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10 raisons pour lesquelles les 10 raisons de Loïc sont mauvaises 11 mai 2006

Par Thierry Klein dans : Google.
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Une réponse au billet de Loïc « 10 raisons pour lesquelles le moteur de recherche franco-allemand va échouer« 


1.Une marque très mauvaise: peu de personnes savent l’épeler correctement d’entrée et le nom de domaine est pris.

Evidemment, comme Loïc n’a pas fait beaucoup de latin, je veux bien croire qu’il ne sache pas épeler correctement Quaero. ceci dit, comme il n’a pas non plus fait beaucoup de maths, il est douteux que le nom de Google, ou Gogol, lui ait évoqué quoi que ce soit à l’origine…. Google a d’ailleurs aussi été attaqué, à l’époque, par les propriétaires du mot Googol. Mais évidemment, Google est une excellente marque… a posteriori (comme toutes les marques, d’ailleurs).

2. Centralisé, fermé, secret.

Alors là, évidemment, un projet centralisé, fermé, secret NE PEUT PAS réussir. Loïc a 100% raison. Merci donc, Loïc, de nous prédire la fin d’ Apple, de Microsoft, d’ Intel et d’Oracle… Comme Google est en fait une boîte très centralisée et de plus en plus secrète, j’aimerais savoir si tu l’inclus dans mon De Profundis.

3 Je n’ai trouvé personne capable de m’expliquer ce dont il s’agit réellement.

Confidence pour confidence, je n’ai moi non plus trouvé personne capable de m’expliquer ce que c’est que le Web 2.0 (voir glossaire 2.0).

4. Pas de buzz, pas d’adoption, le darwinisme ne jouera pas.

Outre qu’à mon avis, Loïc gagnerait à relire Darwin, ça ne me gêne pas qu’il n’y ait pas d’adoption pour un produit qui n’existe pas encore. C’est le contraire qui serait embêtant. Et c’est un argument dramatique: imaginez qu’on l’ait appliqué au lancement d’Airbus, qui a mis 15 ans pour avoir une option de commande ! La comparaison avec Skype est non pertinente: Skype s’est propagé parce que c’était de loin le meilleur logiciel de voix sur IP. La qualité a été jugée suffisante, le produit était gratuit… Skype perd toujours beaucoup d’argent d’ailleurs et rien ne dit qu’il en gagnera un jour. Ce qui est par contre parlant, c’est que Skype, entreprise européenne au départ, est américaine aujourd’hui et c’est une des raisons pour lesquelles il faut pouvoir échapper aux logiques purement financières de temps en temps.

5. Une galaxie d’acteurs qui ne se sont pas illustrés sur les dernières innovations Web.

Il n’y a pas vraiment une galaxie d’acteurs dans Quaero, même si ça fait un peu auberge espagnole, mais le vrai problème, au fond, c’est qu’il y a bel et bien une galaxie d’acteurs qui « s’illustrent » actuellement sur le Web et ne se sont pour la plupart illustrés nulle part ailleurs. Et si ça donne le même résultat pour le Web 2.0 que ce que ça a donné pour la bulle en 2000, ça va faire mal !

6. Pas vraiment international.

Oui, il s’agit d’une initiative française. Ca ne la condamne pas pour autant. On est capable de faire nos conneries tout seul (le Concorde), mais aussi de réussir seuls (le nucléaire, et même le SECAM). La France est en fait le seul pays qui existe politiquement en Europe, depuis que l’Angleterre ne se contente plus de regarder vers le grand large, mais y prend aussi toutes ses consignes.

7. L’histoire sans fin ? Google a été lancé il y a 8 ans et Quaero est un projet sur 5 ans. Ou sera Google dans 5 ans ?

Le fait que Google, société lancée il y a 8 ans par 2 hurluberlus presque puceaux, ait atteint un tel niveau de rentabilité est quand même encourageant pour l’avenir, même si les hurluberlus ont eu pas mal de talent. A la réponse, où sera Google dans 5 ans, je répondrais: « on s’en fout pour l’instant ». Si un projet européen arrive à prendre une part significative du traffic mondial, ce sera déjà une bonne chose de faite et ça ne me paraît pas du tout impossible.

