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Chez Sciences et Avenir, la science est délire 26 avril 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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Cet article de Sciences et Avenir « démontre », grâce à un raisonnement pharmacocinétique (sic !) qui atteint des sommets mathématiques, que l’hydroxycholoroquine (HCQ) ne peut fonctionner in vivo car il est impossible d’atteindre dans le corps humain les concentrations efficaces in vitro (0.335 microg / ml). Pour ces brillants mathématiciens, preuves à l’appui, il faudrait 13 g / jour d’HCQ (dose plusieurs fois mortelle, le traitement de Raoult ne prescrit « que » 600 mg / jour).

Et voici donc Madame, pourquoi votre hydroxychloroquine ne saurait fonctionner.

Petit problème: la concentration moyenne en HCQ mesurée dans l’étude 2 de Raoult (table 1) est de 0.26 microgramme / ml (avec encore une fois non pas 13 g, mais 600 mg de HCQ). Ceci suggère une concentration comparable aux études in vitro et donc bien au contraire une certaine efficacité de HCQ en environnement in vivo.

Qui plus est, on constate que, pour les malades pour lesquels le traitement n’a pas fonctionné cliniquement, cette concentration est tombée à 0.20 microg/ml (soit une baisse de 30%) et ceci suggère encore que, comme le traitement n’opère pas si la concentration en HCQ baisse, la HCQ joue bien un rôle dans l’amélioration clinique du malade.

Le problème avec toutes ces critiques dites « scientifiques », c’est que ceux qui les font n’ont le plus souvent absolument aucune expérience clinique. Le clinicien expérimenté connaît, depuis longtemps, par l’expérience, la concentration moléculaire qu’il obtient dans le corps humain. Il n’a pas besoin de faire un calcul, absurde qui plus est.

Et ici, il n’y a non seulement aucune expérience clinique mais aucune réflexion tout court: il est évident que les expériences in vitro n’ont été suivies de test in vivo que parce qu’on savait que la concentration en HCQ in vitro pouvait être obtenue sans trop de risque in vivo (au moins pour ce qui est des ordres de grandeur). C’était une condition nécessaire. Sinon, on peut aussi faire avaler de l’eau de javel aux patients, après tout ça marche in vitro. Si on ne le fait pas, il y a une bonne raison…

Encore une fois, la « Science », mais au petit pied.

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L’observation empirique indirecte en sciences, le protocole, Einstein et Raoult 22 avril 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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Un des plus beaux papiers d’Einstein concerne l’étude des causes du mouvement brownien. En 1905, on supposait l’existence des atomes. On ne pouvait évidemment pas les voir, il n’y avait aucune expérience décisive pour les mettre en évidence. Deux camps s’opposaient : les conservateurs avec des physiciens tels qu’Ostwald ou Mach. Les atomistes convaincus (JJ Thomson, Rutherford) – et Marie Curie qui, allant en quelque sorte au-delà de la chimie, avait commencé à observer la radioactivité : des particules qui n’étaient déjà plus des atomes.

Qu’est-ce que le mouvement brownien ? Brown avait observé que des poussières, placées dans un liquide s’agitent spontanément. Ces poussières ne sont visibles qu’au microscope, mais sont infiniment plus grosses que les atomes eux-mêmes.

Einstein a supposé que l’eau était constituée de molécules, que celles-ci-ci bougeaient selon une loi conjecturale à l’époque, la loi de Boltzmann (autre atomiste convaincu). Et il a montré que si c’était le cas, les poussières visibles bougeraient exactement de la façon observée. En fait, son calcul permettait de calculer le nombre d’Avogadro (#atomes / mole) d’après la façon dont les poussières zigzagaient (changeaient de direction). Et il a abouti à une estimation correcte de ce nombre. La simple correspondance exacte, au sens statistique, entre les zigzags observés des poussières et les calculs d’Einstein a suffi.

Après le papier d’Einstein, la communauté scientifique a conclu: il n’y a plus eu de débat sérieux sur la réalité des atomes. Sans autre observation directe. Parce qu’on ne pouvait pas imaginer qu’on arrive à un tel résultat par hasard. Et la physique est pourtant une science très dure, presque mathématique. Bien plus dure que la médecine au sens où les explications et les confirmations expérimentales y sont généralement plus fortes et plus précises quantitativement.

« Du fait de la compréhension de l’essence du mouvement brownien, soudainement, tous les doutes se sont évanouis concernant la validité de l’interprétation (atomiste) de Boltzmann des lois thermodynamiques », Einstein, 1917

(A noter que Boltzmann n’a pas dû cependant être tout à fait au courant. Un des plus grands génies du XIXème siècle se suicide en 1906, avant que son travail ne soit reconnu.)

Einstein avait 26 ans. C’était un inconnu qui publiait tout juste son 2ème papier. Sa « preuve » avait un côté circulaire, ne reposait que sur un calcul théorique, lui-même bourré d’hypothèses nouvelles, très ingénieuses, mais non expérimentalement prouvées: il s’appuyait en particulier sur les équations de Boltzmann, elles-mêmes supposant l’existence des molécules, pour prouver l’existence des molécules… Le raisonnement était en gros : « Cette façon de considérer les choses donne très bien les caractéristiques du mouvement brownien. Les autres tentatives d’explication échouent et nous n’arrivons pas à en envisager de nouvelles. Donc les atomes existent. Et voici leur masse. »

Pour donner à des non physiciens quelques explications simples, on pourrait imaginer que les poussières, que je compare à des grosses boules de bowling recevant en permanence des chocs de milliards de tête d’épingles arrivant de toutes parts (les molécules) ne devraient pas bouger, ces chocs s’annulant les uns les autres. Mais en fait, non, les poussières bougent pour la même raison qu’au casino, à la fin de la soirée, il y a parmi tous les joueurs des perdants et des gagnants à la roulette (comme c’est un jeu à somme quasi-nulle, on peut prédire qu’en moyenne, chaque joueur a perdu un peu à chaque fois qu’il a joué; l’équivalent de 1/37ème de ses enjeux, mais certains sortent cependant avec un gain important ou une perte importante: ils sont l’équivalent statistique des poussières qui bougent). Ce qu’imagine Einstein, c’est un peu comme si on pesait les joueurs à la sortie d’un casino. Leur poids change en fonction du nombre de jetons qu’ils ont gagnés – ou perdus – à la roulette. A la fin de la soirée, Einstein vous confirme que les joueurs ont bien joué au casino (ce dont vous n’étiez pas certain, peut-être même pensiez-vous que les casinos n’existaient pas) et vous donne le nombre de roulettes dans le casino ainsi que la valeur des jetons !

Je me demande quel accueil la « communauté scientifique » d’aujourd’hui, tellement à cheval sur la perfection méthodologique et le Protocole, lui ferait… « Preuve circulaire, non confirmée par l’expérience, erreur de calculs grossière (car oui, il y avait en plus une grosse erreur de calcul !). »

A l’époque d’Einstein, il devait y avoir moins de 50 personnes au monde, peut-être 10 génies, capables de comprendre réellement son papier. Et ils l’ont compris au bon niveau, sans faire attention à ce qui n’allait pas. D’autres papiers d’Einstein ont été plus contestés mais avec des arguments très pertinents. Aujourd’hui, des milliers d’étudiants de maîtrise peuvent reproduire les calculs, mais la valeur réelle du papier n’est pas uniquement dans les calculs. Très peu d’étudiants sont à même de saisir le subtil mélange de raisonnement, d’intuition, de conviction, de découverte, de preuve, d’erreur de modélisation assumée (car ne jouant pas sur le résultat) qui ne repose sur rien d’autre que ce qu’on doit se résoudre à appeler finalement « le sens physique » d’Einstein et des physiciens de l’époque. Presque tout le monde croit que le papier d’Einstein est une preuve, ce qu’il n’était pas. Par exemple, ce n’est que 10 ans plus tard qu’on a pu valider quantitativement la valeur du nombre d’Avogadro donnée par Einstein.

