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“Nature is code” : un message d’espoir pour 2021 31 décembre 2020

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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En cette fin d’année 2020, il est difficile d’envoyer des vœux positifs. Le COVID a tué environ 1 personne sur 1000 en France et aux Etats-Unis (série en cours) ; la crise économique qui s’annonce risque d’avoir des conséquences directes ou indirectes encore plus graves – souvenons-nous de la crise de 1929 et de ses conséquences, en particulier la 2ème guerre mondiale.

Je voudrais pour ma part revenir sur l’immense espoir que représente la mise au point du vaccin ARN pour l’avenir. Ce vaccin a été développé et mis au point en moins d’un an, ce qui constitue une prouesse technique sans égal. Mais cette prouesse en annonce bien d’autres car la raison de cette rapidité de développement est la suivante : le vaccin ARN mis au point par Pfizer est le premier vaccin numérique. La technologie de conception étant de nature logicielle, il sera de plus en plus facile – et rapide – de développer de tels vaccins.

Le vaccin est structuré comme un code informatique. Quand vous échangez des données entre systèmes informatiques, vous le faites souvent sous forme de messages, qui sont structurés ainsi :

EntêteContenuFin
O1O100101001001100011010111111

« Entête » sert par exemple à indiquer au récepteur du message qu’il s’agit bien d’un message à interpréter et qu’il s’agit par exemple de données provenant du système comptable qui lui sont bien destinées. « Contenu » contiendra l’ensemble de ces données et « Fin » lui indiquera que les données ont été transmises. Les données sont envoyées sous forme binaire (des « 0 » et des « 1 »).

La structure du vaccin ARN de Pfizer est strictement identique à ce schéma. Il s’agit ni plus ni moins d’un bout de code contenant ces éléments. La principale différence est que ces données ne sont pas de nature binaire mais quaternaire : les éléments de base sont les briques du vivant, au nombre de 4 : les bases A, C, G et U.

Faire un vaccin ARN, c’est donc concevoir un message informatique. Ce message sera ensuite synthétisé très facilement à l’aide d’imprimantes à ADN.

L’entête

L’entête du vaccin contient différentes informations de type « métadonnées » qui vont indiquer à la cellule où, quand et comment les données génétiques (le contenu du message) doivent être utilisées. Une des prouesses techniques importante pour la réalisation du vaccin est la suivante :  la base « U » est remplacée par une base de synthèse nommée Ψ. Cette astuce a pour conséquence principale d’inactiver le système immunitaire. Le message ne sera pas attaqué ni détruit et pourra pénétrer dans la cellule.  Ensuite, cette base Ψ est une base de synthèse, qui n’appartient pas au « monde du vivant ». Elle ne peut être synthétisée par l’organisme. Aucun virus connu ne peut l’incorporer pour se cacher. Cette molécule Ψ est donc à la fois une des clés de l’efficacité et de la sécurité du vaccin.

Le contenu du message

Le contenu du message contient environ 4 000 lettres représentant le code génétique de la protéine « Spike », caractéristique du COVID. L’ARN ayant pénétré dans la cellule, la protéine « Spike » sera ainsi générée et le système immunitaire commencera à produire des anti-corps permettant à l’organisme de détruire le COVID 19, qui expose cette molécule. C’est le mécanisme classique des vaccins, à ceci près qu’ici ce n’est pas le vaccin affaibli qui est introduit dans l’organisme, mais sa signature (la protéine Spike).

Là aussi, je passe rapidement sur les prouesses techniques. Pour augmenter le rendement du vaccin, pour optimiser la façon dont la protéine va se configurer, on modifie astucieusement quelques lettres du code génétique. Le vaccin de Pfizer ne fait pas que reproduire la nature, il est plus efficace que la nature.

La fin du message

La fin du message est une répétition de termes, de type « FINFINFINFIN… » qui se dégrade au fur et à mesure que l’ARN est utilisé. Au bout de quelques dizaines d’utilisation, l’ARN est dégradé et sera détruit.

