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Les « accommodements raisonnables » de la Cour de Justice européenne (Affaire ETAM) 14 mars 2019

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Une entreprise est fondée à refuser d’engager une personne, ou à la licencier, s’il est précisé dans son règlement intérieur que la neutralité politique et religieuse s’impose, particulièrement quand il y a un contact avec la clientèle. Telle est la position de la Cour de Justice européenne.

Or, cette position est absurde en raison.

En effet, soit refuser le port du voile induit une vraie discrimination vis à vis de la personne voilée et dans ce cas, le refus de cette discrimination s’impose à l’entreprise de plein droit, même si cela va à l’encontre de l’intérêt économique de celle-ci. Une entreprise ne peut en droit, par exemple, invoquer la couleur de peau pour refuser d’embaucher un vendeur, même si son principal client est le KKK. Et c’est très bien, car ce faisant, elle importerait la discrimination promue par le KKK dans l’entreprise. Elle deviendrait ainsi elle-même vecteur de cette discrimination.

Soit refuser le port du voie dans l’entreprise n’est pas une discrimination (mais plutôt l’application du droit des autres salariés à ne pas subir de pression religieuse indue) et dans ce cas, ce droit s’impose à l’intérieur de l’entreprise, partout, même pour les femmes voilées qui ne sont pas en contact avec les clients.

Au final, la position de la Cour de Justice est un « accommodement raisonnable », sauf que justement, il n’est pas raisonnable. Ce n’est pas non plus, on le voir dans l’affaire ETAM, un accommodement. L’esprit politique et religieux de l’Islam intégriste lui permet de tirer, avec un grand talent, toutes les conséquences des incohérences des démocraties occidentales.

C’est un signe très sûr que la loi doit absolument changer. Il faut s’y atteler. Quand le droit n’est pas basé sur la raison et l’éthique,il est source de troubles et dégénère en rapport de forces pur.

De quoi la législation européenne est-elle le nom ?

La position de la Cour de Justice marque simplement sa soumission à l’intérêt économique de l’entreprise. C’est lui et lui seulement qui fixe pour le juge la limite du droit de porter le voile. Le juge n’a pas considéré le problème éthique, le problème posé vis à vis de la laïcité mais simplement l’intérêt économique étroit de l’entreprise.

En résumé, voici ce que dit le juge européen: « si cela ne nuit pas aux ventes, soit ! ».

J’ai aussi retrouvé cette citation de Saladin, qui date de 1174 car on ne saurait mieux dire.

« Il n’est pas un seul des soldats-marchands de Gênes, Pise, Venise qui ne vienne aujourd’hui nous apporter les armes avec lesquelles il nous combattait, pas un qui ne recherche notre faveur par l’offre de ses richesses et des plus beaux produits de son industrie. Nous avons établi de bons rapports avec eux et conclu des traités de commerce avantageux en dépit de leur résistance et en plaçant nos intérêts au dessus des leurs ».

Saladin (et non pas Lenine) à propos des marchands italiens (et non pas de Décathlon, d’Etam ou de la Cour de Justice européenne)

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Le directeur de l’éducation de l’OCDE confond éducation et élevage 2 mars 2019

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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C’est le prototype même de la mauvaise question. Le directeur de l’OCDE estime que c’est une perte de temps d’apprendre aux enfants à coder car dans le futur, cette compétence ne leur sera pas utile au travail.

Derrière cette affirmation, quelle qu’en soit la pertinence, il y a le présupposé suivant : l’école est uniquement là pour former professionnellement les enfants. Tout ce qui n’est pas professionnel n’est pas du domaine de l’école.

C’est une grave erreur. Une erreur que répète de façon constante l’OCDE dans toutes ses analyses d’ailleurs.

La plus-value économique, professionnelle, n’est pas l’objectif premier de l’école, qui depuis Jules Ferry a d’abord eu pour but de former des citoyens libres, au sens du premier article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

La liberté réelle du citoyen dérive directement de sa capacité à comprendre le monde. C’est bien pour cela qu’on enseigne aux enfants un tas de choses « inutiles » (du moins au travail). La philosophie, le latin et même les mathématiques, comme le prétendait cet imbécile de Ferry, ancien ministre de l’Education Nationale, (Luc, pas Jules), sont, en premier ressort, des matières totalement « inutiles ».

L’informatique est devenue une science de base. Une connaissance de la programmation est nécessaire pour l’étude de presque toutes les autres sciences (chimie, biologie, physique, médecine…). C’est à ce titre, parce que le l’informatique est devenue une science fondamentale, que le codage, clé d’accès à cette science, doit être enseigné à l’école –  dès la 6ème, comme je le martèle depuis 10 ans dans ce blog. Ne pas l’enseigner à l’école, c’est donner un retard aux enfants pour l’apprentissage de presque toutes les sciences.

L’école, au sens républicain du terme, est conçue pour les enfants, dans leur intérêt. C’est le don que la génération actuelle fait à la génération future. L’école doit traiter les enfants comme des êtres humains au plein sens du terme, non pas comme un simple matériau qui sera économiquement nécessaire, plus tard, au monde du travail. A partir du moment où l’école cherche à apprendre aux enfants des choses pour la seule raison qu’elles sont « utiles professionnellement », le don désintéressé, raison d’être de l’école républicaine, devient un investissement méprisable.  L’école est une entreprise d’émancipation humaine, pas un l’élevage de poulets humains en batterie.

Voilà pour ce qui est de la fonction première de l’école. Il y a un autre argument qu’on oublie trop souvent, et que l’OCDE oublie toujours, c’est que dans un monde en transformation technique rapide comme le nôtre, les savoirs dits « inutiles » sont les seuls qui durent, en raison de leur caractère intemporel. Le triangle rectangle restera, de tout temps, inscrit dans son demi-cercle. Le latin permettra toujours de mieux comprendre notre langue, notre histoire, notre culture. Stimulant notre cerveau, il nous rend aussi plus intelligent pour toujours. La philosophie et le français continueront, demain comme aujourd’hui, à nous aider à comprendre le monde qui nous entoure.

Un enfant à qui on apprend une « compétence » (j’emploie le terme de l’OCDE) telle que « se servir du logiciel Word » ou « savoir taper à la machine » a toutes les chances d’aller à l’école pour rien, puisque dans 10 ans, cette compétence sera devenue inutile. Un enfant à qui apprend quelques grands principes fondamentaux mais valables de tout temps a une capacité d’adaptation professionnelle beaucoup plus grande.

Finalement, plus la technique prend de l’importance dans le monde, plus le scientifique, le fondamental, les savoirs généraux sont indispensables à l’école. L’efficacité économique, quoi qu’on veuille nous faire croire, est profondément corrélée à l’intérêt long terme de l’enfant. La vision la plus généreuse de que nous pouvons avoir de l’école est aussi la plus productive.

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Antisionisme = antisémitisme 19 février 2019

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Pourquoi antisionisme et antisémitisme sont aujourd’hui confondus.

 

Suite aux injures qu’a subies Alain Finkielkraut à la manifestation des gilets jaunes, beaucoup se demandent, puisqu’il semble que les mots « sale juif » n’aient pas été prononcés s’il s’agit d’injures antisémites ou antisionistes. Finkielkraut a-t-il subi une agression (verbale) raciste ou bien a-t-il « simplement » été la cible d’un combat d’idées exprimées de façon un peu violentes (car l’antisionisme, a priori, n’est qu’une opinion politique, pas un délit).

Evidemment, il y a tous ceux qui posent cette question en étant de mauvaise foi – grosso modo tous les antisémites qui se servent du terme antisioniste pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Mais il y a aussi ceux qui s’interrogent sans qu’on puisse les suspecter d’antisémitisme. Par exemple, Naem Bestandji décortique l’incident point par point et évidemment trouve  l’antisémitisme derrière les injures adressées à Finkielkraut. Et il y a aussi Raphael Enthoven qui déclare aujourd’hui, sur RMC que « C’est aussi absurde d’accuser d’antisémitisme, un antisioniste que d’accuser d’islamophobe celui qui lutte contre la burqa ! »

Ces analyses accréditent l’idée qu’il y aurait parfois une différence entre antisionisme et antisémitisme. Or pour moi, cette différence ne peut pas exister. Avant de rentrer dans le fond du sujet, je voudrais d’abord répondre à l’argument de Raphaël Enthoven parce qu’il frappe les esprits et qu’on l’a entendu un peu partout.

Sur l’argument de Raphaël Enthoven

Il y a une confusion volontairement entretenue dans le terme islamophobie, visant à faire passer toute critique de l’Islam comme une haine des musulmans. Or la critique de l’Islam en tant que puissance politico-religieuse est une forme d’anticléricalisme parfaitement respectable, alors que la haine des musulmans est une discrimination honteuse.  Alors oui, en théorie, traiter quelqu’un d’antisémite du simple fait qu’il ne se déclare antisioniste pourrait tenir d’une confusion similaire.

Mais en fait, il y a là un changement de perspective qui est en quelque sorte celui du sujet à l’objet.

« Islamophobe » est utilisé comme une insulte, par ceux-là même qui souhaitent utiliser cette confusion à des fins politiques. Personne, ou presque, ne se déclare islamophobe. Celui qui se fait traiter d’islamophobe est l’objet d’une attaque, dont il doit se défendre.

Alors que l’antisionisme est revendiqué comme une opinion militante. Le terme « antisioniste » n’est pas une insulte, ni un qualificatif qu’on donne à autrui. Il est fièrement arboré par le sujet antisioniste lui-même.

Imaginez qu’il se crée demain un mouvement politique revendiquant fièrement l’islamophobie, par exemple les « jeunes islamophobes de droite ». Ce mouvement serait composé d’anciens du FN, parti dont les militants ont une tradition raciste. Mais, en même temps, ce mouvement déclarerait n’être pas raciste puisqu’il ne s’en prend pas aux musulmans, mais simplement à l’Islam en tant que puissance politico-religieuse. De fait, ce mouvement se revendiquerait donc comme « tout simplement laïc ». Que concluriez-vous quant à l’absence de racisme dans un tel mouvement ? Y croiriez-vous ? Auriez-vous besoin de chercher des preuves complémentaires ? Pour ma part, mon opinion est faite.

Voilà pour l’argument de Raphaël Enthoven.