Et paradoxalement, alors que beaucoup plus de gens sont capables aujourd’hui de comprendre le contenu mathématique de son papier, il est probable que beaucoup d’entre eux, s’ils le découvraient sans tout le respect dû à Einstein, le descendraient en flammes tellement tellement il y a de « raccourcis » dans le raisonnement, tellement il ne constitue pas, en tant que tel, une preuve – sauf si on est un grand physicien. Qui plus est, le papier est très court – volonté d’élégance; les choix conjecturaux faits sont souvent implicites ou à peine mentionnés. S’il y avait eu à l’époque des méthodologistes de la preuve, des fanatiques du Protocole, analogues à ceux qui analysent par exemple les papiers de Raoult, ils auraient pourri la vie d’Einstein, c’est certain. En fait, les « reviewers », de nos jours, devraient eux aussi être soumis au double aveugle ! La démocratisation de la science est une belle chose, mais elle peut s’opposer à la science.

L’esprit humain est toujours à même d’inventer de belles preuves, directes ou indirectes, protocolaires ou en dehors de tout protocole ou méthode préexistante.

L’étude brésilienne sur le traitement hydroxychloroquine / AZT, que j’ai commentée ici, est le type même, en évidemment bien plus simple et moins génial qu’Einstein, de ce genre d’observation indirecte. Dans cette étude, pas besoin que tous les patients diagnostiqués soient atteints. Même si seulement 50% le sont, l’étude est concluante. C’est indirect et probant.

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Hydroxychloroquine : les américains aussi étudient n’importe quoi 21 avril 2020

Par Thierry Klein dans : Non classé.
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Une étude américaine qui conclut à l’inutilité de l’hydroxychloroquine, mais qui a eu tout faux (traitement donné à un mauvais moment, qui a sans doute tué certains malades). Je commente rapidement, il n’y a aucun enseignement, dans un sens ou dans l’autre, à tirer de cette étude.

a) le taux de mortalité indique que les patients étaient atteints de façon sévère et à un stade avancé de la maladie. On sait que le couple HC / AZT ne fonctionne probablement plus à ce stade (au contraire, son effet est probablement négatif). En tout état de cause personne, même pas Raoult, ne conseille son usage à un stade trop avancé.

b) Surtout, ils ont pris 19 patients du groupe « sans HC » et les ont reversé au moment de la ventilation dans les groupes « HC » (Table 1) ! Patients dont ils ont aggravé l’état et qu’ils ont compté au négatif des groupes « HC ». Cela correspond à un transfert de 12% des patients en cours d’étude et est susceptible d’inverser totalement les conclusions. N’importe quoi.

c) Beaucoup de patients avaient des pbs cardiaques et il semble qu’ils n’aient fait aucun suivi ECG. On ne connaît pas les doses de HC données mais ils ont sans doute tué ces patients sans sourciller… Incroyable.

d) « hydroxychloroquine [..] was more likely to be prescribed to patients with more severe disease, as assessed by baseline ventilatory status and metabolic and hematologic parameters ». Bref, les + malades, à un stade trop avancé, ont suivi le traitement. CE QU’IL NE FAUT PAS FAIRE !

e) Soi disant ils ont « compensé » les déséquilibres entre groupes avec une formule mathématique destinée à corriger leurs statistiques. C’est beau, mais une telle formule n’existe pas. On ne sait pas à ce jour estimer la probabilité de décès en fonction de l’état d’entrée du malade. Enfumage total.

f) Tout ceci est très similaire à l’essai de Paris, dont les auteurs en devraient pas être fiers. Voir « Une étude criminelle sur le coronavirus à Paris »

g) on touche toute la limite éthique de tels essais où les malades ne sont plus que des objets au service de médecins « Dieu » – sans même aucun bénéfice pour la science en l’espèce car une telle étude ne sauvera jamais aucun malade. Vérifier que HC donné à des maldes cardiaques sans contrôle tue, que donnée trop tardivement elle n’aide pas à la guérison, tout le monde peut le faire, ça n’a aucun intérêt. Voir « “Je ne suis pas Dr House, mais…” ».

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Ci-gît le progressisme [1633-2020] 18 avril 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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[Je publie ce billet alors qu’il n’est pas totalement finalisé – il m’a certainement entraîné un peu plus loin que prévu et doit être partiellement raccourci et réécrit. Je le publie cependant parce qu’au-delà de ses lacunes formelles et de style, les idées qu’il contient me semblent importantes et je n’ai pas l’occasion de les lire ailleurs. On voit les prépublications scientifiques fleurir en ce moment, pourquoi n’aurais-je alors pas le droit de pré-publier un simple billet de blog ?]

Depuis Galilée, la science s’oppose à la religion

Pour comprendre le monde d’aujourd’hui, on peut tenter d’imaginer ce qui serait advenu si Galilée avait eu tort. Il faut se souvenir que Galilée n’apportait nullement la preuve de ses affirmations et que ses idées étaient beaucoup plus contestées – et scientifiquement contestables, dans le contexte de l’époque – que ne l’est aujourd’hui, par exemple, la thèse du réchauffement climatique. Sur certains aspects, Galilée se “plantait” même royalement et ses “Dialogues sur les deux systèmes du monde” fourmillent de graves erreurs, sans parler de leur partialité qui lui a valu sa condamnation. Si Galilée, donc, avait eu scientifiquement tort, sa condamnation serait apparue comme justifiée et la science, ainsi que probablement les sciences humaines, se seraient durablement rangées du côté des religions.

En condamnant Galilée, L’Eglise a perdu une chance unique, celle de mettre la raison de son côté. L’Eglise est sortie de la science. Depuis 1633, la grande majorité des intellectuels, des scientifiques, des esprits éclairés européens ont été de façon somme toute naturelle en opposition avec la religion, celle-ci étant incarnée par l’Eglise Romaine.

Qu’est-ce que le progressisme ?

Les progressistes sont les héritiers de cette tradition anticléricale. Kundera rappelle que les communistes tchèques rassemblaient au départ la meilleure partie de la population du pays, la plus dynamique, la plus éclairée, la plus avancée.

“ C’était en 1948, les communistes venaient de triompher… nous avions toujours quelque chose à célébrer, les injustices étaient réparées, les usines nationalisées, des milliers de gens allaient en prison, les soins médicaux étaient gratuits… Nous avions sur le visage quelque chose du bonheur… Puis un jour, j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas dire, j’ai été exclu du parti et moi aussi, je suis sorti de la ronde.”

Kundera, Le Livre du Rire et de l’Oubli.

Opposition à l’Eglise, volonté de progrès, avance intellectuelle face à des esprits conservateurs la plupart du temps peu éclairés, tout ceci a été depuis quatre siècles, depuis Galilée, intimement lié.

Aujourd’hui, les progressistes se vivent comme les héritiers des Lumières, les représentants sur terre de la raison humaine. Ils ont « compris » que l’Eglise est l’opium du peuple et ils ont « déconstruit » les privilèges sociaux. Grâce aux progrès de la technique, le savoir n’a jamais été aussi accessible. Grâce aux progrès de la médecine, l’espérance de vie n’a jamais été aussi élevée. La supériorité de la raison sur la nature n’a jamais été aussi criante et tous ces progrès sont perçus à la fois comme des preuves et des confirmations du bien-fondé du progressisme. Si ce n’est pas l’âge d’or, ça y ressemble. De toutes les façons, ce sera certainement l’âge d’or demain puisque science, technologie, économie et réformes de société nous emmènent vers un monde meilleur.

Bien sûr, il y a quelques résistances, mais elles sont passagères, une simple transition dans l’histoire. Grosso modo deux groupes résistent : les conservateurs / réactionnaires, en haut de l’échelle de la société, protègent leurs privilèges. Et pour les plus pauvres, en bas de l’échelle, qui n’ont pas bien compris les concepts pourtant tout à fait rationnels sur lesquels le progressisme repose, il faut bien parler d’aliénation inconsciente. L’Education n‘a pas encore totalement fait son œuvre, ça viendra.


« Qui oserait dire que ce qui est nouveau ne soit pas beau » ?

