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L’échec de la réforme de santé aux USA 4 janvier 2010

Par Thierry Klein dans : Economie,Politique.
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Aux Etats-Unis, le secteur de l’assurance santé est, dans presque tous les états, un oligopole.

Principale conséquence: les dépenses de santé représentent 15% du PIB (soit 50% de plus qu’en France, avec un taux de couverture de la population beaucoup plus faible. Si on prend les dépenses de santé par personne, on obtient un facteur 2. Pour les personnes ayant accès au système, on obtient un facteur 3 à 4 !).

Les intérêts des financeurs de soins (mutuelles), des donneurs de soins (hôpitaux, médecins) et des sociétés pharmaceutiques sont liés: tous ont intérêt à ce que les coûts de santé augmentent (voir mon billet de juin 2009).

Le principal, l’unique enjeu même de toute réforme de santé aux USA (inscrit dans le programme d’Obama) est la mise en place d’un système public de sécurité sociale, le seul capable de faire baisser le coût des soins en mettant réellement, dans chaque état, les mutuelles d’assurance et les laboratoires en concurrence.

Avec un système public de sécurité sociale, les américains ont les moyens de faire baisser les coûts de la santé tout en étendant la couverture à l’ensemble de leur population, sans pratiquement aucune restriction.

Tout le lobby de la santé (entraînant derrière lui bon nombre de démocrates) et les républicains se sont battus becs et ongles contre une telle réforme avec des arguments d’un simplisme confondant: on a mis en avant la « liberté de choix des soins » (alors que la population américaine n’a pas accès aux soins aujourd’hui !) pour cacher l’avidité et le besoin de profit de quelques uns.

La réforme du système américain telle qu’elle a été finalement votée ne profitera durablement qu’au lobby de la santé – et principalement aux mutuelles et aux laboratoires.

L’option publique (ce qu’on appelle en France la sécurité sociale) n’est ouverte qu’à environ 5 millions de personnes – les salariés les plus pauvres. En conséquence, le pouvoir de négociation de cette « sécurité sociale » pour faire baisser les prix sera quasiment nul.

30 millions de personnes supplémentaires auront accès au système de couverture privé – ce qui correspond à la création d’un nouveau marché énorme pour le lobby de la santé, d’autant plus que, les coûts étant non maîtrisés, les primes vont augmenter encore plus que par le passé pour les assurés… et pour l’état (il est simplement prévu des objectifs de « réduction des prévisions d’augmentation des coûts » (!) qui non seulement ont un caractère peu contraignant mais de plus sont incontrôlables).

Le nouveau régime ne cessera d’être de plus en plus déficitaire. Dans 3 à 10 ans, tout au plus, on atteindra les 20% du PIB et un congrès, probablement républicain, prendra acte du trou sans fond ainsi creusé et en profitera pour revenir en arrière sur l’ensemble de la réforme.

Obama a parlé du « meilleur compromis possible ». En réalité, il vient d’oblitérer la possibilité de toute réforme réelle de santé aux Etats-Unis pour les 30 à 50 ans à venir.

Il en sera de cette tentative de réforme comme de la lutte contre le chômage en 1983 en France ou des 35h aujourd’hui: sous prétexte que ceux qui s’y sont frottés ont lamentablement échoué, on condamne durablement l’objectif même au lieu de tenter d’y parvenir en utilisant d’autres moyens.

Et mieux vaut encore un échec visible (Copenhague) qu’un faux succès qui clôt le débat pour des décennies.

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