Ne créez pas d’entreprise B2B en France 7 février 2007
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 5 870 fois | trackback
Entendu sur RMC l’autre jour:
« En France, il y a quelques centaines de grandes entreprises riches (en gros, un CAC 40 élargi) qui imposent leurs conditions aux autres PME, qui sont pauvres et que le rapport de forces rend finalement esclaves de leurs gros contractants ».
C’est très vrai, à mon avis. Il y a une partie très dynamique de la France qui se bat, en particulier dans les activités de service, et qui ne peut structurellement pas s’en sortir. Un chef d’entreprise crée une entreprise de conseil, ou de communication. L’entreprise croît avec quelques « gros » clients dont elle devient dépendante. Au fur et à mesure que son chiffre d’affaires augmente:
- Elle va manquer de fonds propres pour assurer son développement (parce qu’il y a moins d’argent disponible en France qu’aux USA, par exemple, pour capitaliser une PME).
- Elle va subir la loi de ses contractants, qui disposent de processus d’achats « performants » (ce qui concrètement veut dire qu’ils vont la ratiboiser – un chef d’entreprise qui veut un marché passera presque toujours par les fourches caudines d’un départment achat bien organisé).
- Elle va manquer de soutien bancaire, (les banques françaises ne permettent pas le développement des PME).
Bref, une telle entreprise est d’une fragilité extrême, sensible au moindre retournement de marché, à la perte d’un gros client, au départ de quelques salariés qui emportent 1 ou 2 contrats.
Elle meurt, ou s’épuise ou, dans le meilleur des cas, se fait racheter par une grande entreprise en général pour un prix modique – je veux dire par-rapport à la capitalisation qu’en tirera l’acheteur.
J’ai vécu personnellement ces trois cas de figure et pour les avoir aussi observés sur des dizaines d’exemple, je pense qu’ils sont structurellement symptomatiques du modèle économique français (évidemment, vous trouverez des contre-exemples).
Quand j’ai créé Speechi, ça a été un critère très important pour moi que le logiciel se vende aux écoles, aux universités, etc… et pas uniquement aux entreprises. Tout le monde m’a déconseillé de cibler le marché « éducatif » sous prétexte qu’il était lent, peu efficace, qu’il n’y avait pas beaucoup d’argent…
Aujourd’hui, nous faisons 80% de nos ventes sur ce marché. Nous vendons plusieurs milliers de licences chaque année et nous ne dépendons de personne. En allant vers les entreprises, nous aurions ciblé quelques grosses ventes vers des entreprises stratégiques (ce que m’ont conseillé tous les capital risqueurs que j’ai rencontrés) et nous serions beaucoup plus fragiles aujourd’hui.
Au fait, qui avait une vision si juste du monde économique français sur RMC ? Olivier Besancenot.
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Commentaires»
Très juste ton billet : effectivement, je suis en contact permanent avec des petits industriels qui en bavent. Alors évidement, on ont peu l’espris d’inovation. Mais la pression des plus gros qu’eux les écrasent. Par exemple, normalement il devrait être payé à 90 jours (…!) et en réalité, ils contestent toujours les factures et bloque tout, du coup les factures sont payés à 120 jours.
Le coup des factures à 90 jours est effectivement un autre symptôme. Il ne profite qu’aux banques, au final, en augementant le besoin de financement des PME (qui du coup retardent aussi les paiements, effets en chaîne). Aux USA, il est pratiquement inconcevable d’être payé à plus de 30 jours.
je rencontre également la même expérience actuellement.
Nous sommes à la merci des grands du CAC 40 qui usent et abusent à leurs merci de petits prestataires.
Dans mon domaine d’activité, Plutôt que d’embaucher en interne ( gros du CAC 40), ils préfèrent externaliser le travail. c’est bcp plus rentable pour eux.
Qd il y a de l’activité, notre PME grossit et degraisse quand les commandes baissent. Nous fluctuons au rythme de ces ent et n’avons pas la possibilité de nous developper sans elle.
Quant aux paiements à 90 jours au lieu de 60, cela profite aux banques je suis d’accord mais ça penalise les PME qui souffrent d’un manque de trésorerie. l’argent est dehors et ne rentre pas dans les caisses.
Je ne suis qu’à moitié d’accord. Ce que l’exemple de Speechi me semble confirmer, c’est qu’il faut avoir une vision en béton de son marché pour réussir. Peu importe que ce soit du BtoB, BtoC, Btosecteurpublic (ça existe ?). Mais ça, je ne suis pas sûr que ça soit très différent ailleurs. Et pour le coup, on a un vrai déficit français de culture de l’argent, basé sur ce que je gagne est égal à ce que je vends soustrait de ce que me coûte tout ce qui me sert à vendre. Les seuls qui ont ce sens du business de manière culturelle et reproductible autour de moi sont les épiciers tunisiens et les maçons italiens puis portugais.