Willy Loman 6 janvier 2007
Par Thierry Klein dans : Entreprise altruiste.Lu 6 113 fois | trackback
J’ai vu hier, sans doute après tout le monde, le film d’Al Gore « An inconvenient Truth ». Le contenu est connu, je n’y reviendrai pas pour l’instant. Juste quelques remarques périphériques:
C’est un documentaire austère, presqu’aride, qui accumule les chiffres et contient des démonstrations assez complexes. Son succès populaire n’en est que plus étonnant.
En le regardant, je me demandais: « Quel politicien français de premier plan, après un échec électoral, aurait pu décider de se consacrer à une telle cause et se former pour écrire et présenter (plus de 1000 fois !) une telle conférence sur le sujet dans tous les endroits du globe ? ». Réponse: aucun. (Nous on a plutôt des politiciens qui disent arrêter la politique et qui ratent leur retour, 5 ans plus tard. On dirait des footballeurs ou des nageurs).
Le film mélange allègrement les côtés vie publique et vie privée d’Al Gore, d’une façon qui serait certainement jugée indécente en France (il évoque la mort de sa soeur, l’accident de son fils). Ce n’est d’ailleurs pas un mélange. Aux yeux des américains, les deux sont indissociables. Lors d’une des premières conversations politiques que j’ai eue là-bas, alors que je venais d’arriver à Stanford, j’ai attaqué la presse américaine qui s’en prenait à la vie privée d’un candidat qui s’appelait Gary Hart.
Réponse de l’étudiant américain avec qui je discutais « Comment peut-on donner de telles responsabilités à un homme dont on ne connait pas du tout la vie privée ? » . Réfléchissez-y et vous verrez qu’il n’avait pas forcément tort et que notre position européenne d’intellectuel n’est pas forcément la plus logique.
En tous cas, ce mélange permanent donne au film une grande force de conviction. Sincérité ou habileté ? Selon que vous êtes pour ou contre, américain ou européen, votre réponse pourra être différente. (Remarque: le film est perçu avec plus de force en France, car le spectateur n’est pas accoutumé au mélange des genres et y est plus sensible – surtout lorsque comme ici, c’est très bien fait).
Ce qui est aussi très émouvant, c’est de voir qu’Al Gore, qui se déplace de congrès en congrès, de conférence en conférence pour donner la bonne parole, a finalement la vie typique d’un VRP américain. Il passe son temps dans les hôtels, les halls d’aéroport, c’est un homme en transit. Cette évocation là est évidemment plus parlante pour le public américain car ce VRP itinérant fait partie intégrante de l’histoire de l’Amérique: c’est le commis voyageur d’Arthur Miller, le père de famille de « Ma Sorcière Bien-Aimée », le souffre-douleur de Woody Allen, qui en fait l’équivalent du « beauf » et plus largement, c’est le héros de toute une littérature qui va de Faulkner à Nabokov, à Norman Mailer – sans oublier les road-movies. C’est aussi l’Amérique que j’aime et qui m’a fait rêver.
Espérons simplement qu’Al Gore ne sera pas le dernier des Mohicans.
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