Une nouvelle forme de graphomanie : la bloggomanie / Bloggomania : a new form of graphomania 24 mai 2005
Par Thierry Klein dans : Critiques.Lu 18 380 fois | trackback
Raoul trouve que les blogs sont inutiles et m’écrit en commentaire :
Un truc qui ne sert à rien pour commenter un truc qui ne sert à rien… sauf à utiliser de la bande passante. Au fait avec ce type de phénomènes, si tous les bloggueurs du monde passaient leur temps à blogger, bref à réinventer le vrai Xanadu. Qui payerait? Le contribuable qui finance France Telecom, ou le mec qui a une ligne fixe et qui ressemble à une vache laitière. Vive les vaches, grâce à elles, nous bloggons.
P… faudrait qd même en revenir à des trucs plus simples, comme aller pêcher, plutôt que de remplir des disques durs de conneries inutiles.
C’est évident que Raoul a 100 % raison. Les blogs tiennent de la graphomanie. Après Raoul, je cite Kundera (ça ravira Raoul d’être en si bonne compagnie):
La graphomanie n’est pas le désir d’écrire des lettres, des journaux intimes, des chroniques familiales (c’est-à-dire d’écrire pour soi ou pour ses proches), mais d’écrire des livres (donc d’avoir un public de lecteurs inconnus).
Toujours Kundera :
La graphomanie n’est pas la manie de créer une forme mais d’imposer son moi aux autres. Version la plus grotesque de la volonté de puissance. (On comprend mieux pourquoi les entrepreneurs, les politiques et les ados font des blogs, non ?)
Et surtout :
La graphomanie (manie d’écrire des livres) prend fatalement les proportions d’une épidémie lorsque le développement de la société réalise trois conditions fondamentales:
1) un niveau élevé de bien-être général, qui permet aux gens de se consacrer à une activité inutile;
2) un haut degré d’atomisation de la vie sociale et, par conséquent, d’isolement général des individus;
3) le manque radical de grands changements sociaux dans la vie interne de la nation (de ce point de vue, il me paraît symptomatique qu’en France où il ne se passe pratiquement rien le pourcentage d’écrivains soit vingt et une fois plus élevé qu’en Israël.). (…) Mais l’effet, par un choc en retour, se répercute sur la cause. L’isolement général engendre la graphomanie, et la graphomanie généralisée renforce et aggrave à son tour l’isolement. L’invention de la presse à imprimer a jadis permis aux hommes de se comprendre mutuellement. A l’ère de la graphomanie universelle, le fait d’écrire des livres prend un sens opposé: chacun s’entoure de ses propres mots comme d’un mur de miroirs qui ne laisse filtrer aucune voix du dehors.
« A useless line to comment another useless line (except it uses bandwidth)… F… ! We should get back to simpler things like fishing, rather then filling hard disks with unuseful stuff »
Raoul is obviously right. Blogs relate to graphomania. Let me quote Kundera (which is quite a significant improvement after quoting Raoul !).
« Graphomania is not the desire to write letters, personal diaries, family chronicles (i.e to write for himself or for his own relations) but the desire to write books (i.e to have a public audience of unknown readers).
Graphomania is not the mania to create a form but rather to impose one’s self on others (Now we undertand better why CEOs, politicians and teenagers have blogs).
Still quoting Kundera : « Graphomania (an obsession with writing books) takens on the proportions of a mass epidemic whenever a society develops to the point where it can provide three basic conditions:
1. a high enough degree of general well-being to enable people to devote their energies to useless activities;
2. an advanced state of social atomization and the resultant general feeling of the isolation of the individual;
3. a radical absence of significant social change in the internal development of the nation. (In this connection I find it symptomatic that in France, a country where nothing really happens, the percentage of writers is twenty-one times higher than in Israel. …But the effect transmits a kind of flashback to the cause. If general isolation causes graphomania, mass graphomania itself reinforces and aggravates the feeling of general isolation. The invention of printing originally promoted mutual understanding. In the era of graphomania the writing of books has the opposite effect: everyone surrounds himself with his own writings as with a wall of mirrors cutting off all voices from without. »
Commentaires
Kundera est un homme sage, qui a trouvé le stratagème pour être lu… Il y a un premier aspect postif au bloggage, s’il est bien fait comme celui de Thierry… il vous permet de gagner du temps en accédant aux idées des autres sans se fatiguer. Blog = je dois qd même soigner ma pensée = je dois soit être cultivé et polir cette dernière, soit pomper de ci de là… = je fais des résumés pour les autres.
Gageons que les mouflets et mouflettes vont bientôt faire du cut/paste des blogs de Thierry pour faire leurs dissertations… au fait connaissez vous ce service US qui mouline les "papers" des étudiants pour vérifier/identifier les copiers-collers célèbres qu’ils s’approprients. Pris la main dans le sac (sur la touche CTRL-C), ils vont se tourner vers de la littérature plus profane… Il y a un second aspect positif à la bloggomanie… cela fournit une distraction. Quand on est las des jeux en flash gratos qui permettent au prix de l’usure de la touche la plus utile de son clavier de dégommer une pomme sur la tête d’un mec, qu’on en a marre de surfer sur les news d’info brute (AFP…), d’info dégérée par de grands intellectuels (qui n’ont généralement pas lu Kundera et les autres), sites qui montrent des homo-sapiens nus (pas bô en général)… restent les blogs.
il n’est pas mardi 24 mai 2005 – 21:42 comme l’indique ce bô logiciel de gestion des blogs mais mercredi 3:50 du matin… le serveur est fatigué ou a un problème d’horloge.
Le serveur du blog est libre, et visiblement l’heure aussi…
Mais non ! il y a juste un petit réglage à faire dans l’oglet "préférences" de Dotclear 😉
Ca marche pour les tickets mais pas pour les commentaires !