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De France Télécom à Al Quaïda ? 19 octobre 2009

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Y a-t-il jamais une raison unique donnée à un suicide ? Probablement pas. Un suicide a toujours un ensemble de causes « latentes » : historiques, personnelles, familiales et peut-être professionnelles.

Même si les raisons qui poussent au suicide sont diverses, la personne qui se suicide a souvent l’illusion qu’elle se suicide « pour » l’une d’entre elles qui lui tient lieu de raison manifeste (chagrin d’amour, perte d’un proche, accident…) ou bien « au nom » de l’une d’entre elles (attentat suicide au nom d’un idéal politique ou religieux).

Quand on se suicide « pour une raison », on parle de grand chagrin ou de folie. Quand on se suicide « au nom d’une cause », on parle de fanatisme.

Aujourd’hui, au milieu, il y a les employés de France Télécom. La raison manifeste invoquée du suicide : le cadre de travail ; la cause au nom de laquelle on se suicide : la lutte syndicale. Car les lettres laissés par les employés sont de purs tracts, il est clair qu’ils ont aussi fait de leur suicide un moyen de lutte.

Folie d’un côté (car qui peut sérieusement croire qu’un acte aussi grave puisse être expliqué uniquement, ou même principalement, par les conditions de travail chez France Télécom, aussi exécrables soient elles ? En recherchant dans la vie personnelle des victimes, on trouverait tellement d’autres choses…) et fanatisme de l’autre (car quand on en est arrivé au point de « tract-suicide », le plus « dur » est fait, à savoir l’anéantissement de l’instinct de conservation personnelle et il n’y a plus beaucoup de marches à franchir pour en arriver à « l’attentat suicide » à savoir l’anéantissement de l’instinct de conservation des autres, celui-ci étant évidemment beaucoup moins fort que celui-là).

Folie aussi au niveau de l’interprétation, partisane jusqu’au délire, qui est faite de ces actes.

Qui croît encore aujourd’hui que les causes manifestes d’un suicide (celles dont parle la victime) sont les causes réelles ? Qui n’est pas au courant du fanatisme derrière la plupart des actes de suicide pour des raisons politiques ? Pourtant, tout ça est mis de côté par tous ceux qui parlent de cette « vague » de suicides.

Du côté de la direction de France Télécom et du gouvernement, ce n’est probablement que bêtise, aveuglement et culpabilisation plus ou moins sincère.

La façon la plus efficace de lutter contre cette « vague » n’est pas la fausse compassion affichée par tous, mais la dénonciation du caractère ridicule et illusoire de la cause invoquée et surtout du fanatisme qui se cache derrière le « tract-suicide ». Si vous arrivez à faire comprendre à un homme qu’il va se suicider pour de très mauvaises raisons, des raisons ridicules, des raisons fanatiques; il hésitera beaucoup plus à franchir le pas. Car il n’y trouvera ni justification, ni grandeur.

Presque partout et presque toujours, le suicide, c’est le problème du malade. Il faut l’aider à prendre conscience de son état et non pas lui faire croire qu’il agit de façon rationnelle. Il s’agit de consulter à temps.

Que dire donc des syndicats et partis divers, qui, mettant de l’huile sur le feu, jouent dans cette affaire le même rôle qu’Iago vis-à-vis d’Othello. Ils sont sans doute les premiers impliqués dans la « croyance » qu’ont les suicidés que leur mort est justifiée par les horribles « conditions de travail » et « servira d’exemple politique ». Les premiers aussi à en tirer parti. Leur comportement est éthiquement injustifiable.

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Commentaires»

1. Lepetitnul - 21 octobre 2009

Moi, j’aimerai bien pouvoir me suicider à cause de la pression psychologique que je subis au boulot.
Mais problème: j’ai pas de boulot.

2. EnPassant - 21 octobre 2009

Vous avez des exemples de ces fameuses lettres quelque part ?

Parce que sans ça, je comprends ces gens : devoir changer de ville tout les 2 ou 3 ans (vie de couple et amis en berne), ne plus arriver à s’adapter aux changements dans le travail, devoir envisager de se retrouver à la rue (licenciement), le tout dans une entreprise (France Télécom) complètement inadaptée, pas seulement par ces salariés mais par son organisation et ses messages commerciaux et ce depuis de nombreuses années, c’est très dur.

Son organisation ? Où ont-ils vu que insécuriser les gens au maximum les rend plus productifs ? Ou plutôt : ils veulent que les salariés quittent l’entreprise d’eux même.

