Plaidoyer pour une télévision publique sans pub 26 juin 2008
Par Thierry Klein dans : Entreprise altruiste,Google,Politique.Lu 7 380 fois | 2 commentaires
Hitler, Staline, nous ont appris à nous méfier de la propagande politique. Au contraire, la publicité semble, par nature, plus limitée dans ses effets. Son ambition – faire acheter tel ou tel produit – est moindre. Résultante de milliers d’initiatives privées, elle n’est pas organisée au service d’une seule cause, ni contrôlée par une puissance « diabolique ». Qui plus est, nous sommes tous plus ou moins convaincus qu’elle ne marche pas – en tous cas pas sur nous-mêmes, pas sur moi !
Mais la publicité est bien plus présente dans nos vies que la propagande ne l’a jamais été et elle est devenue un des fondements, peut-être le principe même, de la société de consommation. Ses effets sont beaucoup plus importants qu’on ne le croit. J’ai montré dans différents billets que le réchauffement climatique, le travail des femmes, l’allongement du temps de travail lui-même, la crise financière actuelle, la montée structurelle du surendettement, les délocalisations s’interprètent, de façon ultime, comme des conséquences de la publicité.
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L’explosion des dépenses de santé, la fin des héritages 24 juin 2008
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 5 994 fois | 1 commentaire
L’héritage n’existera bientôt plus que pour les fortunés (au sens français du terme). En gros, seules les personnes dont le patrimoine au moment du départ à la retraite dépasse le million d’euros lègueront quelque chose à leurs enfants. C’est une conséquence mécanique de la mondialisation, de l’augmentation de la durée de vie, de l’augmentation des dépenses de santé.
L’espérance de vie à 65 ans est de 85 ans environ. Pour les couples, cela correspond à 40 années de dépenses à financer. Pour la plupart des couples , la retraite est une période d’appauvrissement (baisse des revenus, difficulté à baisser son niveau de vie).
Les régimes de sécurité sociale sont en train de changer. Leur prix monte, le taux de couverture diminue (voir, encore ce matin, l’annonce de la baisse du taux de remboursement de certains médicaments liés à des maladies chroniques).
Pour des raisons démographiques, les régimes de retraite vont mécaniquement devenir encore moins favorables, sauf, peut-être, pour les plus riches qui ont pu investir dans des régimes capitalisés (encore, pour ceux-ci, leur régime dépend-il de l’évolution des marchés, qui est aléatoire).
Les dépenses de santé sont en augmentation permanente, et vont atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros. Aux USA, le fonds de prévoyance Fidelity prévoit 225,000 Dollars de dépenses accumulées par retraité. Pour 10% des retraités, ces dépenses s’élèveront à 1 million de dollars. (Il faudra envisager des mesures radicales pour limiter cette explosion : soit réduire l’accès aux soins, soit créer une industrie pharmaceutique d’état ou européenne – voire nationaliser les entreprises existantes).
Les ménages divorcés lèguent moins d’argent à leurs enfants. Parce que le coût de la vie est supérieur pour un couple séparé. Et parce que les parents qui n’ont pas eu la garde de leur enfant n’ont pas, statistiquement, la même volonté de transmettre un héritage.
Soumis à une forte pression financière, les seniors feront de plus en plus appel à l’emprunt « à terme échu » pour se loger. Dans une telle formule, l’emprunteur est propriétaire de son logement, mais le remboursement du principal n’a lieu qu’au terme de l’emprunt. Concrètement, il sera de plus en plus souvent à la charge des héritiers qui revendront le logement pour rembourser le capital : en gros, le logement, principale source de l’héritage en France, ne sera plus transmis aux héritiers.
Le transfert de la richesse se fera de plus en plus du vivant des personnes. Ce mouvement est déjà enclenché et est une des conséquences de la mondialisation. Les personnes âgées supportent de plus en plus l’installation, l’éducation de leurs enfants et petits-enfants. Pour les plus riches, il s’agit d’un effort réfléchi pour réduire l’impôt sur l’héritage; pour la plupart, c’est une simple nécessité financière.
Le libre jeu des forces du marché rejoint l’idéal communiste: l’abolition de (presque) tout héritage.
(Très libre adaptation d’un excellent article du NYT).
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Queue de poisson 20 mai 2008
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 20 095 fois | 4 commentaires
Des pêcheurs qui demandent des subventions pour aller chercher un poisson qui n’existe plus à l’aide d’un carburant qui n’existera bientôt plus.