Antisionisme et antisémitisme

Sur le fond, aller chercher derrière chaque manifestation d’antisionisme des preuves d’antisémitisme, comme le fait Naem Bestandji accrédite l’idée qu’il y aurait parfois une différence entre antisionisme et antisémitisme. Bien sûr, ,sémantiquement, les deux termes sont en théorie séparables mais pratiquement, ils sont aujourd’hui confondus pour les raisons suivantes :

  • Israël est un pays qu’on peut critiquer mais il y a des dizaines de dictatures et de démocraties bien plus critiquables (Iran, Corée du Nord, Arabie Saoudite ?). Voit-on fleurir les mouvements anti-chinois, anti-coréens, anti que-sais-je ? Pourquoi cette focalisation irrationnelle, exclusive sur Israël ? Je croirais à l’antisionisme si ceux qui défilent contre Israël incluaient dans leur indignation des causes bien plus évidentes. La focalisation sur Israël tient de l’obsession et l’obsession est un marqueur d’antisémitisme.
  • Tout le monde peut évidemment critiquer Israël ou le sionisme. Les arguments qui consistent à dire que condamner l’antisionisme, c’est empêcher toute critique de l’état d’Israël sont donc spécieux.  L’utilisation revendiquée du terme antisionisme pour condamner Israël est donc aussi un marqueur. De fait, l’antisionisme est une obsession qui n’a rien à voir avec la simple critique, il marque une focalisation exclusive sur Israël, et est très souvent lié à un extrémisme religieux. Sans antisémitisme, pas d’antisionisme politique.
  • L’antisionisme est systématiquement utilisé comme un faux-nez ayant pour but d’empêcher la condamnation pour appel à la haine raciale. C’est une habitude typique de l’extrême droite que d’utiliser des codes ou des signes dérivés, qui permettent aux racistes de se reconnaître (la quenelle, l’antisionisme relèvent de cette même logique).
  • il y a aussi l’appel à la destruction massive, sans compromis possible, d’Israël, qui a presque toujours une origine religieuse islamiste et/ou antisémite.

 

Il en est de l’antisionisme un peu comme de la négation des camps de concentration. En théorie, dès lors que quelqu’un prétend avoir rassemblé de nouvelles preuves de l’inexistence de la solution finale, une attitude intellectuelle ouverte devrait consister à aller examiner ces soi-disant preuves. On sait pourtant que cet examen est totalement inutile car de telles « preuves » ont forcément une origine antisémite. C’est tout le sens de la loi Gayssot qui déclare la chose jugée une fois pour toutes.

 

De même, la prochaine fois que vous faites face à l’antisionisme politique, vous pouvez vous épargner toute analyse : l’antisémitisme y sera toujours non seulement présent mais consubstantiel. Rentrer dans l’exégèse de l’antisionisme au cas par cas a le défaut de maintenir dans l’erreur et la bonne conscience les milliers de gogos qui, confondant antisionisme et critique d’Israël, participent à l’antisémitisme sans toujours le savoir. Et de donner plus de force aussi à l’astuce politique islamiste qui feint de différencier antisionisme et antisémitisme.

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Que signifie la création d’un CAPES informatique ? 10 janvier 2019

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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J’aurais pu signer des 2 mains les déclarations du Ministre à propos de la création, annoncée hier, du CAPES informatique.

A partir du moment où l’on crée un CAPES, on crée quelque chose qui va structurer le futur. Ce qui est très important c’est qu’avec cette ouverture, nous consacrons le numérique dans un sens non superficiel.

Aujourd’hui, on parle trop du numérique en restant à la surface des choses alors même que nous avons besoin d’élèves qui développent leur sens logique grâce à la programmation, d’élèves qui relient les savoirs numériques aux autres savoirs grâce à leurs approfondissements numériques et l’approfondissement de leur culture générale dans d’autres domaines

Quels étaient donc les problèmes à résoudre ?

  1. Enseigner la programmation, pas les usages de l’informatique

Depuis 15 ans, l’Education Nationale a fait fausse route. Les investissements visant à faire utiliser les technologies numériques par les élèves (ou par les professeurs), se sont multipliés. Mais les enseignements qui leur permettraient de comprendre, avant le baccalauréat, comment les technologies numériques fonctionnent, sont développées, mises au point sont presqu’absents. Je parle ici des cours de programmation, d’algorithmie et d’architecture des ordinateurs (de tout ce que les anglophones rassemblent sous le terme « Computer Science ».

L’informatique, au sens de la programmation, n’est apparue au Collège que depuis 2 ans. Et les professeurs d’informatique n’existaient pas, puisque le CAPES d’informatique n’existait pas. La programmation informatique, qui est à la fois une technologie et une science, est aujourd’hui principalement enseignée par les professeurs de mathématiques et de technologie, dont la formation ne recouvre, au mieux, qu’une moitié du domaine. Sans parler des réticences qu’ont beaucoup d’entre eux à enseigner en dehors de leur propre domaine (et dans la mesure où enseigner reste un métier de vocation, ces réticences me paraissent largement justifiées).

  1. L’informatique est devenue une matière fondamentale

Or, dire qu’il y a révolution numérique, c’est dire que l’informatique, prise au sens duel de « Computer Science », est à mettre au cœur de l’enseignement. De fait, l’informatique est devenue une science fondamentale, peut-être la science de base la plus indispensable à l’étude des autres sciences. La chimie, la biologie, la physique et même les mathématiques font appel, dans une très large mesure, à l’informatique.

L’importance de l’informatique dans l’enseignement est destinée à s’étendre dans les 10 prochaines années. Non pas dans le but de créer une génération d’informaticiens (pas plus qu’il ne s’agissait, avec les mathématiques, de créer une génération de mathématiciens). Mais parce que l’école a pour objectif de créer des citoyens capables de comprendre le monde et que la compréhension du monde, révolution numérique en cours oblige, passe par la connaissance profonde du fonctionnement des différentes réalisations numériques.

Ce que l’Education Nationale a enfin compris, c’est donc qu’on n’améliore pas la compréhension du monde en distribuant aux enfants des IPAD – pas plus qu’on ne crée des cuisiniers en leur faisant simplement goûter des plats ou qu’on ne crée des ingénieurs en leur achetant des voitures. On améliore la compréhension du monde en expliquant aux enfants comment les objets numériques sont faits et en leur apprenant à les faire.

  1. Une mesure encore non financée, des moyens presque risibles

Il transparaît des déclarations du Ministre que les mesures actuelles sont non financées et les moyens mis en place paraissent ridicules, presque risibles. Seuls 10 postes ont été ouverts et « ont vocation à s’étendre dans le futur » (ce qui signifie que rien n’est encore prévu). « Une agrégation en informatique devrait suivre » (toujours rien de prévu !). Les besoins actuels sont chiffrés, par le Ministre, à 1500 postes mais j’arrive pour ma part à environ 10 000 postes, si on considère que l’informatique, matière fondamentale complémentaire et alternative aux mathématiques, a vocation à rentrer profondément dans les programmes et à capter d’ici 10 ans une partie des heures de maths et de sciences.

Et après ?

1. Enseigner l’informatique à Sciences-Po, à l’ENA, à HEC…

Dans les universités américaines, l’informatique fait déjà partie du cursus des étudiants littéraires. A Stanford, 90% des étudiants, toutes spécialités confondues, suivent le cours « de base » en informatique, dont le niveau est supérieur à celui de presque toutes nos grandes écoles d’ingénieurs. En France, un tel cours d’informatique devrait rentrer au programme d’écoles comme Sciences-Po, l’ENA, l’Ecole Nationale de la Magistrature, HEC… Encore une fois, à quoi sert une école préparant aux métiers politiques, économiques ou à la magistrature si les élèves qui en sortent ne peuvent décoder le monde ?

2. En médecine et dans les écoles d’ingénieurs

L’informatique devrait évidemment être mieux enseignée en fac de médecine (le progrès médical des 50 prochaines années en sortira) mais aussi utilisée de façon intensive dans le concours d’entrée. Dans les grandes écoles d’ingénieurs, il est à souhaiter, pour deux raisons, que les filières d’entrée « Maths » et « Physique » soient complétées par une filière « Informatique ». La première raison: il faut une plus grande partie de nos élites scientifiques formée à l’informatique. Deuxième raison: nous sommes en France et une matière n’est réellement prise au sérieux que lorsqu’elle devient importante pour faire les grandes écoles.  On voit pourquoi les besoins de professeurs agrégés sont beaucoup plus importants que ceux anticipés par le Ministère.

3. Créer un grand corps du numérique

Il est consternant aussi que le plus grand corps technique français, celui des Mines, fasse référence à une industrie qui n’existe plus. De même, les grandes écoles françaises, Ponts et Chaussées, Mines de Paris ( !), Ecole Centrale des Arts et Manufactures se coltinent des noms ridicules et numériquement désuets. Les mots ont un sens et ce décalage historique, qui traduit une absence de vision, a des conséquences immenses sur la compétitivité du pays.

Là encore, nous sommes en France et tout commence et finit par l’Etat. Un grand corps du numérique, comprenant 20 à 50 ingénieurs par an, devrait être créé. L’entrée y serait conditionnée non seulement à la sortie de l’X, comme c’est le cas pour les grands corps d’ingénieurs, mais aussi à l’obtention d’une spécialisation avancée en informatique ou en génie électrique. Ce corps, qui devrait aussi être ouvert à quelques magistrats, médecins, diplômés d’écoles de commerce… aurait pour mission de mener à bien la stratégie de l’Etat et de l’Industrie. Sans une élite de fonctionnaires parfaitement formée, la France ne peut pas développer des technologies numériques d’intérêt général ni lutter à armes égales contre les GAFA, par exemple.

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Les conséquences sociales des évaluations sur les enseignants et sur la liberté pédagogique 14 octobre 2018

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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La méthode de production des évaluations

Selon Marx, l’organisation de la société repose sur la spécialisation, qui entraîne l’asservissement de ceux qui exécutent à ceux qui contrôlent et coordonnent.

Les évaluations récemment développées par l’Education Nationale sont conçues par des neuroscientifiques et les enseignants jouent un simple rôle d’exécutant dans leur mise en place. Ils ignorent les principes régissant les exercices – et cette ignorance est nécessaire pour des raisons expérimentales liées au « double aveugle ». Un logiciel centralisé recueille les données qui seront analysées non pas par les enseignants eux-mêmes mais par des experts (en analyse de données, en neurosciences), travaillant au service d’une organisation bureaucratique :  l’Education Nationale.

