Prédire le succès du mariage Skype-eBay, c’est possible, grâce à Loïc 15 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : Technologies.Lu 5 604 fois | 3 commentaires
Je reviens sur mes billets et sur mes doutes concernant l’acquisition de Skype par eBay. En fait, tout le monde (même moi) comprend que Skype est un opérateur unique ce qui lui donne une grande valeur. Ce qu’on comprend moins, c’est la synergie entre Skype et eBay. Je parlais dans mon billet de synergie de second ordre (au sens où elle n’a jamais été testée aujourd’hui) mais ceux qui « croient » au deal parlent d’un effet majeur.
Je cite Alec Saunders, par exemple:« Ebay va se transformer en une sorte de souk sonore. Les gens parleront, discuteront le boût de gras et négocieront les détails de l’achat. Il ne sera plus possible de just publier une enchère et de la laisser s’écouler, comme jadis ».
Cette synergie que j’appellerai la « VOIB » (Voix sur EBay) correspond à la question suivante. Y aura-t-il beaucoup plus de transactions commerciales de toutes sortes sur eBay avec une bonne utilisation de Skype ? Et le fait d’avoir un lien « automatique » en un clic (Skype) est-il un plus par-rapport à un coup de téléphone normal ?
Dans un premier temps, on répond oui pour les deux questions. C’est sûr qu’avoir le vendeur au bout du fil va augmenter le taux de transformation. C’est sûr que Skype peut générer de nouveaux types d’enchères, sans parler des enchères vidéo. On ne sait pas quantifier tout ça, ça peut ne pas justifier l’acquisition, mais l’effet existera.
Et puis après, je pense aux podcasts sur le blog de Loïc. J’en ai écouté un ou deux, au début, par curiosité, mais maintenant, je zappe la plupart des podcasts. Pourquoi ? Parce qu’ils vont me prendre plusieurs minutes d’écoute, alors que je peux lire un billet en 15 secondes. Donc je ne vais plus sur les podcasts parce que je n’ai pas le temps, même si je trouve ça sympa.
Sur eBay, c’est un peu pareil pour l’acheteur (on positionne une enchère quand on veut, en 3 secondes, mais a-t-on envie et surtout a-t-on le temps de passer des coups de fil régulièrement ?). Pensez surtout au vendeur qui va devoir s’y prendre complètement différement. Une petite boutique qui veut vendre sur eBay devra changer de modèle, répondre au téléphone, bref avoir une interface commerciale performante (ça va attirer de nouveaux vendeurs, mais aussi en écarter. Pour un particulier, ça peut devenir du délire…)
Au final, effet négatif ou positif ?
Nul au monde ne le sait, sauf peut-être Loïc (toujours lui). Loïc, est-il indiscret de te demander quelle est la fréquentation sur tes podcasts comparée à celle du blog ? Ressens-tu (hors effet nouveauté et hors tout « enthousiasme ») une baisse de fréquentation des podcats pour certains utilisateurs ? Où les podcasts constituent-ils une lame de fonds en train de balayer la planète blog (qui comme chacun sait est-elle même une lame de fond qui balaie la planète tout court – j’en ai assez fait comme ça ?)
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Skype-eBay: toujours pas de bonne raison 14 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : General.Lu 6 516 fois | 2 commentaires
Je reviens sur mes doutes d’hier concernant l’acquisition de Skype par eBay. J’ai essayé de lire un peu tout ce qui se disait sur le sujet. Je ne vois toujours pas de raison « profonde » pour cette acquisition:
– Si eBay veut développer de nouveaux modes de vente avec Skype, alors il s’agit d’un domaine entièrement nouveau, non testé, qui certainement améliorera (au moins marginalement) la performance d’eBay. La vision la plus poétique que j’ai lue (The Skype Webcast) est que:
« Ebay va se transformer en une sorte de souk sonore. Les gens parleront, discuteront le boût de gras et négocieront les détails de l’achat. Il ne sera plus possible de just publier une enchère et de la laisser s’écouler, comme jadis ».
– mais nulle part on ne trouve la moindre analyse quantitative du style « quel devrait être l’amélioration du taux de conversion pour que l’affaire soit rentable en, disons, 3-4 ans » ou « quels services additionnels et à quels prix pourrait développer eBay ? ».