Prouesses technologiques mises à part, que constate-t-on ?

L’entête et la queue du message sont essentiellement des constantes. Ils sont à peu de choses près réutilisables pour tout vaccin.

Les données internes du message contiennent l’information du vaccin, son « contenu ». Il suffit pour obtenir celui-ci d’analyser la molécule et un de ses éléments caractéristiques, puis de synthétiser le tout via une imprimante ADN par exemple.

Ceux qui maîtrisent ce processus logiciel ont réussi à développer le vaccin avec une rapidité jamais vue jusqu’à présent, mais dans quelques années, ce travail ne sera plus une question de mois ou d’années, mais d’heures ou de jours. On le réalisera sans doute intégralement à l’aide d’un simple ordinateur relié à l’imprimante ADN. La partie la plus longue sera alors la validation du vaccin (vérification de l’efficacité et surtout essais cliniques de phase 1, 2 et 3).

Nous assistons ici, tout simplement, à une nouvelle manifestation de la pénétration de la révolution numérique et du pouvoir universel du software dans des sciences fondamentales telles que la chimie (voir un précédent billet) ou ici la biologie (l’autre exemple important en biologie étant Crispr, lui aussi de nature logicielle). Ce vaccin est le premier d’une longue série, qui permettront de générer à volonté de nouveaux vaccins de façon très rapide, avec une très grande souplesse et à un coût très réduit. Les GAFAM nous ont appris à notre détriment, selon l’heureuse expression de Lawrence Lessig, que « Code is law ». Avec ce vaccin, nous constatons que « Nature is Code» et c’est une excellente nouvelle pour l’avenir de l’humanité.

Dans nos écoles Algora, nous essayons depuis 2017 de faire comprendre aux enfants, et aujourd’hui aux adultes, toutes les conséquences de cette révolution numérique. Nous abordons tous les sujets: automatisation, intelligence artificielle et compréhension de la nature.

Voici le vrai message d’espoir qui nous vient de l’année 2020.

Meilleurs vœux à tous

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Non, Mr McAuley, vous n’avez pas compris l’idéal français. 11 décembre 2020

Par Thierry Klein dans : Politique.
Lu 2 212 fois | 2 commentaires

(En réponse à la tribune sur la laïcité de James McAuley, journaliste au Washington Post, publiée dans le Monde du 5 décembre dernier).


Pour comprendre la différence fondamentale de perspective entre la France et l’Amérique vis-à-vis des religions, il faut se souvenir que les Etats-Unis ont été fondés par des bigots persécutés, qui ont avant tout cherché à ce que cette situation ne se reproduise jamais sur le sol américain.

Aux Etats-Unis, la religion est au centre, sur les billets de banque mêmes, et toutes les religions sont également favorisées. Votre pays est religieux par défaut.

Au contraire, les français ont cherché avant tout à se protéger contre les excès d’une religion dominante et omniprésente, le catholicisme. Cette lutte contre l’emprise politique du catholicisme, achevée par la république en 1905 avec la laïcité, avait été initiée sous la royauté, au moins depuis Philippe le Bel. La position française est une position de méfiance envers les excès des religions et bien qu’une communication politique malheureuse et récente, que vous reprenez James  McAuley, l’affadisse en la réduisant à « la liberté de croire et de ne pas croire », l’article réellement révolutionnaire du texte, dont tout l’esprit de la laïcité découle, est bien l’article 2 qui précise que « la République ne reconnaît aucun culte ».

Ainsi, les religions ont en France le simple statut de superstitions tolérées. Comme la notion de culte n’est pas reconnue, la notion de blasphème ne peut l’être. Blesser un croyant en critiquant son culte n’a pas non plus de sens légal.

