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A la base de la gauche moderne, le principe de destruction 2 janvier 2024

Par Thierry Klein dans : Politique.
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J’ai parlé, dans un précédent article, de la haine de l’Occident qui fait le lien entre wokisme et islamisme.  Et montré en quoi le wokisme, en tant que haine dirigée vers soi-même est une maladie. Mais en vérité, cette réflexion peut être étendue : pour comprendre la gauche moderne1, il faut absolument considérer son sous-jacent latent qui est la haine de l’Occident. Ce principe latent s’oppose en permanence au discours manifeste de la gauche, qui est l’altruisme avec toutes ses déclinaisons (fraternité, égalité, justice, etc.).

En vérité, depuis une quarantaine d’années, on ne peut pas comprendre la gauche moderne sans cette observation, qui fait le lien véritable entre toutes les positions gauchistes, même, et c’est le point le plus remarquable, quand ces positions semblent au départ incohérentes entre elles. En ce sens, on peut bien parler, pour toute cette gauche d’une maladie à caractère masochiste.

Cette double dimension du discours est systématiquement niée à gauche, car inconsciente. Il est inenvisageable pour un gauchiste, membre du camp du bien, d’envisager que ses raisons sont haineuses. Mais le discours manifeste, altruiste, ne constitue bien, en réalité, qu’une rationalisation a posteriori d’un ressentiment. La gauche moderne est bien malade mais cet argument est aussi peu utilisé à droite car invoquer l’aliénation ou des raisons inconscientes n’est pas dans sa culture (ce n’est pas parce que la gauche a sombré que la droite est devenue plus intelligente).

Ce ressentiment a pris la forme de 2 motifs majeurs.

La volonté de destruction.

J’appelle ainsi tout ce qui résulte, aujourd’hui, de la déconstruction des années 60 (qui est aussi ce qu’on appelle, aux USA, la « French theory »). Au départ (Derrida), la déconstruction se conçoit comme une tentative de critique littéraire systématique de tous les impensés, conscients ou inconscients, de la littérature occidentale. La déconstruction universitaire devient progressivement une entreprise gauchiste qui vise à saper politiquement les fondements de la civilisation occidentale. Elle n’a plus alors de fondement scientifique et devient un simple outil militant de destruction2, ayant pour but de critiquer tout ce qui peut être considéré comme établi dans la société. La plupart du temps, la déconstruction militante met en évidence le côté arbitraire de structures sociales « conservatrices » (toute société regorge de telles structures) pour en proposer de nouvelles « progressistes » censées apporter un progrès et « lutter contre les discriminations ». Problème: les nouvelles structures sont soit totalitaires, soit impossibles à mettre en palce.

L’exemple de l’orthographe.

L’orthographe et la grammaire sont évidemment des structures essentiellement arbitraires (même si l’étude de la langue peut les éclairer, partiellement, d’une certaine logique). Il faudra donc détecter les impensés de la langue, qui aurait été « volontairent masculinisée3 » (première discrimination envers les femmes) et qui devient en outre à l’école « un marqueur social discriminant ».

Il faut donc modifier la langue (qui doit devenir inclusive) et simplifier l’orthographe ou cesser d’en faire un critère scolaire. Mais la langue inclusive est illisible et simplifier l’orthographe aurait pour inconvénient premier de rendre tout notre fond littéraire, qui est immense, très difficile à lire et à comprendre. Un élève français d’aujourd’hui comprend encore assez facilement toutes les œuvres à partir du XVIIème siècle. Si on fait évoluer d’un coup grammaire et orthographe, tout ceci, qui constitue un des trésors de l’humanité, lui sera inaccessible.

On voit comment ici la déconstruction critique, sous un prétexte altruiste, aboutit à une destruction du savoir et des racines communes de tous les français.

Cette attaque contre l’orthographe est donc en tous points absurdes: l’école est normalement justement là pour ça – faire en sorte que tous les français puissent se comprendre et avoir accès à leur fond littéraire commun, qui est une manifestation de notre génie national.

La maladie du déracinement

Les attaques contre l’école ne sont pas isolées. Tout le monde est maintenant au courant de la chute dramatique du niveau scolaire depuis 40 ans, sur laquelle je reviendrai, alors que quand j’étais moi-même à l’école, dans les années 70, l’école française était la meilleure au monde4. Cette chute n’est pas le résultat d’une simple négligence. Je prétends qu’elle a été largement « voulue », organisée, pour peu qu’on accepte de mettre derrière ces termes la volonté de destruction inconsciente dont je parle plus haut. Je vais faire appel ici à Simone Weil, qui avait parfaitement décrypté ce double discours et à qui je dois en grande partie la paternité de cette analyse:

Qui est déraciné déracine. Qui est enraciné ne déracine pas. Sous le même nom de révolution, et souvent sous des mots d’ordre et des thèmes de propagande identiques, sont dissimulées deux conceptions absolument opposées.

L’une consiste à transformer la société de manière à ce que les opprimés puissent y avoir des racines; l’autre consiste à étendre à toute la société la maladie du déracinement qui a été infligée aux opprimés. Il ne faut pas dire ou penser que la seconde opération puisse jamais être un prélude de la première; cela est faux. Ce sont deux directions opposées

Simone Weil, L’enracinement

Les deux gauches irréconciliables

On se souvient de l’expression de Manuel Valls concernant les deux gauches irréconciliables. La frontière entre ces deux gauches est précisément la même que celle mise en évidence par Simone Weil. Il y a une gauche qui cherche à détruire et une gauche qui cherche à construire. Dans cet billet, ainsi que dans les suivants, j’entends par « gauche moderne » celle qui cherche à détruire (typiquement: la France Insoumise mais pas exclusivement et pas totalement).

L’exemple de l’enseignement de la lecture : méthode globale et méthode syllabique.

Le courant dit « pédagogique » est très influent dans l’Education Nationale et à l’Université, ainsi que dans les écoles de formation des enseignants. Son discours manifeste est inattaquable et plaide pour l’égalité des chances, l’amélioration de la pédagogie, etc. Il est essentiellement constitué de militants de gauche et d’extrême gauche et est, collectivement, un des grands responsables de l’effondrement de l’école française.

Des deux méthodes principales d’enseignement de la lecture, globale et syllabique, une seule fonctionne réellement, la syllabique. Les différences de performance entre les deux méthodes sont tellement criantes qu’on sait aujourd’hui qu’elle apparaissent avec des échantillons très faibles (moins de 50 élèves)5. Pourtant le courant pédagogique (entrainant avec lui l’éducation nationale) a favorisé pendant des dizaines d’années le développement de la méthode globale à l’époque pour des raisons qui ne tenaient pas à sa performance6 mais à l’idéologie. La méthode syllabique (« b-a-ba ») était jugée « trop scolaire », enfermant l’enfant dans une logique fermé de discipline, pour ne pas dire de soumission à l’autorité. Elle était donc « réactionnaire ». La méthode globale, estampillée « progressiste », qui consiste à reconnaître un mot « globalement » sans passer par l’étape « b-a-ba » avait pour grand avantage d’ouvrir les propres horizons de l’enfant.

On voudrait rire tellement ces raisons paraissent ridicules – et de fait, elles le sont. Pourtant, je pourrais7 vous citer des dizaines d’exemples divers et variés, dont les raisons sont tout aussi ridicules et les effets tout aussi dramatiques – car dans les faits, la méthode globale a des effets durables sur la qualité de lecture et aura condamné de façon durable le destin scolaire de millions d’élèves.

Comment des gens intelligents, formés tels que des enseignants français, ont-ils pu privilégier des méthodes d’enseignement délétères, contraire à l’intérêt des élèves, au détriment de tout bon sens et de toute confirmation scientifique (en s’appuyant paradoxalement sur des travaux universitaires qui n’avaient rien de scientifique, l’Université devenant dans le même temps un vecteur de militantisme)? Je ne peux l’interpréter que par une volonté inconsciente de couper les enfants de leur racine, la maladie de la destruction et du déracinement. Ce qui se rapproche le plus cette volonté inconsciente, c’est pour moi la mauvaise foi sartrienne. On ne veut pas voir la réalité pour paraître plus élevé à ses propres yeux.

La maladie, comme le décrit Simone Weil, s’est bien propagée « à l’ensemble de la société ». Comment expliquer sinon que la plupart des français n’ait pas vu – ou plutôt pas voulu voir – la réalité du déclin scolaire. L’Education Nationale ne voulait pas voir l’échec, n’élaborait plus de statistiques fiables et servait à tous la fable du « niveau qui monte ». Seules les études internationales (PISA) ont permis d’ouvrir les yeux.