On dit simplement, dans un article de Business Week, qu’eBay est à même de valoriser le « Network effect » (eh bien je l’espère, pour eux). Même chose, dite un peu différemment, dans le Red Herring du jour.
En tout état de cause, sauf vision géniale, cette synergie est de second ordre. Plus des sommes importantes sont en jeu, plus les gens ont tendance à croire aux visions géniales…
-si eBay veut simplement rentrer dans les Telecoms, c’est sûrement génial aussi, mais certainement très cher et là encore, pas de synergie avec le business existant (pire, pas de connaissance métier, ni chez eBay, ni chez Skype d’ailleurs). Voir le simple commentaire d’un ami de Rick Segal, de chez Bell (opérateur téléphonique) à l’annonce du deal: « Ouf ! »
Trois points qui me semblent importants:
– Je pense que le nombre de minutes servies par Skype depuis quelques mois baissait. Voir mes précédents articles sur le sujet.
– Je pense qu’eBay a des objectifs de croissance élevés, difficiles à tenir.
– Je pense que les deux points ci-dessus constituent l’explication la plus rationnelle que j’ai jamais lue pour expliquer la transaction.
Bloggiographie:
– The Skype Webcast (excellent billet pour comprendre Skype, un peu trop lyrique à mon goût cependant).
– Business Week : Why eBay is buying Skype ?L’article lui-même n’est pas excellent (on sent le respect instinctif d’un journal comme Business Week devant l’énormité de la somme) mais il a généré des commentaires remarquables.
– The Skype Journal (à mon avis les meilleurs articles sur Skype en général – en tous cas le blog le mieux informé)
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Yahoo et Google : les grands vainqueurs du jour 13 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : Technologies.Lu 5 930 fois | 2 commentaires
J’ai beau chercher, lire partout (commentaires de Jean-Michel, de Pierre Chappaz, ex Kelkoo , de Skype Journal, ), je ne vois pas une seule bonne raison, ni même une raison tout court qui justifie le rachat de Skype par eBay (et surtout à ce prix).
Yahoo et Google sortent grands vainqueurs de la transaction, ne serait-ce que parce qu’ils étaient probablement prêts à investir des sommes comparablement insensées pour se payer Skype.
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Google brûle la longue queue 10 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : Pour rire ....Lu 4 331 fois | ajouter un commentaire
La direction de Google a annoncé hier un plan pour détruire toute l’information à laquelle elle ne pourrait accéder.
L’idée est de rendre la planète entière réellement aussi simple que la page d’accueil de Google. Toutes les oeuvres copyrightées qui ne peuvent être intégrées par Google feront l’objet d’un Google-da-fé planétaire: c’est le projet « Google Purge ».
(Les détails sont pour l’instant gardés secrets mais les analystes anticipent l’élimination de toute correspondance mansucrite, la destruction des bas-reliefs ainsi que l’éradication totale des pensées inconscientes et de tout sentiment personnel.
Source: The Onion
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National priorities 9 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : Pour rire ....Lu 4 087 fois | ajouter un commentaire
Thanks, Peter.
Billets associés :Le cimetière Ipod ou pourquoi Apple renouvelle sa gamme plus vite que la batterie ne s’use 8 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : Technologies.Lu 8 664 fois | 5 commentaires
J’avoue ne pas être frappé par l’Ipodmania, mais ça vient probablement d’une totale méconnaissance de ma part (je n’ai jamais vu ni fait fonctionner un IPOD de ma vie).
Remarquez qu’Apple sort des modèles de plus en plus fréquemment. Engadget parle du cimetère Ipod.
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Retour au moyen-âge / Back to the trees
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 4 167 fois | ajouter un commentaire
Suite à mon billet d’hier signalant que Speechi Live utilise Skype, j’ai eu un retour de plusieurs universités me disant qu’elles avaient récemment (début septembre) reçu un avis de la Défense Nationale (!) comme quoi Skype devait être absolument banni des Universités !
