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La fin de Google Workspace et Office 365 dans les écoles ? 5 décembre 2022

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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Le Ministre de l’Education Nationale, montrant par là son goût pour la réflexion prolongée, a répondu ce 15 novembre a une question qui lui a été posée à l’Assemblée Nationale le 30 août 2022. Cette question portait sur l’opportunité de l’usage à l’école des offres Office développées par Google et Microsoft (offres qui, à ma connaissance, sont utilisées par presque toutes les écoles).

Ce que dit en substance cette réponse, c’est que les logiciels de Google et Microsoft ne doivent plus être utilisés pour 3 raisons:

  • gratuits, ils introduisent une concurrence déloyale vis à vis des autres offres
  • ils ne protègent pas les données personnelles des élèves (non conformité avec le RGPD)
  • ils posent des problèmes de souveraineté, toutes les données, même hébergées en Europe pouvant être soumises au droit américain en vertu des lois extraterritoriales des Etats-Unis.

Sur le fond, c’est une excellente décision (ou plutôt un excellent rappel, qui aurait dû être signifié depuis longtemps). Mais il n’y a pas, à ma connaissance, d’offre alternative crédible pour les élèves ce qui veut dire que la politique numérique de l’Etat (gracieusement nommée “Cloud au centre”, les Etats-Unis n’exportant pas seulement leurs logiciels, mais aussi leur langue) risque de se traduire tout simplement en “Pas de Cloud” pour les écoles).

J’appelle donc toutes les entreprises du secteur EdTech français à se mobiliser pour que des solutions puissent être apportées. Vous pouvez me contacter, par exemple via les commentaires de ce billet.

Il y a quelque chose de bien plus grave qui se passe avec Google qui est la pénétration officielle de la publicité dans les enceintes scolaires. Lorsque vous faites une recherche d’information avec le moteur, il vous renvoie en fait une page qui est avant tout publicitaire, telle que celle-ci, qui correspond à la requête “suite office”.

J’ai entouré les parties publicitaires en rouge. On voit qu’elles ne sont pas clairement séparées des réponses du moteur lui-même. La première réponse non publicitaire apparaît en 4ème position seulement. L’essentiel de l’espace disponible est rempli de pubs. Autrement dit, Google vous fait croire qu’il fait de la recherche, mais non, il ne vous sert plus que de la publicité.

J’avais dénoncé cet état de fait il y a une dizaine d’années dans ce billet : “Comment Google contribue au détournement du savoir” et les choses ont encore empiré depuis car comme je l’écrivais alors:

Pour Google, la qualité des résultats est un moyen, non une fin. Ceci veut dire qu’un jour, nécessairement, apparaîtront, chez Google ou ailleurs, des techniques donnant des résultats moins pertinents mais plus rémunérateurs, à travers une probabilité accrue de clic sur un lien sponsorisé.

L’école devrait être un lieu protégé de toute publicité. Les enfants ne la subissent que trop à l’extérieur.

L’usage du moteur de recherche Google devrait être interdit dans les écoles jusqu’à ce que Google mette à disposition une version sans pub (surtout que là, il existe déjà des alternatives non publicitaires).

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A la recherche de la valeur travail : le droit à la paresse (1) 9 octobre 2022

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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C’est Sandrine Rousseau, députée EELV, qui a récemment lancé le débat sur “la valeur travail” et le droit à la paresse. Et les positions sont aujourd’hui bien tranchées. La gauche (EELV, LFI…) déclare que la “valeur travail” est de droite (une exception notable, Fabien Roussel qui prône le travail universel plutôt que le revenu universel). La droite défend évidemment la “valeur travail” mais semble incapable de réellement la définir.

Un chef d’entreprise travaille est censé travailler et est aussi censé faire travailler les autres. Je te donne donc, cher lecteur, mon point de vue de chef d’entreprise dans ce billet (et les quelques billets qui suivront). Et comme il est d’usage, par les temps moralisateurs qui courent, je précise que c’est un avis strictement personnel qui n’engage ni Speechi ni aucun de ses salariés. En cas de plainte, tu peux donc t’adresser directement à moi, via les commentaires, cher lecteur. En revanche, si par miracle tu approuves, je t’encourage vivement à créer une petite cagnotte Leetchi à mon profit.

Pourquoi travaille-t-on ?

La division du travail a augmenté de façon extraordinaire la productivité humaine mais nous cache de plus en plus ce fait fondamental : le travail est la façon dont nous arrachons à la nature ce qui nous est nécessaire pour survivre

Le chasseur-cueilleur préhistorique, directement en lien avec la nature, n’agit que sous la pression de celle-ci et a bien conscience que son activité a pour but direct sa survie. 

L’homme moderne vit sous le règne de la division du travail, des myriades de métiers existent dans notre société. La division du travail nous masque la nécessité du travail car quand l’activité de chacun est parcellaire, plus personne ou presque ne peut reconstituer l’ensemble de la chaîne industrielle qui arrache les moyens de notre survie à la nature. L’ouvrier qui produit un clou n’a pas forcément conscience du rôle de son usine dans la survie de l’espèce pourtant, comme Adam Smith l’a montré, la raison d’être de l’usine est que sa productivité est infiniment supérieure à celle de l’artisan du Moyen Age. Le fait que la production du clou nécessite si peu d’effort humain aide à la satisfaction des besoins vitaux de l’humanité (constructions, infrastructures…) dont le clou ne constitue qu’une étape intermédiaire.  

Les écologistes et la valeur paresse

Ceux qui ont récemment nié la “valeur travail” et prôné un “droit à la paresse” sont donc en premier lieu ceux qui, oubliant la logique profonde, bien qu’inconsciente, de la division du travail, mettent l’accent sur les défauts, les absurdités, les gaspillages liés à cette organisation. 

Ils constatent que la société crée de nouveaux besoins, non liés à la survie, et qu’on peut donc philosophiquement qualifier d’inutiles (du smartphone au besoin irrépressible que tu ressens de finir ce billet, cher lecteur); qu’elle génère de nombreux gaspillages, par exemple énergétiques; que la répartition des ressources est mal effectuée, une partie de l’humanité n’ayant pas assez pour survivre alors que quelques milliardaires accumulent les richesses. 

Si on croit que la machine industrielle s’est emballée, qu’elle produit en quelque sorte “à vide”, on doit donc produire moins, travailler moins, au nom de l’écologie ou du besoin de “sobriété”. A la limite, on peut considérer tout ou partie de l’activité humaine comme contre-productive, générant simplement gaspillage, réchauffement climatique et pauvreté.

Constater ceci, ce serait créer non seulement un droit mais un devoir de paresse. Mais sommes-nous vraiment dans ce cas ?

En réalité, la division du travail actuelle a permis à l’humanité d’atteindre 7 milliards d’individus, en croissance exponentielle depuis le début de l’ère industrielle où la population n’atteignait qu’un milliard. Il a donc fallu environ 15 000 années (invention de l’agriculture) pour passer de 1 million à 1 milliard d’êtres humains, puis 150 ans seulement (ère industrielle) pour passer de 1 à 7 milliards. Cette performance est incroyable.

Faut-il retourner en arrière pour limiter le gaspillage ? Il n’est pas certain que l’agriculteur africain ou australien, brûlant des dizaines de kilomètres carrés de terre pour ses cultures, soit moins destructeur que l’homme moderne, capable de fournir l’énergie nécessaire à des villes entières à partir de quelques kilogrammes d’uranium. 

Pour limiter les besoins purement sociaux dits “inutiles” ? Le gaspillage moderne lié à la surconsommation n’est peut être pas plus important, en proportion, que celui qui a mené aux (inutiles) pyramides égyptiennes. 

Pour limiter les besoins en énergie ? Comme le montre le graphique ci-dessous, l’espérance de vie est fortement liée au PIB, lui-même lié à la consommation énergétique, ce qui signifie que toute baisse de productivité, ou toute crise énergétique réduisant la production, aura des conséquences directes sur la mortalité. 