J’ai tellement d’exemples à disposition, que soit dans l’éducation ou dans les domaines politique, économique, social… que le travail nécessaire d’illustration de cet article par des exemples dépasse largement le cadre de l’article lui-même. Je publierai ces exemples au fur et à mesure, en fonction du temps que j’ai et de l’actualité8.

Mais tout lecteur de cet article peut aussi commencer son propre travail pour s’en convaincre. Et en fait doit. Car le défaut de ma thèse est qu’elle est parfaitement irréfutable au sens de Popper, elle sera donc facilement contredite par de multiples experts qui avanceront qu’elle ne repose sur rien, aucune étude, est totalement empirique et même, le peu de lucidité mentale qui me reste prédit qu’elle sera attaquée au prétexte d’être légèrement paranoïaque. Je vous invite cependant à travailler un peu par vous-mêmes selon le schéma défini ci-dessous. Travailler à la maison ne fait aucun mal, même si l’Education Nationale tente de l’empêcher depuis des années au prétexte que « cela favorise les inégalités sociales » (évidemment, j’y vois encore une volonté inconsciente de nuire et de ne pas transmettre, on ne se refait pas).

La loi de Klein

La question à se poser, concernant les positions politiques qu’adopte tel ou tel parti de gauche, par exemple, est la suivante :

Au-delà de la rationalisation manifeste de la position politique, sa mise en œuvre serait-elle bénéfique pour l’intérêt général ou pour le pays ? Et la réponse sera régulièrement non. Car LA RAISON PROFONDE pour laquelle cette position a été adoptée (j’insiste, il s’agit de la raison, pas de la conséquence) est qu’elle détruit. Ce simple raisonnement permet de relier entre elles presque toutes les positions de la gauche moderne, même quand, nous le verrons, ces positions sembles incohérentes entre elles.

Vous le verrez si comme moi vous commencez à faire ce travail : tout s’éclaire dès lors que l’on considère que la volonté de détruire est le fondement de cette gauche, son seul principe explicatif réel.


  1. Que signifie « moderne » ? Je définis ce terme un peu plus loin. ↩︎
  2. La « Destruction » est d’ailleurs son nom premier, celui que lui avait donné Heidegger, dont Derrida s’est inspiré ↩︎
  3. Quand on rentre dans le fond du problème, on se rend compte que ces affirmations, bien que soutenues par des parties de l’Université, sont totalement fausses et paranoïaques. Elles sont pourtant abondamment reprises. ↩︎
  4. Les étudiants français qui comme moi s’expatriaient dans les meilleures universités américaines constataient par exemple que dans toutes les matières scientifiques, ils étaient en moyenne bien meilleurs que les étudiants américains, européens ou asiatiques. ↩︎
  5. Des chercheurs tels que Stanislas Dehaene ont récemment mis en évidence le succès de la méthode sur la méthode globale syllabique via des techniques d’imagerie cérébrale: celle-là active bien plus rapidement les zones du cerveau de l’enfant dédiées à la lecture ↩︎
  6. Les études montrant la supériorité de la méthode syllabique sont nombreuses, mais restent encore niées par d’éminents pédagogistes pour qui elles ne seraient que partielles et biaisées, les professeurs n’y seraient pas assez formés, etc. ↩︎
  7. Et d’ailleurs je le ferai, je rassemblerai dans un tableau des dizaines d’exemples pour illustrer mon propos. ↩︎
  8. Il faut signaler aussi que la gauche n’est pas la seule responsable de la destruction des structures. cette disparition est aussi, comme Michéa le mentionne, une des effets de la mondialisation et même du capitalisme. ↩︎
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En hommage aux morts du 7 Octobre 30 décembre 2023

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Kevin Chen, changement de programme « improvisé », ce 21 Octobre dans un concert donné au Carnegie Hall.

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Isabelle Carré et la cancellation de Depardieu

Par Thierry Klein dans : Politique.
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La Tribune d’Isabelle Carré dans Elle. Je me méfie de ce genre de textes. Ce qui me fait froid dans le dos, à moi, c’est sa ponctuation « inclusive », volonté idéologique de transformer la langue. Et oui, les chiffres fournis par Isabelle Carré mentent car ils sortent du « travail » des associations féministes, dont la plupart sont des sectes militantes. Ainsi, on a du mal à faire la part du fantasme, du problème psychologique et de la réalité dans cette prise de position. En revanche, on voit ce que tout ça fait peser en termes de menace totalitaire sur la société. Car le but est de lâcher des meutes, qui condamnent avant d’avoir jugé. Et ces féministes là, les « me-too », on ne les a sauf exception pas entendues pour condamner les viols du Hamas, le 7 Octobre – au contraire, elles les ont plutôt relativisés au nom de la soi-disant nécessaire « lutte anti-coloniale ». Lutter contre le sexisme, oui. Favoriser les thèses d’une extrême gauche sectaire et de l’islamisme au prétexte de la lutte contre le sexisme, non

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Les experts

Par Thierry Klein dans : Politique.
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600 artistes dénoncent la loi du silence concernant Depardieu.

Presqu’aucun d’entre eux n’a osé s’exprimer suite aux massacres du 7 Octobre.

Des experts.

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Wokisme et islamisme : histoire d’une haine commune 17 décembre 2023

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Le phénomène est apparu aux yeux du monde le 7 octobre 2023 : les islamistes ont pris des positions anti-israéliennes et on n’en attendait pas moins d’eux puisqu’ils sont antisémites. Mais toute la gauche « Nupes », ou presque, a pris des positions anti-israéliennes aussi. A ma connaissance, seules de rares personnalités de gauche, souvent juives, ont échappé à la contagion (Julien Dray, Jérôme Guedj, Manuel Valls…). Grosso modo, plus on va vers l’extrême-gauche (LFI, NPA), plus les positions deviennent non seulement anti-israéliennes mais aussi antisémites (voir les positions de David Guiraud, Mélenchon…). Ce phénomène s’est produit non seulement en France mais dans tout l’Occident : les étudiants wokes des universités progressistes nord-américaines ont pris des positions pro-palestiniennes allant jusqu’à l’antisémitisme, souvent soutenus par les institutions elles-mêmes, on l’a vu dans le cas d’Harvard, du MIT et de Penn lors d’auditions menées par le Sénat.

Il faudrait certainement mieux définir ce qu’est une position anti-israélienne, une position antisioniste, une position antisémite, d’autant plus que les antisionistes se disent simplement « opposés à la politique coloniale de l’Etat d’Israël », que les antisémites nient évidemment leur antisémitisme avec des trémolos dans la voix et de multiples circonvolutions (ce qui fait que le discours antisémite d’extrême gauche des années 2020 ressemble à s’y méprendre au discours d’extrême droite des années 70). Il faudrait le faire et je le ferai un jour mais tel n’est pas le but de ce petit billet: mon objectif est simplement de mettre à jour le lien profond, jusqu’ici caché, entre islamisme et wokisme, à savoir la haine de l’Occident.

Cette haine est bien connue en ce qui concerne l’Islamisme et elle est en quelque sorte bien compréhensible aussi, compte tenu de l’Histoire. La guerre entre Islam et Occident dure depuis plus de 1000 ans « à l’extérieur » mais l’immigration a, depuis 60 ans, augmenté le nombre de musulmans « à l’intérieur » en France et en Europe. Les frères musulmans n’ont de cesse d’augmenter partout le poids social et le pouvoir politique de l’Islam. La diffusion généralisée de la nourriture hallal, du voile constituent pour eux une grande réussite. Dans leur esprit, ce n’est cependant qu’une étape.

L’Islam politique a lié une alliance d’intérêts avec la gauche. La gauche a ciblé les musulmans depuis 30 ans car, fraichement immigrés, ils constituent à ses yeux un « nouveau prolétariat, la population la plus pauvre sur le territoire français. Sous l’influence des frères, les islamistes ont infiltré les mouvements politiques de gauche et celle-ci est devenue perméable, en dépit de toute sa tradition philosophique qui lui fait apparaître la religion comme une aliénation, à la bigoterie islamique (soutien au port du voile, remise en cause de la laïcité dénoncée comme liberticide…) et à l’antisémitisme (requalifié « antisionisme »). L’acceptation par la gauche de l’idée que toute religion est « l’opium du peuple » sauf l’Islam, c’est ce qu’on appelle classiquement maintenant l’islamo-gauchisme : un agenda clientéliste / politique commun à l’Islam politique et à la gauche.

Qu’est-ce que le wokisme ? Du psychisme transformé en politique.