Je pensais au début que c’était une blague, mais non, ça a l’air vrai. J’ai différents témoignages de Directeurs Informatiques qui le confirment et vous trouverez aussi ça. Je n’ai pas pu avoir l’avis lui-même qui est, paraît-il, confidentiel défense (ça ne plaisante pas).
Au début, les gens qui m’en ont parlé m’ont dit qu’il y avait des problèmes de « sécurité ». Mais en fait, il semble que la raison du pourquoi, c’est que les conversations Skype sont trop bien cryptées et donc ne peuvent pas être écoutées, comme les conversations téléphoniques classiques.
En plus, il est difficile de se protéger par firewall car Skype inclut des techniques qui contournent les firewalls.
Il faut bien voir quand même ce que représente ce genre d’avis:
– il est totalement arbitraire et semble ne contenir aucun fondement juridique
– il semble s’imposer sans discussion à toutes les universités (c’est surréaliste ! une dictature ne fairait pas mieux… On ne peut pas contester la décision et on ne peut d’ailleurs même pas la voir. Est-on dans un pays de droit ?)
– je suis prêt à parier qu’il est techniquement infondé (mais n’ayant pas encore lu les raisons profondes de ce bannissement, je réserve mon jugement).
– Cela fait 9 mois qu’on travaille chez Speechi pour intégrer Skype de façon astucieuse et performante dans nos versions en direct. Je pense qu’on a aujourd’hui une version très aboutie pour l’enseignement mais qui peut aussi servir dans d’autres domaines, comme la radio ou le podcast en direct, avec intervention possible des auditeurs à tout moment (j’en reparlerai).
Comme toujours, ça n’aura pour effet que de pénaliser des boîtes françaises qui essaient de développer des technologies innovantes. Ca me rappelle qu’il y a quelques années, on n’avait pas le droit de mettre un certificat SSL digne de ce nom sur un serveur français pour des raisons militaires. Résultat, il était illégal de construire un site de commerce électronique bien fait pour vendre aux USA…
« N’innovez pas, n’investissez pas, faîtes ce que vous disent les bureaucrates – et accessoirement, ne vous plaignez pas de vous faire écouter ! ».
Y en-t-il parmi vous qui ont eu des échos (si je puis dire) ? Et que pensez-vous de tout ça ?
Ajout : suite à différents commentaires sur ce billet, je parle bien d’universités françaises, et non pas américaines.
I thought is was a joke but it sounds real ! Several university IT managers have confirmed this to me… But I can’t read the note because it is classified (again, I’m not joking). You can see some comments here (in french).
It seems the big reason is that Skype conversations are encrypted in such a way that it is not easy for our Defense to spy on them. Also, the fact that Skype easily goes « through » firewalls is not very much appreciated…
Whatever the reason, it is totally arbitrary and can not be discussed. It seems to have immediate effect on all universities.
You can’t contest it (you can’t even read it !). It seems we live in a medieval country, not in a country where law has a meaning.
Knowing Skype architecture pretty well, my bet is that there are no serious technical grounds to this (but I will prudently reserve my position until I can read an explanation).
This decision is also meaningless since our National Defense does not, in effect, the power to forbid people to use Skype (except may be on campuses, we’ll see).
We have been working on this integration for 9 months here and I think we have (one of) the smartest existing integration. Our software allows a professor to talk to an unlimited number of students and also allows students to interact using Skype (even though, I know, Skype conferences are limited to 4 people… But we found a technological trick to overcome this limitation). We developped it for education, but it also has lots of implications in other fields (like real-time podcasting or Internet Radio – image a radio show where all users can Skype the radio and talk in real-time – well with our software, it takes a PC do do that).
It seems the message is « don’t innovate », « don’t invest » and (above all) « submit to bureaucrats » …
What do you think ? Am I over-reacting ?
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- Political wishes (in english, but probably for french eyes only)
Le e-learning, une méthode en voie de développement et qui va le rester 6 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : Formation à distance.Lu 6 817 fois | 4 commentaires
C’est une des idées de base de Speechi, ça paraît un peu paradoxal parce qu’on pense souvent à nous comme à une société d’e-learning, mais je ne crois pas, je n’ai jamais cru, à l’explosion de l’e-learning.