En France, la religion est à la périphérie et toutes les religions sont également déconsidérées. Mon pays est agnostique par défaut, voire athée. Je chéris ce principe d’un pays débarrassé de l’omniprésence religieuse.  Je n’échangerais pour rien au monde cette position avec la position américaine. Avec l’arrogance française qui me caractérise, je pense que notre perspective, découlant directement de l’esprit des Lumières, est philosophiquement supérieure.

En temps normal, les différences concrètes entre ces deux positions sont minimes, presque folkloriques. Chaque français apprend ainsi avec étonnement, grâce à Jules Ferry ou grâce à Hollywood, que les témoins d’un procès sont tenus au Etats-Unis de jurer sur la Bible. Mais le plus important, de part et d’autre de l’Atlantique, reste l’égalité de traitement des religions et la liberté de croyance, qui garantit le bonheur de tous les citoyens des deux côtés de l’Atlantique : ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas.

Le discours français sur l’universalisme, contrairement à ce que vous pensez, Mr Mc Auley, a toujours été dur et même parfois très violent. C’est la loi de 1905 qui de fait met fin à la persécution des religieux catholiques en France. Auparavant, Napoléon avait intégré les juifs en tant que citoyens français en leur imposant de façon très ferme la primauté des lois françaises. En particulier, les juifs devaient admettre le principe du mariage mixte, de la monogamie, et regarder leur France comme leur patrie. Trois points qui, l’actualité récente l’a montré, posent encore problème aujourd’hui à beaucoup de musulmans.

Des débats parlementaires en 1905, il se dégage que les députés, enfants de Marx, avaient compris remarquablement tôt que l’emprise politique de la religion repose entre autres sur l’omniprésence, en quelque sorte publicitaire, du signe religieux. Ils ont cherché par tous les moyens à limiter ces signes. Toute religion visible dans l’espace public est susceptible de peser socialement sur les individus, de nuire à leur liberté de conscience ainsi qu’à la séparation du religieux et du politique. L’article 28, visant évidemment la religion catholique, est une mesure de prophylaxie radicale à cet égard. Il interdit « d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit […] ». Ainsi, les français n’ont pas été aussi loin que les talibans, ils n’ont pas détruit leurs monuments religieux, mais ils se sont arrêtés juste avant le fanatisme en empêchant l’édification de nouveaux signes religieux. L’article 28 permet de bien sentir en quoi la position française de bornage strict du domaine religieux est radicalement différente de la position américaine, qui est une position de bienveillance envers la religion.

Dans cet esprit, il paraît tout à fait naturel que lorsqu’une nouvelle religion apparaît sur le sol français, les « laïcards », dans l’esprit de la loi de 1905, cherchent à limiter cette visibilité et à contraindre cette religion à se soumettre à l’esprit de la loi. Or l’Islam est une religion devenue aujourd’hui hyper visible dans l’espace public – ne serait-ce que par le port du voile. Pour les laïcards, il ne s’agit donc pas de pointer du doigt l’Islam mais simplement de lui imposer un traitement comparable à celui qu’ont connu les autres grandes religions. Car même si le législateur de 1905 a cherché à être universel dans son principe, il ne pouvait prévoir la force que prendrait l’Islam en 2020 sur le sol français.

Le plus étonnant, en fait, c’est que les laïcards aient pu se diviser sur cette question. Comment des hommes de gauche, et souvent d’extrême gauche, ont-ils pu oublier que la religion était « l’opium du peuple » – au point de laisser un temps  à la droite le monopole de la défense de la laïcité ? J’ai longuement réfléchi à cette question et je propose ici une explication, qui éclairera aussi à mon sens le terme « islamo-gauchisme » que James McAuley juge flou et « aux connotations historiques sinistres » (cherchant ainsi, de façon rhétorique à diaboliser l’expression en faisant référence au terme raciste « judéo-bolchevisme », largement utilisé par les nazis).