Les écologistes, comme tous ceux qui prônent un système économique alternatif, échouent pour l’instant à montrer qu’un modèle sobre ou décroissant pourrait être compatible avec le niveau actuel de la population humaine. Les dégâts qu’inflige l’humanité à son environnement sont évidemment bien plus liés au niveau ahurissant de la population mondiale qu’au système économique lui-même (le capitalisme).  

Conséquence : on ne peut pas aujourd’hui, au nom de l’écologie, justifier un quelconque droit ou devoir à la paresse.

(To be continued… Next : “Y a-t-il une valeur paresse ? “)

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La valeur travail existe-t-elle ? 30 septembre 2022

Par Thierry Klein dans : Aliénation,Economie,Open Source,Politique.
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Le chasseur-cueilleur préhistorique, directement en lien avec la nature, n’agit que sous la pression de celle-ci et a bien conscience que son activité  a pour but direct sa survie. L’homme moderne vit sous le règne de la division du travail, des myriades de métiers existent dans notre société. La division du travail a augmenté de façon extraordinaire la productivité humaine mais nous cache de plus en plus ce fait fondamental : le travail est la façon dont nous arrachons à la nature ce qui nous est nécessaire pour survivre. Elle nous le cache car quand l’activité de chacun est parcellaire, plus personne ou presque ne peut reconstituer l’ensemble de la chaîne industrielle qui extrait les moyens de la survie de la nature. L’ouvrier qui produit un clou n’a pas forcément conscience du rôle de son usine dans la survie de l’espèce pourtant, comme Adam Smith l’a montré, sa productivité est infiniment supérieure à l’artisan du moyen-âge. Le fait que la production du clou nécessite si peu d’effort humain aide à la satisfaction des besoins vitaux de l’humanité (constructions, infrastructures…).  

Les écologistes et la valeur paresse

Ceux qui ont récemment nié la “valeur travail” (j’essaierai par la suite de parfaitement définir cette expression) et prôné un “droit à la paresse” sont donc en premier lieu ceux qui, oubliant la logique profonde, bien qu’inconsciente, de la division du travail, mettent l’accent sur ses défauts, ses absurdités, ses gaspillages. Ils constatent que la société crée de nouveaux besoins, non liés à la survie, qu’on peut philosophiquement qualifier d’inutiles; qu’elle génère de nombreux gaspillages, par exemple énergétiques; que la répartition des ressources est mal effectuée, une partie de l’humanité n’ayant pas assez pour survivre alors que quelques milliardaires accumulent les richesses. Si on croit que la machine industrielle s’est emballée, qu’elle produit en quelque sorte “à vide”, on doit donc produire moins, travailler moins, au nom de l’écologie ou du besoin de “sobriété”. A la limite, on peut considérer tout ou partie de l’activité humaine comme contre-productive, générant simplement gaspillage et pauvreté. Constater ceci,ce serait créer non seulement un droit mais un devoir de paresse.

Mais en réalité, la division du travail actuelle a permis à l’humanité d’atteindre 7 milliards d’individus, en croissance exponentielle depuis le début de l’ère industrielle où la population atteignait 1 milliard. Il n’est pas certain que l’agriculteur africain ou australien, brûlant des kilomètres carrés de terre, soit moins destructeur que l’homme moderne, capable de fournir l’énergie nécessaire à des villes entières à partir de quelques kilogrammes d’uranium. Le gaspillage moderne n’est peut être pas plus important, en proportion, que celui qui a mené aux pyramides égyptiennes. Le PIB des pays est fortement lié à l’espérance de vie ce qui signifie que toute baisse de productivité, ou toute crise énergétique réduisant la production, aura des conséquences directes sur la mortalité. Les écologistes échouent à montrer qu’un modèle sobre est compatible avec le niveau actuel de la population humaine et leurs arguments sont sentimentaux, mais pas raisonnables. On ne peut pas, au nom de l’écologie, justifier un quelconque droit ou devoir à la paresse.

La nécessité du travail. 

Le travail n’est devenu une notion noble que récemment. Chez les grecs, seuls les esclaves travaillaient et les citoyens dédiaient leur temps aux activités dites nobles (telles que la philosophie, la géométrie, la guerre …). En temps de paix, le citoyen grec libre se consacre donc uniquement à ce que nous appelons aujourd’hui “loisir”. Dans l’Ancien Régime, les nobles ne travaillaient pas, ne commerçaient pas. C’est la Révolution qui introduit la notion de travail pour tous, au nom de l’égalité et du respect du Contrat Social de Rousseau, qui définit précisément le point de contact frictionnel entre individu et société. Chaque citoyen est censé participer à l’effort collectif que mène l’homme face à la nature. Refuser de mener cet effort en invoquant un droit à la paresse, c’est une rupture du contrat qu’impose la société à l’individu. C’est une forme de malhonnêteté envers la collectivité souveraine qu’on peut comparer, dans l’esprit, au refus de faire son service militaire ou à la fraude fiscale. 

La paresse en tant que morale de l’assistanat

On commence à rentrer ici dans la notion morale, même si c’est sous l’angle de la nécessité. Le travail est nécessaire, il n’élève pas forcément l’être humain mais ne pas se plier à cette nécessité collective est une fraude immorale. Il n’y a pas forcément de “valeur travail” mais il y a un état immoral, qui est l’oisiveté. Cette opinion reste très répandue aujourd’hui et c’est pourquoi les déclarations sur le “droit à la paresse”, qui provenaient de représentants de mouvements d’extrême gauche (LFI et EELV) ont choqué. Pour un grand nombre de gens, l’indemnité chômage, par exemple, est nécessaire face aux accidents de la vie mais une aide permanente destinée à soutenir l’inactivité, nommons ceci “assistanat”, n’est pas acceptable pour des raisons morales, pas plus que ne le serait un soutien à la fraude fiscale par exemple. Et cette idée, quoi qu’en pense Aymeric Caron, est une idée de gauche.

Les sociétés où tout ou partie de la population ne travaille pas sont des sociétés serviles ou en route vers la servitude. Si la classe dominante ne travaille pas, c’est que le reste de la population est asservie, comme dans l’Ancien Régime. Quand c’est le peuple qui ne travaille pas, la société est une dictature en devenir comme Rome l’a été sous le règne du “panem et circenses” ou comme la société totalitaire qu’évoque brillamment Orwell dans 1984. Le “panem”, c’est l’équivalent du RSA pour la plèbe, l’assistanat de toute la population pauvre qui va de pair avec le “circenses”, le loisir, visant à  occuper les esprits. L’ensemble a pour but d’amollir toute velléité de résistance, de mettre la population en état de servitude volontaire. En prônant le droit à la paresse, l’extrême-gauche oublie le contrat social, balaie la notion de citoyenneté et ouvre la voie à la dictature. Cela s’appelle oublier d’où on vient.

Pourquoi donc cet oubli, en rupture totale avec sa tradition historique ? 

L’explication nous est encore donnée par les penseurs de gauche. Pour Marx, la conscience sociale et la morale résultent des conditions économiques, dont elles forment une sorte de superstructure. Pour Proudhon,  “La pensée d’un homme, c’est son traitement”. A partir du moment où, comme c’est le cas en France, un large partie de la population est  structurellement assistée, l’état de chômage permanent devient une sorte de métier à plein temps et il est inévitable qu’une morale associée à cet état économique se crée. Le chômage, honteux au départ, devient le “droit à la paresse”  et n’est plus vécu comme une contrainte mais comme une condition sociale comme une autre. On doit alors augmenter  la rétribution de la paresse, c’est-à-dire les minimums sociaux, au détriment de la rétribution du travail. L’argument de l’extrême gauche va au-delà du clientélisme: il prend en compte la nouvelle réalité économique et la création d’une classe d’assistés permanents, ayant sa propre morale, dont l’extrême-gauche, reniant sa mission historique, protègera les intérêts.