En les subventionnant, l’Etat fait financer l’assiette des riches par la collectivité tout entière.
Silence assourdissant des lobbies « écolos », censés protéger les ressources.
Tout ceci montre bien l’incapacité de l’économie de marché, même lorsqu’elle se trouve au bord du gouffre, à se réformer. L’incapacité des états à la forcer à le faire.
Voir aussi Les 3 façons de changer le monde.
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Du client-roi au client-esclave 25 avril 2008
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 6 534 fois | ajouter un commentaire
La polémique autour du boycott des jeux de Pékin illustre on ne peut mieux comment la mondialisation fait perdre au citoyen l’exercice de sa liberté, comment il est une victime presque consentante de ce phénomène.
Nous – les pays occidentaux – sommes les clients de la Chine, comme l’atteste le déficit de nos échanges. Pourtant, c’est la Chine qui appelle au boycott des produits français. L’idée même qu’on puisse s’en prendre au magasin Carrefour de Pékin semble terrifier tout le monde.
L’hypocrisie est générale. Les politiques – ou les sportifs de second rang, pour qui les Jeux ont une importance avant tout politique – demandent aux meilleurs sportifs des actions qu’ils sont eux-mêmes incapables d’entreprendre.
Les activistes occidentaux manifestent dans une ambiance d’opérette, mais finalement la seule façon efficace de peser sur la Chine serait de boycotter les produits chinois (1).
Or ce boycott ne peut pas se faire pour deux raisons:
- En 40 ans, la Chine est devenue un fournisseur important, puis incontournable, puis stratégique. L’outil industriel occidental, c’est la Chine. Le boycotter, c’est mettre à genoux l’économie du monde et nous avons aujourd’hui autant, sinon plus, à y perdre que la Chine. (2)
- En 40 ans, sous l’influence de la publicité qui est son opium, le citoyen démocratique s’est transformé en consommateur dépendant, esclave – ce terme devant être pris au sens marxiste. Il a troqué sa liberté contre son droit à consommer – ou plutôt contre une propension à consommer, mimétiquement catalysée – ce terme devant être pris au sens de Girard – par la publicité.
Ce qui nous fait le plus peur aujourd’hui ? La fermeture d’un Carrefour en Chine !
(1) Voir aussi, sur ce sujet, l’opinion de François de la Chevalerie (Le Monde du 23 avril). En particulier:
Pourquoi n’appellent-ils pas au boycottage des produits chinois ? Piégés par le même réalisme économique qu’ils dénoncent, aucun ne s’y risquerait. Car alors ce serait accepter que le pouvoir d’achat des Occidentaux soutenu par l’accès à des produits à bas coûts chute !
(2) Plusieurs analyses brillantes dénoncent l’origine économique de ce déficit démocratique, lié évidemment à la mondialisation. La meilleure analyse que j’ai pu lire est celle de Bob Reich, ancien Ministre du travail de Clinton et que je vous recommande vivement – c’est un livre simple, clair, original et brillant qui fera date (Supercapitalisme). Aucune analyse, à ma connaissance, n’accorde assez d’importance au rôle central de la publicité dans ce phénomène.
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Consommateurs de tous les pays, unissez-vous ! (A propos du boycott des jeux de Pékin) 24 mars 2008
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 5 344 fois | ajouter un commentaire
Quand mon fils refuse de se coucher le soir, il m’arrive de lui donner d’abord un petit bout de chocolat puis de menacer de l’en priver pour qu’il obéisse. C’est exactement ce que suggèrent tous ceux qui pronent le boycott des jeux de Pékin – on a fait un cadeau à la Chine, on menace de l’en priver pour faire pression.
Mais je doute que cela puisse avoir la moindre chance de succès. Mon fils a 2 ans et ne voit pas au delà du bout de chocolat; la Chine a des milliers d’années et voit loin. En fait, il est très confortable pour elle que la menace ne porte QUE sur les JO, c’est-à-dire sur un événement qui n’a aucune importance réelle.
Pendant ce temps, les « vraies » sanctions, celles qui pèsent et qui, dans notre monde globalisé, ne peuvent venir que des consommateurs, ne sont même pas évoquées.
Il serait de toutes façons injuste qu’on prive les sportifs de leur gagne pain alors que les citoyens-consommateurs – nous tous – sont incapables de prendre la moindre mesure de boycott de produits chinois. Seule une alliance entre tous les consommateurs du monde pourrait permettre de peser sur la politique chinoise : il faudrait pour cela que le consommateur réduise sa dépendance à son opium, la pub.