Aristote a mis au point, il y a plus de 2 000 ans une méthode d’enseignement basée sur :
– des cours didactiques (amphithéatre), délivrés de façon « descendante » (du professeur vers l’élève)
– des moments collaboratifs (discussions d’égal à égal entre élèves et avec le professeur, dans les allées du Lycée)
– des ressources documentaires (bibliothèque)
L’e-learning pur et dur repose sur la croyance que des modules automatiques ou interactifs vont pouvoir remplacer la méthode décrite ci-dessus. Dans certains cas précis, c’est possible (je pense aux simulateurs de vol ou à des logiciels d’apprentissage de machine), mais ces cas resteront toujours marginaux et limités. Disons, pour donner un chiffre que 5% au maximum des mécanismes de formation peuvent être portés de façon efficace sous forme de module d’e-learning. (C’est d’ailleurs déjà énorme).
Je ne suis donc pas étonné quand je vois des articles qui disent que le « blended learning » (mélange de formation classique et à distance) est plus efficace que le e-learning ou que le e-learning semble marquer le pas.
Par exemple, je ne crois pas à l’efficacité des agents intelligents (jusqu’à preuve du contraire et hors des cas très limités). Je juge aussi de façon assez négative tout le courant actuel qui vise à enseigner sous forme de jeux vidéo (je reparlerai de ça). J’ai une vision très conservatrice des choses, en fait !
Et si je crois aux blogs dans le domaine éducatif, c’est que les blogs sont de nature descendante (du professeur vers l’élève) avec un brin de collaboratif « sous contrôle » (les commentaires). Rien de plus.
La philosophie ou la mission de Speechi a toujours été d’utiliser la technologie pour améliorer, et non pas remplacer, tout ou partie du processus d’Aristote. Pour l’instant, nous nous sommes focalisés sur la partie didactique et Speechi Live, notre nouvel outil (sortie prévue ce mois-ci) se concentre sur la partie collaborative.
Ce n’est d’ailleurs pas que je trouve que la méthode d’Aristote est la panacée. Il faut 20 ans aujourd’hui pour (ne pas) former un élève. Mais puisque je me suis permis de commencer avec de Gaulle, je vais finir avec Churchill. Disons que la méthode d’enseignement traditionnelle est la pire forme d’éducation, à l’exception de toutes les autres qui ont été essayées.
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Loïc nous la joue Elisabeth 5 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : Critiques.Lu 3 905 fois | 1 commentaire
Loïc a parié avec moi l’autre jour une caisse de champ’ s’il se trompe suite à mon billet « Blog Bullshit » (qui d’ailleurs, Loïc, n’était pas du tout une critique de ton livre). Par principe, j’accepte en général ce genre de paris (même si je n’aime pas le champ’). Mais quand j’ai relu le billet de Loïc, je ne voyais pas vraiment quel était l’objet du pari (autrement dit, comment détermine-t-on, dans 2 ans, qui a gagné ?).
Je tombe aujourd’hui sur un autre billet de Loïc, Les blogs sont-ils juste une mode ? (réponse, devinez quoi… NON !). « Le blogging [et le mot blog] vont disparaître mais pas dans le sens qu’il ne sera plus présent. Il va être tellement intégré partout dans la vie de tous les jours que vous ne le remarquerez même plus… Il va se fondre dans nos habitudes comme le courrier élecronique et la richesse du Web ».
Alors là, ça me rappelle en tous points les prévisions d’Elisabeth Tessier, à savoir des choses tellement floues, tellement invérifiables qu’il est impossible de la prendre en défaut après coup, quel que soient les stupidités qu’elle débite.
Le mot blog va disparaître (comme l’email) à tel point qu’on ne saura plus quand on l’utilise (mais le terme email n’a pas disparu, que je sache et je sais encore bien quand j’en envoie une, d’email !). Le tout va se fondre dans nos habitudes avec la richesse bien connue du Web… sous l’influence de S@turne ?
Et bien sûr, merci à Mena, « fondatrice de Six Apart qui a eu l’intelligence d’appeler nos solutions TypePad et Movable Type, et pas blog-truc ». (Quel gros ringard, ce Bill Gates avec sa boîte « Microsoft » et sa solution « Office »).