Le wokisme est une forme de paranoïa envieuse, raciste, consistant à voir partout des micro-agressions (c’est ce qu’on appelle alors être « woke », c’est-à-dire « éveillé, attentif »). Si par exemple, vous traitez un homme noir (petit, gros, laid, trop grand…) avec condescendance ou un sentiment de supériorité, vous commettez une micro-agression dont le woke cherchera à se protéger au sein d’un espace dit « de sûreté ». Le problème est que ces « micro-agressions » font partie de la vie courante, se produisent des milliers de fois par jour, et peuvent être réelles ou fantasmées, puisque nous sommes tous, en partie, des complexés qui nous imaginons que nos fragilités vont être décelées chez les autres. Dans un grand nombre de cas, les micro-agressions dénoncées sont imaginaires et donc le woke a un sérieux problème psychique, problème qui partagé par un grand nombre de ses semblables, devient un problème politique, une névrose obsessionnelle devenue sociale.

Parti des Etats-Unis, le wokisme s’est d’abord développé au sein de la communauté noire qui a subi l’esclavage et qui continue probablement à en vivre le traumatisme, même plusieurs générations après la fin de l’esclavage et alors que le niveau de racisme a diminué, via un mécanisme difficile à prouver scientifiquement mais qu’on peut appeler, avec Simone Weil, la maladie du déracinement. Aujourd’hui, ceux qui sont atteints de cette maladie vont rechercher systématiquement, de façon paranoïaque, les signes d’oppression, aussi légers soient-ils, et s’ils n’existent pas, ils les inventeront.

Ils se vivent victimes et leur discours manifeste est altruiste, puisqu’ils ne cherchent qu’à réparer des torts qui leur sont faits – certains de ses torts, je le rappelle, ont été réels dans le passé, certains sont réels dans le présent mais le plus souvent amplifiés, certains sont imaginaires et entrainent une déformation du vocabulaire et même, via la sociologie, le développement d’un nouveau dictionnaire, destiné à contrer à l’avance toute réfutation possible : ainsi, quand le racisme en tant que tel n’existe plus, on parlera de « racisme systémique » ou « structurel ». On appellera, de façon profondément raciste, « bounty » (blanc à l’intérieur, noir à l’extérieur…)  les noirs qui refusent de prendre en compte le point de vue des wokes. Il faudrait un papier complet, peut être un livre pour analyser ce nouveau vocabulaire et ce n’est pas l’objet de mon article. Simplement, si le discours manifeste des wokes est altruiste, et peut parfois rappeler un discours de gauche, issu des lumières, disons celui de Jaurès, la position latente est toujours dans le ressentiment, haineuse et sectaire ; celle de Staline.

Je résume simplement ici le point de vue de Simone Weil :

Qui est déraciné déracine. Qui est enraciné ne déracine pas. Sous le même nom de révolution, et souvent sous des mots d’ordre et des thèmes de propagande identiques, sont dissimulées deux conceptions absolument opposées.

L’une consiste à transformer la société de manière à ce que les opprimés puissent y avoir des racines; l’autre consiste à étendre à toute la société la maladie du déracinement qui a été infligée aux opprimés. Il ne faut pas dire ou penser que la seconde opération puisse jamais être un prélude de la première; cela est faux. Ce sont deux directions opposées qui ne se rejoignent pas.

Simone Weil, l’Enracinement

Le woke, comme l’islamiste, hait donc profondément la société occidentale. Haine héritée du passé le plus souvent, qu’on soit noir ou blanc, selon le principe, dont parle aussi Simone Weil, que les effets corrupteurs de l’injustice sont aussi profonds sur le « dominant » que sur le « dominé ». Les blancs wokes ont aussi un dictionnaire de concepts parfaitement irréfutables au sens de Popper à leur disposition, comme celui de « privilège blanc », l’incapacité supposée du blanc à réaliser la chance qu’il a d’être né dans la position du dominant, qui permet de réfuter toute opinion émise par un blanc sur le wokisme.

D’où vient le rapprochement entre islamisme et wokisme ? L’islamisme est une haine de l’Occident consciente qui vient de l’extérieur, le wokisme une haine, parfois consciente mais le plus souvent inconsciente, qui vient de l’intérieur. C’est l’objet de la haine commune qui crée l’alliance idéologique. Quand on désire la même chose, on rentre en conflit ; quand on hait la même chose, on est en accord. Qui a des ennemis qui se ressemblent s’assemble.

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La valeur travail existe-t-elle ? 30 septembre 2022

Par Thierry Klein dans : Aliénation,Economie,Open Source,Politique.
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Le chasseur-cueilleur préhistorique, directement en lien avec la nature, n’agit que sous la pression de celle-ci et a bien conscience que son activité  a pour but direct sa survie. L’homme moderne vit sous le règne de la division du travail, des myriades de métiers existent dans notre société. La division du travail a augmenté de façon extraordinaire la productivité humaine mais nous cache de plus en plus ce fait fondamental : le travail est la façon dont nous arrachons à la nature ce qui nous est nécessaire pour survivre. Elle nous le cache car quand l’activité de chacun est parcellaire, plus personne ou presque ne peut reconstituer l’ensemble de la chaîne industrielle qui extrait les moyens de la survie de la nature. L’ouvrier qui produit un clou n’a pas forcément conscience du rôle de son usine dans la survie de l’espèce pourtant, comme Adam Smith l’a montré, sa productivité est infiniment supérieure à l’artisan du moyen-âge. Le fait que la production du clou nécessite si peu d’effort humain aide à la satisfaction des besoins vitaux de l’humanité (constructions, infrastructures…).  

Les écologistes et la valeur paresse

Ceux qui ont récemment nié la “valeur travail” (j’essaierai par la suite de parfaitement définir cette expression) et prôné un “droit à la paresse” sont donc en premier lieu ceux qui, oubliant la logique profonde, bien qu’inconsciente, de la division du travail, mettent l’accent sur ses défauts, ses absurdités, ses gaspillages. Ils constatent que la société crée de nouveaux besoins, non liés à la survie, qu’on peut philosophiquement qualifier d’inutiles; qu’elle génère de nombreux gaspillages, par exemple énergétiques; que la répartition des ressources est mal effectuée, une partie de l’humanité n’ayant pas assez pour survivre alors que quelques milliardaires accumulent les richesses. Si on croit que la machine industrielle s’est emballée, qu’elle produit en quelque sorte “à vide”, on doit donc produire moins, travailler moins, au nom de l’écologie ou du besoin de “sobriété”. A la limite, on peut considérer tout ou partie de l’activité humaine comme contre-productive, générant simplement gaspillage et pauvreté. Constater ceci,ce serait créer non seulement un droit mais un devoir de paresse.

Mais en réalité, la division du travail actuelle a permis à l’humanité d’atteindre 7 milliards d’individus, en croissance exponentielle depuis le début de l’ère industrielle où la population atteignait 1 milliard. Il n’est pas certain que l’agriculteur africain ou australien, brûlant des kilomètres carrés de terre, soit moins destructeur que l’homme moderne, capable de fournir l’énergie nécessaire à des villes entières à partir de quelques kilogrammes d’uranium. Le gaspillage moderne n’est peut être pas plus important, en proportion, que celui qui a mené aux pyramides égyptiennes. Le PIB des pays est fortement lié à l’espérance de vie ce qui signifie que toute baisse de productivité, ou toute crise énergétique réduisant la production, aura des conséquences directes sur la mortalité. Les écologistes échouent à montrer qu’un modèle sobre est compatible avec le niveau actuel de la population humaine et leurs arguments sont sentimentaux, mais pas raisonnables. On ne peut pas, au nom de l’écologie, justifier un quelconque droit ou devoir à la paresse.

La nécessité du travail. 

Le travail n’est devenu une notion noble que récemment. Chez les grecs, seuls les esclaves travaillaient et les citoyens dédiaient leur temps aux activités dites nobles (telles que la philosophie, la géométrie, la guerre …). En temps de paix, le citoyen grec libre se consacre donc uniquement à ce que nous appelons aujourd’hui “loisir”. Dans l’Ancien Régime, les nobles ne travaillaient pas, ne commerçaient pas. C’est la Révolution qui introduit la notion de travail pour tous, au nom de l’égalité et du respect du Contrat Social de Rousseau, qui définit précisément le point de contact frictionnel entre individu et société. Chaque citoyen est censé participer à l’effort collectif que mène l’homme face à la nature. Refuser de mener cet effort en invoquant un droit à la paresse, c’est une rupture du contrat qu’impose la société à l’individu. C’est une forme de malhonnêteté envers la collectivité souveraine qu’on peut comparer, dans l’esprit, au refus de faire son service militaire ou à la fraude fiscale. 

