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L’Education Nationale s’éclipse 19 mars 2015

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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Ce matin, l’Education Nationale vient de recommander aux directeurs d’établissements scolaires de ne pas sortir les élèves au moment de l’éclipse.

L’éclipse nous ramène à la grande histoire des sciences. C’est un des premiers phénomènes astronomiques que l’Homme a été capable de prédire, c’est Galilée qui le premier observe les astres à la lunette. Les lois de Copernic, Kepler puis Newton sont confirmées par les observations sur les planètes les plus précises possibles à l’époque, la relativité générale d’Einstein est confirmée par l’observation de l’éclipse de 1919.

Elle nous ramène à l’histoire des religions. Il y a bien sûr Galilée, mais surtout, à partir du moment où on prédit le moment de l’éclipse, où on l’explique scientifiquement, il n’y a plus nécessairement d’intention divine derrière le phénomène naturel et c’est tout un pan des superstitions naturelles des sociétés qui s’écroule puisque “Les planètes ne parlent plus” (Lacan).

Elle nous ramène à l’histoire des sciences humaines en remettant la terre – et l’Homme – à leur place, via Copernic. De l’idée que la terre n’est pas au centre de l’univers part celle qui fait de l’homme une espèce animale fruit de l’évolution comme les autres (Darwin), puis Marx et Freud (qui montrent que l’homme n’est pas maître à son propre bord), puis l’ensemble des sciences sociales (qui, de façon paradoxale, conduisent actuellement aux positions obscurantistes que prend l’Education Nationale aujourd’hui).

Car il s’agit bien de positions obscurantistes, au sens d’ailleurs très littéral du terme. De la maternelle à l’enseignement supérieur, il n’y a sans doute pas de phénomène plus facile à observer, plus riche à commenter, plus propre à susciter des vocations (dans tous les domaines, y compris le domaine littéraire) que l’éclipse.

Cet obscurantisme avance masqué derrière des arguments qui se veulent progressistes (le principe de précaution), ce qui fait qu’il devient très difficile de s’y retrouver.

Tout le monde aurait évidemment compris que l’Education Nationale recommande aux professeurs de toutes matières et de tous niveaux d’utiliser l’observation de l’éclipse comme matériau pédagogique, tout en leur demandant de prendre toutes les précautions nécessaires lors des observations.

Tout le monde aurait évidemment applaudi si l’Education Nationale, anticipant un phénomène dont la date, après tout, n’est connue que depuis l’antiquité ! , avait distribué des lunettes adéquates aux élèves (au lieu des tablettes numériques qu’elle s’apprête, par exemple à distribuer. Les tablettes valent 200 €, les lunettes valent 0.50 €).

Mais en recommandant aux enseignants de ne pas sortir les élèves, non seulement, l’Education Nationale n’est plus dans son rôle, mais elle passe dans le camp ennemi, celui que combattait Jules Ferry.

A quoi cela sert-il d’afficher des objectifs de transdisciplinarité, d’école citoyenne si les occasions les plus naturelles ne sont pas saisies ?

Combien de réformes lourdes et jamais appliquées, combien de tableaux interactifs ou de classes numériques simulant, de façon très imparfaite, l’éclipse seront-ils nécessaires pour contrebalancer ces aberrations ?

Très heureusement, des dizaines de milliers de professeurs vont sortir de leur classe demain matin et faire observer l’éclipse à leurs élèves. Le problème, c’est qu’on a de plus en plus l’impression que l’enseignement repose sur eux et qu’ils sont comme “détachés” des objectifs globaux de leur administration. Détachés, pour ne pas dire “en résistance”.

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