L’impossible liberté du travail

Mais quelle est cette mission historique de la gauche ? Notre chasseur-cueilleur a une productivité très faible,  nous l’avons vu, comparée à celle du travailleur moderne. Mais il est seul, libre d’agir, face à la pression aveugle de la nature alors que le travailleur, subissant l’organisation moderne et la mécanisation de son poste de travail, est face à un commandement humain qui  l’aliène. “La nature peut constituer un obstacle, une résistance mais seul l’homme peut enchaîner » (Simone Weil). Il semble que l’homme ne puisse se débarrasser de la pression de la nature sans créer sa propre oppression, bien humaine. Tout gain de productivité (l’agriculture, l’industrie…) permettant de développer économiquement les sociétés humaines est comme lié à des structures oppressives (esclavage, servage, fordisme…)  aliénant l’individu. Le travailleur devient un simple outil de production, une chose. Le travail est une aliénation et n’est que ceci. La mission historique de la gauche est donc de protéger l’individu contre cette organisation aliénante, que Marx a identifiée et dénoncée dans le capitalisme. 

D’où viennent les 35 h ?

Aucune valeur travail n’est compatible avec cette vision. Aucune amélioration morale de l’Homme n’en sort. Un travailleur à la chaîne subit, devant sa machine, une vie inhumaine – même s’il joue un rôle social important vis-à-vis de la société. Sa profession est purement utilitaire. Pendant qu’il travaille, l’ouvrier est soumis à sa hiérarchie, n’apprend rien, ne progresse pas. Il n’est plus vraiment un homme, plutôt une fourmi. Il n’est homme que pendant ses loisirs et cette vision conduit inéluctablement à une volonté de réduire le temps du travail et d’augmenter les loisirs – sans aller jusqu’à l’assistanat cependant. C’est là l’origine de la vision que la gauche a mise en œuvre ces 30 dernières années et cette vision est probablement partagée par un grand nombre d’employés de ma société.

De l’instinct animal au travail

Si on considère le travail sous l’angle unique de la nécessité, il est donc bien difficile d’en faire ressortir la moindre valeur morale. Pourtant cette valeur existe et pour aller la chercher, il faut partir, encore une fois de notre chasseur-cueilleur et comprendre en quoi le travailleur en diffère. Le chasseur-cueilleur des origines ne travaille pas vraiment. Poussé par la faim, il agit et chasse et il est donc dans un optique de satisfaction immédiate de ses besoins élémentaires. En ceci, il ne diffère pas des animaux qui chassent instinctivement et on ne peut pas appeler sa chasse “travail”. “Les animaux s’agitent, l’homme seul travaille, parce que seul il conçoit son travail” (Proudhon). Pour qu’il y ait réellement un travail, il faut une suite d’opérations manuelles et de pensée en vue de produire un objet qui sera consommé – et plus la division du travail est forte, plus il est probable que la production du travailleur sera consommée par d’autres hommes, lui-même achetant ou échangeant, grâce à sa production, les biens nécessaires à son entretien. Ainsi, notre clou n’est pas consommé par l’ouvrier qui le produit mais, via un système d’échange, lui permet d’acheter sa nourriture. Il n’y a donc travail que lorsque l’homme n’agit pas par impulsion instinctive, mais en vue d’un objectif pensé, qui est la consommation. La consommation n’est alors plus la cause mais la fin de l’action. “La consommation comme besoin est un moment interne de l’activité productive” (Marx). L’homme consomme en qualité d’être vivant, il travaille en qualité d’être pensant » (Simone Weil). 

Le travail est une donc activité pensée ayant pour fin la satisfaction d’un besoin (Simone Weil). Ces deux aspects sont absolument nécessaires. Si on exclut le besoin, en ne gardant que l’activité ou la pensée, on en revient à cette transition qu’a représentée la Grèce. La Grèce a séparé l’activité du besoin, inventant l’athlétisme. Elle a séparé la pensée de la nature, inventant la géométrie, science dont l’utilité pratique est nulle au départ – si les Grecs avaient cherché un savoir réellement utilitaire, ils auraient inventé l’algèbre.

Le chasseur-cueilleur est donc dominé par la nature alors que Grâce à son activité et à sa pensée, “le travailleur soumet la nature en lui obéissant” (Bacon). Passer de la domination pure à la seconde forme d’obéissance est une libération et c’est même l’unique libération possible pour l’homme. “Le génie du plus simple artisan l’emporte autant sur les matériaux qu’il exploite que l’esprit d’un Newton sur les sphères inertes dont il calcule les révolutions” (Proudhon). 

Qu’est-ce que la valeur morale du travail ?

La valeur morale du travail procède donc de  la confrontation entre la pression de la nature et l’action du travailleur. L’aliénation oppressive au travail, c’est la confrontation entre la pression humaine  (l’organisation du travail mise en place) et l’action du travailleur. Seuls les métiers non touchés par l’organisation du travail peuvent être considérés comme totalement libres de toute oppression (par exemple le paysan qui laboure son champ à la faux, l’artisan qui produit seul son objet). 

Les autres métiers sont toujours sujets à une oppression humaine, qui est la seule oppression possible, la nature agissant en tant que pression et non en tant qu’oppression puisqu’elle n’a pas d’intention. L’oppression naît du fait que, selon la remarque de Marx, ceux qui organisent contrôlent le travail de ceux qui exécutent, et ont tendance à les asservir. Il est impossible de se débarrasser de l’organisation du travail car il en résulterait une perte de productivité incompatible avec, entre autres, le maintien de la population à son niveau actuel. Donc il est impossible d’éliminer totalement toute forme d’oppression.

[Les larmes de Federer. J’ai choisi une approche philosophique pour définir cette valeur morale mais j’aurais pu aussi bien m’appuyer sur la psychologie populaire. Quand on dit de quelqu’un qu’il est “un grand professionnel”, on y met évidemment une signification morale. Pour comprendre comment le travail élève, il suffit de prendre un exemple récent, celui des larmes de Federer et de Nadal lors des adieux de Federer. Dans sa carrière, Federer a d’abord tout gagné “facilement”, puis est apparu Nadal qui, comme la nature pour le travailleur, lui a résisté et l’a forcé, par le travail physique et la réflexion, qui sont les deux grands constituants du travail, à améliorer son jeu, à aller plus loin, atteignant à la fin de sa carrière des sommets qui l’ont sans doute surpris lui-même. Federer pleure non pas les grands chelems perdus mais la grandeur que Nadal lui a permis d’atteindre, son dépassement, sa pleine réalisation en tant que joueur de tennis. Et Nadal, qui ne prend pas encore sa retraite, pleure exactement la même chose. Toute personne qui a eu la chance à un moment ou un autre de travailler intensément, dans un contexte où ce travail a été effectué de façon non servile, comprend de quoi je parle.

]

Vers une société de la coopération ?

On peut cependant avoir pour objectif de minimiser cette oppression. Ainsi, dans les manufactures du moyen-âge, le mode d’interaction entre les travailleurs était la coopération entre hommes. Chaque travailleur négociait avec un autre travailleur l’objet qu’il allait lui fournir, dans un but commun. Les compagnons collaboraient pour l’édification des cathédrales. 

Lorsque cette coopération humaine a été remplacée, au moment de la révolution industrielle, par une collaboration de machines, les travailleurs ont perdu toute capacité d’élaboration et coopération. Ils sont devenus asservis aux machines, c’est-à-dire aux ingénieurs et aux contremaîtres. Cette forme de production s’est imposée à cause de sa grande productivité, mais a été un recul sur le plan humain.

L’Open Source et la société de la collaboration

Dans notre société moderne, le développement logiciel, s’il est bien réalisé, donne une idée de ce que pourrait être une industrie de la coopération. Les ingénieurs conçoivent des architectures globales, qui sont nos cathédrales modernes, définissent leurs interfaces internes, les composants qu’ils utiliseront et échangeront avec eux. Cette coopération dans un but commun nécessite effort et créativité et respecte la liberté individuelle de chacun.