Un glissement fondamental s’est opéré à l’ère moderne, glissement qui remonte au moins au marxisme. Progressivement, si j’ose dire, le progressisme, qui était un espoir dans le progrès, espoir qui se vivait encore, au temps de Jaurès par exemple, comme une lutte en devenir contre les puissances établies, est devenu une foi dans le progrès et même une foi dans le changement.

Les progressistes sont devenus ceux qui, selon le mot d’Apollinaire, pensent que tout ce qui est nouveau est beau. Le progressisme exclut de facto les gens comme moi qui ont simplement espoir dans un progrès souhaitable et non foi dans le progrès. Vouloir choisir à la carte, parmi tous les changements qu’on propose, ceux qui sont bons et ceux qui sont nuisibles, c’est être condamné à se voir rapidement classé parmi les conservateurs, voire les réactionnaires.

Le courant d’extrême-gauche, même s’il est minoritaire parmi les progressistes, a toujours rejeté ainsi ses contradicteurs, depuis la révolution d’Octobre. A un moment, il faut sortir de la ronde.

Le courant progressiste social-libéral-capitaliste dirige le monde (il correspond en quelque sorte France au macronisme), Ils sont pour l’Europe, symbole de paix et de progrès. Pour le libre-échange, symbole d’ouverture. Pour l’immigration, symbole d’égalité. Pour le droit des minorités, symbole de tolérance. Etc. Tout ceci n’est en rien honteux. Mais ils oublient « qu’en même temps », l’Europe impose aux peuples des lois qu’ils n’ont jamais votées. Que la mondialisation met en concurrence les travailleurs des pays riches avec ceux des pays pauvres. Que l’immigration leur permet en outre de bénéficier d’une main d’œuvre à bon marché au détriment souvent des classes les plus pauvres. Qu’à chaque minorité correspond un nouveau marché, que les nouvelles technologies issues de la révolution numérique permettent de cibler de mieux en mieux et dont leur position au sein du monde capitaliste leur permet de profiter. Bref, la position progressiste est fondamentalement pharisienne, les progressistes ont les idées qui conviennent à leurs intérêts, qui les empêchent de réfléchir au fond des choses. Et tout en croyant être dans la raison, dans l’opposition à toute religion, ils ont en fait développé les caractéristiques d’une église. Ils ont intégré, sans le savoir, tout en s’y opposant, de nombreux dogmes catholiques. En voici quelques exemples.

La foi dans le progrès. La foi dans le progrès (qui a remplacé l’espoir dans le progrès) est d’origine évangélique. Bien que s’opposant au christianisme, les progressistes ont récupéré cette notion de bonne nouvelle se répandant sur la terre. Elle apparaissait dans le marxisme dit scientifique et le « sens de l’histoire » n’était pas autre chose, déjà, qu’un détournement religieux. Mais aujourd’hui, la foi irraisonnée dans le progrès (scientifique, social) dépasse en bêtise tout ce que le marxisme avait pu imaginer et pourtant cette foi est universellement répandue parmi les progressistes. Les exemples abondent et ce billet étant déjà trop long, je vais donc me limiter à la position progressiste face à la révolution numérique. Il y a bien révolution numérique, et cette révolution, comme la révolution industrielle l’a été est à la fois un espoir et un risque pour l’humanité. Il devient de plus en plus évident que pour la plus grande partie de la population, le numérique est une entreprise d’abêtissement et un asservissement. Cependant, un tel point de vue vous fait passer auprès des progressistes pour « pessimiste » ou, pire encore, « opposé au progrès ». Ce point de vue a pénétré l’école au détriment de l’enseignement des enfants et on a vu, tout récemment, une Inspectrice générale de l’Education Nationale prôner la fin de certains enseignements au prétexte que « tout le savoir est déjà dans Google ».

L’humanisme. Les progressistes se veulent humanistes. Mais l’humanisme, consistant à mettre l’Homme au dessus et au centre de tout, à le différencier du reste de la création, est en soi une position religieuse de nature anti-copernicienne, héritée des grecs, et de l’ancien et du nouveau testament.

L’attention portée aux faibles, le culte des victimes. René Girard a montré que ce qui distingue Ancien et Nouveau Testament des autres religions et des mythes, c’est la réhabilitation des victimes. La Bible effectue une révolution copernicienne en prenant le point de vue des faibles (dès le meurtre d’Abel) et en les défendant. Le Nouveau Testament institue littéralement le culte de la Victime. Aujourd’hui, le point de vue « victimaire », souvent perverti, est devenu une des marques distinctives du progressisme.

Le détournement des sciences humaines. La fin de la vérité.
Le progressisme se voulant basé sur la raison, il lui est important d’avoir des confirmations de type scientifique de ses thèses, auquel il peut alors donner le nom de savoir (objectif) et non plus de simple opinion (subjective). Les sciences humaines ont été pénétrées en premier et avec un grand succès – une très large part de ce champ d’études est aujourd’hui plus spéculation boursouflée et idéologie que science. Une fois qu’un secteur universitaire est contaminé, il est très difficile à désinfecter car le mécanisme du « peer review » (sélection par les pairs) a pour conséquence que les mandarins en place vont sélectionner les papiers de recherche, les postes selon les croyances idéologiques plus que sur la qualité scientifique ou intellectuelle des papiers ou des personnes. De fait, les sciences humaines sont largement devenues, selon le mot de Bourdieu, un « sport de combat », une entreprise politique. Mais aux yeux d’une grande partie du public, elles bénéficient du prestige de la science, sont enseignées à l’école en tant que telles. Pour beaucoup d’élèves (et malheureusement de professeurs), Bourdieu dont les constructions sont essentiellement spéculatives (quand elles ne sont pas irréfutables au sens de Popper) vaut Newton. Les interprétations découlant de la « French theory » mise à toutes les sauces, la déconstruction sont des notions admises comme telles, non critiquées et qui donnent à qui les a apprises une fausse impression de « théorie terminale » ou de « théorie du tout », partant, de supériorité intellectuelle. Il en résulte un affaiblissement général de l’esprit critique et de la raison et une grande intolérance. Le dogme sociologique a remplacé la Bible et renvoie à des temps bien plus primitifs puisque pour les adeptes de l’indigénisme ou de la théorie du genre, il y a plusieurs vérités ressenties, ce qui s’oppose de fait au concept scientifique de vérité unique, cette vérité étant elle-même l’objet de toute recherche scientique. En un sens, le courant progressiste renvoie donc aujourd’hui à des temps primitifs, antérieurs au monothéisme, qui n’admet qu’une vérité. Nous verrons qu’il se rend aussi coupable d’idolâtrie.

Le terreau de l’école. Depuis 40 ans l’école, accusée d’être un simple outil visant à légitimer de façon inconsciente la reproduction sociale (cas emblématique d’une affirmation de Bourdieu spéculative et irréfutable), a troqué sa fonction d’émancipation, de transmission du savoir contre la fameuse « lutte contre des inégalités » partiellement irréductibles. L’enseignement de masse n’a pu se faire qu’au prix d’un effondrement du niveau général. Pétrifiée par le chômage, l’école a de plus en plus pour but principal de donner aux élèves des compétences professionnelles, rapidement mobilisables au profit entreprises, et non plus des savoirs profitant aux citoyens. Le niveau des enseignants, paupérisés, est lui aussi en baisse et statistiquement, plus un enseignant est jeune, moins il est éduqué. Dans un tel contexte, les croyances prospèrent. Il est significatif que ce soient les plus jeunes qui condamnent en priorité l’énergie nucléaire alors qu’ « en même temps », ce sont ceux qui craignent le plus le réchauffement climatique – l’enseignement de l’écologie à l’école, depuis 20 ans, tient de fait du catéchisme scolaire.