La paresse en tant que morale de l’assistanat

On commence à rentrer ici dans la notion morale, même si c’est sous l’angle de la nécessité. Le travail est nécessaire, il n’élève pas forcément l’être humain mais ne pas se plier à cette nécessité collective est une fraude immorale. Il n’y a pas forcément de “valeur travail” mais il y a un état immoral, qui est l’oisiveté. Cette opinion reste très répandue aujourd’hui et c’est pourquoi les déclarations sur le “droit à la paresse”, qui provenaient de représentants de mouvements d’extrême gauche (LFI et EELV) ont choqué. Pour un grand nombre de gens, l’indemnité chômage, par exemple, est nécessaire face aux accidents de la vie mais une aide permanente destinée à soutenir l’inactivité, nommons ceci “assistanat”, n’est pas acceptable pour des raisons morales, pas plus que ne le serait un soutien à la fraude fiscale par exemple. Et cette idée, quoi qu’en pense Aymeric Caron, est une idée de gauche.

Les sociétés où tout ou partie de la population ne travaille pas sont des sociétés serviles ou en route vers la servitude. Si la classe dominante ne travaille pas, c’est que le reste de la population est asservie, comme dans l’Ancien Régime. Quand c’est le peuple qui ne travaille pas, la société est une dictature en devenir comme Rome l’a été sous le règne du “panem et circenses” ou comme la société totalitaire qu’évoque brillamment Orwell dans 1984. Le “panem”, c’est l’équivalent du RSA pour la plèbe, l’assistanat de toute la population pauvre qui va de pair avec le “circenses”, le loisir, visant à  occuper les esprits. L’ensemble a pour but d’amollir toute velléité de résistance, de mettre la population en état de servitude volontaire. En prônant le droit à la paresse, l’extrême-gauche oublie le contrat social, balaie la notion de citoyenneté et ouvre la voie à la dictature. Cela s’appelle oublier d’où on vient.

Pourquoi donc cet oubli, en rupture totale avec sa tradition historique ? 

L’explication nous est encore donnée par les penseurs de gauche. Pour Marx, la conscience sociale et la morale résultent des conditions économiques, dont elles forment une sorte de superstructure. Pour Proudhon,  “La pensée d’un homme, c’est son traitement”. A partir du moment où, comme c’est le cas en France, un large partie de la population est  structurellement assistée, l’état de chômage permanent devient une sorte de métier à plein temps et il est inévitable qu’une morale associée à cet état économique se crée. Le chômage, honteux au départ, devient le “droit à la paresse”  et n’est plus vécu comme une contrainte mais comme une condition sociale comme une autre. On doit alors augmenter  la rétribution de la paresse, c’est-à-dire les minimums sociaux, au détriment de la rétribution du travail. L’argument de l’extrême gauche va au-delà du clientélisme: il prend en compte la nouvelle réalité économique et la création d’une classe d’assistés permanents, ayant sa propre morale, dont l’extrême-gauche, reniant sa mission historique, protègera les intérêts.

L’impossible liberté du travail

Mais quelle est cette mission historique de la gauche ? Notre chasseur-cueilleur a une productivité très faible,  nous l’avons vu, comparée à celle du travailleur moderne. Mais il est seul, libre d’agir, face à la pression aveugle de la nature alors que le travailleur, subissant l’organisation moderne et la mécanisation de son poste de travail, est face à un commandement humain qui  l’aliène. “La nature peut constituer un obstacle, une résistance mais seul l’homme peut enchaîner » (Simone Weil). Il semble que l’homme ne puisse se débarrasser de la pression de la nature sans créer sa propre oppression, bien humaine. Tout gain de productivité (l’agriculture, l’industrie…) permettant de développer économiquement les sociétés humaines est comme lié à des structures oppressives (esclavage, servage, fordisme…)  aliénant l’individu. Le travailleur devient un simple outil de production, une chose. Le travail est une aliénation et n’est que ceci. La mission historique de la gauche est donc de protéger l’individu contre cette organisation aliénante, que Marx a identifiée et dénoncée dans le capitalisme. 

D’où viennent les 35 h ?

Aucune valeur travail n’est compatible avec cette vision. Aucune amélioration morale de l’Homme n’en sort. Un travailleur à la chaîne subit, devant sa machine, une vie inhumaine – même s’il joue un rôle social important vis-à-vis de la société. Sa profession est purement utilitaire. Pendant qu’il travaille, l’ouvrier est soumis à sa hiérarchie, n’apprend rien, ne progresse pas. Il n’est plus vraiment un homme, plutôt une fourmi. Il n’est homme que pendant ses loisirs et cette vision conduit inéluctablement à une volonté de réduire le temps du travail et d’augmenter les loisirs – sans aller jusqu’à l’assistanat cependant. C’est là l’origine de la vision que la gauche a mise en œuvre ces 30 dernières années et cette vision est probablement partagée par un grand nombre d’employés de ma société.

De l’instinct animal au travail

Si on considère le travail sous l’angle unique de la nécessité, il est donc bien difficile d’en faire ressortir la moindre valeur morale. Pourtant cette valeur existe et pour aller la chercher, il faut partir, encore une fois de notre chasseur-cueilleur et comprendre en quoi le travailleur en diffère. Le chasseur-cueilleur des origines ne travaille pas vraiment. Poussé par la faim, il agit et chasse et il est donc dans un optique de satisfaction immédiate de ses besoins élémentaires. En ceci, il ne diffère pas des animaux qui chassent instinctivement et on ne peut pas appeler sa chasse “travail”. “Les animaux s’agitent, l’homme seul travaille, parce que seul il conçoit son travail” (Proudhon). Pour qu’il y ait réellement un travail, il faut une suite d’opérations manuelles et de pensée en vue de produire un objet qui sera consommé – et plus la division du travail est forte, plus il est probable que la production du travailleur sera consommée par d’autres hommes, lui-même achetant ou échangeant, grâce à sa production, les biens nécessaires à son entretien. Ainsi, notre clou n’est pas consommé par l’ouvrier qui le produit mais, via un système d’échange, lui permet d’acheter sa nourriture. Il n’y a donc travail que lorsque l’homme n’agit pas par impulsion instinctive, mais en vue d’un objectif pensé, qui est la consommation. La consommation n’est alors plus la cause mais la fin de l’action. “La consommation comme besoin est un moment interne de l’activité productive” (Marx). L’homme consomme en qualité d’être vivant, il travaille en qualité d’être pensant » (Simone Weil). 

Le travail est une donc activité pensée ayant pour fin la satisfaction d’un besoin (Simone Weil). Ces deux aspects sont absolument nécessaires. Si on exclut le besoin, en ne gardant que l’activité ou la pensée, on en revient à cette transition qu’a représentée la Grèce. La Grèce a séparé l’activité du besoin, inventant l’athlétisme. Elle a séparé la pensée de la nature, inventant la géométrie, science dont l’utilité pratique est nulle au départ – si les Grecs avaient cherché un savoir réellement utilitaire, ils auraient inventé l’algèbre.

Le chasseur-cueilleur est donc dominé par la nature alors que Grâce à son activité et à sa pensée, “le travailleur soumet la nature en lui obéissant” (Bacon). Passer de la domination pure à la seconde forme d’obéissance est une libération et c’est même l’unique libération possible pour l’homme. “Le génie du plus simple artisan l’emporte autant sur les matériaux qu’il exploite que l’esprit d’un Newton sur les sphères inertes dont il calcule les révolutions” (Proudhon). 

Qu’est-ce que la valeur morale du travail ?

La valeur morale du travail procède donc de  la confrontation entre la pression de la nature et l’action du travailleur. L’aliénation oppressive au travail, c’est la confrontation entre la pression humaine  (l’organisation du travail mise en place) et l’action du travailleur. Seuls les métiers non touchés par l’organisation du travail peuvent être considérés comme totalement libres de toute oppression (par exemple le paysan qui laboure son champ à la faux, l’artisan qui produit seul son objet). 

Les autres métiers sont toujours sujets à une oppression humaine, qui est la seule oppression possible, la nature agissant en tant que pression et non en tant qu’oppression puisqu’elle n’a pas d’intention. L’oppression naît du fait que, selon la remarque de Marx, ceux qui organisent contrôlent le travail de ceux qui exécutent, et ont tendance à les asservir. Il est impossible de se débarrasser de l’organisation du travail car il en résulterait une perte de productivité incompatible avec, entre autres, le maintien de la population à son niveau actuel. Donc il est impossible d’éliminer totalement toute forme d’oppression.