Or ces données, je l’ai montré dans mon article précédent, contiennent évidemment des éléments de pouvoir. Elles peuvent, et sans doute doivent, être utilisées pour évaluer recteurs, établissements, professeurs, élèves. Elles peuvent, et sans doute doivent, être utilisées pour évaluer différentes méthodes pédagogiques et sélectionner les meilleures, de la maternelle au baccalauréat.

Dans la mesure où l’organisation et la technique des évaluations, telle qu’elles sont actuellement proposées, échappent totalement aux enseignants, il apparaît donc justifié que ceux-ci les redoutent. De toutes les critiques que j’ai pu lire contre le système des évaluations que l’EN tente d’instaurer, celle-ci me paraît la seule qui soit réellement justifiée.

Il est comique que cette critique soit faite par ceux-là mêmes qui ont cherché, dans les dernières années à  transformer les enseignants en bureaucrates en instaurant, par exemple, les kafkaïennes grilles de compétences dont tu trouveras, cher lecteur, une version simplifiée en cliquant ci-dessous.

Ces grilles de compétences, incompréhensibles pour presque tous les enseignants comme pour l’ensemble des parents, ont été imposées dans le but de se débarrasser de ces sales notes trop synthétiques qui avaient évidemment pour objectif de développer un esprit de compétition trop malsain chez les enfants. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Avec ce système, les enseignants sont devenus des gratte-papiers dans le pire sens du terme et ni les élèves ni les parents ne savent où ils en sont. C’est peut-être d’ailleurs le but recherché.

Ceux qui s’inquiètent de la contrainte bureaucratique qu’exercent les évaluations sur les professeurs ont donc, si l’on peut dire, fait leurs preuves ! Mais tu connais bien, cher lecteur, ma rigueur intellectuelle et mon goût pour la dialectique. Peut-on simplement réfuter une critique au simple prétexte que celui qui l’émet est un âne bâté, un incapable et qui plus est, de mauvaise foi ? Evidemment non ! L’objectif de cet article n’est pas de de traiter cet argument par le mépris mais d’essayer de définir un cadre dans lequel ces évaluations pourraient être organisées en plein accord avec la richesse et la noblesse du métier d’enseignant.

Si on pose le problème en termes marxistes, il s’agit donc d’abord de définir une « méthode de production » de ces évaluations permettant d’assurer aux professeurs qu’ils peuvent les utiliser sans subir une contrainte sociale arbitraire de la part de leur administration.

L’architecture du logiciel structure la forme des relations sociales

Comme la méthode de production et d’analyse des évaluations est une méthode logicielle, c’est la nature de l’architecture informatique du programme et des données utilisés par les enseignants qu’il s’agit de définir. L’architecture informatique détermine la forme des structures sociales engendrées par l’utilisation du programme et leurs relations, comme vous pouvez le constater tous les jours quand vous utilisez Facebook ou Google. Les anglo-saxons, faisant du marxisme sans le savoir, expriment ceci sous la forme de la maxime « Code is law ». (Le code, c’est la loi). Et je renvoie ceux qui veulent en savoir plus sur le sujet à l’article fondateur de Doris Lessig (traduction française). Si à défaut de finir mon billet, tu vas lire cet article, tu n’auras pas entièrement perdu ton temps, cher lecteur !

Mon objectif en esquissant les principes de cette architecture n’est pas de rentrer dans les détails techniques. Je précise cependant que toutes les technologies que je vais évoquer sont relativement nouvelles, mais simples à mettre en œuvre. Bien plus simples en tous cas que le logiciel SIRHEN dont j’ai récemment évoqué les déboires.

Une architecture décentralisée pour les évaluations

De façon à ce que les experts n’aient pas le monopole de la conception des évaluations, l’architecture cible doit permettre la création des évaluations par tout enseignant. Ainsi, un enseignant peut faire passer les évaluations « institutionnelles », crées par les experts du MEN, mais il peut aussi concevoir d’autres évaluations, soit dérivées de celles créées par le MEN, soit indépendantes. Les professeurs étant infiniment plus nombreux que les équipes d’experts, la plupart des sujets à évaluer seraient alors définis par la communauté des enseignants. Or, le thème d’étude est à l’évaluation ce que l’ordre du jour est à l’Assemblée.

La question qui se pose immédiatement est la suivante : quelle est la légitimité des enseignants pour concevoir des évaluations ? Les évaluations actuelles sont réalisées par des scientifiques mondialement reconnus en neurosciences et évidemment les enseignants n’ont pas cette compétence. Quelle est donc leur compétence pour concevoir une évaluation et analyser les données obtenues ? A cette question, il y a deux niveaux de réponse.

Evaluer, c’est d’abord comparer.

Le premier niveau découle de l’architecture informatique du programme.

L’évaluation faite par un enseignant n’a pas forcément pour objectif de situer ses élèves au niveau national. Un enseignant peut vouloir, plus modestement, tester une « méthode pédagogique » nouvelle. Par exemple, l’année dernière, il a utilisé une méthode de lecture globale et cette année une méthode syllabique. Quelle méthode donne les meilleurs résultats pour sa classe ? Autrement dit, peut-il définir une évaluation lui permettant de comparer les progressions « globale » et « syllabique » de ses élèves ? Il lui suffit d’élaborer par exemple un ou plusieurs questionnaires évaluant les capacités de lecture de ses élèves en début et en fin d’année de CP.

Cet enseignant est peut-être un pédagogiste adepte, par exemple, de la méthode globale et il se refuse à enseigner la méthode syllabique, décidément trop réac. Une architecture d’évaluation bien conçue va lui permettre alors de comparer simplement les résultats de « sa » méthode avec les résultats obtenus par un autre enseignant.

Pour comprendre ce que serait une telle architecture, on doit simplement imaginer un logiciel en ligne muni des 3 fonctions suivantes :

  • Tout enseignant peut saisir son questionnaire d’évaluation (par exemple sous forme de quiz)
  • Puis le rendre accessible à d’autres enseignants, de façon à ce que ces enseignants puissent faire passer à leurs élèves les questionnaires d’évaluation.
  • Enfin, un logiciel d’analyse statistique, éventuellement guidé par l’enseignant, permet de tirer des indicateurs significatifs (moyenne initiale des élèves de chaque enseignant, progression moyenne avec les deux méthodes, niveau atteint, etc…)

Une telle architecture ne se limitera pas à la collaboration de deux enseignants seulement. Elle permet donc aussi à de multiples enseignants de faire passer les questionnaires à leurs élèves. Ainsi, on peut comparer facilement la performance des méthodes pédagogiques sur un échantillon significatif d’élèves et d’enseignants et la technologie actuelle permet d’obtenir des résultats presqu’instantanés. C’est ce qui a été fait ici dans le cas des méthodes de lecture.

L’introduction de la méthode expérimentale à l’école, la liberté pédagogique

De cette façon, l’enseignant n’est plus un simple exécutant faisant passer les évaluations à l’aveugle.

Or qu’est-ce que la liberté pédagogique ? C’est la liberté pour chaque enseignant de choisir librement sa façon d’enseigner et de la faire évoluer, seul ou en collaboration avec d’autres enseignants.

La liberté pédagogique est au service des élèves. Elle  n’a de sens  que si elle permet à l’enseignant de déterminer la meilleure méthode possible pour faire progresser ses élèves. La seule limite à la liberté pédagogique, limite qui est aussi sa finalité, c’est donc l’intérêt des élèves.

Avec une architecture décentralisée d’évaluation, chaque enseignant peut imaginer une innovation pédagogique, la tester, seul ou avec d’autres enseignants, et des conclusions rapides peuvent être atteintes. Ces conclusions sont accessibles à tous et reproductibles par toute la communauté enseignante..

Selon la méthode expérimentale préconisée par Descartes, on apprend à tous les coups. Si l’innovation est bonne, on la garde. Si elle n’est pas fructueuse, on la rejette.

L’utilisation éclairée de cette méthode constitue donc aujourd’hui, à mon sens le plus haut niveau d’expression possible de ce qu’on nomme habituellement la liberté pédagogique de l’enseignant.

Une telle architecture permet de multiplier les évaluations, individuelles ou de groupe, à la discrétion des enseignants. Elle est à l’éducation ce que le tube à essai est à la chimie. Elle constitue une révolution : celle qui marque le passage de la pédagogie dans l’univers des sciences expérimentales.

On a cru depuis 20 ans que les usages de l’informatique à l’école allaient améliorer l’école. Or, à de rares exceptions près, on constate aujourd’hui que l’introduction des nouvelles technologies dans la salle de classe n’améliore pas le niveau des élèves. En revanche, la technologie permet de multiplier le nombre des évaluations et de simplifier l’analyse des données. Le progrès va venir non pas des usages en classe des nouvelles technologies mais de l’introduction de technologies d’évaluation légères, performantes et rapides.

La perspective ouverte par l’analyse de données à grande échelle

Au second niveau, il faut se placer dans une perspective historique plus vaste, celle de la révolution numérique en cours qui change radicalement la façon dont les données peuvent être recueillies et traitées. Les entreprises qui vous connaissent le mieux, Google et Facebook, sont celles qui ont rassemblé sur vous le plus de données. Ces données ont été obtenues de façon relativement empirique et peu structurée, au fil de vos interactions avec les différents sites Web que vous consultez. Pourtant, la capacité prédictive et psychologique de ces plate-formes est remarquable.

Récemment, un jeune homosexuel a été contraint à faire son coming out par Facebook car ses proches constataient, en consultant son profil, que des objets s’adressant à des homosexuels leur étaient proposés par le moteur de publicité de la plate-forme. Pour réaliser cet exploit, Facebook effectue simplement des corrélations statistiques entre les différents profils utilisateurs et associe des bandeaux publicitaires proches pour des profils corrélés. Il est à noter que cette technique s’applique aussi bien pour la partie consciente que pour la partie inconsciente de la personnalité de l’utilisateur et que donc, il n’y a aucun doute que Facebook sera capable à court terme, s’il ne l’est déjà, de révéler leur homosexualité inconsciente à certains de ses utilisateurs.