En synthèse, les progressistes, qui se voient comme des opposants éclairés à toute religion, sont eux-mêmes dans la croyance sans le savoir. Ils refoulent le côté religieux qui vit caché au plus profond d’eux, et une grande confusion, parfois une grande violence, en résultent. Le croyant a tout à fait le droit de l’être, peu importe qu’il croie en la Bible ou en Bourdieu. Mais le croyant devient dangereux à partir du moment où il a la certitude d’être dans la vraie foi (l’Inquisition) ou, ce qui est au fond la même chose, dans la raison alors qu’il ne l’est pas. Les progressistes sont plus que coupés de leurs racines, qui sont clairement d’inspiration chrétienne ; ils les refoulent explicitement. Il suffit de voir leurs réactions hystériques quand ils entendent la phrase maudite, à leurs yeux une sorte de provocation : « les racines chrétiennes de l’Europe ». C’est bien parce qu’elle parle d’eux que cette affirmation ne doit jamais être évoquée.

De quoi le conflit sur la chloroquine est-il le nom ?

Un clinicien un peu baroque, mais pas braque du tout, constate empiriquement que 6 fois sur 6, un traitement fait chuter en 5 jours la charge virale des patients atteint du coronavirus. Il conjecture que cet effet va réduire la durée de contagion et empêcher les patients de basculer vers les formes graves de la maladie. Il connaît à la perfection les molécules du traitement, qui sont de fait sans risque. Il en informe donc la communauté scientifique et enchaîne. L’observation empirique suivie d’une déduction est la base même de la science expérimentale.

Même si ce médecin est renommé, il n’est pas en odeur de sainteté. Il s’oppose à un grand nombre de croyances progressistes ou pire encore, les tient pour non prouvées (réchauffement climatique, modèles épidémiologiques). Il est déjà en dehors de « la ronde » qu’évoque Kundera.

L’idolâtrie du protocole. Selon la « communauté scientifique », son observation empirique viole le protocole. Mais à quoi sert le protocole médical ? C’est un outil censé fixer les meilleures règles possibles pour permettre à chaque médecin de sauver des vies et non pas une fin. La vraie fin de la médecine, c’est le soin envers les malades, c’est sauver des vies. Les principes éthiques régissant la pratique du médecin, immortels, éternels, les seuls qui tiennent, sont inscrits dans le serment d’Hippocrate. Pas dans le protocole.

Au nom du « protocole », le traitement proposé par Raoult est donc qualifié par ses opposants de « non éthique ». Et ce terme même constitue un élément de langage médical qui traduit l’idolâtrie, puisque ce qui n’est pas éthique, en dernière analyse, c’est de nuire au malade, non pas de sortir du protocole. Mettre le protocole, l’outil, au dessus de la vie des malades, la fin, est une forme d’idolâtrie.

Qu’est-ce que l’idolâtrie ? C’est la confusion de la statue avec Dieu. Plus généralement, l’idolâtrie, c’est confondre l’objet et le principe. Harpagon idolâtre l’argent, c’est-à-dire qu’il le confond avec la raison de vivre. Il y a idolâtrie chaque fois qu’on confond la fin et le moyen, le moyen acquérant une telle importance qu’il finit par s’opposer à la fin, aussi élevée soit elle. En bons pharisiens, les progressistes scientifiques s’intéressent à la lettre du traitement plutôt qu’à sa fin, qui est de sauver des vies. Cette cabale contre un traitement pourtant raisonnable (des signes d’efficacité crédibles, pas de risque) rassemble donc 4 éléments :

  1. le retour à des temps religieux pré-monothéistes idolâtres (car l’homme étant un animal religieux, l’abandon des religions « avancées » ne peut que le renvoyer au primitif),
  2. l’ignorance et l’incompétence grandissantes de la communauté scientifique (le lien avec la baisse de niveau scolaire doit être fait),
  3. l’incapacité à agir et les défaillances de l’Etat dans son organisation (les hauts-fonctionnaires constituant la crème de notre système scolaire, le lien avec la baisse de niveau scolaire doit aussi être fait, même si évidemment l’école n’est pas la cause unique de cet affaiblissement) et
  4. la constitution de cette communauté en église inquisitoriale et intolérante (rappelons qu’en France, le traitement a été interdit, alors que jusqu’en janvier la chloroquine était utilisée sans faire appel à ordonnance !).

La raison craque de partout. Les tensions entre croyance progressiste et raison sont devenues permanentes. Sans même en chercher des manifestations politiques au sens partisan du terme, les décisions du gouvernement autour de la gestion de l’épidémie tiennent du plus haut comique – ou tragique, c’est selon.

  • Les frontières du pays n’ont pas été fermées car soi-disant, cela serait manquer d’esprit européen. Ainsi on perd quelques précieux jours dans la gestion de l’épidémie. L’isolation des malades est la clé de la gestion de toute épidémie, depuis l’antiquité.
  • Le refus d’imposer une application sur portable permettant de suivre les personnes infectées et d’endiguer l’épidémie pour des raisons tenant à « l’éthique juridique ». Mais le droit n’est qu’un outil au service de la société, pas une fin en soi. Cependant, pour Laurent Fabius, Président du Conseil Constitutionnel, « Il n’y a jamais de temps pour l’éclipse des principes fondamentaux du droit ». Autre cas flagrant d’idolâtrie. (pour une discussion plus poussée, voir un de mes billets précédents).
  • Pour le déconfinement, Macron ne veut pas de «discrimination» des personnes âgées. Il estime que « L’état d’urgence sanitaire ne justifie pas une telle disproportion dans l’atteinte aux droits ». Autant dire qu’on préfère laisser mourir les vieux plutôt que de les protéger.Cela a autant de sens que de mettre fin à la ceinture de sécurité obligatoire car elle est discriminante pour les automobilistes par comparaison aux gens assis devant leur télé.
  • On refuse donc au nom du Droit idolâtré, d’imposer des mesures jugées « autoritaires » (confinement obligatoire des vieux) ou « liberticides » (application sur portable) mais simultanément, on interdit de façon autoritaire un traitement encourageant qui n’a aucune chance sérieuse de nuire, ceci au détriment du droit du médecin à soigner et du patient à choisir son traitement (décret du 29 mars 2020).

La pression du populisme

Du fait de leurs échecs et contradictions, les progressistes sont partout sous la pression des populistes, ce qui amplifie leurs erreurs et contradictions. Souvent, ils agissent en simple réaction aux positions populistes (ainsi, si l’Europe était moins remise en question, il aurait sans doute été plus facile au gouvernement de comprendre que les frontières devaient être fermées. Si Trump n’avait pas très tôt promu le traitement du Pr Raoult, il aurait été plus facile de le suivre en France). En outre comme toute église, ils jettent l’anathème. Ils accusent de populisme tous ceux qui sont « sortis de la ronde ». Ainsi, si le populisme est devenu si populaire, c’est en grande partie de leur faute.

L’objectif de ce billet n’est pas de faire l’analyse du populisme, mais si on définit le populisme comme l’opposition au progressisme, on peut y distinguer aussi deux grands courants de « pensée » : un courant religieux-superstitieux, d’une bêtise crasse et un courant rationaliste, qui a tout simplement constaté les dangers du progressisme, qu’il faudra bien différencier du populisme démagogique et sur lequel il faudra, à mon avis, fonder l’avenir.

Que demandait l’Eglise à Galilée ? Des preuves formelles, que Galilée ne pouvait apporter à l’époque. Que demande l’inquisition scientifique à Raoult ? Des preuves formelles. Et comme les preuves que les pharisiens demandent à Jesus, il s’agit évidemment dans les deux cas d’un piège. Il faut noter aussi que le tribunal scientifique moderne est bien plus ignorant que celui de l’Inquisition: Galilée a été condamné par un tribunal de savants, majoritairement d’accord avec lui sur le fond, mais qui a appliqué le droit de l’époque, droit qui disait que les Ecritures ne pouvaient être remises en cause sans preuve. La phrase qu’on prête à Galilée (”Et pourtant, elle tourne !”) est probablement apocryphe, mais elle aurait sans doute pu être prononcée par la plupart des membres du tribunal le condamnant !

Au contraire, la communauté qui condamne Raoult avec une très grande violence, on le voit sur les réseaux sociaux, est persuadée de son bon droit, persuadée de l’erreur insigne et du cynisme de Raoult puisque cette « erreur », elle ne conçoit même pas qu’il puisse la faire, au double sens du terme, de « bonne foi ».