Consommateurs de tous les pays, unissez-vous !
(Je commencerais plutôt à boycotter les produits canadiens, à cause de ça, et les produits japonais, à cause de ça. Et un tel boycott aurait beaucoup plus de chance d’être efficace car les problèmes en cause sont de « petits » problèmes, en termes politiques et économiques… Les gouvernements céderaient très facilement face à des groupes de consommateurs assez nombreux et fermes).
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Good Action, Doona, alternatives humanitaires à Google. 19 mars 2008
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 6 773 fois | 1 commentaire
Je vous ai parlé, dans un billet récent, de la publicité comme « opium du peuple » – ou plutôt du consommateur. La Publicité nous pousse, par des moyens toujours plus performants et sophistiqués, à consommer toujours plus, ce qui rend le monde plus précaire, le travailleur plus dépendant et « esclave » de son côté consommateur – accessoirement la Publicité est aussi une des causes majeures de la croissance incontrôlée et partant, de la disparition des espèces animales, du réchauffement climatique.
Autre façon de dire la même chose, méfiez vous du gratuit quand il est financé par la publicité (Google, TF1, le Vélib)…
Lors d’une de mes interventions récentes sur le Capital Altruiste, j’ai rencontré Laurent et Guillaume, qui ont créé « Good Action« . Good Action est une régie publicitaire Web qui vous propose le même deal que Google (mettre de la publicité, mettre des liens sponsorisés sur votre site), sauf que l’intégralité de ses revenus sont reversés à des causes humanitaires et environnementales.
On est très proche, philosophiquement, du Capital Altruiste. Il s’agit à chaque fois d’utiliser la force de la mondialisation pour en corriger les effets, en se dotant d’une force de frappe économique.
Même chose chez Doona, un moteur de recherche humanitaire, comme Google sauf que les bénéfices de liens apparaissant dans les pages de résultat vont vers des causes humanitaires.
GoodAction et Doona ne sont encore que des « startups humanitaires », mais Google a mille fois plus à craindre, à terme, de ce genre d’initiatives que de Yahoo, Microsoft, (sans même parler du grotesque Quaero)… Même la technologie ne peut pas grand chose contre les forces de l’esprit.
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La publicité, c’est l’opium du peuple 11 février 2008
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 16 475 fois | 8 commentaires
Dans mes derniers billets, j’ai essayé de mettre en évidence la lutte qui a eu lieu entre consommateur et travailleur depuis une cinquantaine d’années et de mettre ce combat dans une perspective dialectique, selon l’analyse de Marx.
De cette lutte qui est au coeur de la mondialisation et qui structure l’ensemble de l’activité économique, le Consommateur est sorti vainqueur à plate-couture.
La lutte est inconsciente, comme celle qui, pour Marx, opposait le Patronat aux Travail mais elle est d’essence à la fois plus intime et plus universelle car nous sommes tous à la fois consommateurs et travailleurs, oppresseurs et opprimés.
Le jeu des classes sociales ne permet plus de déterminer les bons et les méchants: les conflits se sont internalisés.
Les bras armés de cette lutte ne sont pas la Religion, ni aucune propagande capitaliste, mais la Publicité. Le Marketing a remplacé la Finance. C’est la Publicité qui nous fait voir le Monde sous l’angle du Consommateur, retardant ainsi la « prise de conscience » marxiste, c’est la Publicité qui nous pousse, par des moyens toujours plus performants et sophistiqués, à consommer toujours plus, ce qui rend le monde plus précaire, le travailleur plus dépendant et « esclave » de son côté consommateur – accessoirement la Publicité est aussi une des causes majeures de la croissance, de la disparition des espèces animales, du réchauffement climatique.
Dire que la Publicité est l’opium du Peuple est d’ailleurs inexact. La Publicité est l’opium du consommateur et comme nous sommes tous des consommateurs, c’est un opium universel.
D’autres points de vue sont évidemment possibles.
En termes libéraux, on pourrait dire que la Publicité leurre l’individu en lui masquant son intérêt personnel réel. Influencé par la publicité, le Consommateur agit selon son impulsion immédiate et cette impulsion s’oppose à ses intérêts sur le long terme, qui correspondent en gros à ceux du Travailleur. Le marché est alors déréglé. La « Main Invisible », censée au départ être de nature divine agit au contraire dans un sens diabolique (1). Des forces modératrices doivent rentrer en jeu pour corriger le phénomène, mais ces forces, pour être efficaces, doivent être aussi spontanées et libres.