Imaginons une société qui développe un moteur de qualité et qui commence, par exemple, à mieux rétribuer les liens sponsorisés que ne le fait Google: ça devient tout de suite intéressant car la capitalisation de Google est basée presque uniquement sur la rentabilité de ce traffic.

8. Pas assez d’euros par-rapport à Google

la capitalisation boursiére de Google est basée sur l’ajout des bénéfices prévisionnels de Google (données au moins aussi fluctuantes que la notion de Web 2.0, ce qui n’est pas peu dire) et ne signifie au final pas grand chose. Ce qui compte, c’est l’investissement nécessaire pour créer une alternative crédible et Google a été créé avec 20 millions. Avec ce genre d’arguments, Pepsi n’aurait, pas ailleurs, jamais été créé.

9. Les euros de subvention ne valent pas ceux du capital risque.

Effectivement, seuls les euros du capital risque peuvent perdre en quelques mois 95% de leur valeur comme cela a été le cas en 2000. Surtout, il est impossible aujourd’hui en France de financer un projet de cette envergure par du capital risque : les capitaux risqueurs n’ont pas la carrure ou l’expertise nécessaire, tu le sais bien Loïc. On peut le déplorer, comme certains regrettent le temps de la marine à voiles, mais c’est comme ça. Si on veut faire quelque chose en France dans ce domaine, c’est l’Etat qui doit s’y coller, comme pour Airbus. C’est quand on enlève à l’Etat son rôle, pour des raisons souvent idéologiques, que la France va mal. J’ajoute que dans le cas de Quaero, il s’agit d’investissement, pas de subventions. C’est complètement différent.

10. Google est en réalité 1000 startups.

C’est vrai, et c’est une des grandes faiblesses de Google. A part son premier projet, qui est une réussite fantastique avec toutes ses retombées publicitaires, Google n’a pour l’instant pas réussi grand chose – en tout cas pas trouvé de marché alternatif. Google semble prêt à faire des investissements pharaoniques pour garder du momentum, sous la pression mal inspirée des capitaux risqueurs et de la bourse. On peut d’ores et déjà prévoir quelques rachats spectaculaires, suivis de résultats décevants, d’un départ des dirigeants et ensuite, d’un recentrage (voir Google: la fin du début).

Autant d’erreurs qu’espérons-le, Quaero, mû par des ressorts différents, saura éviter.

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Commentaires»

1. Cédric - 11 mai 2006

Tes raisons me semblent être très proches d’une vision franco-française du web et du monde des (nouvelles) technologies…

2. Cédric - 11 mai 2006

Je complète :

je ne penses pas que Loïc ait voulu d’avancer condamner le projet en lui-même, mais plutôt l’attitude déplorable qui accompagne ce non-lancement…

3. Thierry - 11 mai 2006

Bonjour Cedric,

En tous cas, qu’il soit clair que moi, je ne me prononce pas sur Quaero – ce billet n’est pas fait pour dire que Quaero va réussir.

Je pense juste que les raisons de Loïc sont infondées, partiales et idéologiques et j’attaque son raisonnement beaucoup plus que sa conclusion.

4. Sébastien Billard - 12 mai 2006

Bravo pour ce billet pertinent !

5. David Castéra - 12 mai 2006

Merci Thierry, pour avoir écrit ce billet avec talent… ça m’évite ainsi de le faire moi même avec bien moins de brio.

Longue vie à Quaero.

6. Nicolas Toper - 12 mai 2006

Quaero est un projet européen et non un projet franco-français.

J’en parle sur mon blog:
http://www.deviant-abstraction.n...

7. Sébastien Billard - 16 mai 2006

Pseudo trackback :
s.billard.free.fr/referen…

8. Hubert Guillaud - 18 mai 2006

Dommage que les trackbacks soient fermés…
http://www.internetactu.net/?p=6...

9. Thierry - 18 mai 2006

Trackbacks fermés à cause du spam… Vraiment désolé.

10. bruno - 18 mai 2006

Sur le point numéro 2.

La fin de microsoft, ce n’est pas si absurde, et cela pourrait bien arriver à moyen terme si il n’y a pas plus d’ouverture quant aux protocoles et aux formats utilisés.

Pour Apple, son succès est du en grande partie a OSX qui est, rappellons le, basé en grande partie sur du code OpenSource (BSD).