Qu’on ne se méprenne pas. Raoult n’est évidemment pas Galilée, mais la « communauté scientifique », c’est bien l’Inquisition. Le monde ne pardonnera pas l’erreur de jugement du tribunal progressiste. Parce que c’est une insulte à la raison grave, qui a tué. La raison est un instrument délicat, un aiguillon permanent de la conscience et les défections vont être, au fur et à mesure du temps, de plus en plus nombreuses dans le camp progressiste. Dans les prochaines années, ceux qui pensent devront le faire non seulement en dehors mais contre les chapelles et les institutions progressistes.

Mesdames et messieurs, ce qui s’écroule sous vos yeux aujourd’hui, ce grand cadavre à la renverse, c’est le progressisme.

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Un hebdomadaire qui paraît le mercredi 12 avril 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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Mais que j’aime ce journal. La raison est un instrument extrêmement délicat soumise en permanence à la pression sociale, que Platon nomme « le gros animal », qui la fait très facilement dévier. De tout temps, l’absence de toute publicité a aidé le Canard à pointer l’aiguille de l’intelligence dans la bonne direction.

Pour s’être opposé au gros animal, Raoult mérite probablement notre reconnaissance éternelle. Mais il n’aura jamais le prix Nobel, pour deux raisons.

D’abord la « communauté scientifique » ne lui pardonnera jamais jamais sa méthode, qu’elle considère comme une offense. Raoult fait prix Nobel serait l’équivalent de Galilée fait pape.

Ensuite et surtout, Raoult ne mérite pas le prix Nobel car il n’a rien apporté à la science. Son traitement, même s’il sauve des vies, est un assemblage astucieux et chanceux à la fois de molécules existantes, pas une découverte scientifique.

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« Je ne suis pas Dr House, mais… »

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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L’épisode 21 de la saison 3 de Dr House, “Family”, pose de façon clinique (c’est le cas de le dire) les problèmes éthiques auxquels est soumise la communauté médicale. Quelle responsabilité le médecin peut-il prendre sur la vie des patients ? Suivre le protocole est-il toujours dans l’intérêt du malade ? Il permet d’illustrer le dilemme auquel la communauté médicale est confrontée dans le cas du coronavirus, en mettant en scène le conflit éthique entre l’intérêt du malade et le respect du protocole.

Il n’est pas raisonnable de laisser la responsabilité de ces choix aux seuls médecins, d’abord parce que les problèmes posés étant de nature philosophique plus que scientifique, ils concernent chaque citoyen; ensuite et surtout parce que j’entends montrer que ces choix sont nuisibles à la santé mentale des médecins eux-mêmes.

  1. L’assistance à personne en danger

L’aîné est atteint de leucémie. Il doit, pour survivre, recevoir sous 5 jours une transplantation de moelle osseuse provenant du cadet, sinon il mourra. Mais le cadet tombe malade, ce qui empêche toute transplantation car l’aîné a perdu toutes ses défenses immunitaires.

House décide de rendre le cadet encore plus malade, en le soumettant à des bains glacés. En accélérant la progression de la maladie, il espère pouvoir la guérir ensuite plus rapidement pour sauver l’aîné.

Ce faisant, House effectue (implicitement) un calcul de nature utilitariste. Si une vie humaine vaut 100 (la vie de l’aîné) et qu’on met la souffrance du cadet dans le bain glacé à 10, House calcule que sa solution « vaut » 100 – 10, soit 90. L’autre solution (pas de bain glacé), vaut 0 (l’aîné meurt, le cadet ne souffre pas).

Pas de traitement Solution House
Aîné 0 100
Cadet 100 100 – 10 = 90
Valeur totale 100 190

Tous les médecins acceptent sans rechigner cette solution, ainsi que les parents. Elle ne semble poser de problème éthique à personne. De fait, elle n’en pose pas : le cadet va passer un mauvais moment, certes, mais sauve ainsi son frère. C’est une forme d’assistance à personne en danger. Je pense que tous ceux qui liront ce billet accepteront ce choix.

  1. Handicap léger contre vie

Les bains glacés mettent en évidence que l’infection est située dans le cœur du cadet. Deux solutions : 1 mois d’antibiotiques pour le cadet (et l’aîné meurt) ou une opération à cœur ouvert, risquée et qui laissera des séquelles physiques qualifiées de légères, mais permanentes.

House propose la deuxième solution, toujours à cause du même raisonnement implicite (Si la vie vaut 100 et la souffrance du cadet vaut ici 40, la solution « vaut » 60. L’autre solution vaut 0).

Pas de traitement Solution House
Aîné 0 100
Cadet 100 100 – 40 = 60
Valeur totale 100 160

A noter que cette fois-ci, la proposition est contestée sur le plan éthique par un médecin, au motif que la souffrance du cadet sera très importante et le handicap qui suivra sera léger, mais permanent. Les médecins s’en remettent aux parents, qui décident, après hésitation, de suivre le choix de House.

Ce choix est déjà nettement moins évident puisque les médecins sont partagés et que les parents hésitent.

Un problème éthique se pose en effet. C’est qu’il y a une forme de troc entre les patients. La solution globale proposée par House est certes globalement meilleure mais elle transfère les conséquences de la maladie de l’aîné vers le cadet. Il y a mutilation du cadet, non malade au départ, pour sauver l’aîné et celle-ci se fait sans le consentement du donneur. C’est pourquoi les parents hésitent, c’est pourquoi un des médecins n’est pas d’accord. Il n’y a accord final que parce que le handicap est censé rester léger. Ce cas est très similaire au cas d’un patient qui donnerait son rein pour sauver un malade sous dialyse.

3. Le cas du handicap lourd ou de la mort, le sacrifice,

Que se passe-t-il si on substitue à un handicap léger un handicap lourd dans le schéma précédent.

Notre société donne une valeur presqu’équivalente à la mort et à un handicap très lourd. On autorise par exemple un avortement thérapeutique hors délai lorsqu’il est prouvé que le fœtus est anormal ou a le risque d’être gravement anormal. On tend de plus en plus à mettre fin à la vie s’il est prouvé que « la vie qui reste » devient littéralement invivable (souffrance permanente ou même absence définitive de sensation, comme cela a été le cas dans l’affaire Lambert).

Si on admet que le handicap lourd a valeur de mort, le troc médical proposé précédemment par House a un nom : sacrifice.  Nous sommes en présence d’un sacrifice humain déclenché par les médecins. On comprend que la mise en œuvre d’une telle solution ne coule pas de source. Je pense que la plupart des lecteurs de ce billet, médecins ou non, n’admettraient pas que le médecin « choisisse » qui doit mourir, tue un patient pour en sauver un autre. Le médecin est un sauveteur, il n’est pas Dieu.

4. Ethique et protocole

C’est pourtant exactement la solution que le protocole médical qualifie d’éthique. Ce que la communauté scientifique reproche au Pr Raoult à Marseille, c’est de ne pas mettre en œuvre ce choix sacrificiel.

Qu’y a-t-il derrière le terme « échantillon de contrôle » préconisé par le protocole et soutenu par un grand nombre de chercheurs et de médecins ? Tout simplement le fait que certains malades vont recevoir un traitement, potentiellement moins bon, dans le simple but d’augmenter la certitude que le traitement à tester fonctionne.

L’éthique du protocole, c’est donc ici une généralisation de la stratégie du sacrifice. C’est le médecin Dieu.

Avec le paradoxe suivant pour le médecin : si le Pr Raoult a la conviction que son traitement fonctionne, on lui demande de sacrifier des vies en ne leur donnant pas le traitement, ce qu’il ne peut éthiquement pas faire. S’il consentait à suivre le protocole pour satisfaire la communauté scientifique, il se montrerait simplement lâche.

Il n’y a pas besoin d’être médecin pour comprendre que cette généralisation ne va pas de soi.

