Maurice Levy,Jean-Michel Billaut, Pascal Salins et notre représentation nationale. 8 août 2005
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 4 885 fois | trackback
Maurice Levy a publié récemment dans le Monde un article qui part de l’échec de Paris au JO pour finir sur diverses considérations politiques et économiques sur l’état de la France.
J’ai lu une critique de cet article sur le blog de Jean-Michel Billaut (critique enthousiaste ! j’ai cru comprendre que Jean-Michel était d’accord avec la plupart des analyses développées), j’ai lu des critiques négatives (sur le Monde.fr) qui concernent là aussi le contenu de l’article, mais personne n’adopte un point de vue réellement critique : à savoir que quand le patron de Publicis intervient en première page du Monde, il s’agit autant de propagande politico/économique (le mot exact est lobbyisme) que de son opinion personnelle.
Je voudrais donc laisser le contenu de de côté et parler plutôt des points dits mineurs de son article, sous cet angle un peu différent.
« Qu’est-ce qui nous a fait perdre ? Ayant suivi les choses de très près bien avant l’annonce même de la candidature de Paris, je ne crois pas que le dossier soit en cause ».
Evidemment, j’ai moi suivi les choses de très loin, à travers les journaux. Mais je suis persuadé que le dossier est en cause (ou du moins la « procédure de réponse »). Voir à ce sujet mon billet (antérieur à l’échec) JO, on le sent mal ainsi que Eurotunnel: quelle vision.
Maurice Levy le sait donc forcément aussi, mais peut-il prendre une position autre que celle qui consiste à exonérer toute faute d’un comité de candidature qui est par ailleurs composé de clients, donneurs d’ordre, etc ? Je ne le pense pas. Du coup, la cause de l’échec est déplacée sur nous tous, c’est à dire au fond sur personne : « je crains que le vrai responsable de notre échec soit l’effet de halo de notre image dans le monde ».
Vous noterez d’ailleurs que tout l’article, qui se veut pourtant très critique, est écrit d’une façon tellement générale qu’il exonère toute personne à titre particulier (« nos politiques [qui ont] joué les pères de la nation. C’est louable et généreux. Merci. » ou bien « nul gouvernement depuis 20 ans n’avait voulu en déduire les conséquences » – qui est là simplement pour montrer que l’article ne se veut pas partisan) . Maurice Levy semble s’inclure lui-même dans toutes les critiques (l’article regorge de « nous » et de « on » : « Nous avons infantilisé les français », « nous donnons l’impression d’être un village gaulois »). Cette pseudo- reconnaissance de culpabilité, c’est une façon de ménager des susceptibilités en ne nommant personne et aussi un moyen rhétorique pour convaincre, tant il est vrai qu’on écoute toujours plus facilement celui qui semble avoir la sincérité de s’accuser lui-même.
Seule Martine Aubry est attaquée directement : « le pompon fut tout de même cette absurde décision des 35 heures ». Je serais prêt à parier que Publicis n’attend plus rien, jamais, de Martine Aubry et que donc Maurice Levy peut se permettre ce genre d’attaques.
Sans m’étendre encore une fois sur le contenu de l’article (disons simplement que si vous étiez d’accord avec Maurice Levy ou Jean-Michel Billaut, vous le serez encore plus après, mais que si vous étiez contre, l’article ne vous fera jamais changer d’avis), je voudrais finir sur sa conclusion : « Y a-t-il un homme politique capable de se dépasser, de dépasser ses propres ambitions au nom d’une certaine idée de la France ? ».
Cette conclusion transcende, quels que soient les points de vue développés, un grand nombre d’articles ou de billets que j’ai lus ces derniers temps. Pour Jean-Michel, « nos élus de tout poil ne pensent qu’à se faire réélire à la prochaine élection, sans trop se préoccuper du bien du peuple sur le moyen et le long terme », Pascal Salins (article du Figaro, lui aussi cité par Jean-Michel) demande aux élus: « Qu’avez-vous fait de ce pays ? C’est à vous tous, hommes et femmes politiques de tous les partis, que j’adresse cette question. »
Tous s’exonèrent de toute responsabilité personnelle et s’adressent aux autres (les élus). Le plus positif d’entre eux (Maurice Levy) attend l’homme providentiel (à mon avis, cette attente va durer…). Le patron (talentueux) d’un des groupes français les plus puissants, les plus influents, un des groupes français qui a le mieux négocié la mondialisation dans les vingt dernières années trouve que rien ne va et attend l’homme providentiel !
A propos d’homme providentiel, je rappellerai juste le mot de de Gaulle selon lequel un pays a la représentation nationale qu’il mérite. Si faiblesse des élus il y a (et je veux bien le croire), c’est notre faillite à tous et c’est particulièrement significatif de notre incapacité à nous allier pour rechercher des compromis (Ca ne date pas d’hier: César en parle déjà dans la Guerre de Gaules).
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