Technologie fantastique. Mais ces analyses de type « big data » ne servent pratiquement que des intérêts publicitaires. Facebook et Google ne les utilisent que pour vous servir le meilleur bandeau de publicité possible. Cette utilisation n’est pas forcément honteuse, mais elle n’a aucun intérêt pour ce qui est du progrès humain.

Si les enseignants se saisissent massivement des immenses possibilités offertes par de nouvelles architectures d’évaluation, une immense quantité de données pertinentes sera générée et les enseignements à en tirer seront sans doute sans fin. Ainsi, dans l’exemple cité ci-dessus, on arrive à prédire à 90% la performance de lecture d’un élève à partir de 5 paramètres très simples suite à une évaluation ayant rassemblé quelques dizaines de classes seulement. A titre de comparaison, l’EN a fait de ce débat depuis plus de 40 ans une querelle politique, avec des conséquences  catastrophiques pour les élèves. En ce sens, la technologie peut aider à trancher des débats politiques stériles, de nature quasi-religieuse.*

Des neurosciences aux données

Non seulement donc les professeurs, pris dans leur multitude et rassemblés par la bonne architecture technologique, ont toute leur légitimité par-rapport aux experts en neurosciences et statisticiens actuels, mais on peut affirmer que toute l’expertise “neuroscientifique” mise en place ne constitue qu’une toute première étape, le tout début de ce qu’un système d’évaluation bien conçu peut apporter. Les neurosciences ne sont en quelque sorte qu’un exemple d’application possible des enseignements qu’on peut tirer des “big data”. Les neurosciences ne sont pas la fin, au double sens du terme, mais le début des applications possibles données.

Cependant, le potentiel de progrès induit par une architecture numérique bien pensée, décentralisée, non oppressive, permettant de rassembler les expériences faites par la multitude des enseignants n’a pas, à ma connaissance, été envisagé par l’équipe de scientifiques actuellement mise en place par l’EN.

Un modèle alternatif aux GAFA

Beaucoup d’enseignants sont à juste titre méfiants vis-à-vis de l’entrisme des GAFA dans l’enseignement. Méfiants aussi, à juste titre, vis-à-vis de la tolérance que semble accorder l’EN aux GAFA, surtout quand les hauts fonctionnaires en charge des politiques numériques finissent par y pantoufler. Si la situation perdure, les données des élèves échoueront toutes chez les GAFA, dont la priorité n’est certainement pas l’émancipation citoyenne des élèves français ni la liberté pédagogique des enseignants.

La seule réponse possible, la seule réponse à la hauteur, c’est que les données pertinentes générées par la multitude des enseignants dépassent, en quantité, en qualité, en ouverture, en possibilités d’analyse celles obtenues par les GAFA. La guerre des données n’est pas perdue, mais elle ne peut se gagner qu’en s’unissant. La lutte contre Facebook, contre Google ne doit pas être une lamentation, mais une action collective.

Voici pour les grands principes. Je voudrais finir par la réponse à trois objections qui ne manqueront pas d‘être émises.

1 et 2) “Vous semblez avoir une croyance magique dans « les données ». Or les évaluations actuelles sont analysées mais aussi conçues par des statisticiens de métier. Les enseignants n’ayant pas cette formation, ils ne sauront pas structurer leur évaluation, encore moins l’analyser correctement.”

La quantité crée la qualité

L’évolution des puissances de calcul permet de générer sur des données des millions d’analyses statistiques, là où il y a quelques années seules quelques analyses pouvaient être envisagées. Puis des algorithmes, guidés de façon simple, permettent de détecter quelles analyses ont une chance d’être pertinentes. La formation à ces outils est de l’ordre de quelques jours et peut être effectuée en ESPE ou dans le cadre d’un CAPES, par exemple.

Pour les statisticiens de métier (ou les deux profs de philo qui lisent ce blog), je ne peux pas rentrer dans le cadre de cet article dans des explications trop techniques, mais la meilleure façon de voir les choses est la suivante : les données, couplée à la puissance de calcul presqu’infinie des machines actuelles et à venir, illustrent le principe hégélien « la quantité crée la qualité ».

Dans le cas de l’intelligence artificielle, c’est ce qui se passe. On croit au départ, comme Pascal ou Edgar Poe, que les ordinateurs ne sont que de grosses machines à calculer automatiquement mais quand la puissance de la machine augmente de façon exponentielle, de la façon un peu miraculeuse décrite par la loi de Moore, on ne peut nier qu’une intelligence se crée puisque sans aide humaine, l’ordinateur finit par battre l’homme à son propre jeu, celui des échecs. Ce passage de l’ordinateur « machine » à la qualité d’ordinateur « intelligent » s’est produit en 1996 et marque le début de ce qu’on appelle la Révolution numérique.

Il en est de même pour ce qui est des données et de leur analyse. Si on en rassemble suffisamment, si on dispose d’immenses capacités de calcul, on y trouve des enseignements à l’aide de simples algorithmes informatiques même sans compétence statistique importante de la part des enseignants. Et la puissance des machines progressant de façon exponentielle, on y trouvera, avec le temps, toujours plus d’enseignements.

Cet argument répond d’ailleurs, par la même occasion, aux objections concernant les évaluations massives réalisées antérieurement, en France ou dans les pays anglo-saxons, dont les conséquences ont été souvent limitées. On parlait dans les années 90 d’une ou deux évaluations, très lourdes, réservées à des spécialistes et dont l’analyse pouvait prendre des années. On parle ici de milliers d’évaluations par an, simples, légères, que tout enseignant peut mettre en œuvre et dont l’analyse prendra de quelques minutes à quelques semaines. Bref, le terme « évaluation » reste inchangé mais on ne parle plus du tout de la même chose. Là aussi, la quantité crée la qualité.

3) « Vos évaluations, finalement, ce seront des quiz. Or l’évaluation sous forme par quiz, c’est vraiment le degré 0. Le quiz ne peut pas appréhender toute la complexité de certaines matières ni (je pense toujours aux deux profs de philo qui vont me lire !) d’une dissertation. »

Il est évident que la méthode proposée ne peut évaluer une dissertation de philo ou de français. Elle a donc, au moins au départ, ses limites. De même, un tube à essai ne permet pas de réaliser toutes les expériences possibles.

Cependant, ces limites sont moins importantes qu’il n’y paraît. Bien conçu, le quiz permet d’évaluer en profondeur non seulement le savoir de l’élève, mais aussi sa capacité de raisonnement au même titre qu’un devoir complexe. Il y a, pour l’enseignant, tout un « art » du quiz qui pourrait d’ailleurs aussi être enseigné dans le cadre de leurs formations pédagogiques. Dans les meilleures universités américaines, le quiz est utilisé en sciences pour pratiquement tous les examens jusqu’au niveau du doctorat et ayant côtoyé cette forme d’interrogation, je peux témoigner que, bien mise en œuvre, elle n’est en rien moins exigeante, en rien moins profonde que le devoir sur table de 4 h qu’impose la grande tradition française.

En dehors des matières scientifiques, le quiz peut évidemment être utilisé, au moins en partie, dans toutes les matières pour ce qui est des connaissances et de la compréhension, ce qui est déjà beaucoup. On exclut évidemment, encore une fois, tout ce qui est dissertation à ce stade.

Bref, la méthode proposée n’est certes pas complète, mais bien plus vaste que ce qu’on croit en général en France.

J’invite tous ceux qui doutent à consulter, dans leur discipline, les cours en ligne du MIT.

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L’esprit perdu de l’article 28 de la loi de 1905 30 septembre 2018

Par Thierry Klein dans : Aliénation,Politique.
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Article 28

« Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. »

L’article 28 de la loi de 1905 vise évidemment la religion catholique. Le rédacteur de la loi a cependant voulu lui donner une portée plus générale, à savoir que toute religion visible dans l’espace public est susceptible de peser socialement sur les individus, de nuire à leur liberté de conscience ainsi qu’à la séparation du religieux et du politique.

Supprimer les crucifix dans la rue tient, pour les adultes, de la même logique que supprimer les crucifix dans la salle de classe des enfants. Vous ne pouvez pas, en toute rigueur, prouver que le crucifix dans la rue vous influence, cependant, à partir d’un certain degré de présence, la présence du crucifix donne un pouvoir politique à l’Eglise, le vecteur de transmission de cette influence sur les esprits étant à la fois conscient et inconscient. Si les croix sont partout, le curé a du pouvoir.

On aurait pu imaginer que le rédacteur de la loi se montre plus tolérant. Après tout, jusqu’à un certain point, la présence limitée de signes religieux ne pèse pas sur les consciences. Mais dans l’article 28, il n’y pas de notion de seuil de tolérance, de degré. L’Eglise catholique était puissante, partout présente, invasive. Le législateur a, de façon très juste, jugé que l’introduction d’un seuil de tolérance pouvait enlever à cette loi tout sens pratique, face aux bigots qui ne manqueraient pas de tirer parti de toutes les exceptions que la loi leur accorderait. Il a voulu protéger le citoyen totalement, pour toujours.

Pour éviter toute contagion hypothétique, il bannit le signe religieux partout, comme le médecin désinfecte totalement la salle d’opération pour éliminer toutes les bactéries.

L’article 28 est, au sens propre, une mesure de prophylaxie radicale.

L’oubli de la loi de 1905

Il semble tout à fait incroyable, quand on considère la multiplication des affaires actuelles concernant le voile et le burkini, signes religieux présents dans l’espace public, que cette loi ne les ait pas interdits « par avance ». Le voile et le burkini présentent tous les attributs du signe religieux oppresseur :

  • Ils sont extrêmement visibles
  • Ils donnent un pouvoir politique à une religion, l’Islam. La multiplication des voiles permettant aux musulmans intégristes de se compter. En ceci, voiles et, surtout, burkinis ont une fonction très comparable aux uniformes des milices fascistes.
  • Ils se propagent effectivement de façon contagieuse, mimétique, selon la dynamique décrite par Ionesco, dans son « Rhinocéros » ou par Camus, dans « La Peste ». La Mairie de Rennes, négligeant cette dynamique, a stupidement justifié cette semaine l’autorisation du burkini dans ses piscines au prétexte qu’il ne concernerait que 5 nageuses…
  • La pression sociale engendrée par ces accoutrements est évidemment intense. Beaucoup de femmes portent le voile contre leur gré, par contrainte familiale ou culturelle. Beaucoup d’autres le portent sans ordre explicite, comme un « accommodement raisonnable » permettant de passer inaperçue dans un environnement de plus en plus islamisé. Beaucoup d’autres encore le portent par superstition religieuse.