Ses messages commerciaux ? Exemples : Une offre de service toujours plus chère que celle des concurrents et une qualité en baisse. Un traitement des incidents de paiement qui fait fuir tous les clients.

Si ces salariés n’ont pas d’enfants à charge et savent qu’ils vont dans le mur, je peux comprendre leur geste. S’ils ont des enfants, c’est différent, il faut à tout prix trouver une solution pour faire vivre ses enfants.

Si dans leur suicide ils tuaient d’autres personnes en même temps, d’accord, ça serait des fanatiques.

Arrive un moment dans la vie où il est très difficile de se reconvertir, pourtant il faut bien fournir plus de 40 ans de travail pour revendiquer une retraite, hélas souvent une misère. Le chômage ? Si on n’arrive pas à trouver un autre travail, au bout de 3 ans, on passe au RMI/RSA, c’est foutu quoi… Avec les boulots ultra spécialisés et morcelés qu’on fait aujourd’hui, nous n’avons plus aucune valeur hors de l’entreprise, ou du moins, le sentiment de n’être plus rien que quelqu’un de dépendant d’un système qui nous échappe.

Avez-vous déjà vécu ça ? Personne ne veut de vous, soit vous êtes trop cher en comparaison avec des gens qui vivent à 10000 Km, soit vous n’avez pas les diplômes nécessaires, soit toutes les boîtes ferment autour de vous, et personne ne prend même la peine de répondre aux lettres de candidature. Vous avez un entretien ? Vous êtes vingt sur le poste et ils n’en prendront qu’un. Tous les autres sont mieux que vous, plus jeunes, moins chers, plus diplômés… Vous passez un entretien, tout semble aller bien et puis ça se dégrade, sans pouvoir savoir ce qui a cloché… Autre version : le recruteur vous malmène à dessein, pour voir si vous êtes capable de gérer des situations de stress. L’entretien échoue et c’est encore plus désagréable… Et le temps passe, et les allocations baissent… Et bientôt vous ne décrocherez plus aucun entretien. De toutes façons, vous n’aviez aucune chance : il faut attendre la reprise et là on ira jusqu’à chercher des autodidactes à l’autre bout du monde que vous devrez bien sûr former !!!

Il faut bien comprendre que divisez par 4 le revenu d’un millionnaire, vous faites un malheureux, divisez par quatre le revenu d’un smicard et soit il s’en va ailleurs (mais où ?) soit il crève, tout simplement. Il n’y a pas d’issues pour les petites gens. La CGT, les communistes, Alain Krivine et Besancenot les font rêver du grand soir mais en fin de compte, c’est les CRS ou le KGB qui débarquent…

3. EnPassant - 22 octobre 2009

Un point de vue proche de votre article – il me semble – là :

http://mondodingo.blogspot.com/2009/09/la-vie-des-autres.html

4. Thierry Klein - 22 octobre 2009

Oui, enfin, mon point de vue n’est pas « libéral » comme il dit. Se servir de ça pour justifier la non intervention de l’état… que dire ?

5. EnPassant - 22 octobre 2009

Je crois que l’Etat a déjà intervenu, quand il a aboli le monopole de France Télécom : forcément ça ne pouvait que couler, à partir du moment où des concurrents plus légers et sans passif apparaissent. Si l’Etat intervient, ça sera pour injecter de l’argent. Comme d’hab. Reculer l’échéance. Pour les prochains gouvernements, la décision, le couperet ou la planche à billets.
Il ne serait pas plus simple et plus efficace d’aider les anciens de France Télécom à se recaser ailleurs et de (ré)former les managers pour qu’ils arrêtent de briser les gens ?
Quand je parle d’aide pour se recaser, je ne pense pas ANPE-ASSEDIC, pardon « Pôle Emploi », je pense qu’il faudrait un suivi quasi scolaire, genre 20 heures semaine. Ce qu’il y a de terrible, c’est quoi qu’il arrive, il y aura des gens qui ne se réadapteront pas.

Que l’Etat intervienne le moins possible dans un gouvernement de droite ne m’étonne pas.

6. EnPassant - 22 octobre 2009

J’aimerai avoir plus de preuves… Je suis d’accord que la médiatisation peut encourager au pire des gens qui sont déjà fragilisés mais d’un autre côté ça peut être un signal d’alerte pour ceux qui restent et leurs familles.
Je ne sais pas s’il y a seulement récupération démagogique des suicidés ou encouragement au suicide ??? Cette dernière option serait très grave.