La loi de 1905 est effectivement une loi de tolérance mais beaucoup à gauche n’y ont vu qu’une façon de lutter contre l’influence de l’Eglise catholique, église honnie en tant que symbole bourgeois, colonial, réactionnaire, etc. On les croyait laïcards universels mais ils n’étaient que des bouffeurs de curés intolérants et la laïcité servait d’alibi à leur intolérance. Ils n’ont eu aucun problème pour laisser tomber les principes laïcs car ils n’en avaient pas. L’Islam a été vue comme la religion des défavorisés, des victimes du colonialisme et comme une force d’opposition à l’église catholique.

Les représentants de l’Islam politique ont utilisé cette sensibilité avec habileté pour entrer dans le sein des partis de gauche – là est l’origine et la signification profonde du terme « islamo-gauchisme » qui ne fait nullement référence aux musulmans dans leur ensemble mais évidemment uniquement à l’Islam politique, à l’Islamisme. Il faut évidemment le distinguer du terme « judéo-bolchevisme », qui faisait référence aux juifs en tant que personnes. Et la confusion entre Islam et Islamisme, c’est donc vous, James McAuley qui la faites en introduisant cette comparaison. Vous qui la faites en utilisant par exemple le terme « islamophobie » dans de nombreux articles, alors que ce terme entretient la confusion entre ceux qui luttent contre l’influence politique de l’Islam, forme d’anti-cléricalisme parfaitement dans la tradition laïque française et ceux qui veulent s’en prendre aux musulmans, discrimination raciste totalement contraire à l’idéal universel de la France. Vous qui la faites encore en qualifiant d’organisations « musulmanes » le CCIF et Baraka City, alors que ce sont des organisations islamistes, jouant elles aussi abondamment sur l’ambigüité du terme « islamophobie » pour essentialiser tous les musulmans.

Contrairement à ce que vous affirmez, la projection des caricatures sur les murs ne viole en rien la neutralité de l’Etat. Les cultes n’étant pas reconnus, les caricatures ne sont pas projetées en référence à une religion, mais en tant que symboles de la liberté d’expression. Projeter ces caricatures ne signifie même pas qu’on soit en accord avec leur contenu – pour ma part, je trouve qu’elles sont médiocres. Cela signifie simplement, selon le mot de Voltaire, que même si nous ne sommes pas d’accord avec le contenu des caricatures, nous nous battrons jusqu’à la mort pour qu’elles puissent exister.

Comme vous l’écrivez, il existe une composante universaliste admirable au sein des trois grandes religions du Livre. Cet idéal universaliste n’est en rien mis en danger par la laïcité. C’est uniquement la composante sectaire, obscurantiste, superstitieuse que nous, les « laïcards », combattons lorsque, devenant visible, publique, omniprésente, elle fait peser, comme l’écrit Tocqueville, français qui avait  compris l’Amérique mieux que vous n’avez compris la France,  « une immense pression de l’esprit de tous sur l’intelligence de chacun ».

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Une discussion intéressante (enfin !) sur Twitter 24 septembre 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19.
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Au début du confinement, j’ai ouvert un compte perso « pour voir » sur Twitter. Les discussions Twitter sont, en règle générale, incroyablement peu intéressantes (90% des gens en ont conscience et donc se masquent derrière un pseudo) et incroyablement addictives (sans doute à cause du format court des tweets, qui entraine des échanges sans fin).

J’ai eu ma première conversation intéressante le week-end dernier, et elle a tourné autour d’une étude réalisée à l’IHU Marseille sur le traitement hydroxychloroquine (HCQ) / Azithromycine (AZI), traitement dont j’ai beaucoup parlé dans ce blog. La discussion touche à des problèmes de fond sur la méthodologie des études, la façon dont on doit analyser cette méthodologie et la façon dont se crée l’opinion. Raisons pour lesquelles j’en parle ici.

