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Le directeur de l’éducation de l’OCDE confond éducation et élevage 2 mars 2019

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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C’est le prototype même de la mauvaise question. Le directeur de l’OCDE estime que c’est une perte de temps d’apprendre aux enfants à coder car dans le futur, cette compétence ne leur sera pas utile au travail.

Derrière cette affirmation, quelle qu’en soit la pertinence, il y a le présupposé suivant : l’école est uniquement là pour former professionnellement les enfants. Tout ce qui n’est pas professionnel n’est pas du domaine de l’école.

C’est une grave erreur. Une erreur que répète de façon constante l’OCDE dans toutes ses analyses d’ailleurs.

La plus-value économique, professionnelle, n’est pas l’objectif premier de l’école, qui depuis Jules Ferry a d’abord eu pour but de former des citoyens libres, au sens du premier article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

La liberté réelle du citoyen dérive directement de sa capacité à comprendre le monde. C’est bien pour cela qu’on enseigne aux enfants un tas de choses « inutiles » (du moins au travail). La philosophie, le latin et même les mathématiques, comme le prétendait cet imbécile de Ferry, ancien ministre de l’Education Nationale, (Luc, pas Jules), sont, en premier ressort, des matières totalement « inutiles ».

L’informatique est devenue une science de base. Une connaissance de la programmation est nécessaire pour l’étude de presque toutes les autres sciences (chimie, biologie, physique, médecine…). C’est à ce titre, parce que le l’informatique est devenue une science fondamentale, que le codage, clé d’accès à cette science, doit être enseigné à l’école –  dès la 6ème, comme je le martèle depuis 10 ans dans ce blog. Ne pas l’enseigner à l’école, c’est donner un retard aux enfants pour l’apprentissage de presque toutes les sciences.

L’école, au sens républicain du terme, est conçue pour les enfants, dans leur intérêt. C’est le don que la génération actuelle fait à la génération future. L’école doit traiter les enfants comme des êtres humains au plein sens du terme, non pas comme un simple matériau qui sera économiquement nécessaire, plus tard, au monde du travail. A partir du moment où l’école cherche à apprendre aux enfants des choses pour la seule raison qu’elles sont « utiles professionnellement », le don désintéressé, raison d’être de l’école républicaine, devient un investissement méprisable.  L’école est une entreprise d’émancipation humaine, pas un l’élevage de poulets humains en batterie.

Voilà pour ce qui est de la fonction première de l’école. Il y a un autre argument qu’on oublie trop souvent, et que l’OCDE oublie toujours, c’est que dans un monde en transformation technique rapide comme le nôtre, les savoirs dits « inutiles » sont les seuls qui durent, en raison de leur caractère intemporel. Le triangle rectangle restera, de tout temps, inscrit dans son demi-cercle. Le latin permettra toujours de mieux comprendre notre langue, notre histoire, notre culture. Stimulant notre cerveau, il nous rend aussi plus intelligent pour toujours. La philosophie et le français continueront, demain comme aujourd’hui, à nous aider à comprendre le monde qui nous entoure.

Un enfant à qui on apprend une « compétence » (j’emploie le terme de l’OCDE) telle que « se servir du logiciel Word » ou « savoir taper à la machine » a toutes les chances d’aller à l’école pour rien, puisque dans 10 ans, cette compétence sera devenue inutile. Un enfant à qui apprend quelques grands principes fondamentaux mais valables de tout temps a une capacité d’adaptation professionnelle beaucoup plus grande.

Finalement, plus la technique prend de l’importance dans le monde, plus le scientifique, le fondamental, les savoirs généraux sont indispensables à l’école. L’efficacité économique, quoi qu’on veuille nous faire croire, est profondément corrélée à l’intérêt long terme de l’enfant. La vision la plus généreuse de que nous pouvons avoir de l’école est aussi la plus productive.

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