Le mouvement Open Source est une parfaite illustration de ce que peut être l’industrie de la coopération, réunissant idéal et utilité. Lancé en 1984 par Richard Stallman, il a pour objectifs de favoriser la libre circulation des connaissances et des logiciels (en opposition  avec les stratégies privées de sociétés telles que Microsoft), de faire collaborer les ingénieurs et de mettre à la disposition de tous le résultat de leurs travaux. En générant des dizaines de milliers de projets logiciels, en faisant travailler de façon collaborative des centaines de milliers d’ingénieurs, l’Open Source a eu – a encore – un impact majeur sur la société et est, entre autres, à l’origine d’Internet.

Dans une entreprise, chaque dirigeant devrait, dans la mesure du possible, tenter de susciter à tous les niveaux la collaboration, son rôle se limitant à organiser et synchroniser les travaux. Chaque exécutant devrait admettre sans ressentiment que la coopération parfaite étant impossible, une part d’arbitraire, de travail forcé, voire de travail absurde, subsistera dans toute activité professionnelle. Et cette part peut malheureusement être parfois très importante. Plus le dirigeant et l’exécutant tentent de se conformer à ce modèle qu’il faut voir comme un état limite impossible à atteindre, plus il y a de vertu dans le monde et plus le travail prend de la valeur.

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Le télétravail n’est pas bon pour créer des produits 1 août 2022

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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Ce qui a changé avec la COVID, c’est la demande de nombreux salariés, chez Speechi comme ailleurs, pour le télétravail. J’y suis réticent pour différentes raisons, l’une d’entre elles est qu’il me semble difficile de créer des produits en visio, à distance. Une superbe étude, de grande envergure (plusieurs milliers de personnes y ont participé), vient d’être publiée dans Nature, qui met ce phénomène en évidence.

Les réunions présentielles sont plus performantes que les réunions physiques

Les chercheurs ont créé des paires physiques (2 personnes dans la même pièce) ou virtuelles (2 personnes en visio) et ont organisé des sessions créatives (question posée typique: cherchez d’autres usages au frisbee, etc). Puis ils ont noté le nombre d’idées et surtout le nombre d’idées créatives générées et ont mis en évidence, sur une seule réunion de 6 mn, un écart de l’ordre de 15% en faveur des réunions physiques.

Les mouvements des yeux des participants ont été analysés et l’interprétation des chercheurs est que la réunion présentielle permet une plus grande liberté du regard et que cette liberté crée une plus grande créativité.

En gros, les participants aux réunions physiques “voient plus loin” au plutôt “plus large”, au propre comme au figuré que les participants aux visios, qui ont le regard coincé sur leur petit écran. Ce résultat concernant le regard confirme des études antérieures mais ce qui est intéressant, ce sont les méthodes d’observation (via des caméras) qui ont permis de corréler effectivement mouvements du regard et créativité.

Ci-dessus: les participants aux réunions virtuelles ont bien plus regardé l’environnement de la pièce où ils étaient (dessin de droite, colonne de droite) que les participants virtuels, qui eux sont plus restés focalisés sur leur écran (dessin de droite, colonne de gauche).

La visioconférence pour sélectionner les idées

Il a aussi été demandé aux participants de sélectionner leur meilleure idée et là, la visioconférence fait aussi bien, voire un peu mieux (mais de façon non statistiquement significative), que la réunion physique.

La créativité est l’affaire des personnes individuelles ou des tout petits groupes

De façon constante dans la littérature, la créativité est liée à la petite taille des groupes 1. L’étude a conforté ce résultat et montré que les réunions à 2 étaient toujours plus créatives que les réunions de groupes. On ne cherche bien que seul (modèle du chercheur) ou à deux (Sherlock Holmes et Dr Watson ou, exemple plus récent reprenant Holmes, Dr House. Dans cette série, les réunions créatives de type “différentiel” ne servent à rien, on attend juste l’étincelle de génie de House, étincelle qui lui vient soit de façon spontanée, soit suite à une discussion avec le Dr Wilson, celui-ci l’amenant inconsciemment vers la solution de l’énigme).

Voilà qui en met un sacré coup au concept “d’intelligence collective” ! Le 1 qui est dans mon cerveau, je ne peux effectivement pas l’ajouter au 1 qui est dans votre cerveau pour faire 2.

Et donc, selon les conclusions de l’étude, les grands groupes de travail (plus de 3 ou 4 personnes) devraient être réservés à la communication des idées ou à la sélection des idées – non pas à la génération d’idées.

L’écran interactif est-il l’avenir de la visioconférence ?

Les visios avaient lieu sur de tout petits écrans de 15”, qui effectivement concentrent le regard voir ci-dessous).

J’aimerais bien savoir ce que pourrait donner cette étude sur des visioconférences faites avec des écrans interactifs géants, où les participants échangeraient debout devant leur écran géant. Il est possible que leur performance créative se rapproche alors des réunions physiques. Pour rappel, le grand avantage du tableau interactif dans l’enseignement a été de “libérer” le professeur de son PC.

Ecrivant directement sur son écran interactif, comme s’il s’agissait d’un tableau “noir”, l’enseignant garde le contact avec sa classe, élargit ses mouvements et améliore ainsi sa performance d’enseignement. Voir par exemple un vieil article de ce blog “Former, c’est créer des liens“.

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Nous ne faisons pas des écrans interactifs, nous transformons les entreprise 27 juillet 2022

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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Cela fait deux ans que je ne suis plus intervenu en tant qu’auteur dans le blog de Speechi. Le relais a été brillamment repris par toute l’équipe marketing, avec un trafic en hausse de 30%, ce qui a évidemment gravement entamé mon ego. Ce n’est donc pas à la demande générale, mais pour répondre à un besoin interne pressant que je vais renouer le fil.

Il y aura beaucoup de choses à dire sur l’interne, Speechi a presque doublé de taille depuis deux ans, mais aujourd’hui, je vais me focaliser sur notre principale réalisation produit : un écran interactif totalement intégré à des logiciels qui en font la solution de référence pour les entreprises.

Lorsque nous avons conçu notre premier écran interactif, autour de 2014, il s’agissait d’améliorer la qualité des tableaux interactifs qu’on installait alors un peu partout dans les écoles et dont les défauts nous semblaient majeurs (éblouissement, faible réactivité, complexité, mauvaise qualité de l’image). Notre premier écran valait autour de 15 000 EUR, mais nous savions que les prix allaient rapidement baisser et notre ambition était alors d’améliorer les solutions scolaires. C’est aujourd’hui chose faite: presque tous les nouveaux équipements dans les écoles sont des écrans interactifs, ils sont plébiscités par les enseignants et aujourd’hui, leur coût d’usage est inférieur à celui des anciens tableaux interactifs à base de vidéoprojecteurs.

Restaient les entreprises. Dès 2017, nous avons vu que les écrans interactifs convenaient parfaitement aux entreprises –  en particulier dans une salle de réunion. En 2020, un grand nombre d’entreprises ont sauté le pas et ont commencé à utiliser l’écran interactif en salle de réunion, comme un produit hybride: l’écran interactif permet de réaliser des réunions “présentielles”, mais aussi à distance – avec une caméra de haute qualité posée sur l’écran. Aujourd’hui, les entreprises représentent la moitié de nos ventes et 80% des écrans vendus en entreprise sont accompagnés d’une caméra pour la visioconférence.

Depuis 2017, nous avons totalement renouvelé la “suite logicielle Entreprise”, l’ensemble des logiciels que nous proposons aux entreprises et aujourd’hui, nous proposons un suite complète qui colle aux besoins de 90% des entreprises. C’est une réalisation majeure, réalisée en interne et avec des partenaires français, que je vous décris ci-dessous.

Un écran interactif connecté, avec reconnaissance faciale.