Dans cette étude (lien), 3737 patients ont été traités selon le schéma ci-dessous. Le point discuté sur Twitter concerne les 218 patients qui ont reçu HCQ moins de 3 jours.

Fig. 1

Pourquoi les auteurs font-ils un groupe séparé avec ces 218 patients ? Parce que HCQ est un médicament réputé pour ne pas pouvoir agir en moins de 3 jours. Les patients ayant reçu HCQ pendant moins de 3 jours n’ont donc pas pu, selon les auteurs, bénéficier du moindre effet positif lié à ce soin. Par ailleurs, ces patients pèsent beaucoup (négativement) sur les statistiques de guérison. En effet, si le traitement HCQ a été interrompu, c’est soit que les patients sont morts, soit que leur état s’est aggravé et que le médecin a estimé que HCQ devenait contre-productif (HCQ semble effectivement devenir contre-indiqué lorsque le COVID franchit un certain stade), soit qu’une comorbité quelconque est apparue. De fait, le % d’hospitalisation de ces patients est 3 fois plus élevé que dans le groupe ayant reçu le traitement de base.

Dans leur traitement statistique, les auteurs ont alors comparé le groupe de test (3119 patients traités avec HCQ + AZI) aux autres groupes (parmi lesquels les 218 patients traités moins de 3 jours). Ceci a généré une levée de boucliers dont Twitter est friand. Les principales accusations envers les auteurs (autrement dit Raoult) sont la fraude, l’incompétence.

Pour ma part, j’avais rapidement lu cette étude lors de sa sortie et cela ne m’avait pas choqué. J’avais effectivement pensé que la méthode était certes optimiste, mais qu’on ne pouvait cependant pas imputer au débit d’un traitement qui n’agit qu’après 3 jours les conséquences cliniques négatives constatées sur des gens qui ne l’ont reçu que moins de 3 jours. Pour pouvoir raisonner ainsi, il faut évidemment supposer que le traitement est aussi sans danger – ce que les auteurs supposaient à l’époque et ce qui a largement été confirmé depuis lors.

Mais lors des discussions, ce qui était reproché à Raoult n’était pas seulement d’avoir « séparé » ce groupe critique du groupe de traitement dans les calculs, mais de l’avoir, « en plus » reversé dans le groupe « other treatments » sans avoir « fait de même » dans le groupe « others treatments »

(A noter que je ne sais pas très bien ce que signifie « faire de même » dans le groupe « others ». Je pense que Pierre Prot, l’auteur du tweet veut dire qu’il enlèverait du groupe « others » tous les événements négatifs (hospitalisation et décès) observés durant les 3 premiers jours. Mais un tel retraitement ne serait pas « faire de même ». En effet, les patients ôtés du groupe HCQ/AZI > 3 jours n’ont pas tous été hospitalisés (seuls 40% l’ont été) et encore moins hospitalisés dans les 3 premiers jours. Pierre Prot cherche donc à rétablir une sorte d’équilibre, de « justice », mais échoue à le faire.)

Et là, Pierre Prot m’envoie cet exemple, que je trouve très intéressant, pour montrer que la méthode utilisée est « pourrie » (et frauduleuse selon lui). Dans le traitement ci-dessous, HCQ et Placebo ont exactement les mêmes résultats, pourtant avec la méthode appliquée par les auteurs de l’IHU, on conclut à la supériorité de HCQ > 3 j

Thibaut m’indique, à juste titre, qu’avec cette méthode, on peut prouver l’importe quoi.

Pierre en rajoute et m’envoie un dernier argument qui ne manque pas de sens:

Ca montre bien sûr, en plus, ma nullité et même mon aveuglement volontaire. Tous ceux qui pensent (1) que HCQ fonctionne ont un jour ou l’autre ont été traités de croyants désespérés, recherchant à tout prix le réconfort dans un espoir illusoire, sur Twitter. C’est un argument qui rassure celui qui le tient sur son objectivité sans faille, sa grande capacité à affronter lucidement le malheur.