Tout ceci constitue la forme de pression la plus grave que la société peut faire peser sur un individu. C’est ce que le législateur de 1905 avait voulu à tous prix casser.

Et tous les hommes politiques partisans du soi-disant « juste milieu », qui se disent en même temps « certes préoccupés par le problème que pose le voile », mais ajoutent qu’il faut simplement « s’assurer qu’aucune femme ne le porte contre son gré », sont des hypocrites qui renient l’esprit de l’article 28. Dans des quartiers où le trafic de drogue est devenu une activité commerciale comme une autre, qui va s’assurer que telle ou telle femme est voilée ou pas de son plein gré ? Qui relèvera les insultes et les pressions envers les femmes non voilées ?

L’article 28 avait tranché dans le vif, de la seule façon possible, en instaurant l’interdiction absolue du signe religieux public.

Si l’esprit de l’article 28 est perdu, l’article 31 ne peut plus être appliqué

Art. 31: Sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ceux qui, soit par menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, ont agi en vue de le déterminer à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.

L’article 31, c’est celui qui sanctionne les pressions effectuées sur les individus pour des raisons religieuses. Non seulement les partisans du « juste milieu » renient l’esprit de l’article 28, mais, ce faisant, ils rendent l’article 31 de la loi de 1905 inapplicable. Comme on ne peut pas mettre un policier derrière chaque femme non voilée, il est devenu de fait impossible aujourd’hui d’appliquer l’article 31. Aujourd’hui, dans les quartiers, des femmes sont agressées tous les jours, au moins verbalement, pour non port du voile. De fait, si les articles 28 et 31 ne sont pas appliqués de concert, ils deviennent tous deux inopérants.

Liberté individuelle et article 28

L’argument de la liberté individuelle avait évidemment été posé dès 1905. Le choix fait par l’article 28 est très clair : la liberté du croyant s’arrête dès lors qu’elle fait encourir le moindre risque à la liberté d’autrui, dès lors donc qu’un risque de pression sociale s’exerce sur autrui.

Le raisonnement laïque est le suivant :

  1. La République ne reconnaît aucun culte, ce qui signifie que toute religion est vue comme une superstition tolérée
  2. Cette superstition n’est tolérée que si elle est totalement inoffensive.
  3. La présence du signe religieux dans l’espace public constitue un risque dont le citoyen doit être protégé.

Aujourd’hui, les partisans du voile invoquent de même l’argument de la liberté individuelle (le « droit ») des femmes à le porter – et il n’est pas douteux qu’au moins pour certaines, il s’agisse d’un choix positif.

Mais pour ce qui est du voile, l’article 28 a déjà tranché, au moins dans l’esprit. La liberté individuelle du croyant doit toujours s’effacer face au risque qu’elle entraîne sur la liberté du non croyant. Le « droit individuel » s’efface immédiatement face au devoir collectif qu’a la société envers l’individu : celui de le préserver des effets de l’aliénation ou de la superstition.

A partir du moment où certaines femmes sont obligées, en France, de porter le voile (ce qui est évidemment le cas), à partir du moment où une pression religieuse liée au signe religieux que constitue le voile ou le burkini, s’exerce dans l’espace public, ce signe devrait être interdit. Tel est l’esprit oublié de l’article 28.

Pourquoi l’article 28 ne parle-t-il pas du vêtement ?

En 1905, la religion catholique est dominante. Elle n’impose pas à ses fidèles d’accoutrement. Seuls les membres du clergé portent un uniforme et leur nombre est par nature limité à une infime partie de la population, population fermée par construction et en constante diminution. Les protestants n’ont aucun accoutrement et cela vaut pour leur clergé. Les juifs orthodoxes sont reconnaissables mais infiniment minoritaires et cette religion est par nature fermée aux autres. Personne n’envisage que l’Islam, religion des territoires colonisés, dominés, puisse acquérir en France la moindre puissance.

Le législateur, bien que recherchant la généralité, n’a tout simplement pas pensé à étendre la notion de signe religieux au vêtement. L’eût-il fait, il aurait forcément tranché dans le même sens que l’article 28 et pour les mêmes raisons, en vertu du même principe.

L’erreur de 2010

La loi de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public a été, à cet égard, une grave erreur et une hypocrisie. Elle atteint, pour ce qui est de la burka, le but recherché mais le prétexte invoqué est la dissimulation du regard. En vérité, toute le monde sent bien que l’Islam était en cause. Il l’était pour des raisons tout à fait justifiées qui n’avaient rien à voir avec le regard. Il aurait été bien plus cohérent, bien plus dans l’esprit de la laïcité, d’invoquer l’esprit de l’article 28 et d’étendre cet article.

L’utilisation d’un prétexte et d’un mauvais principe de droit a eu une double conséquence : beaucoup de musulmans se sont sentis stigmatisés, totalement à tort puisqu’on a vu que l’Islam passe en fait, pour des raisons historiques, « entre les gouttes » de la loi de 1905. Surtout, l’esprit politique et religieux de l’Islam intégriste consistant à tirer, avec un grand talent, toutes les conséquences des incohérences des démocraties occidentales, on voit, on verra sans cesse, apparaître de multiples tentatives pour augmenter la pression de l’Islam dans l’espace public. L’extension du port du voile, le burkini, font partie de ces tentatives d’occupation de l’espace et on ne peut évidemment ni les interdire, ni les limiter dans le cadre de la loi de 2010.

En finir avec la rhétorique de l’aliénation

Les féministes « universalistes » tentent actuellement de limiter le port du voile en invoquant l’aliénation patriarcale des femmes qui le portent.

Cet argument me paraît non pas nécessairement faux mais pas assez convaincant. Beaucoup de musulmanes portent le voile de façon tout à fait volontaire et, invoquant leur droit individuel à le porter, renvoient à ces féministes une autre aliénation qui est, grosso modo, la soumission aux normes occidentales, elles-mêmes considérées comme culturellement arbitraires. Dans ce combat, je suis évidemment infiniment plus proche des féministes universalistes, qui se placent dans le sillage de la gauche émancipatrice, de Voltaire à Jaurès, que des féministes dites indigénistes ou racialistes, qui alimentent un courant d’inspiration totalitaire, sectaire et raciste. Mais l’argument de l’aliénation a toujours un côté totalitaire et dangereux. Il présuppose la supériorité de la personne qui l’énonce, il ne peut être réfuté et il peut être retourné à l’infini puisque la personne censée subir l’aliénation la subit de façon inconsciente. L’argument de l’aliénation est, par nature, un procès stalinien affaibli. On ne devrait l’utiliser qu’avec une extrême précaution et en tout dernier recours.

Pour obtenir gain de cause, il me paraît beaucoup plus simple, beaucoup plus élégant, beaucoup plus convaincant d’invoquer l’esprit oublié de l’article 28. Ce n’est pas au nom du féminisme qu’il faut interdire voile et burkini, mais au nom de la laïcité universelle, elle-même ayant pour but de nous protéger du « gros animal » de Platon.

Un tel argument a en outre l’avantage de pouvoir unir politiquement tous les opposants à la prise de puissance politique de l’Islam, ou de quelque religion que ce soit, sur des bases saines.

De quelle façon pourrait-on donc étendre cet article ?

On pourrait évidemment interdire, de façon prophylactique, la présence de tout signe religieux dans l’espace public. Même si beaucoup de catholiques en seraient ulcérés, la situation à laquelle on arriverait serait alors infiniment meilleure que la situation actuelle.

De façon sans doute plus raisonnable, mais aussi efficace, trois critères devraient être pris en compte concernant le signe religieux dans l’espace public sous forme de vêtement :

  • Son caractère ostentatoire (une croix cachée sous un pull a moins d’impact qu’une burka)
  • La fréquence de sa présence (la robe Krishna a moins d’impact que le voile, car très peu de gens la portent)
  • La contrainte potentiellement imposée sur les personnes (dans le cas de la robe de la religieuse catholique, il n’y a évidemment aucune contrainte. Pour ce qui est du voile, le voilement même des petites filles, qui ne peuvent évidemment rien refuser aux parents, constitue une contrainte manifeste, sans parler des insultes qu’encourent actuellement en banlieue les femmes non voilées).

Des vêtements masculins ostentatoires pourraient évidemment être interdits dans le cadre de cette loi. Face à l’oppression religieuse, les hommes sont des femmes comme les autres. Le combat contre le voile est universel.

Ces critères peuvent évidemment varier dans le temps et un texte pourrait fixer le principe général de l’interdiction, en laissant au juge une certaine liberté d’appréciation.


24/02/2019 : Les débats de 1905 et le costume religieux (ajout pour les lecteurs très motivés uniquement)

Suite aux différents retours que j’ai reçus sur ce texte, il convient de le corriger après lecture des séances, tout à fait extraordinaires, du 26/27 juin 1905 de l’Assemblée Nationale.

Il y a deux erreurs de fait dans mon texte. La première, c’est que le point du costume ecclésiastique est effectivement abordé à l’Assemblée. Mais presqu’uniquement sous l’angle de l’autorité que confère ce costume, qui est comparé au costume des militaires. La question débattue est donc de savoir si ce costume confère une quelconque autorité aux prêtres. Non, répond justement Briand car « En régime de séparation, la question du costume ecclésiastique ne pouvait pas se poser. Ce costume n’existe plus pour nous avec son caractère officiel ».

Ce n’est donc pas la question du costume en tant qu’emblème religieux qui a été discutée à l’Assemblée. Cette question, posée par le député Chabert, n’occupe qu’une dizaine de lignes dans la séance (sur plus de 80 pages) et, fait remarquable, Briand, rapporteur de la commission, l’élude totalement. Les arguments de Chabert sont pourtant remarquables.