[Les larmes de Federer. J’ai choisi une approche philosophique pour définir cette valeur morale mais j’aurais pu aussi bien m’appuyer sur la psychologie populaire. Quand on dit de quelqu’un qu’il est “un grand professionnel”, on y met évidemment une signification morale. Pour comprendre comment le travail élève, il suffit de prendre un exemple récent, celui des larmes de Federer et de Nadal lors des adieux de Federer. Dans sa carrière, Federer a d’abord tout gagné “facilement”, puis est apparu Nadal qui, comme la nature pour le travailleur, lui a résisté et l’a forcé, par le travail physique et la réflexion, qui sont les deux grands constituants du travail, à améliorer son jeu, à aller plus loin, atteignant à la fin de sa carrière des sommets qui l’ont sans doute surpris lui-même. Federer pleure non pas les grands chelems perdus mais la grandeur que Nadal lui a permis d’atteindre, son dépassement, sa pleine réalisation en tant que joueur de tennis. Et Nadal, qui ne prend pas encore sa retraite, pleure exactement la même chose. Toute personne qui a eu la chance à un moment ou un autre de travailler intensément, dans un contexte où ce travail a été effectué de façon non servile, comprend de quoi je parle.

]

Vers une société de la coopération ?

On peut cependant avoir pour objectif de minimiser cette oppression. Ainsi, dans les manufactures du moyen-âge, le mode d’interaction entre les travailleurs était la coopération entre hommes. Chaque travailleur négociait avec un autre travailleur l’objet qu’il allait lui fournir, dans un but commun. Les compagnons collaboraient pour l’édification des cathédrales. 

Lorsque cette coopération humaine a été remplacée, au moment de la révolution industrielle, par une collaboration de machines, les travailleurs ont perdu toute capacité d’élaboration et coopération. Ils sont devenus asservis aux machines, c’est-à-dire aux ingénieurs et aux contremaîtres. Cette forme de production s’est imposée à cause de sa grande productivité, mais a été un recul sur le plan humain.

L’Open Source et la société de la collaboration

Dans notre société moderne, le développement logiciel, s’il est bien réalisé, donne une idée de ce que pourrait être une industrie de la coopération. Les ingénieurs conçoivent des architectures globales, qui sont nos cathédrales modernes, définissent leurs interfaces internes, les composants qu’ils utiliseront et échangeront avec eux. Cette coopération dans un but commun nécessite effort et créativité et respecte la liberté individuelle de chacun.

Le mouvement Open Source est une parfaite illustration de ce que peut être l’industrie de la coopération, réunissant idéal et utilité. Lancé en 1984 par Richard Stallman, il a pour objectifs de favoriser la libre circulation des connaissances et des logiciels (en opposition  avec les stratégies privées de sociétés telles que Microsoft), de faire collaborer les ingénieurs et de mettre à la disposition de tous le résultat de leurs travaux. En générant des dizaines de milliers de projets logiciels, en faisant travailler de façon collaborative des centaines de milliers d’ingénieurs, l’Open Source a eu – a encore – un impact majeur sur la société et est, entre autres, à l’origine d’Internet.

Dans une entreprise, chaque dirigeant devrait, dans la mesure du possible, tenter de susciter à tous les niveaux la collaboration, son rôle se limitant à organiser et synchroniser les travaux. Chaque exécutant devrait admettre sans ressentiment que la coopération parfaite étant impossible, une part d’arbitraire, de travail forcé, voire de travail absurde, subsistera dans toute activité professionnelle. Et cette part peut malheureusement être parfois très importante. Plus le dirigeant et l’exécutant tentent de se conformer à ce modèle qu’il faut voir comme un état limite impossible à atteindre, plus il y a de vertu dans le monde et plus le travail prend de la valeur.

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Elon Musk et Twitter: vers la création du 1er réseau social conservateur 18 avril 2022

Par Thierry Klein dans : Politique,Technologies.
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(Article écrit avant le rachat de Twitter)

Elon Musk vient de faire une offre pour racheter Twitter. Le style de l’offre est caractéristique.

I am offering to buy 100% of Twitter for $54.20 per share in cash, a 54% premium over the day before I began investing in Twitter and a 38% premium over the day before my investment was publicly announced.

My offer is my best and final offer and if it is not accepted, I would need to reconsider my position as a shareholder.

Pour en faire quoi et a-t-il une chance de rentabiliser cette offre ?

(Les citations de Musk sont tirées de l’interview d’hier par Chris Anderson, voir la vidéo sur YouTube)

Twitter est un média énorme. Les français l’oublient souvent quand ils critiquent France-Inter (trop à gauche !), ou Cnews (trop à droite !), mais Twitter, Facebook, YouTube pèsent plus que n’importe quel organisme de presse écrite ou audiovisuelle. Plus que Ouest-France, Le Monde ou TF1 si on regarde le temps moyen passé par français par exemple. Acquérir Twitter c’est se donner les moyens politiques de peser dans le monde entier.

Or Elon Musk est un conservateur et Twitter est un média démocrate. Ainsi, la modération de Twitter penche vers les idées “libérales” (au sens sociétales) ou progressistes. On l’a vu quand Twitter a banni Donald Trump un peu avant les élections américaines. Twitter penche vers les idées progressistes à la fois par idéologie (les employés de Twitter, diplômés des universités américaines, sont presque tous des progressistes, comme chez Google ou Facebook); mais aussi par intérêt: Twitter, YouTube, Facebook sont des régies publicitaires soumises aux diktats progressistes de leurs donneurs d’ordre, les grandes entreprises mondiales. D’une façon générale, le communautarisme crée de multiples marchés de niche, au niveau alimentaire, au niveau culturel (mode, média, industrie du luxe, du sport, etc) et donc toutes les entreprises qui vendent des biens de consommation y sont intéressées. 

Bref, pour quelqu’un comme Elon Musk, la modération de Twitter n’est pas neutre et il importe de la corriger. Ce que propose Elon Musk, c’est de mettre en place au sein de Twitter le “free speech” et de rendre les algorithmes de Twitter plus transparents. En quoi cela consiste-t-il ?

Le free speech (ou l’equal speech)

Elon Musk insiste sur le fait que le free speech, soumis aux lois de chaque pays, serait plutôt une forme d’equal speech. Des règles identiques pour modérer les tweets et surtout un mode de modération extrêmement réduit par rapport à aujourd’hui. Grosso modo, si un tweet n’est pas clairement illégal, Elon Musk propose de ne pas le modérer. Elon Musk insiste sur le caractère légal des tweets et c’est déjà un immense progrès par-rapport au Twitter actuel, qui ne se conforme pas à la loi française puisqu’il est organisé pour ne pas donner de façon systématique les coordonnées des auteurs de tweets illégaux. Il est vrai que notre législateur s’est montré bien soumis vis à vis des plateformes US.

(Ajout: 28 avril. Définition de l’equal speech)

Dans un monde idéal, Twitter donnerait immédiatement à la justice française les coordonnées de l’auteur de tout tweet manifestement illicite. Il y en a des milliers par jour et les auteurs de ces tweets pourraient être alors facilement poursuivis. Pour ce faire, Twitter aurait l’obligation de connaître l’identité de ses contributeurs. Ainsi disparaîtrait automatiquement une grande partie de son côté irresponsable et corbeau. 

En un sens, ce que veut faire ici Elon Musk c’est ce que l’Etat français n’a pas voulu ou pas su faire.

La transparence

L’autre idée d’Elon Musk, c’est la transparence des algorithmes. Le code source des algorithmes serait disponible, ce qui permettrait à la communauté d’en modifier les erreurs et d’avoir confiance dans le traitement “juste” de la diffusion des tweets (aujourd’hui, certains tweets sont probablement plus ou moins diffusés en fonction de critères idéologiques et opaques, cela ne pourrait plus être le cas).

Having a public platform that is maximally trusted and broadly inclusive is extremely important to the future of civilization

(A noter l’utilisation savoureuse du terme progressiste politiquement correct « inclusive » que Musk reprend ici à son compte, en en détournant le sens. L’inclusion que pratique Twitter aujourd’hui est une censure idéologique qui ne dit pas son nom. Musk propose de la remplacer par une « inclusion large » (broadly inclusive) traitant tous les tweets légaux de façon identique et transparente.)