Et finalement, Lebon confirme cette position.

Et Lebon, pour moi, est vraiment un bon. Au début, quand il donnait des infos ou communiquait des analyses, je les vérifiais, mais après avoir vérifié une dizaine de fois, j’ai arrêté. Lebon est beaucoup plus compétent que moi et va beaucoup plus loin dans l’analyse statistique des études, donc je lui fais confiance.

Et donc j’étais quasi-convaincu à ce moment que le traitement était illégitime. Je l’aurais probablement admis, dans un grand moment de solitude, si j’avais été sur un plateau télé, mais là, c’était Twitter, il était tard et je suis parti me coucher, suivant pour une fois le sage (mais intéressé) conseil que me donnait Pierre Prot.

J’y ai repensé le lendemain, et encore ce soir, et je pense que finalement j’ai raison dans cette discussion. Je voudrais m’en servir pour expliquer l’angle qu’il faut avoir quand, non spécialiste d’un domaine, on essaie de comprendre l’approche qu’a pu avoir un spécialiste. Il y a 3 principes à mon avis fondamentaux à respecter :

  • essayer de comprendre la logique du spécialiste, se mettre à sa place
  • réfléchir avec bienveillance, ne pas supposer le spécialiste fraudeur
  • réfléchir avec confiance, ne pas supposer le spécialiste mauvais

Ces principes sont à l’exact opposé de ce que le mouvement « pro-science » (je mets ce terme entre guillemets car je suis moi-même profondément pro-science, mais totalement opposé à ce mouvement, qui se nomme aussi #noFakeMed sur Twitter) applique. Pour les #noFakeMeds:

  • Raoult ne respecte pas la sacro-sainte méthodologie et c’est inadmissible (alors que la bonne attitude est d’essayer de comprendre pourquoi il ne la respecte pas, cette dernière question est nettement plus fructueuse, voir ci-dessous)
  • Raoult est un fraudeur a priori
  • Il est mauvais et donc on ne lui reconnaît aucune autorité

La logique de cette étude

La priorité de Raoult est médicale. Raoult a mis en place un protocole de soin et décrit principalement la gestion clinique des patients, le but ayant été d’en sauver le plus possible. La priorité n’était pas de rapporter des données, mais de sauver des patients. Les données issues de l’étude viennent en plus, « par surcroît ». Cette logique est totalement différente d’une étude randomisée avec placebo, par exemple, où le but est d’obtenir une preuve fiable, même si cela occasionne des événements négatifs, pouvant aller jusqu’à la mort, pour certains patients.

Il faut imaginer les médecins de l’IHU prescrivant a priori à tous les malades possibles leur traitement « de référence » (HCQ / AZI) et n’excluant que les malades pour lesquels ce traitement était contre-indiqué. En parallèle sont récoltées les données, qui ne sont pas le but principal de l’opération. Le but principal est le soin. Puis on regardera les données.

Imaginons alors qu’un médecin regarde les données obtenues après coup et imaginons de plus que ce médecin n’appartienne pas à l’IHU et dispose d’un testeur miracle, lui permettant de voir si le malade a reçu de l’HCQ pendant plus de 3 jours ou pas (je rappelle qu’on suppose que HCQ pendant une durée < 3 j n’a absolument aucun effet thérapeutique). Ce médecin est tout à fait fondé à séparer des autres tous les malades ayant reçu le traitement plus de 3 jours, du fait qu’il aura un point de vue rétrospectif. Peu lui importe pourquoi tel ou tel malade n’a pas reçu le traitement, le fait est qu’il ne l’a pas reçu. Et justement, on nous indique dès le départ que cette étude est une étude rétrospective, les termes n’ont pas été choisis au hasard.