Créer les forces qui permettent d’obtenir un nouvel équilibre, bénéfique pour tous dans un système capitaliste et libre, c’est le sens profond du Capital Altruiste.
Mais l’interprétation la plus éclairante du phénomène actuel ne me semble pas d’origine économique. Je vous donnerai demain une explication qui fait appel à la théorie mimétique de René Girard.
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La dernière victoire du Capital sur le Travail: le crédit-revolving aux Etats-Unis 10 février 2008
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 7 629 fois | 5 commentaires
J’ai décrit dans un billet récent comment la mondialisation se caractérise par une lutte permanente entre consommateur et travailleur – lutte dont le consommateur est sorti largement vainqueur.
J’en ai donné quelques illustrations, en particulier l’obligation financière de travailler faite aux femmes et l’allongement du temps de travail, particulièrement aux USA, dans les trente dernières années.
Je me rends compte, à la lecture du JDD d’aujourd’hui, que j’ai oublié de parler du crédit aux Etats-Unis.
Le crédit aux USA s’est développé de façon massive dans les 30 dernières années tout simplement parce que le travail des femmes et l’allongement du temps de travail moyen n’ont pas suffi pour que les familles américaines puissent tenir. Le développement du crédit a été, en ce sens, la dernière tentative du monde du Travail pour résoudre l’impossible équation que lui posait le Capital.
Les américains se sont surendettés pour leur logement (ce qui, actuellement, donne lieu à la crise des subprimes) et se sont endettés pour leur consommation.
Le JDD parle de 1000 milliards de dollars de crédit-revolving et ce simple chiffre rend la récession américaine inévitable (si, si…vous verrez !) . On voit mal en effet comment le consommateur américain pourrait continuer à consommer alors qu’ils ne pourra plus emprunter pour se loger (crise des subprimes), pour consommer (crise à venir du crédit-revolving) et que le cours du dollar ne lui permet de toutes les façons plus d’acheter grand-chose.
(La suite de ce billet: pourquoi la publicité, c’est l’opium du peuple.)
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- Quelques exemples de la lutte entre le consommateur et le travailleur: du travail des femmes au vélib.
- Vous consommiez ? J’en suis fort aise. Eh bien: travaillez maintenant !
- Les formes élémentaires de la névrose (3) : l’aliénation consommatrice
- Crise économique, d’abord.
















Quelques exemples de la lutte entre le consommateur et le travailleur: du travail des femmes au vélib.
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 7 067 fois | 5 commentaires
Une illustration de mon billet : Vous consommiez ? J’en suis fort aise. Eh bien: travaillez maintenant !
Sur le travail des femmes
Présenté comme une libération, la mise au travail des femmes (en tant que salariées) n’est rien d’autre que le symptôme d’une société où une famille ne peut plus vivre avec un seul salaire. Dans le même temps, l’afflux de main d’œuvre ainsi créé contribue encore à la baisse de valeur de cette main d’œuvre. Phénomène marquant de la deuxième moitié du XXème siécle, c’est bien une première victoire du Capital sur le Travail.
Les femmes y ont gagné « l’indépendance économique » (le droit de devenir des consommatrices à part entière) et c’est dans l’allégresse générale qu’elles ont, en gros, troqué l’heure quotidienne passée à faire la lessive contre l’heure de travail qui permet de financer le dernier modèle de lave-linge.
Sur l’allongement du temps de travail
Le travail des femmes ne suffisant plus, les pressions sont nombreuses depuis des années pour que le temps de travail général soit allongé. Ceci concerne, en vrac, la durée hebdomadaire du travail, l’âge de la retraite, le travail le dimanche, etc… En France, l’allongement du temps de travail dans les faits est une tendance toute nouvelle, mais c’est une tendance lourde des 30 dernières années aux Etats-Unis. A chaque fois, la nécessité de l’allongement du temps de travail est présentée – et accepté par la population- en faisant passer l’angle du consommateur. Il faut « travailler plus pour gagner plus », il faut « avoir le droit » de pouvoir acheter le dimanche, de travailler après 65 ans, etc…
(Pourtant, en y réfléchissant, notre société fait travailler en gros deux fois plus de personnes qu’il y a 60 ans… Sans compter les nombreux gains de productivité… Donc nous devrions pouvoir travailler au moins deux fois moins qu’il y a 60 ans. L’inconscience de ce phénomène, c’est la deuxième grande victoire du Capital sur le Travail).
Je terminerai avec deux anecdotes, d’une portée beaucoup plus limitée mais qui résument bien, je pense, l’esprit du temps.