Dans une entreprise, il y a en général plusieurs écrans. Et quand on a organisé un réunion sur un écran, dans la salle de réunion A, on n’a pas envie de porter ses fichiers sur l’écran de la salle B, en général via une clé USB.

Notre écran est connecté en permanence au Web et l’utilisateur se logge via une reconnaissance faciale, que nous avons développée nous mêmes. Cette reconnaissance vous logge directement dans votre cloud Google ou Microsoft, ce qui fait que toutes les réalisations faites sur l’écran vont pouvoir être archivées dans votre Cloud – et sont donc instantanément réutilisables à partir de tout autre écran. Autre avantage: la sécurité. Les fichiers n’étant pas stockés sur l’écran, vous ne risquez pas que quelqu’un en fasse ensuite une copie intempestive. A ma connaissance, cette technologie est unique.

Une fonction “post-it” ou projet, grâce à Draft


Draft est un logiciel français qui permet de faire des plans projets, des “Kanban”, des présentations diverses et variées sous forme d’un mur de notes repositionnables. Le mur de notes, c’est une application particulièrement astucieuse de l’écran interactif géant et il s’agit ici d’un mur de notes partagé en temps réel (autrement dit, si je bouge une note dans notre show-room de Lille, elle va aussi bouger sur la version projetée dans le show-room de Paris). Cette application, qui reproduit en l’améliorant l’utilisation des “post-it” classiques sous forme de petits papier, est aujourd’hui massivement utilisée au sein de nos écrans. Elle a été développée et pensée pour le tactile Speechi.

L’affichage digital dans toutes les entreprises avec Touchify


Touchify est (encore !) un logiciel français exceptionnel d’affichage digital tactile. Une interface Web permet à toute entreprise de créer sa présentation, qui peut aller d’une présentation toute simple du style “Bienvenue à Thierry Klein, dirigeant de Speechi” (1) à une présentation multimédia qui transforme l’écran tactile en borne interactive, par exemple en magasin. Ainsi, tous les écrans tactiles de l’entreprise, quand ils ne sont pas utilisés pour une réunion ou une formation, peuvent diffuser un message. Cette fonction est aussi très utile en milieu scolaire ou universitaire.

La présentation qui tue avec Excense.


Excense est un logiciel (encore et toujours français !) que vous connaissez tous sans en connaître le nom. C’est le logiciel interactif utilisé par les chaines de télé les soirs de kermesse électorale pour présenter les résultats des élections. Il permet de construire des présentations extrêmement dynamiques, spectaculaires et interactives qui vont se jouer sur l’écran interactif. Typiquement: présentation pour répondre à un appel d’offre, présentations commerciales haut de gamme pour tous les commerciaux de la société… Les présentations peuvent être partagées dans le cloud et donc vont pouvoir se jouer sur tous les écrans de l’entreprise.

Des développements spécifiques

Chacun des logiciels ci-dessus a été adapté en profondeur pour nos écrans. La dernière version de Draft est totalement couplée à notre technologie “SuperGlass”. Touchify est interfacé au système d’exploitation Speechi et permet, entre autres, la bascule automatique de l’écran en mode affichage digital lorsque l’écran n’est pas utilisé pendant quelques minutes. Excense utilise notre technologie de différenciation doigt / stylet habituellement réservée aux écrans capacitifs.

Un écosystème qui va se développer

Speechi est à ce jour le seul écran du marché à proposer, via nos logiciels et des logiciels tiers, une telle palette de fonctionnalité pour toutes les entreprises. Qui plus est, les coûts de ces solutions sont modiques (de l’ordre de quelques dizaines d’euros / mois). Nous allons poursuivre cette stratégie d’intégration et pas mal d’annonces sont à prévoir dans les 12 prochains mois. Notre objectif est que nos écrans puissent être utilisés pour toutes les formations, toutes les réunions et d’une façon générale, toutes les activités liées à la transformation digitale des entreprises.


  1. (J’accepte actuellement toutes les invitations suivies d’un bon repas)
  2. © : “Post-it” est une marque déposée de la société 3M. Le terme “post-it”, quand il est utilisé dans cet article, fait référence uniquement, par analogie et pour des besoins de compréhension, à des notes virtuelles affichées sur un écran interactif et non pas aux bloc-notes en papier commercialisés par 3M sous le nom “post-it”.
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Elon Musk et Twitter: vers la création du 1er réseau social conservateur 18 avril 2022

Par Thierry Klein dans : Politique,Technologies.
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(Article écrit avant le rachat de Twitter)

Elon Musk vient de faire une offre pour racheter Twitter. Le style de l’offre est caractéristique.

I am offering to buy 100% of Twitter for $54.20 per share in cash, a 54% premium over the day before I began investing in Twitter and a 38% premium over the day before my investment was publicly announced.

My offer is my best and final offer and if it is not accepted, I would need to reconsider my position as a shareholder.

Pour en faire quoi et a-t-il une chance de rentabiliser cette offre ?

(Les citations de Musk sont tirées de l’interview d’hier par Chris Anderson, voir la vidéo sur YouTube)

Twitter est un média énorme. Les français l’oublient souvent quand ils critiquent France-Inter (trop à gauche !), ou Cnews (trop à droite !), mais Twitter, Facebook, YouTube pèsent plus que n’importe quel organisme de presse écrite ou audiovisuelle. Plus que Ouest-France, Le Monde ou TF1 si on regarde le temps moyen passé par français par exemple. Acquérir Twitter c’est se donner les moyens politiques de peser dans le monde entier.

Or Elon Musk est un conservateur et Twitter est un média démocrate. Ainsi, la modération de Twitter penche vers les idées “libérales” (au sens sociétales) ou progressistes. On l’a vu quand Twitter a banni Donald Trump un peu avant les élections américaines. Twitter penche vers les idées progressistes à la fois par idéologie (les employés de Twitter, diplômés des universités américaines, sont presque tous des progressistes, comme chez Google ou Facebook); mais aussi par intérêt: Twitter, YouTube, Facebook sont des régies publicitaires soumises aux diktats progressistes de leurs donneurs d’ordre, les grandes entreprises mondiales. D’une façon générale, le communautarisme crée de multiples marchés de niche, au niveau alimentaire, au niveau culturel (mode, média, industrie du luxe, du sport, etc) et donc toutes les entreprises qui vendent des biens de consommation y sont intéressées. 

Bref, pour quelqu’un comme Elon Musk, la modération de Twitter n’est pas neutre et il importe de la corriger. Ce que propose Elon Musk, c’est de mettre en place au sein de Twitter le “free speech” et de rendre les algorithmes de Twitter plus transparents. En quoi cela consiste-t-il ?

Le free speech (ou l’equal speech)

Elon Musk insiste sur le fait que le free speech, soumis aux lois de chaque pays, serait plutôt une forme d’equal speech. Des règles identiques pour modérer les tweets et surtout un mode de modération extrêmement réduit par rapport à aujourd’hui. Grosso modo, si un tweet n’est pas clairement illégal, Elon Musk propose de ne pas le modérer. Elon Musk insiste sur le caractère légal des tweets et c’est déjà un immense progrès par-rapport au Twitter actuel, qui ne se conforme pas à la loi française puisqu’il est organisé pour ne pas donner de façon systématique les coordonnées des auteurs de tweets illégaux. Il est vrai que notre législateur s’est montré bien soumis vis à vis des plateformes US.

(Ajout: 28 avril. Définition de l’equal speech)

Dans un monde idéal, Twitter donnerait immédiatement à la justice française les coordonnées de l’auteur de tout tweet manifestement illicite. Il y en a des milliers par jour et les auteurs de ces tweets pourraient être alors facilement poursuivis. Pour ce faire, Twitter aurait l’obligation de connaître l’identité de ses contributeurs. Ainsi disparaîtrait automatiquement une grande partie de son côté irresponsable et corbeau. 

En un sens, ce que veut faire ici Elon Musk c’est ce que l’Etat français n’a pas voulu ou pas su faire.