La transparence améliorerait-elle la performance de Twitter ? C’est loin d’être certain. En effet, si l’algorithme est transparent, il peut être facilement biaisé. Ainsi, l’algorithme de Google, dont les principes sont connus, est-il biaisé en permanence par les techniques de SEO, qui visent, de façon très efficace, à faire monter un site dans les résultats de Google – à tel point que Google en devient souvent inutile. Dans les sites où le classement des vendeurs est fait d’après des avis publics, les évaluations sont aussi biaisées. Ainsi, plus de transparence ne signifie pas forcément plus de neutralité, bien au contraire. L’opacité est souvent une des conditions nécessaires à la création de valeur collective: c’est le regard d’Orphée qui tue Euridyce.

La rentabilité de Twitter et l’offre de Musk

L’offre d’Elon Musk est à 54 USD par action, la valeur de Twitter est au moment de l’offre de 35 USD par action. C’est une belle offre mais pas fantastique car l’action de Twitter n’a pas progressé depuis 5 ans au même rythme que celles de Google ou de Facebook. Et depuis 1 an, elle stagne carrément. Il est clair que le cours de Twitter est sous estimé par-rapport à facebook ou Google, et c’est lié aux problèmes de management et de positionnement de Twitter. Le capitalisme a horreur du vide et c’est une des raisons qui a rendu l’offre de Musk possible.

S’il prend possession de Twitter, Musk devra s’opposer aux salariés, qui sont uniformément progressistes, en désaccord avec la notion de free speech qu’essaiera de mettre en place Musk. Des départs massifs sont possibles. Est-il possible de construire un média Internet de masse non progressiste ? La question est posée, Trump a échoué.

(Ajout 28 avril: le début de l’opposition aux salariés progressistes de Twitter, ici la directrice juridique, juste 2 jours après l’annonce du rachat)

Musk déclare ne pas avoir d’objectif financier dans l’affaire

I don’t care about the economics at all.

Ca tombe mal, si j’ose dire, parce que les actionnaires de Twitter n’ont pas tous des intérêts financiers non plus ! On y trouve le fond souverain d’Arabie Saoudite, par exemple, qui a un intérêt au maintien de la politique “multi-culturaliste” de Twitter. Twitter est clairement un medium démocrate et donc, il n’est pas certain que ces actionnaires soutiennent Musk, même si c’est leur intérêt financier de le faire. Tout semble aujourd’hui montrer au contraire que l’affaire est politique, progressisme contre conservatisme.

L’offre de Musk peut-elle être créatrice de valeur pour Twitter ?

Oui, mille fois oui. La réponse est dans ce simple graphique.

On y voit que 33% seulement des utilisateurs de Twitter sont des républicains (traduisons: non progressistes). Musk, si sa stratégie fonctionne correctement, peut augmenter le trafic de Twitter de 33% environ. La hausse de trafic pourrait être bien supérieure du fait de l’intérêt généré et si ça marche, Facebook, Instagram, etc seraient obligés de suivre. Sans parler des multiples effets bénéfiques induits qui se monnaieront aussi à terme (liés à la confiance dans le média). C’est l’avenir des réseaux sociaux qui se joue ici.

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Mac Kinsey : l’enfant monstrueux de la gauche, de la droite, de l’Europe et d’Hollywood. 3 avril 2022

Par Thierry Klein dans : Politique.
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(Ou pourquoi Macron n’est pas responsable de l’affaire Mac Kinsey. Mise à jour d’un article écrit en 2005)

Si je jette un coup d’œil en arrière sur la génération précédente, presque tous les amis de mes parents qui, à 20 ans, ont réussi le concours d’entrée des grandes écoles considérées comme les plus élitistes (ou les plus difficiles) auront eu une carrière de haut fonctionnaire. (j’entends fonctionnaire au sens large, ce qui inclut, mais de façon non limitative, le service de l’état).

Pour bien comprendre ce point, il va falloir que je donne une définition généralisée du fonctionnaire. Je vous conseille la lecture de l’ Arrière-Saison de Stifter.

« Tant que l’administration s’élargit et s’agrandit, elle doit engager un nombre de plus en plus grand d’employés et parmi eux, inévitablement, de mauvais ou de très mauvais. Il est donc impératif de créer un système qui permet que les opérations nécessaires puissent être accomplies sans que la compétence inégale des fonctionnaires les pervertisse ou les affaiblisse. Pour bien préciser ma pensée, je dirais que l’horloge idéale devrait être construite de telle façon qu’elle fonctionne bien même si on échange ses pièces en remplaçant les mauvaises par les bonnes et vice-versa. Une telle horloge est inconcevable. Mais l’administration ne peut exister que sous une telle forme ».

Autrement dit, le fonctionnaire c’est celui qui effectue avec zèle des travaux partiels sans comprendre, ou essayer de comprendre le tout – voire même ce qui se passe dans les bureaux voisins. Je trouve ce point de vue intéressant car il permet de rapprocher des aspects de société qu’on a en général tendance à opposer. Il se pourrait en effet que des sociétés hyper fonctionnarisées telles que l’Union Soviétique des années 50, ou la France d’aujourd’hui ne soient pas humainement si distantes de sociétés hyper libérales comme les USA. Le travailleur à la chaîne tel que le définit Ford est aussi un fonctionnaire au sens de Stifter et il suffit d’avoir voyagé ne serait-ce qu’une fois aux USA pour voir à quel point le pays est fonctionnarisé (passez  la douane, allez au MacDo et appelez ensuite n’importe quel SAV de grande société américaine pour me comprendre).

Dans le roman de Stifter, Risach, le héros est un haut fonctionnaire qui quitte son poste parce qu’il ne supporte pas un travail dont le sens lui est incompréhensible – ce qui fait qu’il ne peut pas agir en fonctionnaire. Je pense que le comportement de Risach constitue un raccourci saisissant de ce qui se passe aujourd’hui pour les élites françaises.

Au sens où elles existent aujourd’hui, les élites françaises ont été créées par Napoléon – et renforcées par de Gaulle – pour servir l’Etat. L’Etat, c’était la France et pour tous les français, y compris les élites, la notion de France était confondue avec tout un tas – ou un fatras – de valeurs universelles (les droits de l’Homme, le rayonnement, une « certaine idée de la France », etc… Lisez les Mémoires de Guerre de deGaulle ou La promesse de l’Aube pour une vision, certes exaltée, mais au fond assez commune de la France).

Si, donc, je regarde les amis de mes parents, ceux qui faisaient partie des élites rentraient au service de l’Etat, si possible par l’intermédiaire d’un grand Corps, ou d’une grande entreprise et n’en bougeaient plus. Jusque dans les années 70, les grands projets du pays étaient valorisants, scientifiquement intéressants, parfois d’avant garde (Aerobus, qui est devenu Airbus, la SNCF puis le TGV, le nucléaire, Ariane, Concorde, la télé couleurs, et j’en passe…). Leur activité coïncidait totalement avec une certaine idée humaniste de la France et du monde qu’ils entretenaient pour la plupart. De par leur formation – quasi militaire – et leur potentiel intellectuel, ils étaient des outils parfaitement efficaces pour le développement de ces grands programmes, et de l’administration en général. Ils étaient certes des fonctionnaires, mais n’avaient pas à quitter leur poste comme Risach puisque la finalité de leur travail leur apparaissait comme généralement utile et compréhensible.

Tous ceux qui ont lu Pagnol se souviennent de la description de son père instituteur, la foi un peu simple qu’il avait en son métier, son enthousiasme, sa vision du progrès qu’il partageait avec tous les autres instituteurs ou presque. Et bien, les élites françaises étaient comme le père de Pagnol. Evidemment, elles vivaient beaucoup mieux que lui – mais n’étaient pas fortunées pour autant et cela leur importait peu car elles recherchaient un statut social avant tout. Les élites étaient la version « caviar » de l’instituteur de Pagnol.

Cet état d’esprit n’existe plus aujourd’hui. La plupart de mes amis X ne sont plus au service de l’état. Ceux qui y restent, qu’ils aient ou non fait des grands corps, n’arrêtent pas de se plaindre du mauvais traitement qui leur est fait, comparent avec envie leur salaire à celui du privé et cherchent la meilleure façon de « pantoufler » (« pantoufler », pour un haut fonctionnaire, c’est le miroir aux alouettes; l’équivalent de « créer une entreprise » pour la majeure partie d’entre nous. Un brin de prise de risque – pas trop quand même car on peut toujours redevenir fonctionnaire, un petit goût de défendu – les collègues de bureau le déconseillent et malgré tout un côté tendance et affirmation de soi qui permet de se dire « je l’ai fait ! »…). Il y a 30 ans, tout était bon pour rentrer dans le Corps. Aujourd’hui, on cherche avant tout à en sortir. Bref, les hauts fonctionnaires sont devenus de simples cadres supérieurs comme les autres. J’y vois trois causes principales, deux de nature nationales et une de nature internationale.

