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Antisionisme = antisémitisme 19 février 2019

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Pourquoi antisionisme et antisémitisme sont aujourd’hui confondus.

 

Suite aux injures qu’a subies Alain Finkielkraut à la manifestation des gilets jaunes, beaucoup se demandent, puisqu’il semble que les mots « sale juif » n’aient pas été prononcés s’il s’agit d’injures antisémites ou antisionistes. Finkielkraut a-t-il subi une agression (verbale) raciste ou bien a-t-il « simplement » été la cible d’un combat d’idées exprimées de façon un peu violentes (car l’antisionisme, a priori, n’est qu’une opinion politique, pas un délit).

Evidemment, il y a tous ceux qui posent cette question en étant de mauvaise foi – grosso modo tous les antisémites qui se servent du terme antisioniste pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Mais il y a aussi ceux qui s’interrogent sans qu’on puisse les suspecter d’antisémitisme. Par exemple, Naem Bestandji décortique l’incident point par point et évidemment trouve  l’antisémitisme derrière les injures adressées à Finkielkraut. Et il y a aussi Raphael Enthoven qui déclare aujourd’hui, sur RMC que « C’est aussi absurde d’accuser d’antisémitisme, un antisioniste que d’accuser d’islamophobe celui qui lutte contre la burqa ! »

Ces analyses accréditent l’idée qu’il y aurait parfois une différence entre antisionisme et antisémitisme. Or pour moi, cette différence ne peut pas exister. Avant de rentrer dans le fond du sujet, je voudrais d’abord répondre à l’argument de Raphaël Enthoven parce qu’il frappe les esprits et qu’on l’a entendu un peu partout.

Sur l’argument de Raphaël Enthoven

Il y a une confusion volontairement entretenue dans le terme islamophobie, visant à faire passer toute critique de l’Islam comme une haine des musulmans. Or la critique de l’Islam en tant que puissance politico-religieuse est une forme d’anticléricalisme parfaitement respectable, alors que la haine des musulmans est une discrimination honteuse.  Alors oui, en théorie, traiter quelqu’un d’antisémite du simple fait qu’il ne se déclare antisioniste pourrait tenir d’une confusion similaire.

Mais en fait, il y a là un changement de perspective qui est en quelque sorte celui du sujet à l’objet.

« Islamophobe » est utilisé comme une insulte, par ceux-là même qui souhaitent utiliser cette confusion à des fins politiques. Personne, ou presque, ne se déclare islamophobe. Celui qui se fait traiter d’islamophobe est l’objet d’une attaque, dont il doit se défendre.

Alors que l’antisionisme est revendiqué comme une opinion militante. Le terme « antisioniste » n’est pas une insulte, ni un qualificatif qu’on donne à autrui. Il est fièrement arboré par le sujet antisioniste lui-même.

Imaginez qu’il se crée demain un mouvement politique revendiquant fièrement l’islamophobie, par exemple les « jeunes islamophobes de droite ». Ce mouvement serait composé d’anciens du FN, parti dont les militants ont une tradition raciste. Mais, en même temps, ce mouvement déclarerait n’être pas raciste puisqu’il ne s’en prend pas aux musulmans, mais simplement à l’Islam en tant que puissance politico-religieuse. De fait, ce mouvement se revendiquerait donc comme « tout simplement laïc ». Que concluriez-vous quant à l’absence de racisme dans un tel mouvement ? Y croiriez-vous ? Auriez-vous besoin de chercher des preuves complémentaires ? Pour ma part, mon opinion est faite.

Voilà pour l’argument de Raphaël Enthoven.

Antisionisme et antisémitisme

Sur le fond, aller chercher derrière chaque manifestation d’antisionisme des preuves d’antisémitisme, comme le fait Naem Bestandji accrédite l’idée qu’il y aurait parfois une différence entre antisionisme et antisémitisme. Bien sûr, ,sémantiquement, les deux termes sont en théorie séparables mais pratiquement, ils sont aujourd’hui confondus pour les raisons suivantes :

  • Israël est un pays qu’on peut critiquer mais il y a des dizaines de dictatures et de démocraties bien plus critiquables (Iran, Corée du Nord, Arabie Saoudite ?). Voit-on fleurir les mouvements anti-chinois, anti-coréens, anti que-sais-je ? Pourquoi cette focalisation irrationnelle, exclusive sur Israël ? Je croirais à l’antisionisme si ceux qui défilent contre Israël incluaient dans leur indignation des causes bien plus évidentes. La focalisation sur Israël tient de l’obsession et l’obsession est un marqueur d’antisémitisme.
  • Tout le monde peut évidemment critiquer Israël ou le sionisme. Les arguments qui consistent à dire que condamner l’antisionisme, c’est empêcher toute critique de l’état d’Israël sont donc spécieux.  L’utilisation revendiquée du terme antisionisme pour condamner Israël est donc aussi un marqueur. De fait, l’antisionisme est une obsession qui n’a rien à voir avec la simple critique, il marque une focalisation exclusive sur Israël, et est très souvent lié à un extrémisme religieux. Sans antisémitisme, pas d’antisionisme politique.
  • L’antisionisme est systématiquement utilisé comme un faux-nez ayant pour but d’empêcher la condamnation pour appel à la haine raciale. C’est une habitude typique de l’extrême droite que d’utiliser des codes ou des signes dérivés, qui permettent aux racistes de se reconnaître (la quenelle, l’antisionisme relèvent de cette même logique).
  • il y a aussi l’appel à la destruction massive, sans compromis possible, d’Israël, qui a presque toujours une origine religieuse islamiste et/ou antisémite.

 

Il en est de l’antisionisme un peu comme de la négation des camps de concentration. En théorie, dès lors que quelqu’un prétend avoir rassemblé de nouvelles preuves de l’inexistence de la solution finale, une attitude intellectuelle ouverte devrait consister à aller examiner ces soi-disant preuves. On sait pourtant que cet examen est totalement inutile car de telles « preuves » ont forcément une origine antisémite. C’est tout le sens de la loi Gayssot qui déclare la chose jugée une fois pour toutes.

 

De même, la prochaine fois que vous faites face à l’antisionisme politique, vous pouvez vous épargner toute analyse : l’antisémitisme y sera toujours non seulement présent mais consubstantiel. Rentrer dans l’exégèse de l’antisionisme au cas par cas a le défaut de maintenir dans l’erreur et la bonne conscience les milliers de gogos qui, confondant antisionisme et critique d’Israël, participent à l’antisémitisme sans toujours le savoir. Et de donner plus de force aussi à l’astuce politique islamiste qui feint de différencier antisionisme et antisémitisme.

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