Un client "ennuyé" 21 juillet 2005
Par Thierry Klein dans : General.Lu 4 596 fois | trackback
En général, j’adore diriger une boîte qui développe un logiciel. Tout le monde a des idées, qu’on peut souvent implémenter rapidement. On voit le logiciel progresser presque tous les jours, le nombre de bugs (problèmes remontés par les clients) diminuer. Bref, on se dit qu’on avance, qu’on va pouvoir passer aux étapes suivantes… Et patatras !
Mardi, problème rencontré par un client anglais avec Speechi. Visiblement, il n’arrive à rien faire avec le logiciel, qui lui crée immédiatement des erreurs. Ici, nous n’arrivons pas à reproduire ce qui se passe. C’est le pire cas: le client ne peut rien faire et nous on cherche un bug « à l’aveugle » (autrement dit: une aiguille dans une botte de foin).
En plus, l’Angleterre, pour nous, c’est un marché stratégique qui démarre tout juste. Michelle, notre représentante anglaise, s’est beaucoup investie depuis 6 mois pour le lancement de Speechi et les premières licences commencent à peine à être vendues… Evidemment, un tel problème sur un des premiers clients, c’est très démotivant. D’autant plus qu’il y a quelques mois, nous avons rencontré un autre problème majeur sur un autre client anglais ! Les problèmes majeurs, ce n’est pas si fréquent, ça n’arrive même pas une fois par mois… Alors que l’Angleterre, qui représente moins de 1% des licences vendues à ce jour ! Vraiment malchanceux (Michelle appelle ça la loi de Sod !)…
Comme on ne peut pas reproduire ici les problèmes rencontrés, on se demande évidemment si ce n’est pas dû à la un problème lié à la version anglaise de Windows… Petite note: vous avez remarqué comment les informaticiens cherchent toujours à imputer les problèmes rencontrés à une cause extérieure ? Avec une forte prédilection pour ce qui est invérifiable, du style « Ca doit venir de la carte réseau » ou « C’est sans doute lié à XP2 » (voir des enregistrement très drôles sur le support 9 Telecom). Malheureusement pour nous, on est obligé d’écarter le problème de la version anglaise de Windows. Pas de coup de Trafalgar !
C’est assez intéressant aussi de voir la réaction « typically british » du client anglais. Il a 4 jours pour réaliser son projet et il en a perdu au moins 2 ou 3 par notre faute. En plus, on lui demande un travail important de collecte de données et de test (puisqu’on ne peut pas reproduire son erreur). Et bien le client, au bout d’un jour de ce traitement, nous déclare « qu’il faut qu’il aille boire un verre à l’extérieur » et Michelle nous écrit qu’il est « ennuyé ». Je peux vous dire que « l’understatement » a encore un sens en Angleterre, parce que moi, ça fait des heures que je hurle en interne parce qu’on n’arrive pas à résoudre le problème (bon, je m’excuse après coup, mais quand je relis mes emails, je me dis qu’elles n’ont VRAIMENT pas leur place sur ce blog où pourtant j’essaie de ne pas trop me censurer – cette phrase est aussi un exemple d’understatement…).
Sur des cas comme ça, on arrête tout et un développeur bosse en priorité jusqu’à résolution ou contournement du problème, mais on met quand même, entre l’analyse du problème et sa résolution une quarantaine d’heures, pendant lequel le client est bloqué… Entre autres, on doit écrire un programme qui répète plusieurs centaines de fois les opérations faites par le client avant de pouvoir reproduire son problème pour le résoudre…
(Parfois je me dis que je hais diriger une boîte qui développe du logiciel.)
Un problème que j’aimerais vous soumettre. Quel geste faire vis à vis du client ? Je vous donne plusieurs points de vue et j’aimerais bien avoir le votre.
Point de vue de notre avocat
Evidemment, nos licences précisent que nous ne sommes pas responsables du temps que perd le client. D’autre part, toutes les fonctions de Speechi sont librement utilisables en mode de démonstration et donc le client a pu tout tester avant d’acheter (ce qu’il n’a pas fait, visiblement, mais on ne teste jamais tout). Donc la vente est définitive et on ne doit rien au client. Notre avocat précise que c’est pour ça que c’est lui qui rédige les contrats de licence !
Point de vue d’éditeur
On est très embêté du problème qu’a rencontré le client mais en l’ocurrence, il nous était difficile, et peut être impossible, de l’éviter. On a fait tout ce qu’il était humainement possible pour le résoudre en urgence (au détriment d’autres tâches plus rentables à court-terme). On aimerait faire un geste, mais donner la licence d’un logiciel, c’est vraiment, je trouve, ne pas reconnaître notre travail et quelque part, cela à un côté démotivant pour les développeurs, surtout pour celui qui a bossé sur la résolution. On aurait plutôt tendance à donner une licence supplémentaire au client, ou à lui prolonger sa période de maintenance.
Point de vue client ou utilisateur
Et vous, vous en pensez quoi ?
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Commentaires»
C’est clair que le plus simple c’est de jouer le contrat de licence. Mais d’un autre coté, ca te coute quoi d’offrir un licence pour le client. Pas grand chose.
Imagine que ce client soit très influent, sur un blog ou dans des conférences … il vaudrait mieu qu’il soit content !
Tiens : un petit bouteille de bordeau devrait lui faire plaisir, non ? (pas la peine de mettre un camembert avec …)
Je suis assez d’accord avec ça !
Moi je suis pas d’accord ! il faut le camenbert et impérativement au lait cru !
Plus sérieusement, l’offre de la licence me semble la solution la plus commercialement prometteuse.
c nul ya pas de foto bien