Je suis d’autant plus méfiant pour parier que Loïc m’avait donné comme argument, quand je parlais de Bulle, le fait que « ce n’est pas parce qu’il y a eu bulle que les transformations profondes du Web ne sont pas elles, bien réelles ». Merci pour l’info mais, entendu mille fois, c’est l’argument le plus éculé, le plus langue de bois qui soit. L’équivalent Internet du « Il n’y a pas eu croissance en France parce que la conjoncture américaine était défavorable [le prix du pétrole a monté, la situation internationale…, le gouvernement précédent…] »- je vous laisse le choix – des hommes politiques.
Loïc, tu m’expliques ?
Ajout: je précise que quand je fais des prévisions, je m’engage de façon quasi-quantitative. Ainsi, sur ce blog, vous avez pu apprendre à l’avance la victoire de Londres aux JO ainsi que les raisons de cette victoire ou encore connaître précisément les évolutions de tous les sondages concernant les évolutions européennes, et ce sans données statistiques. Voilà des sujets concrets sur lesquels on aurait pu prendre des paris ! (Ma mémoire, toujours intéressée, a oublié les articles où j’ai pu me tromper).
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Kundera et Stifter 2 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : Critiques.Lu 11 292 fois | 1 commentaire
Je disais dans un précédent billet que Kundera est un grand professeur de littérature et que cette caractéristique professorale le distingue peut-être même en tant que romancier. Dans son dernier essai sur le roman, Kundera citait L’arrière-saison de Stifter – un livre effectivement extraordinaire que je viens de lire (un des aspects les plus agréables de l’oeuvre de Kundera, c’est qu’en citant beaucoup d’auteurs dont certains sont parfois peu connus en France, il vous aide à découvrir d’autres aspects de la littérature, car, en bon professeur, il vous donne envie de les lire).
J’ai l’impression qu’Alain Fournier avait dû lire ce livre car j’ y trouve beaucoup de réminiscences dans Le Grand Meaulnes (mon interprétation est peut-être fantaisiste; je ne sais pas si Alain Fournier parlait Allemand, langue visiblement non obligatoire pour se faire tuer durant la guerre de 14).
C’est difficile pour moi de sortir les passages clés d’un tel livre dès la première lecture. J’ai déjà cité dans un autre billet sur la crise des élites les définitions modernes du fonctionnaire, qui ont été inventées par Stifter.
Un autre passage stupéfiant :
« Nous avons commencé en partie à appliquer les principes des sciences à l’industrie, au commerce, à la ocntruction de routes et à d’autres ouvrages.[…] Nous abordons à peine le seuil d’un commencement. Que sera lorsque nous pourrons répandre des nouvelles sur la terre entière avec la rapidité de l’éclair, quand nous pourrons nous mêmes, avec célérité, accéder en peu de temps aux quatre coins de la terre ?Les biens de la terre ne deviendront-ils pas communs de par les facilités de l’échange en sorte que tout soit accessible à tous ? Pour l’heure une bourgade peut se retrancher avec ce qu’elle a […] mais bientôt, il n’en sera plus ainsi, happée qu’elle sera dans le commerce général. ce que doît connaître et réaliser le plus humble devra augmenter sensiblement pour satisfaire à ces rapports multipliés. Les Etats qui acquerront les premiers ce savoir grâce au développement de l’intelligence et la culture pourront devancer les autres par la puissance, la richesse et l’éclat. »
C’est écrit en 1857 et Stifter est donc aussi le découvreur de la mondialisation au sens moderne du terme.
Le livre abonde de réflexions sur la nature de l’art et je trouve que certaines aident à mieux comprendre l’oeuvre de Kundera, en particulier lorsque le héros distingue la faculté créatrice de l’artiste de la simple disposition à comprendre l’art. L’oeuvre de Kundera est composée de romans et d’essais et au sein même des romans se trouvent des passages purement didactiques. Dans l’art de Kundera, il y a une volonté de faire comprendre l’art et je ne sais toujours pas si cette capacité participe ou pas de la création artistique.
Attention: la traduction n’est pas à la hauteur. Si vous lisez l’allemand, c’est mieux.
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