servira d’exemple politique ». Les premiers aussi à en tirer parti. Leur comportement est éthiquement injustifiable.
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Sur RFI, ce soir à 19h15 8 octobre 2009
Par Thierry Klein dans : Formation à distance,Technologies.Lu 3 469 fois | ajouter un commentaire
Pour parler de Google et du rétrécissement du savoir…
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Let the sleeping death seep through 6 octobre 2009
Par Thierry Klein dans : Humeur.Lu 7 296 fois | 12 commentaires
Alan Turing est surtout connu du grand public parce que c’est lui qui a permis de casser le cryptage de la machine Enigma, durant la seconde guerre mondiale. Au début de la guerre, Churchill monte, à Blechtley Park, une équipe « top secret » de mathématiciens, de linguistes, de traducteurs pour tenter de décrypter les messages envoyés à la flotte allemande.
Cette équipe utilisera les travaux de Turing (qui est l’inventeur du concept de programme informatique) et finira par casser les codes d’Enigma grâce à un des tous premiers ordinateurs, mis au point pour l’occasion (quelques centaines de mètres carrés au sol et bien moins puissant que la plus petite de nos calculettes !).
L’histoire de ce premier « piratage » est assez extraordinaire. Churchill en parle un peu dans ses mémoires mais je vous conseille d’aller lire au moins « L’histoire des codes secrets » ou, pour ceux qui ont un peu plus de temps devant eux, The Enigma.
Malgré l’énormité des moyens déployés, malgré tous les trésors d’astuce et de science dont a fait preuve l’équipe de Blechtley Park, malgré les espions qui fournissaient en permanence des informations nouvelles sur Enigma, le décryptage n’aurait pu avoir lieu sans ces les 2 constations suivantes :
- Quand les allemands « changeaient » les codes de la machine (opération quasi-quotidienne), ils ne réutilisaient jamais le code de la veille
- Les allemands évitaient les codes qui leur apparaissaient trop faciles à décrypter (l’équivalent d’un code 7777 pour une carte bleue). Conséquence, la génération des codes n’était pas aléatoire et l’espace de recherche pouvait être considérablement réduit.
Ce dernier point fut décisif. C’est en voulant compliquer la tâche du « décodeur » que les allemands ont fourni les clés.
Quand j’étais à Stanford, les théories de Turing et de Shannon étaient un point de passage obligé pour tout étudiant en informatique (de nos jours, on étudie beaucoup plus Shannon). Mais ce qui me fait penser à Turing aujourd’hui, c’est qu’il synthétise deux affaires très actuelles.
D’abord, il est une des premières victimes connues de la castration chimique, dont, paraît-il, François Fillon veut briser le tabou….
Accusé d’homosexualité en 1952, il doit se soumettre à une castration chimique destinée à « réorienter sa sexualité ». Il se suicide en 1954 en croquant dans une pomme empoisonnée au cyanure – la pomme de Blanche-Neige, qui a été reprise dans le logo Apple, en hommage, justement à Turing.
Ensuite, comme Polanski (encore plus que Polanski !), Turing s’est littéralement jeté dans la gueule du loup. C’est lui qui, victime d’un vol, se rend au commissariat et à cette occasion, avoue son homosexualité.
Comme Polanski, il plaide coupable alors qu’il déclarera plus tard « ne se sentir coupable de rien ».
Comme Polanski, la « faute » dont il est accusé est éminemment fonction de la société dans laquelle il vit (dans le cas de Polanski, la seule charge qui reste à ce jour consiste en une relation sexuelle avec une jeune femme de 14 ans, relation admise aujourd’hui dans d’autres pays et à d’autres moments de notre propre histoire).
Ce que nous enseigne l’histoire, c’est qu’en septembre 2009, le gouvernement britannique a présenté des regrets pour le traitement infligé à Alan Turing.
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