Chabert déclare a) « qu’il y a, dans la loi soumise à nos délibérations, deux articles, les articles 25 et 26 qui interdisent l’un de porter, de promener en public, l’autre de placer dans les emplacements ou sur les monuments publics aucun signe ou emblème religieux. » et que par conséquent, b) « « Le costume religieux n’est-il pas essentiellement un emblème ? Son port n’est-il pas au premier chef une manifestation confessionnelle ? … la soutane en public, ce sont les choses de la conscience dans la rue ! »

J’en viens à ma deuxième erreur, faite aussi par Chabert et je pense beaucoup d’entre nous, qui interprète la loi comme une interdiction totale du signe religieux dans l’espace public. Briand, rapporteur de la commission précise alors qu’il ne s’agit que d’une interdiction du signe sur les bâtiments publics ou dans les espaces publics. Un signe religieux sur une façade privée, dans un jardin privé, reste toléré. Au moment où parle Chabert, l’état de la loi interdit de promener en public tout signe religieux (interdiction des processions, qui sera invalidée le lendemain par amendement).

Bref, personne n’a répondu aux arguments de Chabert, qui pourtant donne toutes les raisons, bonnes et mauvaises, présentes et passées d’interdire le vêtement religieux du prêtre. De façon tout à fait remarquable, l’argument de l’aliénation, que j’évoque dans mon article, est aussi mentionné pour le costume du prêtre (comme aujourd’hui on parle de l’aliénation des femmes voilées).

La question est de savoir si ces deux erreurs invalident le raisonnement que je fais sur l’esprit de la laïcité. Je ne le pense pas du tout. En un sens, ces erreurs confirment même le raisonnement.

Car la raison pour laquelle personne ne répond à Chabert, c’est que tous ces débats ne concernent finalement que l’église catholique et uniquement l’église catholique. A l’exception de Chabert, qui fait preuve d’une lucidité peu commune, les parlementaires jaugent toutes les mesures à l’aune de leur impact sur l’église et de l’impact de l’église sur la société.

Le lendemain, le vote du 27 juin autorisera les processions pour de mauvaises raisons. Elles y seront vues comme « des manifestations » et non pas comme ce qu’elles sont: des prières de rue. On sent dans les débats le compromis ou le troc politique qui s’effectue entre députés de gauche (droit à manifester des ouvriers) et de droite (en faveur des prières de rue). En 1905, l’église a déjà perdu. Les processions sont déjà des manifestations minoritaires, un peu pagnolesques et donc, comme le costume des prêtres, elles sont peu dangereuses pour la gauche.

Bref, ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est que :

  1. Un seul député a vu juste et son point de vue n’a pas été discuté
  1. Quelle que soit la forme finale que prend la loi, qui semble d’inspiration universelle, la discussion porte sur l’église catholique uniquement et jamais sur l’Islam, comme je le mentionne dans mon article.

Les premiers arguments multiculturalistes contre l’esprit de la laïcité: signe religieux dans l’espace public contre « tolérance universelle »

Lors des débats du 26/27 juin 1905, le député Grousseau (droite catholique) introduit des arguments de nature finalement multiculturaliste. « Tant à cause de cette tradition que de cette signification profonde, on comprend que les cérémonies extérieures du culte soient considérées par l’Eglise comme essentielles ; elles sont un des éléments de sa catholicité.  » (et par conséquent) « La liberté de conscience ne doit pas être conçue d’une façon négative, comme imposant aux différentes confessions religieuses l’obligation de se dissimuler, elle doit être conçue d’une façon positive, comme leur imposant l’obligation de se tolérer réciproquement, ce qui entraîne pour chacune d’elles la faculté de se développer et de se manifester. »

Cet argument invoque très clairement le droit du croyant comme « essentiel » et le fait passer devant la protection du non-croyant face au signe religieux au nom d’un soi-disant liberté de manifester.

Ainsi, la liberté des processions , qui sont des prières de rue, et du costume religieux arboré en public, sont, dès le départ, des manifestations d’un multiculturalisme qui ne dit pas encore son nom.

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Dialogue en faveur de l’évaluation 24 septembre 2018

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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Ce billet constitue une réponse à l’article récent du Monde « Mettre en place toujours plus d’évaluation à l’école n’est pas une solution ». Ecrit par un professeur de philosophie, Thomas Schauder, cet article rassemble l’ensemble des arguments de principe que j’ai pu lire contre le processus d’évaluation que tente actuellement de mettre en place Jean-Michel Blanquer.

Les arguments présentés par Thomas Schauder sont repris et discutés point par point ci-dessous, en italiques.

« L’évaluationnite est le symptôme de la culture du chiffre dans l’Education Nationale »

Il est vrai que l’administration de l’EN n’a de cesse d’encombrer les professeurs avec une multitude de demandes tatillonnes, dont les objectifs sont totalement incompris des enseignants. L’évaluation par compétences, indépendamment de tout débat sur sa supposée utilité pédagogique, a introduit un degré de complexité, de pédantisme et d’opacité inédits tellement ces compétences sont nombreuses et mal définies.

Mais il ne peut y avoir « évaluationnite » là où l’évaluation est absente. Or, depuis une dizaine d’années au moins, l’Education Nationale a renoncé à toute évaluation digne de ce nom, c’est-à-dire conduite de façon indépendante et respectant un certain cadre scientifique.

A la fin des années 2000, sans doute parce qu’elles mettaient trop clairement en évidence la baisse du niveau scolaire, les évaluations lourdes mais rigoureuses et indépendantes menées par la Direction de l’Evaluation ont cessé d’être publiées[1]. Le Haut Conseil de L’Evaluation a été supprimé. La responsabilité des évaluations est alors le plus souvent confiée à la DGESCO, qui ne dispose d’aucune compétence reconnue dans le domaine et qui, plus grave, est juge et partie : elle a pour charge d’évaluer les politiques scolaires de plus en plus contestées dont elle est à l’origine.

L’objectif des évaluations est alors devenu politique.

Dans certains cas, non seulement les résultats des évaluations ne sont pas publiés, mais le Ministère leur substitue des résultats jugés plus favorables et mettant mieux en valeur la politique du Ministère.

Un exemple : alors que l’Etat a équipé des dizaines de milliers d’écoles en tableaux interactifs, il n’existe toujours pas, par exemple, d’étude indiscutable (ou simplement sérieuse) qui évalue les réels avantages de ces technologies pour l’enseignement[2]. Les seules analyses réellement critiques sont d’origine anglo-saxonnes.

La seule évaluation crédible au niveau national ne provient pas de l’Education Nationale.  L’étude PISA, dont le principal mérite a été de mettre en évidence le faible niveau des élèves français, a été conçue par l’OCDE et organisée en France par la Direction de l’Evaluation.

« Les intentions du Ministère sont économiques et non pédagogiques »

L’évaluation ne change pas la finalité de l’enseignement. Elle essaie simplement d’en quantifier la performance. Si l’objectif du système scolaire est de nature pédagogique, elle aura pour objet d’évaluer la pédagogie. Si l’objectif est de nature économique, elle évaluera la performance économique du système. Mais elle n’est pas responsable des objectifs ou des intentions du système. C’est uniquement à partir des programmes scolaires et des pratiques d’enseignement qu’on pourrait analyser ce que Thomas Schauder appelle « la logique du système ». Ainsi les évaluations en CE1 portent sur la performance en lecture, l’objectif pédagogique des élèves de CP étant, de tout temps, d’apprendre à lire. L’argument qui consiste à prêter une intention économique à l’évaluation n’est pas recevable en l’espèce.

« Il s’agit de comparer la performance (au sens économique) du système scolaire avec d’autres, la performance de tel ou tel établissement scolaire avec d’autres, la performance de tel enseignant par rapport aux autres… »

En revanche, il est clair que l’évaluation, si elle est bien menée, devrait à terme apporter des données sérieuses permettant de comparer la performance des établissements, des professeurs, des élèves. Beaucoup d’enseignants sont donc inquiets qu’une promotion « au mérite », basée sur les résultats de l’évaluation, soit progressivement organisée, quelles que soient les dénégations du Ministre. Ce risque existe, mais il faut considérer d’abord tout ce que peut apporter une évaluation bien faite.

L’évaluation permet une meilleure répartition des moyens…

Les établissements où les élèves sont le plus en difficulté peuvent être identifiés avec précision et les moyens mis à disposition de ces établissements rigoureusement adaptés chaque année (actuellement, les statuts REP ou REP+ des établissements sont rigides, certains établissements n’ont pas ce statut alors qu’ils sont en grande difficulté et vice-versa).

… et une meilleure définition de la performance des enseignants

Ce qu’on entend en général par performance d’un établissement, c’est le niveau moyen des élèves. Polytechnique est ainsi le meilleur établissement de France parce qu’elle reçoit les meilleurs élèves, mais cela ne nous apprend rien sur le niveau des enseignants eux-mêmes. L’évaluation, si elle est faite une ou deux fois par an[3], permet de mettre en évidence non seulement le niveau, mais aussi, ce qui est beaucoup plus intéressant, la progression des élèves par-rapport à un référentiel national.

Ainsi, un enseignant pourra savoir qu’à l’entrée en CP, ses élèves étaient dans le 23ème centile et qu’à la fin de l’année, ils sont dans le 12ème centile, ce qui correspond à une progression de 11 places dans une classe de 100 élèves (11%).

Il me semble qu’un tel retour, s’il est crédible[4], est extrêmement intéressant pour l’enseignant. Je me souviens de la fierté légitime qu’éprouvaient mes professeurs lors des bons résultats de leurs élèves au bac ou aux concours. Enseigner reste, qu’on le veuille ou non, un métier de vocation et la satisfaction de voir ses élèves progresser, de progresser soi-même d’année en année, peut sans doute, à elle seule, renouveler positivement la vision qu’a l’enseignant de son métier.

L’inspection

Pour ce qui est du mécanisme de promotion, rien n’est plus déprimant que le mécanisme actuel d’inspection des enseignants. Tous les 5 ou 10 ans, un enseignant reçoit la visite d’un inspecteur, la plupart du temps éloigné du terrain depuis longtemps (si tant est qu’il ait jamais enseigné). Cet inspecteur lui demande de mieux appliquer les consignes pédagogiques du Ministère, consignes qui changent pratiquement aussi souvent que le Ministre de l’Education Nationale. Cette inspection, dont le professeur est préalablement informé, échoue totalement à jauger les qualités de l’enseignant tout en générant un grand stress et souvent de l’amertume. Les enseignants découragés, qui renoncent avec un grand sentiment d’échec en ayant le sentiment que leur administration les enfonce plutôt que de les soutenir sont légion – il suffit de parcourir les divers groupes d’enseignants sur les réseaux sociaux pour le constater.