La transparence

L’autre idée d’Elon Musk, c’est la transparence des algorithmes. Le code source des algorithmes serait disponible, ce qui permettrait à la communauté d’en modifier les erreurs et d’avoir confiance dans le traitement “juste” de la diffusion des tweets (aujourd’hui, certains tweets sont probablement plus ou moins diffusés en fonction de critères idéologiques et opaques, cela ne pourrait plus être le cas).

Having a public platform that is maximally trusted and broadly inclusive is extremely important to the future of civilization

(A noter l’utilisation savoureuse du terme progressiste politiquement correct « inclusive » que Musk reprend ici à son compte, en en détournant le sens. L’inclusion que pratique Twitter aujourd’hui est une censure idéologique qui ne dit pas son nom. Musk propose de la remplacer par une « inclusion large » (broadly inclusive) traitant tous les tweets légaux de façon identique et transparente.)

La transparence améliorerait-elle la performance de Twitter ? C’est loin d’être certain. En effet, si l’algorithme est transparent, il peut être facilement biaisé. Ainsi, l’algorithme de Google, dont les principes sont connus, est-il biaisé en permanence par les techniques de SEO, qui visent, de façon très efficace, à faire monter un site dans les résultats de Google – à tel point que Google en devient souvent inutile. Dans les sites où le classement des vendeurs est fait d’après des avis publics, les évaluations sont aussi biaisées. Ainsi, plus de transparence ne signifie pas forcément plus de neutralité, bien au contraire. L’opacité est souvent une des conditions nécessaires à la création de valeur collective: c’est le regard d’Orphée qui tue Euridyce.

La rentabilité de Twitter et l’offre de Musk

L’offre d’Elon Musk est à 54 USD par action, la valeur de Twitter est au moment de l’offre de 35 USD par action. C’est une belle offre mais pas fantastique car l’action de Twitter n’a pas progressé depuis 5 ans au même rythme que celles de Google ou de Facebook. Et depuis 1 an, elle stagne carrément. Il est clair que le cours de Twitter est sous estimé par-rapport à facebook ou Google, et c’est lié aux problèmes de management et de positionnement de Twitter. Le capitalisme a horreur du vide et c’est une des raisons qui a rendu l’offre de Musk possible.

S’il prend possession de Twitter, Musk devra s’opposer aux salariés, qui sont uniformément progressistes, en désaccord avec la notion de free speech qu’essaiera de mettre en place Musk. Des départs massifs sont possibles. Est-il possible de construire un média Internet de masse non progressiste ? La question est posée, Trump a échoué.

(Ajout 28 avril: le début de l’opposition aux salariés progressistes de Twitter, ici la directrice juridique, juste 2 jours après l’annonce du rachat)

Musk déclare ne pas avoir d’objectif financier dans l’affaire

I don’t care about the economics at all.

Ca tombe mal, si j’ose dire, parce que les actionnaires de Twitter n’ont pas tous des intérêts financiers non plus ! On y trouve le fond souverain d’Arabie Saoudite, par exemple, qui a un intérêt au maintien de la politique “multi-culturaliste” de Twitter. Twitter est clairement un medium démocrate et donc, il n’est pas certain que ces actionnaires soutiennent Musk, même si c’est leur intérêt financier de le faire. Tout semble aujourd’hui montrer au contraire que l’affaire est politique, progressisme contre conservatisme.

L’offre de Musk peut-elle être créatrice de valeur pour Twitter ?

Oui, mille fois oui. La réponse est dans ce simple graphique.

On y voit que 33% seulement des utilisateurs de Twitter sont des républicains (traduisons: non progressistes). Musk, si sa stratégie fonctionne correctement, peut augmenter le trafic de Twitter de 33% environ. La hausse de trafic pourrait être bien supérieure du fait de l’intérêt généré et si ça marche, Facebook, Instagram, etc seraient obligés de suivre. Sans parler des multiples effets bénéfiques induits qui se monnaieront aussi à terme (liés à la confiance dans le média). C’est l’avenir des réseaux sociaux qui se joue ici.

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Comment j’ai merdé mes entretiens chez Mac Kinsey 3 avril 2022

Par Thierry Klein dans : Humeur,Pour rire ....
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Rien n’était si propre, si moderne, si riche que ces bureaux Mac Kinsey. Jeune diplômé, de retour des Etats-Unis, j’avais décidé de « faire du conseil ». Ne sachant rien faire de précis mais bardé de diplômes, n’ayant aucune idée sur ce que j’avais envie de faire non plus, il me semblait que j’étais en quelque sorte le candidat parfait.  J’entamais mon second tour d’interviews – le processus d’embauche chez Mac est une sorte de parcours du combattant consistant en 5 à 10 entretiens, le but est probablement de bien s’assurer que la société recrute des clones.

J’avais mis pour l’occasion mon seul costume, moi qui n’en portais jamais, je vous prie de croire qu’il ne venait pas du tailleur le plus chic, ni qu’il était du dernier cri: mon costume était peut-être mon premier désavantage, mais je n’en avais absolument pas conscience et surtout ce n’était rien par rapport à ce qui allait suivre.

La secrétaire d’accueil, probablement quadrilingue, m’a fait donc fait pénétrer dans cette salle d’attente, très froide, sans aucun charme, mais où il était évident, car c’était là sa fonction, que tout avait coûté très cher. Murs blancs, canapés blanc, moquette blanche, une peinture au mur qui semblait tout droit sortie de la pièce « Art » de Yasmina Reza mais je ne pouvais pas encore la contempler avec humour, la pièce n’avait pas été écrite, tout ça pour vous dire que ça remonte à très loin.

La moquette ne venait certainement pas de St-Maclou, elle était très épaisse, jusqu’à ressembler plus à une fourrure qu’à une moquette. Je me suis assis sur le bord du canapé, il y avait déjà deux candidats qui attendaient, enfin je n’étais pas certain qu’il s’agissait de candidats, peut-être s’agissait-il d’observateurs. (Peut-être étais-je déjà un brin parano ou alors un brin précurseur, puisque le film « La Firme » n’était pas non plus sorti). Je leur ai donc souri, et après, finalement, c’était comme en Boum, tout le problème était d’avoir l’AIR détendu.

Il y a eu quelque chose d’étrange au bout de quelques minutes. Les candidats-observateurs me regardaient de façon bizarre, un peu comme si j’avais été transformé en cafard. Surtout, je me suis rendu compte qu’il y avait une sorte d’odeur pestilentielle dans la pièce, une odeur de merde pour tout dire. Et cette odeur pestilentielle, il faut bien le reconnaître, semblait avoir pour origine précisément l’endroit où j’étais assis. Et pourtant j’avais fait des frais et ma douche était toute récente, bien plus que mon costume. Alors, prenant l’air le plus détaché possible, j’ai regardé un peu partout, en haut, à droite, à gauche, puis finalement en bas, le bout de mes chaussures. Et je me suis rendu compte que sous ma chaussure vernie droite était accrochée une énorme bouse, immonde, de celles sur lesquelles on ne marche qu’une fois ou deux dans sa vie. Voilà, c’était comme ça, elle était vraiment accrochée à la chaussure, alors, regardant ailleurs, prenant toujours l’air le plus détendu possible, j’ai commencé à discrètement vouloir la laisser sous le canapé. Mais c’était assez compliqué, la crotte étant assez molle et ayant tendance à ne se détacher que partiellement. J’étais occupé à ce travail de (bas) fond, certainement pas la meilleure préparation possible à l’entretien depuis environ 3 minutes quand la secrétaire quadrilingue est entrée me chercher.