Les causes nationales

1) De Gaulle a été le dernier dirigeant qui a su créer le sentiment que la France était universelle, en lançant réellement des projets d’envergure (j’en ai parlé plus haut) et en glorifiant la notion d’une France au service de l’humanité. Depuis de Gaulle, que ce soit par manque de vision ou de leadership – et probablement les deux, plus un programme d’état d’envergure (au sens où, s’il réussit, le pays peut compter dessus pendant 50 ans pour en vivre). On amuse la galerie avec différents programmes (cf les récents pôles de compétitivité) mais la révolution de l’informatique, qui constitue LE fait industriel majeur des quarante dernières années a été manquée et on semble s’y résigner. Il y a toujours un corps des Mines, alors que les Mines n’existent plus depuis longtemps, mais il n’y toujours pas de Corps de l’Informatique.

2) Indépendamment de tout problème lié à ses dirigeants, l’Etat s’est de plus volontairement retiré de l’Industrie depuis 30 ans.

La droite prône ce retrait par libéralisme, ne se rendant pas compte que l’Etat, se retirant, ne laisse derrière lui qu’un désert que les entreprises sont incapables de combler, quoi que prétende le Patronat. L’Europe a renforcé ce phénomène en interdisant toute initiative d’envergure des états par idéologie et en ne sachant pas susciter elle-même de nouvelles directions.

La gauche a agi de façon pire encore en multipliant le nombre de fonctionnaires inutiles simplement pour lutter contre le chômage – qui plus est en s’en vantant. Pour reprendre le paradigme de la montre, dont je parlais plus haut, la droite prétend que les montres sont devenues inutiles – ce que personne de sensé ne croit vraiment, au fond, mais la gauche a créé de nouvelles montres, ressemblant en tous points à de vraies, y compris au niveau du mécanisme intérieur, à la différence près qu’elles n’ont pas d’aiguilles et qu’on n’a même plus l’espoir de jamais y lire l’heure. Dans un contexte où les hauts fonctionnaires acceptaient finalement leur condition au nom d’un idéal de progrès, la gauche a une grande responsabilité dans la destruction morale d’une des forces majeures du pays, qu’elle s’attachait pourtant à protéger. Ce que la droite la plus libérale n’aurait sans doute jamais pu accomplir, la gauche l’a fait, en enlevant, si j’ose dire, son ressort à l’administration.

Une tendance internationale

Qu’on le veuille ou non, les regards sont depuis 30 ans tournés vers l’Amérique. L’Union Soviétique s’est effondrée, la France n’a plus d’existence politique réelle et l’Europe n’en a jamais eu. Les américains ont gagné la bataille de la communication et le modèle de l’intérêt commun organisé et centralisé (l’Etat français) paraît bien désuet face au modèle de l’intérêt individuel triomphant et décentralisé. Les anciens pays communistes regardent les Etats-Unis bien plus que l’Europe, qui est vue comme une sorte d’état intermédiaire entre la dictature et le Nirvanã américain. La publicité, le cinéma renvoient cette image d’individualisme forcené qui est de plus en plus vécue comme le stade ultime de l’évolution de l’homme vers la liberté entamée, en gros, en 1789. C’est l’Amérique qui fixe nos valeurs et peut-être bientôt notre langue. En tous cas, c’est l’Amérique que les élites regardent et qu’elles admirent – ou souvent dénigrent, ce qui est en fait exactement la même.

Mon article de 2005 se focalisait sur les causes morales de la crise des élites. Les consultants qui travaillent aujourd’hui chez Mac Kinsey sont donc les mêmes que ceux qui, il y a 50 ans, rentraient au service de l’Etat. Simplement l’administration a réduit son périmètre et perdu tout ressort, elle n’a plus rien d’intéressant à leur proposer. Ils font chez Mac Kinsey ce qu’ils ont toujours fait, simplement ils le font pour le compte d’une société privée, ce qui est un affaiblissement moral et ils le font en plus pour beaucoup d’argent car les salaires proposés par Mac Kinsey n’ont rien à voir avec des salaires de fonctionnaires. Autre affaiblissement moral. En contrepartie de ce salaire exceptionnel, ils vont travailler comme des chiens pendant 2, 5, 15 ans, le temps que durera leur expérience de conseil. Là aussi, ils font ce qu’ils ont toujours su faire (les classes prépa l’ont montré), ce que l’administration française ne leur propose plus (ils s’y ennuieraient). Et cette situation n’est pas un progrès non plus pour eux car le rythme de travail imposé ne facilite pas leur épanouissement ni leur entrée dans la vie.

Par-rapport à leurs anciens, ces jeunes sont à plaindre: ils ont de l’argent mais ils n’ont pas le sentiment de travailler pour l’intérêt général et non seulement les intérêts des cabinets de conseil, privés, ne sont pas alignés avec l’intérêt général mais les coûts exorbitants de facturation des cabinets en font de fait des pilleurs de fonds publics. Ce pillage, inconscient aux yeux de la plupart, est dissimulé par une dialectique glorifiant le surtravail, la performance, la libre concurrence, le droit de l’Etat de ne pas faire appel au Cabinet, etc. L’acceptation de cette dialectique, que je nommerai par facilité « libérale », est facilitée si les consultants ont aussi effectué des études de type MBA aux Etats-Unis, ce qui est souvent le cas.

Macron et la plupart de ses jeunes ministres les plus emblématiques ont eux-mêmes des profils de consultants. Amélie de Montchalin est diplômée de la Harvard Kennedy School. Agnès Pannier Runachier est lauréate de la fondation américaine Akosha. Ils sont eux-mêmes fascinés par l’Amérique, par le mélange des genres public / privé / pro-bono qu’ils ont tous appliqué au sein de leur propre carrière professionnelle. Fascinés par Mac Kinsey qui embauche, j’insiste sur ce point, les meilleurs élèves de nos grandes écoles (on peut considérer l’entrée chez Mac Kinsey, ou chez tout autre grand cabinet de conseil en stratégie, comme un premier succès professionnel tellement cette entrée est sélective.).

Qui plus est l’administration française n’est plus capable, sauf exception, d’effectuer les tâches qu’effectuent les consultants. Pour deux raisons: parce qu’elle a été privée de ses meilleurs jeunes éléments (qui sont dans les cabinets de conseil) et parce que progressivement, les énarques ont remplacé les ingénieurs aux plus hauts postes de l’administration et de l’industrie d’Etat. Or les énarques n’ont pas la formation analytique nécessaire pour mener à bien ces missions. Les jeunes consultants des cabinets de conseil sont des ingénieurs, parfois des HEC (qui disposent d’un bon bagage analytique), rarement des énarques (ceux-ci seront recrutés à un stade plus avancé de leur carrière, pour leur connaissance des rouages internes de l’Etat et leur portefeuille relationnel). La prise de pouvoir des cabinets, c’est aussi, en un sens, le retour des ingénieurs dans l’appareil d’Etat.

La pénétration des grands cabinets de conseil américain au sein de l’Etat dépasse donc largement Macron ou ses ministres en tant qu’individus. Elle est la conséquence des faits que j’ai énumérés plus haut (la gauche, la droite, l’Europe, Hollywood). Ceux qui attaquent Macron ont évidemment eux-mêmes souvent fait appel à ces cabinets dès lors qu’ils ont gouverné (les LR, les socialistes).

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Sciences Po: de la discrimination positive à la « culture du viol » 16 février 2021

Par Thierry Klein dans : Aliénation,Politique.
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Il y a actuellement à gauche une tendance à faire du vice, ou de toute tendance affective personnelle, un système élaboré de « valeurs ». Dans les années 80, ces valeurs étaient « la libération sexuelle », surjouée, forcée – avec les abus inévitables qui font que ces valeurs ont aujourd’hui été transformées en « me too ». Ceux qui portent ces valeurs sont les mêmes personnes et si je puis dire, la Vanessa Springora des années 80, icone consentante sur l’autel de la libération sexuelle, annonce celle des années 2020, icone consentante sur l’autel « me too ». Elle est le niveau à bulle de l’époque, ayant pour fonction d’être un reflet. J’ai entendu Jack Lang l’autre jour condamner violemment, presqu’en larmes, une pétition qu’il avait signée dans les années 80 en faveur de l’inceste.

