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Ne pas lire au Salon du Livre 16 mars 2009

Par Thierry Klein dans : Humeur.
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Pour qui aime vraiment lire, il n’y a sans doute rien de plus étrange que de se déplacer au Salon du Livre aller voir des couvertures de livre sur des stands… Passer du temps à regarder des livres sans les lire…

Le livre est un objet presqu’à 100% autonome. La connaissance de l’auteur, du contexte, bref des éléments annexes au livre est le plus souvent inutile, lorsqu’elle n’est pas tout simplement nuisible comme le sont la plupart des préfaces ou des commentaires (soi-disant) critiques dont nous ont affligé les radios ce week-end (en plus, j’ai la malchance d’écouter Europe 1 qui a fait jouer à fond la synergie, comme on dit, avec le groupe Hachette-Lagardère).

En général, les gens qui aiment les beaux livres n’aiment pas lire. L’emballage ne fait pas partie du livre lui-même et surtout, il n’y a de bon livre qu’usé, endommagé, parfois déchiré -auquel cas on peut le le jeter sans honte car le livre n’a de valeur que par son contenu. (L’oeuvre littéraire a une valeur affective très forte, mais ceux qui reportent cette valeur sur l’objet sont en général et presque par définition de piètres lecteurs, juste des collectionneurs).

Je n’ai jamais pu finir un livre de La Pléïade. D’abord, c’est écrit trop petit et la calligraphie n’est pas agréable. Surtout, un La Pléïade, c’est trop coûteux pour être physiquement maltraité et ça, ça réduit ma vitesse de lecture d’un facteur dix, au moins. Et lire lentement, c’est toujours fastidieux.

Si j’ai le choix, j’achète toujours un Folio, très pratique, très lisible, et qui me permet de concilier ma tendance naturelle à l’avarice avec celle qui me pousse immuablement, depuis les temps où je naquis, à détruire le support de lecture – le livre lui-même.

Je viens de faire un tour dans ma bibliothèque et qu’y ai-je vu ? Des Stendhals dont des pages ont été arrachées, deux Grand Meaulnes froissés. Les Tocqueville, Montesquieu, Smith, Gibbon et Marx sont pas mal abîmés. Les Freuds ont été attaqués d’une façon toute particulière, il va falloir que je m’allonge un peu pour y réfléchir et si aucune page ne manque aux Girards, il y a tellement de feuilles volantes que je suis sans doute la seule personne vivante sur terre, à part l’auteur, à pouvoir les reconstituer.

Le livre que j’aime sans doute le plus, Crime et Châtiment, est traversé par de multiples morsures parce qu’un jour, mon chien a voulu le dévorer en même temps que moi et la crise mimétique qui s’en est ensuivie n’a été résolue que par la destruction quasi-totale de l’objet du conflit. Un très bon souvenir !

Bref, ce week-end, au lieu d’aller au Salon du Livre, j’ai préféré relire un livre dans mon salon.

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