C’était évidemment une secrétaire de haut vol, probablement formée à n’avoir jamais l’air de s’étonner de rien comme Anconina dans Itinéraire d’un enfant gâté (film qui était bien sorti, lui) mais quand même son visage trahissait une légère surprise. Il faut dire à sa décharge que 10 mn plus tôt, elle avait quitté une pièce parfaitement propre, discrètement parfumée et que là, elle rentrait dans une atmosphère nauséabonde (ça puait vraiment) avec surtout, à mes pieds, un énorme étron, bien visible, et une longue trainée noirâtre, résultat de mes efforts de dissimulation, encore plus visible, qui se détachait parfaitement, je n’ose dire artistiquement, sur le fond immaculé de la moquette. En fait, j’ai compris qu’elle se demandait tout bonnement si je n’avais pas chié dans la salle d’attente – sans doute une première mondiale pour un candidat à l’embauche chez Mac Kinsey.

Pour la rassurer sur ce point, j’ai donc grommelé un « C’est pas moi, c’est le chien » et, prenant l’air le plus détaché possible, ma chaussure et moi l’avons suivie pour mon entretien.

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Mac Kinsey : l’enfant monstrueux de la gauche, de la droite, de l’Europe et d’Hollywood.

Par Thierry Klein dans : Politique.
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(Ou pourquoi Macron n’est pas responsable de l’affaire Mac Kinsey. Mise à jour d’un article écrit en 2005)

Si je jette un coup d’œil en arrière sur la génération précédente, presque tous les amis de mes parents qui, à 20 ans, ont réussi le concours d’entrée des grandes écoles considérées comme les plus élitistes (ou les plus difficiles) auront eu une carrière de haut fonctionnaire. (j’entends fonctionnaire au sens large, ce qui inclut, mais de façon non limitative, le service de l’état).

Pour bien comprendre ce point, il va falloir que je donne une définition généralisée du fonctionnaire. Je vous conseille la lecture de l’ Arrière-Saison de Stifter.

« Tant que l’administration s’élargit et s’agrandit, elle doit engager un nombre de plus en plus grand d’employés et parmi eux, inévitablement, de mauvais ou de très mauvais. Il est donc impératif de créer un système qui permet que les opérations nécessaires puissent être accomplies sans que la compétence inégale des fonctionnaires les pervertisse ou les affaiblisse. Pour bien préciser ma pensée, je dirais que l’horloge idéale devrait être construite de telle façon qu’elle fonctionne bien même si on échange ses pièces en remplaçant les mauvaises par les bonnes et vice-versa. Une telle horloge est inconcevable. Mais l’administration ne peut exister que sous une telle forme ».

Autrement dit, le fonctionnaire c’est celui qui effectue avec zèle des travaux partiels sans comprendre, ou essayer de comprendre le tout – voire même ce qui se passe dans les bureaux voisins. Je trouve ce point de vue intéressant car il permet de rapprocher des aspects de société qu’on a en général tendance à opposer. Il se pourrait en effet que des sociétés hyper fonctionnarisées telles que l’Union Soviétique des années 50, ou la France d’aujourd’hui ne soient pas humainement si distantes de sociétés hyper libérales comme les USA. Le travailleur à la chaîne tel que le définit Ford est aussi un fonctionnaire au sens de Stifter et il suffit d’avoir voyagé ne serait-ce qu’une fois aux USA pour voir à quel point le pays est fonctionnarisé (passez  la douane, allez au MacDo et appelez ensuite n’importe quel SAV de grande société américaine pour me comprendre).

Dans le roman de Stifter, Risach, le héros est un haut fonctionnaire qui quitte son poste parce qu’il ne supporte pas un travail dont le sens lui est incompréhensible – ce qui fait qu’il ne peut pas agir en fonctionnaire. Je pense que le comportement de Risach constitue un raccourci saisissant de ce qui se passe aujourd’hui pour les élites françaises.

Au sens où elles existent aujourd’hui, les élites françaises ont été créées par Napoléon – et renforcées par de Gaulle – pour servir l’Etat. L’Etat, c’était la France et pour tous les français, y compris les élites, la notion de France était confondue avec tout un tas – ou un fatras – de valeurs universelles (les droits de l’Homme, le rayonnement, une « certaine idée de la France », etc… Lisez les Mémoires de Guerre de deGaulle ou La promesse de l’Aube pour une vision, certes exaltée, mais au fond assez commune de la France).

Si, donc, je regarde les amis de mes parents, ceux qui faisaient partie des élites rentraient au service de l’Etat, si possible par l’intermédiaire d’un grand Corps, ou d’une grande entreprise et n’en bougeaient plus. Jusque dans les années 70, les grands projets du pays étaient valorisants, scientifiquement intéressants, parfois d’avant garde (Aerobus, qui est devenu Airbus, la SNCF puis le TGV, le nucléaire, Ariane, Concorde, la télé couleurs, et j’en passe…). Leur activité coïncidait totalement avec une certaine idée humaniste de la France et du monde qu’ils entretenaient pour la plupart. De par leur formation – quasi militaire – et leur potentiel intellectuel, ils étaient des outils parfaitement efficaces pour le développement de ces grands programmes, et de l’administration en général. Ils étaient certes des fonctionnaires, mais n’avaient pas à quitter leur poste comme Risach puisque la finalité de leur travail leur apparaissait comme généralement utile et compréhensible.

Tous ceux qui ont lu Pagnol se souviennent de la description de son père instituteur, la foi un peu simple qu’il avait en son métier, son enthousiasme, sa vision du progrès qu’il partageait avec tous les autres instituteurs ou presque. Et bien, les élites françaises étaient comme le père de Pagnol. Evidemment, elles vivaient beaucoup mieux que lui – mais n’étaient pas fortunées pour autant et cela leur importait peu car elles recherchaient un statut social avant tout. Les élites étaient la version « caviar » de l’instituteur de Pagnol.

Cet état d’esprit n’existe plus aujourd’hui. La plupart de mes amis X ne sont plus au service de l’état. Ceux qui y restent, qu’ils aient ou non fait des grands corps, n’arrêtent pas de se plaindre du mauvais traitement qui leur est fait, comparent avec envie leur salaire à celui du privé et cherchent la meilleure façon de « pantoufler » (« pantoufler », pour un haut fonctionnaire, c’est le miroir aux alouettes; l’équivalent de « créer une entreprise » pour la majeure partie d’entre nous. Un brin de prise de risque – pas trop quand même car on peut toujours redevenir fonctionnaire, un petit goût de défendu – les collègues de bureau le déconseillent et malgré tout un côté tendance et affirmation de soi qui permet de se dire « je l’ai fait ! »…). Il y a 30 ans, tout était bon pour rentrer dans le Corps. Aujourd’hui, on cherche avant tout à en sortir. Bref, les hauts fonctionnaires sont devenus de simples cadres supérieurs comme les autres. J’y vois trois causes principales, deux de nature nationales et une de nature internationale.

Les causes nationales

1) De Gaulle a été le dernier dirigeant qui a su créer le sentiment que la France était universelle, en lançant réellement des projets d’envergure (j’en ai parlé plus haut) et en glorifiant la notion d’une France au service de l’humanité. Depuis de Gaulle, que ce soit par manque de vision ou de leadership – et probablement les deux, plus un programme d’état d’envergure (au sens où, s’il réussit, le pays peut compter dessus pendant 50 ans pour en vivre). On amuse la galerie avec différents programmes (cf les récents pôles de compétitivité) mais la révolution de l’informatique, qui constitue LE fait industriel majeur des quarante dernières années a été manquée et on semble s’y résigner. Il y a toujours un corps des Mines, alors que les Mines n’existent plus depuis longtemps, mais il n’y toujours pas de Corps de l’Informatique.

2) Indépendamment de tout problème lié à ses dirigeants, l’Etat s’est de plus volontairement retiré de l’Industrie depuis 30 ans.

La droite prône ce retrait par libéralisme, ne se rendant pas compte que l’Etat, se retirant, ne laisse derrière lui qu’un désert que les entreprises sont incapables de combler, quoi que prétende le Patronat. L’Europe a renforcé ce phénomène en interdisant toute initiative d’envergure des états par idéologie et en ne sachant pas susciter elle-même de nouvelles directions.

