Kundera et Stifter 2 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : Critiques.Lu 11 288 fois | trackback
Je disais dans un précédent billet que Kundera est un grand professeur de littérature et que cette caractéristique professorale le distingue peut-être même en tant que romancier. Dans son dernier essai sur le roman, Kundera citait L’arrière-saison de Stifter – un livre effectivement extraordinaire que je viens de lire (un des aspects les plus agréables de l’oeuvre de Kundera, c’est qu’en citant beaucoup d’auteurs dont certains sont parfois peu connus en France, il vous aide à découvrir d’autres aspects de la littérature, car, en bon professeur, il vous donne envie de les lire).
J’ai l’impression qu’Alain Fournier avait dû lire ce livre car j’ y trouve beaucoup de réminiscences dans Le Grand Meaulnes (mon interprétation est peut-être fantaisiste; je ne sais pas si Alain Fournier parlait Allemand, langue visiblement non obligatoire pour se faire tuer durant la guerre de 14).
C’est difficile pour moi de sortir les passages clés d’un tel livre dès la première lecture. J’ai déjà cité dans un autre billet sur la crise des élites les définitions modernes du fonctionnaire, qui ont été inventées par Stifter.
Un autre passage stupéfiant :
« Nous avons commencé en partie à appliquer les principes des sciences à l’industrie, au commerce, à la ocntruction de routes et à d’autres ouvrages.[…] Nous abordons à peine le seuil d’un commencement. Que sera lorsque nous pourrons répandre des nouvelles sur la terre entière avec la rapidité de l’éclair, quand nous pourrons nous mêmes, avec célérité, accéder en peu de temps aux quatre coins de la terre ?Les biens de la terre ne deviendront-ils pas communs de par les facilités de l’échange en sorte que tout soit accessible à tous ? Pour l’heure une bourgade peut se retrancher avec ce qu’elle a […] mais bientôt, il n’en sera plus ainsi, happée qu’elle sera dans le commerce général. ce que doît connaître et réaliser le plus humble devra augmenter sensiblement pour satisfaire à ces rapports multipliés. Les Etats qui acquerront les premiers ce savoir grâce au développement de l’intelligence et la culture pourront devancer les autres par la puissance, la richesse et l’éclat. »
C’est écrit en 1857 et Stifter est donc aussi le découvreur de la mondialisation au sens moderne du terme.
Le livre abonde de réflexions sur la nature de l’art et je trouve que certaines aident à mieux comprendre l’oeuvre de Kundera, en particulier lorsque le héros distingue la faculté créatrice de l’artiste de la simple disposition à comprendre l’art. L’oeuvre de Kundera est composée de romans et d’essais et au sein même des romans se trouvent des passages purement didactiques. Dans l’art de Kundera, il y a une volonté de faire comprendre l’art et je ne sais toujours pas si cette capacité participe ou pas de la création artistique.
Attention: la traduction n’est pas à la hauteur. Si vous lisez l’allemand, c’est mieux.
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