Et non seulement cette généralisation ne va pas de soi, mais elle est contraire à la philosophie qu’ont la plupart des médecins de leur pratique. « On » utilise donc un certain nombre de techniques-leurres destinées à cacher au médecin, à la communauté scientifique, aux citoyens la réalité de leur acte, à dégager leur responsabilité. « On » ne signifie pas qu’il y ait complot, ni responsabilité en tant que telle. Ce besoin de ne pas creuser la situation est tout simplement inscrit dans la condition humaine.

5. Le voile d’ignorance

La prise volontaire d’une vie fait du médecin un Dieu. Elle viole aussi une loi fondamentale des sociétés humaines – qui préfèrent le cas échéant s’en remettre au hasard, une sorte « d’axiome du non choix« . La responsabilité humaine du troc médical étant impossible à assumer, la communauté scientifique s’en remet effectivement au hasard, dont le nom scientifique est « randomisation », et au bien nommé « double aveugle ».

Le hasard d’abord : les malades sacrifiés (échantillon de contrôle) seront tirés au sort, le médecin n’aura donc aucune responsabilité formelle dans leur désignation. C’est une forme sophistiquée du tirage à la courte paille, sur les bateaux. Tirer à la courte paille le marin qui sera mangé est en effet plus acceptable, humainement, que de le désigner par un vote ou que de choisir le plus faible.

Le double aveugle : le médecin ne sait pas qui est ou n’est pas dans l’échantillon de contrôle. Ne sachant pas qui il tue, il n’a pas de sentiment de culpabilité personnelle. Ainsi, dans un peloton d’exécution, on ne met des balles réelles que dans quelques fusils, de façon à ce qu’aucun soldat n’ait la certitude d’avoir personnellement exécuté le condamné. La lapidation tient aussi de ce processus : nul ne sait qui a jeté la dernière pierre, celle qui a tué.

Les techniques de dissimulation ci-dessus sont donc aussi vieilles que  l’humanité. Le protocole médical n’est qu’un outil d’impersonnalisation visant à masquer la réalité du sacrifice derrière un jargon scientifique, un moyen technique, un leurre visant à masquer l’absence de solution réellement éthique.

Ces techniques de dissimulation fonctionnent mais de façon imparfaite. On refoule le raisonnement pour dissimuler la réalité du meurtre, mais la raison ne peut être totalement convaincue et le protocole devient donc dogme, croyance inattaquable. Les attaques envers le Pr Raoult de la « communauté scientifique » sont d’autant plus violentes et lapidaires qu’au fond, chacun sait, chacun sent qu’il est impossible de prouver que Raoult n’a pas tort. Mais si Raoult n’a pas tort, chacun est coupable de meurtre. Idée impensable qui génère des dénégations d’autant plus violentes de la part des médecins impliqués qu’ils n’ont cherché qu’à sauver des vies.

Contrairement à ce que pensent un grand nombre de scientifiques (Etienne Klein, Franck Ramus…), ce problème éthique ne se pose qu’en matière de médecine et pas dans les autres sciences. Si on conduit une recherche en pédagogie, on peut, on doit sans doute, mettre en place tous les tests nécessaires pour obtenir la certitude avant de généraliser la méthode. On peut mettre 15 ans avant de valider une théorie en physique, tout ceci tient de la science et uniquement de la science. La médecine a ceci de particulier qu’elle touche, de façon non réversible (car les morts ne ressuscitent pas) à la vie humaine, au cœur des sociétés humaines et les problèmes éthiques posés dépassent le simple cadre scientifique. La médecine n’est pas qu’une science.

6. Les différences d’avis entre médecins

Le chirurgien ne réalise pas l’opération car l’aspect du cœur ouvert infirme le diagnostic. On recherche alors une maladie auto-immunitaire (qui permettrait la transplantation immédiate, celle-ci n’étant pas présente dans la moelle osseuse) plutôt que de réaliser une transplantation avec un autre donneur. House décide de tenter une transplantation du cadet vers l’aîné plutôt que d’utiliser un donneur extérieur à la famille.

L’argument de House est ici explicitement utilitariste. Un donneur extérieur aurait une compatibilité de 4/6, ce qui fait baisser la probabilité de réussite de la greffe, alors que le cadet à une compatibilité de 1.

Aucun problème éthique n’est soulevé à ce moment précis car le diagnostic de maladie auto-immunitaire est suffisamment rapide à confirmer ou infirmer pour pouvoir retarder la greffe sans mettre la vie de l’aîné en danger.

Greffe avec donneur extérieur Solution House (greffe du cadet vers l’aîné)
Aîné 4/6 x 100 = 67 100
Cadet 100 100
Valeur totale 167 200

Mais le diagnostic auto-immunitaire est écarté et on en revient au diagnostic d’infection initial. Problème, il faudrait des semaines pour tester toutes les infections possibles – ce qui entraînerait la mort de l’aîné.

House espère quand même trouver à temps l’infection et ne veut toujours pas effectuer la greffe mais l’état de l’aîné se dégrade tellement rapidement que le risque vital est engagé à tout moment si la transplantation n’a pas lieu immédiatement (mort subite possible).

Un des médecins, Foreman, se révolte alors et propose aux parents une transplantation avec un donneur partiellement compatible. Les parents suivent l’avis de Foreman.

Paradoxalement, House déclare que ça ne lui pose « pas de problème ».

Pourquoi ?

Parce qu’en termes utilitaristes, les 2 solutions sont à peu près équivalentes.

La solution de House vaut en gros : 50% (probabilité qu’il trouve l’infection à temps) x 100 (la vie de l’aîné). Celle de Foreman vaut 67% (probabilité que la greffe fonctionne avec un donneur moins compatible). Le problème n’est que dans l’estimation (subjective) des probabilités, qui a un côté forcément subjectif. House ne peut pas prouver si sa solution est en dessous ou au dessus de celle de Foreman. Il s’agit de deux choix médicaux respectables et irréfutables.

A noter que Foreman symbolise en quelque sorte la communauté médicale traumatisée par l’affaire Mediator. Ayant pris récemment une mauvaise décision médicale qui a occasionné la mort du patient, il tend à confondre éthique et respect du protocole. C’est pour respecter le protocole qu’il s’est révolté, non pas parce qu’il a pesé réellement le pour et le contre.

A noter enfin qu’aucune des 2 solutions n’a d’impact sur l’état du cadet. C’est bien une différence d’appréciation médicale qui est en jeu, pas un problème éthique.

Solution Foreman (Greffe avec donneur) Solution House (greffe du cadet vers l’aîné)
Aîné 4/6 x 100 = 67 100×50%=50
Cadet 100 100
Valeur totale 167 150

7. Le choix de Sophie

La greffe n’a pas pris sur l’aîné –les médecins estiment qu’il est condamné – et l’état du cadet se dégrade, il mourra si le diagnostic n’est pas effectué rapidement. Pour pouvoir effectuer le diagnostic du cadet, House à l’idée de transférer sa moelle à l’aîné – l’aîné étant privé de défenses, le diagnostic, impossible à réaliser chez le cadet, sera immédiat.

Dans ce nouveau cas de figure, l’aîné mourra à coup sûr de l’infection transmise par le cadet mais sa mort sauve le cadet. On propose donc aux parents de sauver un des enfants « au détriment » d’un autre.

« Soit vous condamnez l’aîné (en lui transférant l’infection), soit vous perdez les 2 ».


En termes utilitaristes, on a d’un côté une solution qui vaut 0 (les deux meurent) et une qui vaut 100 (l’aîné meurt).

Pas de traitement Solution House (greffe du cadet vers l’aîné)
Aîné 0 0
Cadet 0 100
Valeur totale 0 100

Pour House, qui raisonne en utilitariste, le choix est donc on ne peut plus évident.

Mais les parents refusent ce choix (car ils respectent le tabou du sacrifice humain, l’axiome du non-choix que j’ai évoqué plus tôt, celui que justement le protocole médical ne respecte pas), condamnant ainsi très probablement les 2 enfants.

Structurellement, le choix qui a été proposé aux parents est une variante du choix de Sophie, un célèbre exemple tiré d’un roman de William Styron.