Comment pourrait-on envisager l’inspection si l’Education Nationale est dotée d’un outil d’évaluation performant ? Des équipes pédagogiques visitent les 5% des professeurs les plus « performants » pour comprendre les raisons de leur succès et voir si on peut s’inspirer de leurs pratiques. Le corps des inspecteurs se concentre sur les 5% ou les 10% les plus en difficulté et leur travail ne se limite plus à une simple visite formelle, mais à plusieurs. Ils mettent en œuvre un processus long destiné à faire progresser l’enseignant. Eux-mêmes seront évalués, au moins en partie, à l’aune de cette progression. Ainsi l’évaluation, si elle est bien menée, peut remettre du sens dans tout le système éducatif.

Le tableau ci-dessus pourra faire sourire par sa naïveté. Tout me semble mieux, pourtant, que la situation actuelle qui broie les enseignants année après année, à petit feu, en tuant leur goût d’enseigner.

« Il n’y a de bonne évaluation que si elle est pensée par l’enseignant lui-même »

« Interrogez les enseignants sur le terrain : ils vous diront que ce qui marche, ce sont des évaluations adaptées au profil de la classe, à l’évolution pédagogique de l’enseignant, bref, pensées et construites par l’enseignant ou par l’équipe pédagogique. Si c’est vraiment dans l’intérêt de l’élève, pourquoi vouloir imposer des évaluations standardisées ? Et pourquoi, aussi, ne pas faire confiance dans la capacité des enseignants à diagnostiquer les problèmes des élèves ? »

Personne n’empêche évidemment chaque enseignant de faire ses propres évaluations, ses propres exercices et de les adapter au profil de chaque classe et de chaque élève. Les deux ne sont pas incompatibles et l’évaluation n’est certainement pas la solution universelle et miracle. Personne ne prétend qu’elle remplace l’enseignant. Le grand avantage des évaluations nationales proposées aujourd’hui en CP et au CE1 est qu’elles permettent de situer chaque élève dans le cadre général et de détecter des problèmes ou des risques que l’enseignant peut difficilement repérer lui-même. Cette capacité tient à l’usage de 2 sciences : la statistique et les neurosciences[5].

L’évaluation traduit « une obsession de l’objectivité », une « technicisation de l’éducation », ayant pour conséquence « le recul du politique », symptôme « d’une logique néolibérale ».

Sans être une obsession (on a vu que les évaluations étaient jusqu’à présent extrêmement rares en France), et tout en admettant que l’enseignement reste un art, on doit être dans la recherche de l’objectivité plutôt que de la subjectivité. L’objectivité a pour caractéristique qu’on peut espérer la mesurer. C’est cette logique qui, depuis Descartes, a permis le progrès scientifique et il serait paradoxal qu’en France, on rejette cette approche. Il faut voir la politique d’évaluation lancée par le Ministre comme un début de l’introduction de la méthode expérimentale à l’école[6].

Cette méthode doit effectivement avoir pour conséquence un certain recul du politique. Ce recul du politique est souhaitable car l’idéologie a, en France, pris trop d’importance par rapport à la pédagogie. Au nom de leurs visions respectives (et subjectives) sur l’école, les nombreux ministres en charge n’ont eux-mêmes cessé, depuis 30 ans, de secouer l’Education Nationale. En France, même le débat sur les méthodes de lecture est devenu, on se demande comment, un débat gauche (méthodes globales ou semi-globales « progressistes ») / droite (méthodes syllabiques « conservatrices »), alors qu’une évaluation simple, sans même qu’il soit nécessaire de la mener au niveau national, permet de trancher ce débat qui est purement technique.

Disposer d’outils d’évaluation comparative permet potentiellement de trancher un grand nombre de débats, qui apparaissent aujourd’hui comme politiques alors qu’ils sont essentiellement techniques. Citons par exemple la réforme des rythmes scolaires, le choix des méthodes de langue, de lecture, la semaine de 4 jours, etc.

On ne comprend pas bien pourquoi, en revanche, une méthode ayant pour but de faire progresser l’enseignement peut être cataloguée comme « néolibérale » au simple prétexte qu’elle a des prétentions d’objectivité. Le but de l’école reste l’émancipation du citoyen, la qualité de l’enseignement reste au service de cette cause et il s’agit simplement d’évaluer cette qualité.

La question non posée sur la prise de contrôle du pouvoir bureaucratique

L’objection la plus fondamentale contre la politique d’évaluation n’est paradoxalement pas abordée dans le billet de Thomas Schauder. Selon Marx, l’organisation de la société repose sur la spécialisation, qui entraîne l’asservissement de ceux qui exécutent à ceux qui contrôlent et coordonnent. Cette observation tient du génie, on peut en constater le bien-fondé tous les jours, par exemple dans l’économie numérique.

Dans la mesure où l’organisation et la technique des évaluations, telle qu’elles sont actuellement proposées, échappent totalement aux enseignants, il apparaît donc justifié que ceux-ci les redoutent.

Les réactions violentes contre le processus d’évaluation en tant que symptôme de l’effondrement de l’Education Nationale.

Certains syndicats, beaucoup d’enseignants s’expriment vent debout contre le principe des évaluations sur les réseaux sociaux et parlent de l’évaluation comme de la fin de leur métier. Ces craintes me paraissaient au départ totalement exagérées, voire paranoïaques compte tenu des déclarations du Ministre mais une réflexion du fameux psychanalyste Winnicott m’est revenue en mémoire. Winnicott décrit la crainte de l’effondrement comme la crainte d’une catastrophe déjà arrivée. Le patient vit la même situation que les héros de l’Enfer de Sartre : Il redoute l’enfer alors qu’il y vit.

La réaction violente de refus des enseignants pourrait bien n’avoir pas d’autre cause que celle de cacher la réalité suivante : d’une certaine façon, l’école s’est déjà effondrée, leur métier d’enseignant a déjà pris fin.

Le travail (thérapeutique !) du Ministre serait alors de faire comprendre aux enseignants que « le malheur, c’est maintenant ! » et que l’évaluation peut justement, sous certaines conditions d’organisation, ressusciter la grandeur du métier d’enseignant et y insuffler une grande énergie, tout en augmentant leur liberté pédagogique.

Je tenterai de préciser ces conditions dans un prochain billet, qui sera consacré aux techniques de l’évaluation.

[1] Rapport de la Cour des Comptes 2010 : https://www.speechi.net/fr/2010/05/17/selon-la-cour-des-comptes-leducation-nationale-navigue-a-vue/ + Des statisticiens accusent l’éducation nationale de faire de la rétention d’information ». Le Monde du 4 novembre 2011 + lire, avec les précautions qui s’imposent, ce communiqué syndical  qui met en évidence une division par deux du nombre des études publiées depuis 2 ans.

[2] https://www.speechi.net/fr/2007/07/02/les-tableaux-interactifs-sont-ils-utiles-pour-lenseignement/

[3] Les évaluations vont devenir  de plus en plus légères et fréquentes, comme je le montrerai dans mon prochain billet concernant les techniques de l’évaluation.

[4] La crédibilité des évaluations sera l’objet de mon prochain billet

[5] Il faudrait rentrer plus dans le détail, sous peine d’encourir l’accusation de scientisme. Je ferai ceci dans un autre billet consacré aux techniques de l’évaluation.

[6] La question qui vient immédiatement est évidemment « pourquoi ne pouvait-on y penser avant ? ». La réponse dépasse le cadre de ce papier et tient au développement récent des technologies numériques.

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Faut-il boycotter les évaluations au CP et en CE1 ? 18 septembre 2018

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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Je vois passer sur les réseaux sociaux des messages indignés d’enseignants qui contestent le bien fondé du processus des évaluations en CP qui vient d’être lancé par le Ministère. Certaines critiques (ici sur Twitter) se focalisent sur la forme de certains exercices.*

Ainsi, dans l’exemple ci-dessus, l’élève doit barrer le nombre le plus grand et il a une minute (pas plus !) pour faire ses 60 comparaisons. Les critiques qu’on peut lire sont de 2 types:

  1. Sur le bien fondé de l’exercice.
    Selon les détracteurs des évaluations, l’exercice est trop compliqué.“Aucun élève ne peut réussir cet exercice en CP en 1 mn, il est absurde de demander un aussi grand nombre de comparaisons: si l’élève a compris de quoi il en retourne et une dizaine de comparaisons suffisent pour le vérifier”
  2. Sur l’esprit de l’exercice
    L’objectif caché de l’exercice serait donc de mettre l’élève en échec. Ou de classer les élèves selon leur performance, ceci étant “le symptôme d’un système scolaire productiviste et sélectionnant par l’échec”.

Je voudrais simplement commenter ces exercices pour ce qui est de leur intérêt en tant qu’outil d’évaluation des élèves.

Pourquoi il est important pour le succès de l’évaluation qu’aucun élève n’aille au bout de l’exercice.

Supposons que sur 100 élèves testés, 50 aillent au bout de l’exercice. Pour ces 50 élèves “ayant réussi l’exercice”, l’évaluation aura échoué en ceci qu’elle ne pourra absolument pas les différencier. Je rappelle qu’une évaluation est une sorte de tube à essai pédagogique: il s’agit d’observer au maximum les différences, la variation de couleur du tube pour pouvoir tirer des conclusions les plus fines possibles. Donc, très probablement et de façon très logique aussi, cet exercice est conçu précisément pour qu’aucun élève ne le finisse !

Très probablement d’ailleurs, ces tests eux mêmes ont déjà été “pré-testés” sur des échantillons significatifs et retouchés de façon à ce que les résultats soient différenciés au maximum, pour cette raison précise d’observabilité. Les concepteurs de l’étude connaissent déjà plus ou moins la moyenne des réponses et leur répartition.

Pourquoi il est important de tester 60 cas et non pas 5 ou 10

Les concepteurs de l’exercice ci-dessus n’ont pas simplement voulu tester l’aptitude de l’élève à comparer 2 chiffres, ils ont voulu voir si l’élève faisait ceci de façon automatique ou non. Et donc la vitesse à laquelle on accomplit l’exercice est importante.