Idem pour Sciences Po. Dès lors qu’un seul élève est rentré de façon injuste à Sciences-Po (discrimination positive), c’est tout un système qui a été transformé, d’une hiérarchie de compétences vers une hiérarchie aristocratique, privilégiant l’origine, la position, le mensonge et le népotisme. La « culture du viol » est présente dès l’époque Descoings, qui séduit des élèves de 17 ans, et dès cette époque, tout le monde se tait. Cet enchainement est très compréhensible et simplement une dérive banale, qu’on a vue dans de multiples établissements d’enseignement supérieur politiquement corrects aux US. J’avais pu moi-même la constater à Stanford dans les années 90.

Mais ce matin, Alexandre Kouchner au micro d’Europe 1 fait de cette dérive un système général. « Non, nous dit-il, la dérive du viol n’est pas propre à Sciences Po mais à toute la société ». On voit comment cette théorie se fait jour dans son esprit. Il y a d’abord la dérive névrotique d’une organisation, à laquelle il a participé de façon active ou, plus probablement, lâche. Il y a le contexte familial du viol toléré, sinon encouragé et là aussi, il a fallu détourner le regard – et comme c’était impossible, se forcer à ne pas penser, ce mécanisme étant caractéristique de ce que Simone Weil nomme « attachement » (à sa famille, à ses amis, à son groupe de pensée, tout ceci étant, dans le cas de Kouchner, presque confondu).

Ensuite il y a le refus de regarder sa réalité en face et la projection de ses propres turpitudes sur autrui, sous forme de rationalisation a posteriori : « toute le société est gangrénée, Sciences Po n’a rien d’exceptionnel ». En ceci, il est exactement comme un cardinal qui refuserait d’admettre le problème de la pédophilie ecclésiastique au prétexte qu’elle concernerait toute la société. Ou comme un Tartuffe (mais ici, un Tartuffe probablement inconscient), qui demande à couvrir ce sein (transformation du désir personnel en norme de comportement générale).

Ce mécanisme définit actuellement de façon très profonde la gauche, dans ce qu’elle a de plus woke. Elle est plus une fidélité à un groupe, un attachement, qu’une pensée. La recherche systématique d’un racisme « systémique » (qui n’a plus rien à voir avec le racisme), de la « culture » du viol, de la « violence symbolique » à l’école, de la « violence coloniale systémique » sont des névroses de type paranoïde projetées sur l’ensemble de la société, déclarée malade par les malades eux-mêmes. Ces termes nous parlent de ceux qui les emploient plus que de notre société. Ces théories seraient risibles si elles n’étaient pas aussi répandues. Cliniquement, la gauche woke est une forme de paranoïa décomplexée.

(Je pense profondément que la « pourriture » n’est pas une question de couleur politique, et donc il y a sans doute une proportion constante de pourris à droite et à gauche.

Mais un violeur de droite ne ferait pas tous ces chichis. Il ne chercherait sans doute qu’à se cacher. Difficile de savoir si c’est par manque d’intelligence, par lucidité sur soi-même, par égoïsme ou par indifférence.)

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Préjugés sociologiques universitaires : le poids de l’Islam 17 janvier 2021

Par Thierry Klein dans : Politique.
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(Une critique de l’article Stéréotypes sexistes dans le monde : le poids de la religiosité, paru dans « The Conversation »)

J’ai rédigé une critique de ce papier intéressant, non pas par ses conclusions mais parce que ce genre d’article est très révélateur des biais de la sociologie universitaire.

De quoi parle-t-on ?

Denise Bombardier fait le lien, nous le verrons à juste titre, entre Islam et préjugés sexistes en s’appuyant sur une publication de l’ONU (http://hdr.undp.org/sites/default/files/hd_perspectives_gsni.pdf, table A1 page 20).

Pour les auteurs, ce lien correspond visiblement à une stigmatisation inacceptable de l’Islam. L’article vise donc à amoindrir la responsabilité de l’Islam et prétend donner à cette défense un argument scientifique – on n’est pas sociologue pour rien. L’article paraît dans « The Conversation », magazine qui est une sorte de niveau à bulles de la sociologie politiquement correcte, de gauche.

Quel est le raisonnement ?

Les auteurs constatent bien (comment faire autrement ?) le lien entre Islam et sexisme : les 23 pays musulmans affichent un niveau de préjugés sexistes « plus élevé » que les 52 autres pays analysés. A noter que le terme « plus élevé » est un euphémisme: selon la mesure utilisée, le sexisme en pays musulman est jusqu’à deux fois supérieure à celle des pays non musulmans (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02903144v2/document, figure 4)

Les auteurs introduisent alors 2 autres variables :

  • La religiosité du pays (selon les réponses à un questionnaire demandant aux habitants quelle est l’importance de la religion dans leur vie. L’index varie de 1 « sans importance » à 4 « très importante »)
  • Le « niveau de développement humain » du pays

Faisant alors appel à un « modèle » mathématique, ils concluent alors que l’Islam a peu ou pas d’impact sur le sexisme. En réalité, la religiosité du pays et le niveau de développement humain sont les facteurs les plus importants. Toutes les religions sont donc aussi coupables que l’Islam… Prétendre le contraire tient sans doute de l’islamophobie. Circulez, y’a rien à voir !

(Cette technique qui consiste, non pas à nier les excès de l’Islam mais à les relativiser en les étendant à d’autres religions, et en particulier au christianisme est par ailleurs un symptôme d’islamo-gauchisme. On va par exemple comparer le voile des musulmanes à celui des bonnes soeurs, le burkini à la soutane, etc. L’islamo-gauchisme n’est pas mon sujet ici, mais je le mentionne car j’ai l’intention d’en caractériser les principales caractéristiques dans de prochains billets)

Quelles sont les erreurs des auteurs ?

Les erreurs commettent en réalité une erreur indigne d’un élève de Terminale, ce qui fait qu’il est difficile de penser que cette erreur n’est pas due à leur idéologie, difficile aussi de penser que l’erreur n’est pas volontaire.

Pour effectuer leur analyse, les auteurs ont supposé que leurs trois variables (Islam, religiosité, niveau de développement humain) étaient indépendantes. Or elles ne le sont évidemment pas. Par exemple, aucun pays musulman n’a un indice de religiosité inférieur à 3 (indice très élevé). Les pays ayant des indices inférieurs à 2,5 sont des pays chrétiens, ou asiatiques (notion de religion différente), ou des pays où la liberté religieuse n’existe pas. Cela est tout à fait compréhensible car on peut sortir sans problème de la religion chrétienne (qui est donc compatible avec une faible religiosité) et non de la religion musulmane (ce qui entraîne évidemment un biveau de religiosité supérieur).  Par conséquent, on voit bien que les variables « pays musulman » et « religiosité » sont intimement liées. En réalité, ce que les auteurs ont introduit sous le nom de religiosité, c’est, très largement, l’Islam sous un autre nom.

Le lien entre indice de développement humain (HDI) et islam est aussi évident. Le HDI prend en compte le niveau de vie et d’éducation. Les pays musulmans, non démocratiques sauf exception, ont un niveau de vie plus faible (on peut imaginer que l’Islam joue un rôle) et un niveau d’éducation faible (il est certain que l’Islam joue un rôle). Là aussi, ce que les auteurs observent, à travers cette deuxième variable, c’est très largement l’Islam.

Qu’auraient dû faire les auteurs ?

La technique de base à utiliser pour ce genre d’analyse est non pas l’impact des variables sur la variance, comme l’ont fait les auteurs mais une analyse en composantes principales (ACP). Une telle analyse, couplée à des techniques de regroupement des variables redondantes (grâce par exemple à une « matrice des corrélations » ou à un « cercle des corrélations »), d’élimination des critères non pertinents et éventuellement de clusterisation permettrait d’obtenir une idée réellement objective de l’impact de l’Islam sur le sexisme et de la quantifier.

Elle conclurait évidemment que l’impact de l’Islam est extrêmement fort, une simple lecture attentive des données, telle que celle que j’ai faite plus haut, suffit à s’en convaincre. Il faut sans doute être sociologue universitaire pour ne pas faire le lien.

Pourquoi donc Denise Bombardier arrive-t-elle, sans utilisation d’aucun modèle, à de meilleures conclusions que les savants auteurs de The Conversation ?

Parce que

« Ceux qui n’ont aucune science sont dans une situation meilleure, et supérieure, par leur prudence naturelle, que ceux qui, en raisonnant de travers ou en faisant confiance à ceux qui raisonnent faussement, parviennent à des règles générales fausses et absurdes »

(Thomas Hobbes, Leviathan, chapitre  5 « De la raison et de la science »).
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