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Que restera-t-il de toi, Milan ? 15 mai 2009

Par Thierry Klein dans : Littérature.
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Une RencontreIl y a un seul auteur au monde dont j’achète les oeuvres avant la parution, sur Amazon, pour être sûr de les lire rapidement et c’est Milan Kundera.

Je viens de finir « Une Rencontre » son dernier recueil et je relis à cette occasion mes notes de 2005 sur « Le Rideau ». A ma grande satisfaction, elles n’ont pas pris une ride – j’en suis rétrospectivement très fier et je vous invite à les lire, vous ne perdrez pas votre temps (quel dommage que je ne puisse vous suggérer de les relire ! Mais hélas, avec mon style exécrable, aucun lecteur n’a tenu 4 ans sur mon blog).

Je vous parlais il y a 4 ans des accointances entre le « mensonge romantique » (chez Girard) et le « kitsch » de Kundera (si si, lisez mon billet d’alors, il est vraiment intéressant !). Je suis conscient que presque tout le monde se fout complètement du mensonge romantique et encore plus du kitsch, mais j’ai quand même été ravi de lire que Kundera les unifie « officiellement » dans son essai sur Janacek (« pour utiliser la formule de René Girard […], voilà le mensonge romantique, ou bien, […] voilà le kitsch« .

Et pourquoi, moi qui suis tout sauf artiste, ai-je toujours, autant qu’il m’en souvienne, été sensible à ce « mensonge romantique » à telle point que j’ai l’impression qu’il s’agit d’un caractère génétique de ma personnalité ? Pourquoi ceux qui perçoivent ce « mensonge romantique » sont aussi ceux qui analysent le mieux la société de consommation actuelle (1) ?

(Kundera : « Le cinéma est devenu l’agent principal de l’abêtissement, incomparablement plus puissant que la mauvaise littérature de jadis: spots publicitaires, séries audiovisuelles.. Klein : « La publicité est un opium universel […] elle est devenue de plus en plus performante, intrusive et subliminale« ).

Un passage très émouvant sur Brecht « Que restera-t-il de toi, Bertolt ? » qui restera sans doute la seule réponse de Kundera aux accusations de « collaboration avec le régime communiste » dont il a été récemment l’objet.

« A l’époque des procureurs, qu’est-ce que cela veut dire, la vie ? Une longue suite d’événements destinée à dissimuler, sous sa surface trompeuse, la Faute« .

Emouvant parce que la forme de cette réponse, qui ne se réfère même pas aux accusations, où Kundera ne parle jamais explicitement de lui, appartient à une autre époque, celle ou « l’art n’avait pas perdu ses attraits« . Vous avez entendu parler des accusations, mais Kundera s’est débrouillé pour que vous n’entendiez jamais parler de sa réponse – sauf ici.

Emouvant aussi parce que sur le strict plan du style, de la démonstration, bref, de la qualité littéraire, c’est le moins bon passage du livre. C’est un chapitre raté, visiblement rajouté et écrit à chaud, sans recul. Dans la faiblesse du passage, il y a la blessure de Kundera.

Il y a 3 ans, j’ai voulu appeler mon fils Milan et ma femme a refusé, parce que ça la faisait penser à Dylan, un des prénoms les plus utilisés dans le Nord à cause de la série « 90210 Beverly Hills » ! (Encore une victoire pour l’audiovisuel instrument d’abêtissement général ! Les séries télévisées auront empêché qu’on transmette le nom d’un grand écrivain à un enfant, façon kitsch mais pas honteuse de perpétuer, au moins pour une génération, sa mémoire).

A quelle époque aurais-je préféré vivre ? A la fin des temps, car étant d’un naturel hyper-curieux, j’aurais sans doute pu avoir des explications, ne seraient-elles que scientifiques, sur des milliers de phénomènes incompris de nos jours.

En dépit de tout, une des satisfactions à vivre aujourd’hui est que j’aurai au moins eu le temps de lire Kundera.

(1) Je suis parfaitement conscient du côté parfaitement immodeste de ce paragraphe. Mais immodestie, même romantique, n’est pas forcément mensonge.

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