Le vélib à Paris
L’initiative vélib est évidemment très populaire et Delanoe lui devra en grande partie sa réélection. Sa popularité tient en gros à la sacro-sainte gratuité (encore une fois l’idéal absolu du consommateur roi). Tout le monde a la conviction que Delanoë s’est montré un excellent gestionnaire car le coût du Velib pour la municipalité est nul – et même, elle y gagne une redevance.
Mais le problème, c’est que l’opération est financée par la publicité (en l’occurrence Decaux). Et, comme je l’ai montré dans mon billet précédent, il se trouve que c’est la publicité qui, en plaçant le consommateur au centre du monde a fait – de façon bien involontaire, indirecte et différée – gagner le consommateur au détriment du travailleur.
[Accessoirement, la publicité et le marketing qui développent à l’extrême notre propension à consommer sont, à ce titre, les responsables idéologiques du réchauffement climatique.]
Si Decaux accepte l’affaire, c’est que le gain qu’il retire de l’augmentation de la propension à consommer du consommateur parisien est nettement supérieur au coût des vélos. En gros, le consommateur, entraîné par la publicité à consommer plus (donc à travailler plus, donc à accroître sa précarité financière, donc à plus réchauffer la planète…), financera ainsi les vélos parisiens.
Quoi qu’on pense du vélib, c’est donc une opération montée dans une pure logique de droite.
Qu’une municipalité dite socialiste choisisse un tel montage est on ne peut plus significatif de la perte totale de repères à gauche. Une municipalité moderne de gauche devrait avant tout chercher à limiter la place de la publicité dans l’environnement – tout le contraire de ce qui se passe à Paris.
La fin de la publicité sur les chaines publiques.
Un espace de communication libre de toute publicité va être financé par le prélèvement d’un impôt sur la consommation et, surtout, sur la publicité des autres chaînes.
Il s’agit donc, pour les raisons exposées ci-dessus, d’une mesure qui est absolument de gauche – et qui accessoirement peut avoir des effets extrêmement positifs.
Encore faut-il que les chaînes ainsi créées ne deviennent pas les valets du pouvoir en place, un lieu de copinage et de clientélisme comme l’est devenu le monde culturel français ou une zone de médiocrité et de non performance comme ont tendance à le devenir beaucoup d’entreprises dont les ressources sont assurées et le marché plus ou moins protégé.
La gauche devrait avant tout s’attacher à obtenir les garanties nécessaires au succès de cette mesure, c’est-à-dire définir les organes de nomination et de contrôle, les critères de performance d’une telle chaîne – le financement n’est par ordre d’importance que le troisième paramètre de succès.
Au lieu de ça, de façon démagogique, elle concentre uniquement ses critiques sur le problème du coût et du financement de la mesure.
Il faut dire que cela fait longtemps qu’elle a abandonné l’espoir même d’évaluer objectivement les entreprises gérées par l’état – au nom de la défense idiote, idéologique, tous azimuts, du concept de « service public ».
Et l’idée même d’un processus de nomination performant, relativement indépendant des influences politiques, des dirigeants et des futurs employés d’une telle chaîne paraît saugrenue à droite comme à gauche.
Qui s’est allé à la façon dont sont choisis les instances dirigeantes et le personnel de la BBC, par exemple ?
Une autre illustration importante : la crise des subprimes et du crédit à la consommation aux US.
Billets associés :- Une explication mimétique de la crise financière (pourquoi nous sommes tous coupables)
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"L’occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine" 8 février 2008
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 5 786 fois | ajouter un commentaire
Le Pen vient de prendre 6 mois avec sursis à cause de cette déclaration.
Combien donneriez-vous à Danny Williams, premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador ou à Stephen Harper, premier ministre du Canada, lorsqu’ils affirment que « la chasse aux phoques n’est pas cruelle » ? (1 millions de phoques tous les 3 ans, pour quelques dizaines de dollars / phoque…voir la vidéo, si vous avez le coeur bien accroché)
Combien donneriez-vous aux officiels japonais qui autorisent la chasse à la baleine « pour des raisons scientifiques » ?
Outre qu’elle y perd toute notion de respect de soi et de dignité, l’espèce humaine est en train de mourir de cette capacité à mettre toute émotion de côté pour agir de façon dite « rationnelle » ou « matérialiste ». Les génocides du XXème siècle, le réchauffement climatique, le massacre des phoques n’ont pas d’autre cause.
Essayons les émotions, pour changer.
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