Sophie est déportée à Auschwitz avec ses 2 enfants. Le médecin du camp lui propose d’en sauver un des deux à la condition qu’elle choisisse elle-même celui qui sera tué – sinon les deux seront assassinés. Ce qu’elle fait, sous la contrainte, et ce dont elle ne se remettra jamais psychologiquement.

Là aussi, en termes utilitaristes, le choix de Sophie paraît évident. Mais on se rend bien compte avec ce cas des limites éthiques du choix utilitariste, des tabous qu’il transgresse parfois, des désordres psychologiques qu’il peut créer.

8. Le dévouement ultime

House convainc alors l’aîné d’accepter de recevoir la moelle infectée au nom de l’amour de son frère.

Le côté volontaire de l’acte de l’aîné (qui dégage leur responsabilité), et le fait qu’il ne s’agit pas vraiment d’un suicide mais d’une sorte d’euthanasie, puisque l’aîné est de toutes les façons condamné, lève les préventions éthiques des parents liées au tabou du sacrifice. Le choix n’apparaît plus comme un meurtre mais comme un don de soi, volontaire, de l’aîné.

9. La violation nécessaire du protocole 

Au moment où la moelle va être transférée, la cause de l’infection est trouvée, le cadet instantanément soigné mais on ne peut pas transférer sa moelle osseuse vers son aîné sans risque pour le cadet. Il est donc décidé de laisser l’aîné mourir. Cependant, un médecin (toujours Foreman) décide d’agir hors protocole et prélève quand même la greffe du cadet, avec le consentement de celui-ci. Quelques heures plus tard, la greffe est réalisée : les 2 frères sont sauvés. House approuve le geste de Foreman et le réintègre dans son équipe alors qu’il avait décidé de s’en séparer

A noter que si la solution Foreman échoue, le cadet meurt mais l’aîné survit. Dans tous les cas, la solution de Foreman est, sur un plan utilitariste, supérieure ou égale au protocole. Elle maximise l’intérêt des malades mais fait fi de l’axiome du non choix.

Traitement selon le protocole Solution Foreman (greffe du cadet vers l’aîné) en cas de réussite Solution Foreman en cas d’échec
Aîné 0 100 100
Cadet 100 100 0
Valeur totale 100 200 100

La série met en scène le désordre psychologique de Foreman, qui représente ici l’état actuel actuel de la communauté médicale. C’est lui qui, traumatisé par de précédentes erreurs médicales, comme la communauté médicale a été traumatisée par le cas du Mediator, applique au départ le protocole de façon contraire à l’intérêt profond du malade, confondant ainsi éthique médicale et protocole. Foreman redevient médecin aux yeux de House quand le malade repasse au premier plan, ce qui signifie ici une mise en retrait du protocole. Son exemple me paraît profond: il me semble que la communauté médicale oscille depuis plusieurs années entre respect aveugle du protocole et violation de celui-ci, tout ceci n’étant q’une façon de ne pas réellement penser le protocole.

Il est à craindre d’ailleurs qu’aujourd’hui, des désordres psychologiques analogues à ceux de Sophie n’aient été créés au sein de la communauté médicale elle-même, désordres dont la violence des réactions envers Raoult me semble être un symptôme. J’ai pu lire des articles comparant les médecins à Mengele. Au plan humain, cette comparaison est évidemment une pure aberration; au plan structurel, elle ne l’est pas forcément. Les malades doivent être protégés, la communauté médicale devrait l’être aussi. C’est d’ailleurs un des objectifs du protocole mais malheureusement il me semble que là aussi il échoue, au moins en partie.

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Le RGPD nous faisait chier et maintenant il va nous tuer 8 avril 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), c’est ce truc que vous voyez sur tous les sites Web et qui vous empêche de surfer à votre aise en vous demandant d’abord si vous acceptez bien tous les cookies. Ça vous emmerde mais comme vous n’avez pas le temps de sélectionner les cookies, vous les acceptez sans regarder et donc, la situation est inchangée par-rapport à avant, sauf que vous avez 2 clics de plus par site visité. Un grand merci à la CNIL pour cet énorme progrès.

L’autre effet notable du RGPD a été l’ubuesque génération de spams au moment de sa mise en place. Toutes les entreprises de la planète vous ont écrit pour vous demander si elles avaient le droit de vous écrire. Chaque demande d’autorisation était elle-même illégale car non sollicitée. Bref.

Si on en croit Cédric O, notre secrétaire d’Etat au numérique, le RGPD symbolise « nos valeurs », ce qui nous différencie des Etats-Unis ou de la Chine. Il y a une certaine forme de protectionnisme compréhensible derrière tout ça puisqu’il s’agit de créer des lois favorisant le développement d’un écosystème spécifiquement européen. Mais surtout, c’est un aveu inconscient d’impuissance: comme nous sommes incapables de peser réellement dans la révolution numérique, nous nous réfugions derrière des prétextes bidons mais qui nous rassurent. Nous jouons aux purs pour ne pas admettre que nous sommes faibles.

Le RGPD est totalement inefficace vis-à-vis des applications des pays tiers car il est impossible de vérifier qu’elle est appliquée. Les PME américaines ou chinoises passeront (passent déjà) outre sans risque, les GAFA passeront outre au risque d’amendes légères devant les enjeux et qui, arrivant trop tard, ne changeront pas la donne. Les entreprises françaises, forcées elles de s’y soumettre, sont retardées dans leurs projets. Ainsi, nous avons encore enfanté un monstre juridique, nous nous sommes encore tiré une balle dans le pied avec cette loi.

Beaucoup de français sont sincèrement très attachés au RGPD. Il y a d’abord une sorte de méfiance paranoïaque envers toute constitution de fichier, considérée a priori comme un flicage liberticide, qui est une sorte de retour d’une culpabilité refoulée remontant à notre passé collaborationniste et vichyiste – c’est pourquoi tous les pays européens, Allemagne comprise, sont pour une fois d’accord. Ensuite, ne se rendant pas compte que leurs données sont déjà ailleurs, les français ont l’illusion que cette loi les protège réellement.

Le pompon de la bêtise, celle qui tue, est en passe d’être atteint avec le traitement du coronavirus. Au moment où nous déconfinerons, il devrait être possible de mettre une application traceuse sur chaque smartphone. (« Devrait » car il ne faut pas préjuger des capacités techniques d’un pays qui n’a su procurer ni gel, ni masque à ses citoyens). Cette application, si vous êtes testé positif, va être capable de voir quels amis vous avez croisés et ils pourront être eux-mêmes testés. Ainsi utilisée, une telle application réduit significativement la contagion, sauve des vies (par exemple en Corée), mais réduirait selon certains nos libertés et, drame national !, enfreindrait le RGPD.

Une telle interprétation est un détournement de la notion de citoyenneté, au bénéfice d’une liberté individuelle mal comprise – de fait la liberté de tuer. Pour bien le comprendre, il faut faire le parallèle avec la quarantaine. Quand une maladie contagieuse se déclare sur un bateau, on le met en quarantaine. Aucun passager n’a le droit de débarquer jusqu’à la visite des services sanitaires. En cas de maladie très contagieuse, cette visite ne peut même pas avoir lieu : le bateau est mis à l’isolement total.

L’immense majorité des passagers ne présente aucun signe de maladie, la plupart des passagers ne développeront pas la maladie. On leur empêche donc en quelque sorte injustement le libre accès au port. Mais peut-on considérer que les passagers du bateau sont injustement privés de liberté ? Evidemment non et aucun passager n’oserait utiliser le terme liberticide car la mise en quarantaine, c’est la participation citoyenne de chaque passager à la sécurité sanitaire générale. Le passager qui ne s’y soumet pas est moralement complice de la maladie. Cette évidence apparaît au passager même.

De même, pour la non installation de l’application sur un portable. Ceux qui refusent de le faire devraient être strictement confinés entre eux, ils seraient ravis d’être réunis tous ces cons, et, si cet isolement les empêche de se rendre au travail, leur salaire devrait être suspendu sans compensation sociale.

Jusqu’à présent, le RGPD nous faisait simplement chier; Maintenant, il risque de nous tuer.