La gauche a agi de façon pire encore en multipliant le nombre de fonctionnaires inutiles simplement pour lutter contre le chômage – qui plus est en s’en vantant. Pour reprendre le paradigme de la montre, dont je parlais plus haut, la droite prétend que les montres sont devenues inutiles – ce que personne de sensé ne croit vraiment, au fond, mais la gauche a créé de nouvelles montres, ressemblant en tous points à de vraies, y compris au niveau du mécanisme intérieur, à la différence près qu’elles n’ont pas d’aiguilles et qu’on n’a même plus l’espoir de jamais y lire l’heure. Dans un contexte où les hauts fonctionnaires acceptaient finalement leur condition au nom d’un idéal de progrès, la gauche a une grande responsabilité dans la destruction morale d’une des forces majeures du pays, qu’elle s’attachait pourtant à protéger. Ce que la droite la plus libérale n’aurait sans doute jamais pu accomplir, la gauche l’a fait, en enlevant, si j’ose dire, son ressort à l’administration.

Une tendance internationale

Qu’on le veuille ou non, les regards sont depuis 30 ans tournés vers l’Amérique. L’Union Soviétique s’est effondrée, la France n’a plus d’existence politique réelle et l’Europe n’en a jamais eu. Les américains ont gagné la bataille de la communication et le modèle de l’intérêt commun organisé et centralisé (l’Etat français) paraît bien désuet face au modèle de l’intérêt individuel triomphant et décentralisé. Les anciens pays communistes regardent les Etats-Unis bien plus que l’Europe, qui est vue comme une sorte d’état intermédiaire entre la dictature et le Nirvanã américain. La publicité, le cinéma renvoient cette image d’individualisme forcené qui est de plus en plus vécue comme le stade ultime de l’évolution de l’homme vers la liberté entamée, en gros, en 1789. C’est l’Amérique qui fixe nos valeurs et peut-être bientôt notre langue. En tous cas, c’est l’Amérique que les élites regardent et qu’elles admirent – ou souvent dénigrent, ce qui est en fait exactement la même.

Mon article de 2005 se focalisait sur les causes morales de la crise des élites. Les consultants qui travaillent aujourd’hui chez Mac Kinsey sont donc les mêmes que ceux qui, il y a 50 ans, rentraient au service de l’Etat. Simplement l’administration a réduit son périmètre et perdu tout ressort, elle n’a plus rien d’intéressant à leur proposer. Ils font chez Mac Kinsey ce qu’ils ont toujours fait, simplement ils le font pour le compte d’une société privée, ce qui est un affaiblissement moral et ils le font en plus pour beaucoup d’argent car les salaires proposés par Mac Kinsey n’ont rien à voir avec des salaires de fonctionnaires. Autre affaiblissement moral. En contrepartie de ce salaire exceptionnel, ils vont travailler comme des chiens pendant 2, 5, 15 ans, le temps que durera leur expérience de conseil. Là aussi, ils font ce qu’ils ont toujours su faire (les classes prépa l’ont montré), ce que l’administration française ne leur propose plus (ils s’y ennuieraient). Et cette situation n’est pas un progrès non plus pour eux car le rythme de travail imposé ne facilite pas leur épanouissement ni leur entrée dans la vie.

Par-rapport à leurs anciens, ces jeunes sont à plaindre: ils ont de l’argent mais ils n’ont pas le sentiment de travailler pour l’intérêt général et non seulement les intérêts des cabinets de conseil, privés, ne sont pas alignés avec l’intérêt général mais les coûts exorbitants de facturation des cabinets en font de fait des pilleurs de fonds publics. Ce pillage, inconscient aux yeux de la plupart, est dissimulé par une dialectique glorifiant le surtravail, la performance, la libre concurrence, le droit de l’Etat de ne pas faire appel au Cabinet, etc. L’acceptation de cette dialectique, que je nommerai par facilité « libérale », est facilitée si les consultants ont aussi effectué des études de type MBA aux Etats-Unis, ce qui est souvent le cas.

Macron et la plupart de ses jeunes ministres les plus emblématiques ont eux-mêmes des profils de consultants. Amélie de Montchalin est diplômée de la Harvard Kennedy School. Agnès Pannier Runachier est lauréate de la fondation américaine Akosha. Ils sont eux-mêmes fascinés par l’Amérique, par le mélange des genres public / privé / pro-bono qu’ils ont tous appliqué au sein de leur propre carrière professionnelle. Fascinés par Mac Kinsey qui embauche, j’insiste sur ce point, les meilleurs élèves de nos grandes écoles (on peut considérer l’entrée chez Mac Kinsey, ou chez tout autre grand cabinet de conseil en stratégie, comme un premier succès professionnel tellement cette entrée est sélective.).

Qui plus est l’administration française n’est plus capable, sauf exception, d’effectuer les tâches qu’effectuent les consultants. Pour deux raisons: parce qu’elle a été privée de ses meilleurs jeunes éléments (qui sont dans les cabinets de conseil) et parce que progressivement, les énarques ont remplacé les ingénieurs aux plus hauts postes de l’administration et de l’industrie d’Etat. Or les énarques n’ont pas la formation analytique nécessaire pour mener à bien ces missions. Les jeunes consultants des cabinets de conseil sont des ingénieurs, parfois des HEC (qui disposent d’un bon bagage analytique), rarement des énarques (ceux-ci seront recrutés à un stade plus avancé de leur carrière, pour leur connaissance des rouages internes de l’Etat et leur portefeuille relationnel). La prise de pouvoir des cabinets, c’est aussi, en un sens, le retour des ingénieurs dans l’appareil d’Etat.

La pénétration des grands cabinets de conseil américain au sein de l’Etat dépasse donc largement Macron ou ses ministres en tant qu’individus. Elle est la conséquence des faits que j’ai énumérés plus haut (la gauche, la droite, l’Europe, Hollywood). Ceux qui attaquent Macron ont évidemment eux-mêmes souvent fait appel à ces cabinets dès lors qu’ils ont gouverné (les LR, les socialistes).

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L’intelligence artificielle pour comprendre l’intelligence humaine 12 mars 2022

Par Thierry Klein dans : Technologies.
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Une intelligence artificielle (IA) simple permet de déterminer le sexe d’une personne avec un probabilité de 87% à partir d’une photo de son fond rétinien. Ce résultat en soi n’est pas très étonnant mais ce qui est un peu plus surprenant, c’est qu’aucun médecin n’était au courant et même maintenant, aucun médecin n’est capable de comprendre sur quels critères s’est basée l’intelligence artificielle pour arriver à un tel résultat.

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Non seulement ça, mais même les informaticiens, même ceux qui ont mis au point cette IA ne savent pas pourquoi elle arrive à ce résultat. Un cerveau artificiel comprend des millions de neurones dont il est extrêmement difficile, parfois strictement impossible, d’analyser le comportement. Et analyser ce comportement, comprendre pourquoi l’IA fonctionne, n’intéresse souvent pas grand monde. Pour des raisons économiques triviales mais évidentes, la communauté scientifique se focalise aujourd’hui sur les résultats, impressionnants, qu’obtient l’intelligence artificielle plus que sur la compréhension du cerveau artificiel.

Pourtant, le cerveau artificiel reproduit probablement des mécanismes profonds que la nature a mis en oeuvre dans le cerveau humain et il est évidemment plus facile à observer que le cerveau humain, puisque chaque neurone artificiel est une structure informatique dont on peut déterminer l’état à tout moment, alors que les neurones humains sont aujourd’hui impossibles à tester et observer individuellement (et ne le seront peut être jamais). La compréhension de l’IA est une « simple » question mathématique, alors que la compréhension du cerveau humain dépasse nos capacités d’analyse biologique.

La compréhension de la façon dont l’IA fonctionne est donc une des voies les plus prometteuses pour la compréhension du cerveau, pour la psychologie en général. Je checke pour ma future vie.

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