Plus généralement vous oubliez que ce qui a fait le succès du Web c’est justement l’utilisation de standards ouverts, tant au niveau des protocoles de communication (TCP/IP, FTP, HTTP, …) que des formats des documents transmis (HTML,XML, CSS, PNG, etc.).

Google garde bien sur secretes un certains nombre de "recettes" mais il évident que ce qui fait une grande part de son succes c’est son ouverture aux développeurs et aux webmaster avec la publication de ses API.

11. Thierry Klein - 18 mai 2006

Google a aussi beaucoup utilisé l’Open Source pour ses propres développements – et le dit.

12. Sebastien Billard - 18 mai 2006

Franchement qu’un moteur comme Google sorte des APIs ne signifie pas qu’il soit ouvert. Juste qu’il fournit des outils aux programmeurs pour exploiter certaines de ses fonctionnalités. Microsoft en fait tout autant avec les SDK .net, DirectX et cie

13. Thierry Klein - 18 mai 2006

Microsoft en fait même sans doute plus ! Voir Google – we take it all, give nothing back.

14. MysterJ - 19 mai 2006

Très très bonne réponse aux "arguments" de Loïc …

C’est étrange qu’un gars investissant sur le web et utilisant le web trouve des arguments contre l’innovation et surtout la concurrence … à croire qu’il y a autre chose qui l’embête.

Oui l’AII n’as pas fait d’annonce en avant première sur son blog ou un autre … oui un projet industrielle c’est compliqué mais il semblerait que quaero rassemble de nombreux projets autour du web et du multimédia … et un moteur français multimédia semble être un projet spécifique.

Ce qui m’attriste c’est que Mr Loic est quelqu’un d’écouté … et que son post a un impacte sur les personnes naïves qui en savent moins sur le web. Or Mr Loic est un pro du blog(cf son livre sur les blogs)… son post n’est pas du tout innocent … plus j’y pense et plus je me dis qu’il ne peut être crédule à ce point …

Si son post permet effectivement de parler du projet Quaero et de ce fait apporter un peu plus de lumière why not

Surfeurs et surfeuses … il faut être attentif des bloggeurs pro qui peuvent avoir d’autres intérêts …

15. raoul - 2 juin 2006

Raoul sait ce qu’est le Capital Risque, a claqué avec + o u- de bonheur plus de 200M€. Quaero n’a pas trouvé un rond de la communauté VC parce que les dirigeants de ce projet n’étaient que là par goût de la politique de couloirs des ministères, parce qu’ils l’aimaient plus que l’argent. Ce projet n’a AUCUN avenir en dehors d’une "grande" politique industrielle. Grande… là encore il faut faire attention, "grande" somme toute relative car l’argent pour ce projet représente une fraction assez congrue du budget de R&D de Google, et sera probablement ensablé par quelques potes dans des frais d’agences de pub locales ou règlement de congés payés… En Allemand (puisque c’est un projet Franco-Allemand), "Sie wollen, aber Sie ist ein bisschen klein" sans jeu de mots 😉

16. Thierry Klein - 2 juin 2006

Ich weiss nicht, was soll es bedeuten, dass ich so klein bin (avec jeu de mots).

Note que je n’ai pas dit que Quaero allait réussir. J’ai dit que les raisons invoquées par Loïc pour dire que Quaero échouerait étaient mauvaises. Nuance. Les raisons de Raoul me semblent bien meilleures.

17. Rocou - 15 mars 2008

ça existe QuaMachin aujourd’hui en 2008?
Il semble que les prévisions de Loïc étaient justes.

18. Thierry Klein - 15 mars 2008

Je rappelle que je n’ai jamais dit que Quaero allait réussir (voir mon commentaire à l’époque). Juste que les raisons de Loïc étaient péremptoires et mauvaises. Il suffit de les relire, sur les 10 raisons dont il a parlé, aucune ne s’applique à Quaero, qui est plus ou moins mort pour de vulgaires raisons de conflit politique entre les actionnaires-états (voir aussi le commentaire de Raoul). La réalité est plus complexe que les raisons de Loïc mais oui, les prévisions étaient justes – ça arrive aussi à Elisabeth Tessier de ne pas se tromper mais pour moi, c’est le raisonnement qui compte, quand même.