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Une étude criminelle sur le coronavirus à l’APHP Paris 7 avril 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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Dans cette étude menée la semaine dernière à l’APHP Paris sur 11 patients positifs au coronavirus, le protocole testé est celui de Marseille (hydroxychloroquine et azithromycine).

Oui, mais :

– 8 patients sur 11 présentaient une maladie grave qui aurait dû constituer un critère d’exclusion, médical ou éthique, au traitement à l’hydroxychloroquine (obésité, cancer, HIV…)

– 10 patients sur 11 étaient déjà à un stade de maladie très avancé (devant être mis sous ventilateur). Or on sait que ce traitement agit en priorité aux stades peu avancés de la maladie ; il empêche le basculement vers les cas les plus graves.

Et donc, par conséquent, les mêmes causes ayant les mêmes effets :
– Un patient est mort, sans qu’on sache bien si c’est le traitement qui l’a tué ou le corona
– Un patient a dû stopper le traitement (arythmie cardiaque très probablement liée au traitement)
– 8 patients sur 10 encore positifs après 6 jours de traitement.

L’étude conclut (évidemment…) à l’échec de l’expérience.

Je ne suis pas médecin, mais ayant simplement lu les études Raoult, je pouvais le prédire, je n’avais nul besoin d’avoir une telle confirmation avec un coût humain aussi élevé. A quoi joue-t-on ? De telles études sont criminelles. Je n’ose croire à la malveillance, à la volonté de simplement discréditer le traitement marseillais; il s’agit de médecins dont le comportement éthique est bien évidemment soumis aux plus hauts standards. Mais alors, ces médecins sont des ânes.

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De Maître Pancrace au Docteur Raoult : la peste et les maladies infectieuses à Marseille 4 avril 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Critiques,Politique.
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Pagnol raconte dans une nouvelle, Les pestiférés, l’histoire de Maître Pancrace, ancien médecin du Roy, qui durant la grande peste de 1720 sauva tout le quartier de la colline Devilliers à Marseille.

Ce médecin atypique s’était renseigné avant tout le monde sur les modes de contagion de la peste– il avait observé en particulier que les moines cloîtrés ne l’attrapaient pas. Il avait lu tous les livres et en particulier l’histoire des 19 épidémies documentées – la première source remontant à Thucydide.

Quand l’épidémie se déclara, il fut le premier à la reconnaître et isola immédiatement tout son quartier, une centaine de personnes, se murant derrière des murs et se protégeant avec de l’eau fortement vinaigrée – seule barrière ayant semblé faire ses preuves contre la maladie. Les habitants de la colline avaient constitué plusieurs mois de réserve, mais ils se cachaient des autorités et durent quand même évacuer au bout de quelques semaines.

Pagnol raconte leur fuite de Marseille et les libertés que le médecin dut prendre avec le protocole – déjà – pour les sauver. Quand ils atteignirent le village d’Allauch, on ne décomptait pas le moindre mort dans leurs rangs. La moitié de la population de Marseille, 40 000 personnes, était morte.

(Histoire probablement totalement imaginaire, faut pas rêver non plus, c’est du Pagnol)

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Ne rejouons pas « Oedipe-Roi » 2 avril 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19,Politique.
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« La mort est sur la ville… et en fait un désert » (1)…
On abandonne sans les pleurer, sans les plaindre, les corps gisant sur le sol où ils propagent la mort.

Un chef jeune, talentueux et impulsif…

La situation de Thèbes est très proche de la nôtre. Thèbes est dirigée par un chef jeune et dynamique, Œdipe, marié à une femme bien plus âgée que lui mais dont il a eu 4 enfants. Cinq ans plus tôt, personne ne le connaissait. Il est arrivé là très vite, certains diront que c’est par hasard car il a profité d’une vacance presque miraculeuse du pouvoir en place mais en fait non : il s’est imposé grâce à sa compétence supérieure en répondant à l’énigme de la Sphinx. Il est très conscient de sa valeur, un peu donneur de leçons, impulsif et en permanence,

« il impose à tous le visage de sa supériorité »

La peste l’a pris de cours, il n’a aucune solution concrète à apporter, il est inquiet des conséquencespour le peuple et craint sans doute aussi un peu pour son trône. Le microbe est assimilé à la guerre :

« Pour nous assaillir aujourd’hui
Ares n’a ni épée ni cuirasse »

Œdipe déclare la guerre au microbe et suivra l’avis de son Conseil Scientifique

Alors Œdipe réagit en chef. Quand Créon lui apprend que la Peste est due au meurtre du roi, quelques années plus tôt, Œdipe saute sur l’occasion et s’engage publiquement à débusquer le meurtrier, à le vaincre, mais comment ? Cela semble impossible. Quand Tiresias « La Science », celui qui sait tout et ne se trompe jamais se présente, il déclare, très imprudemment qu’il s’en tiendra à son avis, celui du Scientifique :

Sois le sauveur de l’Etat, mon sauveur…
Nous sommes entre tes mains

La solution est sous les yeux de tous, personne n’en veut

Jusqu’ici, vous ne faîtes je pense que suivre mon regard. Mais ce qui est étonnant dans Œdipe Roi, c’est que Tiresias a vraiment la solution du problème et qu’Œdipe ne l’écoute pas. Quand il apprend la vérité (qui comme prévu, le met en cause), il ne veut rien entendre venant de

« ce charlatan retors qui n’y voit que pour ses profits mais dans son art radicalement aveugle » !

Les raisons de la thèse complotiste d’Oedipe sont doubles : d’abord, il est légèrement paranoïaque à cause de son complexe éponyme donc il soupçonne immédiatement Tirésias la Science de l’accuser avec des objectifs politiques. Ensuite, il raisonne en politique et la manifestation de la vérité toute nue est toujours inquiétante pour le pouvoir. A la grande satisfaction de Freud, Oedipe n’est sans doute pas conscient de ses propres raisons. Le traiter de complotiste, c’est donc s’exposer à l’accusation de populisme – accusation qu’Oedipe fait à Créon, son beau-frère.

Le peuple, alors que Tiresias a fait ses preuves maintes fois, suit Œdipe et retarde aussi la mise en œuvre du remède. Le Chœur décide donc, contre toute évidence (mais en toute bonne foi) qu’il faut rechercher d’autres preuves :

« Eh bien non moi, avant preuve directe,
Jamais je ne saurai admettre
Qu’on incrimine Œdipe ! »

Jocaste comprend beaucoup plus vite mais elle aussi cherche à retarder la découverte de la vérité, par intérêt personnel, parce qu’elle a compris de quoi il en retourne et aussi parce qu’elle cherche l’union sacrée et sent que Thèbes va tout droit vers la guerre civile.

« Ne rougissez vous pas, quand le pays souffre, de remuer des rancoeurs personnelles !
N‘allez pas grossir en tragédie un grief sans consistance »

Dans ce grand drame, ce qui frappe d’abord, c’est l’extrême, l’invraisemblable proximité politique et psychologique entre ce qui se passe chez nous et à Thèbes. Nous aussi, nous sommes dans cette situation totalement absurde où nous avons le remède depuis des semaines et ne l’utilisons pas. Et je n’ai même pas parlé du point plus évident tellement il nous, passez-moi l’expression, crève les yeux. Toute la pièce n’est une mise en scène de l’accusation envers le chef, la peste génère une violence qui se retourne contre le pouvoir. Cette haine délirante qu’on lit tous les jours sur les réseaux sociaux.

Difficulté de croire ceux qui disent que « rien ne sera plus comme avant » alors que tout est déjà comme avant, comme il y a 2 500 ans très exactement.

Supériorité immense des grecs qui ont été capables d’analyser leurs crises alors que nous ne le sommes plus. Rien ne sera comme avant parce que ce sera pire qu’avant.

Et espoir quand même, espoir parce que la vérité s’impose finalement. Elle arrive tard, d’une façon différente de celle qui était attendue, mais finit par s’imposer, comme par défaut.


(1) Toutes les citations sont tirées de la pièce de Sophocle, Oedipe Roi

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