Pour réussir cet exercice, il faut d’abord savoir “lire” les nombres, c’est-à-dire associer le symbole “6” à une quantité puis comparer les quantités entre elles. Si l’enfant a des problèmes de lecture (déchiffrage du symbole “6”), il va être ralenti dans cet exercice ou faire des erreurs. Plus tard, il peut se trouver dans l’incapacité de comparer rapidement des nombres, donc de les soustraire, donc de comprendre ce qu’est un nombre négatif. Il apparaîtra peut-être alors comme un “mauvais en maths” – tout ça parce qu’on a laissé passer des choses très simples au CP. Si l’enfant va vite mais fait des erreurs “aléatoires”, il doit aussi être possible avec ce genre de test de commencer à détecter au plus tôt des dyslexies sans qu’elles ne condamnent l’enfant à devenir plus tard un “mauvais élève”.

Tout ce que j’écris ci-dessus, ce sont des conjectures. Je ne sais pas moi-même quel est l’objectif de cet exercice mais à la lecture des évaluations proposées, une logique s’en dégage indiscutablement. J’ajoute que les hypothèses ci-dessus peuvent être testées, corrélées grâce aux outils statistiques mis en place. Ainsi, on pourra voir, dans 5 ou 6 ans, si les élèves de 5ème qui “échouent” à l’exercice ont eu des difficultés en maths ou dans d’autres matières ou si au contraire, leur déficit de lecture a été récupéré “automatiquement” ensuite. Dans le premier cas, on attirera l’attention des enseignants sur ce point. Sinon, on ne fera rien. Des dizaines d’exercices  sont proposés précisément pour que les actions de “mise à niveau” puissent être entreprises de la façon la plus fine possible.

Glande pinéale et mélatonine

L’autre exemple qui a circulé est celui-ci. L’enfant doit lire ce texte et répondre aux questions suivantes.

Des enseignants et le syndicat Snuipp-FSU jugent cet exercice “très inquiétant car “renfermant des pièges” et “nécessitant des compétences expertes“. Principal argument : un élève de CP ne peut pas savoir ce qu’est une glande pinéale ou la mélatonine ! Ca semble imparable, mais qu’en est-il ?

Pourquoi ce test est-il adapté ?

D’abord, je rappelle que ce test est calibré pour être le plus différenciant possible. S’ils ne permet pas, pour chaque question, de répartir les élèves en 3 groupes à peu près équilibrés – et ceci doit avoir été pré-testé sur des échantillons d’élèves, il perd son intérêt statistique pour les enquêteurs. En ce sens, il est adapté aux élèves. Beaucoup ont dû bien répondre, sinon les questions n’auraient même pas été posées.

Si on rentre dans le pourquoi de ce test lui-même, il est évident que les concepteurs ont justement voulu tester la compréhension d’un texte dont les enfants n’avaient jamais eu l’occasion de lire ni d’entendre certains mots et n’avaient donc aucune chance d’en comprendre le sens. On ne demande pas, évidemment aux enfants, cela n’aurait absolument aucun sens, la signification des mots “glande pinéale” ou “mélatonine”. On leur pose des questions simples sur le texte. Or qu’est-ce que savoir lire ? C’est savoir associer un sens à un texte, même si certains mots restent inconnus, ce qui pour un texte suffisamment complexe est souvent le cas même pour nous, adultes. Si l’enfant ne sait pas “donner du sens” à un texte contenant des mots qu’il n’a jamais lus ni entendus, il ne sait pas bien lire. Bref, il s’agit d’un test assez avancé de lecture. C’est un non sens de l’interpréter comme un simple test de vocabulaire.

Une évaluation n’est pas un examen

Sur le côté “très inquiétant” de l’exercice qualifié par ce syndicat de “traumatisant pour les élèves” et de “détruire l’école de la confiance“, il montre simplement une incompréhension totale de ce qu’est une évaluation. Une évaluation n’est pas un concours ni un examen, c’est une observation expérimentale permettant de créer une carte du niveau scolaire (progresse-t-on ? recule-t-on au niveau national ?) et si possible des enseignements pour l’apprentissage futur des élèves. C’est une sorte de “tube à essai pédagogique” permettant en outre, si possible, d’identifier de façon simple les lacunes à combler car elles pourraient être préjudiciables plus tard à l’élève (voir l’exercice sur la comparaison des nombres ci-dessus). La notion de succès ou d’échec n’a absolument aucun sens. Les enseignants devraient bien expliquer ceci à leurs élèves et aux parents plutôt que de dénigrer par principe cette approche (ce qui a sans doute, paradoxalement, un effet traumatisant auto-réalisateur sur les élèves).

No pasaran

On est en France et il y a toujours un bon prétexte pour faire la révolution.

Certains enseignants, invoquant leur sacro-sainte “liberté pédagogique”, appellent à l’insoumission et préconisent de ne pas faire passer les évaluations aux élèves. Ils sont complaisamment relayés par “Le café pédagogique”  qui par vocation se devrait pourtant d’être ouvert à toutes les approches scientifiques visant à améliorer la pédagogie. On se demande surtout en quoi faire passer l’évaluation fait peser la moindre contrainte sur la pédagogie future de l’enseignant. A ma connaissance, aucune directive pédagogique n’a été émise à ce jour. L’appel au grand soir me paraît donc, à ce stade, largement anticipé.

Les vrais bénéfices de l’évaluation

Je rappelle que les bénéfices de l’évaluation sont immenses. D’abord, pour quiconque analyse de façon critique les exercices proposés, il y a très clairement une logique cohérente qui s’en dégage et je n’ai aucun doute que les enseignements devraient être nombreux. Les bénéfices iront aussi en s’améliorant avec le temps car lorsque les élèves actuellement en CP seront en 6ème, en 3ème, etc, on pourra les corréler avec leur niveau scolaire et donc, pour les nouveaux élèves qui seront alors en CP, corriger au plus tôt les lacunes qui leur sont le plus préjudiciables. On saura aussi, au fil des ans, produire des tests de plus en plus significatifs et différenciés, tester des capacités de plus en plus fines. Les professeurs informés devraient alors bénéficier de méthodes simples leur permettant de faire progresser les élèves. Ainsi, dans l’exemple de comparaison des nombres, on voit assez simplement quels exercices peuvent être proposés à l’élève en difficulté.

L’autre avantage est que dorénavant, chaque enseignant dispose d’un référentiel de comparaison national à peu près fixe. Aux enseignants et aux écoles, ils doit permettre à terme de situer les difficultés des élèves et donc d’agir en conséquence. Aux rectorats, il doit permettre de repérer les “zones à risque”, celles où des actions doivent être menées, des moyens investis pour les élèves – et de juger du succès des moyens mis en place. Au Ministre, il doit permettre d’évaluer le niveau moyen et d’en être le garant devant la nation.

Je rappelle que depuis 40 ans, les études ont été souvent biaisées, la baisse du niveau très largement masquée (1). Plutôt que d’en critiquer le principe, les enseignants devraient se saisir de l’évaluation pour en faire le meilleur outil possible.


(1) Rapport de la Cour Des Comptes 2010 :  « Plusieurs instances sont chargées en France de l’évaluation du système scolaire (inspections générales et direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère, Haut conseil de l’éducation), mais leur influence est limitée par plusieurs éléments : le Haut conseil de l’évaluation de l’école a été supprimé ; un refus a pu être parfois opposé à la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance et aux inspections générales de publier certains résultats; enfin le ministère ne tire pas suffisamment les conséquences des évaluations dont il peut disposer. ».

Voir aussi  “Des statisticiens accusent l’éducation nationale de faire de la rétention d’information“. Le Monde du 4 novembre 2011. On peut aussi lire, avec les précautions qui s’imposent,  ce communiqué syndical qui met en évidence une division par deux du nombre des études publiées depuis 2 ans.

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Le Wallon ivre 8 juillet 2018

Par Thierry Klein dans : Non classé.
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(Scènes de liesse à la frontière franco-belge, où j’habite, le soir de Belgique- Brésil)

C’est un trou de verdure où chante un supporter
Accrochant follement des drapeaux aux maisons
De brique. Ici, jamais de coupe du monde sans bière
Pils : c’est un tout petit village franco-wallon !

Un jeune lycéen, bouche ouverte, tête nue,
Le corps emmitouflé dans un frais maillot bleu,
Beugle. Il hurle comme un fou, courant dans la rue,
Regardant son smartphone à la lumière bleue.

Pissant sur les maïs, il court. Titubant comme
Titube tout mec bourré. Ce n’est pas Wimbledon
Qui l’intéresse. Nature, aide-le, il a soif !

Il ne regarde pas Tatiana Golovin.
Les klaxons, il s’en moque. La main sur la poitrine,
Il chante. Il a deux traits rouge et noir sous l’œil droit.

(Allez relire l’original, parce qu’on ne saurait mieux écrire.)

france-belgique

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Au tableau (interactif) ! Sur C8, Kylian Mbappé, François Hollande et Kev Adams ont voté pour l’écran interactif CleverTouch 14 juin 2018

Par Thierry Klein dans : Speechi.
Lu 18 fois | ajouter un commentaire

Champion du monde !

Dans l’émission “Au Tableau !” diffusée sur C8, une vingtaine d’enfants ont l’occasion de questionner un trio d’invités aux profils très différents. Mercredi 13 juin, les enfants ont eu l’honneur de recevoir trois invités de “prestige” : un Bleu (Kilian Mbappé), un ancien Président (François Hollande) et un humoriste (Kev Adams) [1].

Ce qui n’est pas précisé dans le teaser, c’est la présence d’un quatrième invité de marque : un écran interactif tactile Clevertouch.

Les écrans interactifs remplacent les tableaux interactifs ou vidéoprojecteurs interactifs à l’ancienne dans les salles de classes. Ils savent jouer à Fifa, faire défiler des photos de stades de foot et pauser des colles à un ancien Président.

Mais les écrans interactifs géants Clevertouch ont aussi d’autres vocations. Un écran tactile c’est une tablette Android géante qui dispose de la meilleure technologie tactile. Avec son PC intégré et son logiciel CleverNote pour la prise de note, l’écran interactif Clevertouch est parfait pour une salle de classe numérique. Télévisée, ou pas.

Pour revoir l’émission en replay, c’est ici.

(Et un grand merci à Ulmann pour l’installation de ce CleverTouch dans l’émission)[1] Les invités sont listés dans leur ordre décroissant d’importance (estimation Speechi)

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