S’il s’agissait d’un essai clinique (par exemple double aveugle randomisé), il serait bien sûr absolument injustifiable de définir de tels groupes et de les changer « en cours de route ». Mais ici, le but des auteurs est simplement de décrire leur protocole de soin de façon rétrospective. Les conclusions de l’étude ne font d’ailleurs qu’une place très réduite à l’HCQ, et aucune statistique n’est donnée; c’est avant tout le protocole de soin complet qu’on a cherché à valider.

La perversité médicale d’un retraitement différent

Le but de ce traitement statistique n’est donc pas de fournir une donnée dont on pourrait se servir pour quantifier le taux de mortalité un d’hospitalisation d’un échantillon de personnes traitées à l’HCQ / AZI. A aucun moment les auteurs ne prétendent calculer ceci. S’ils avaient procédé autrement, en cherchant à optimiser la performance statistique du traitement sans ce retraitement, les effets auraient été potentiellement pervers pour les malades. En effet, les médecins auraient pu avoir tendance à exclure certains patients « par précaution ». Ainsi, peut-être y a-t-il eu 500 patients « tangents » (auxquels on hésitait à donner le traitement ), dont 218 finalement exclus. Mais les 282 qui restent ont eu accès au traitement. Alors que si on avait dit aux médecins que cela aurait un impact négatif sur les statistiques de l’étude, ils auraient peut être exclu 500 patients. Et eu plus de morts sur la série totale.

La fraude des auteurs

Et donc, non seulement je ne suppose pas la fraude, mais le traitement statistique proposé ne me paraît pas illégitime. Au contraire, il y a un grand bon sens à avoir procédé ainsi mais il s’agit d’un bon sens médical, qui sauve des vies, qui n’a rien à voir avec le « bon sens » un peu fou des partisans de l’essai randomisé en double aveugle qui tue des patients, avec l’espoir très incertain d’en sauver ensuite. La discussion à laquelle j’ai participé sur Twitter n’est qu’un symptôme de plus du délire méthodologique et de l’importance prise par les essais randomisés: même quand on est en dehors de ce cadre, on tend à appliquer aux études le traitement « standard ».

Raoult est-il un mauvais ?

Pour que cette analyse ait le moindre sens il faut quand même admettre au moins 2 choses:

  1. HCQ / AZI ne présente aucun danger dans le cadre médical où il a été prescrit
  2. HCQ a besoin d’être donné au moins 3 jours pour avoir le moindre effet

Le point 1 a fait l’objet d’une désinformation énorme depuis mars puisque tous les #noFakeMeds ont cru – et fait croire – que HCQ était un médicament dangereux. Ce faisant, ils ont gravement nui toutes les études ayant confirmé l’innocuité du traitement Raoult avec le suivi qu’il a préconisé. Critique qui, sauf à être meilleur que lui en la matière, manquait totalement de bon sens, compte tenu de l’expérience de Raoult avec l’HCQ. Il faut reconnaître l’autorité quand elle existe, c’est un gain de temps.

Et donc pour les mêmes raisons, je fais confiance sur le point 2. Non pas aveuglément, mais jusqu’à avoir la preuve du contraire, je ne vais pas chercher à critiquer Raoult sur ce point. Pour le faire, je dois être spécialiste or je ne le suis pas.

Pour conclure ce papier assez long, je tiens à signaler que tout ce travail a sans doute été fait presqu’instinctivement, très rapidement par les auteurs, qui ont l’habitude de publier de telles études. C’est simplement le fait de « redécouvrir les principes » qui demande un peu de réflexion. Je comprends que les auteurs en aient marre de devoir expliquer leurs positions à des non spécialistes, qui ne font aucun effort pour les comprendre, les prennent pour des fraudeurs et des mauvais – alors que leur niveau est nettement inférieur aux leurs. En fait, les auteurs doivent être stupéfaits des réactions que leurs papiers engendrent.

Quand aux #noFakeMeds, ils mettront tout ce billet sur le compte de mon endoctrinement et de mon refus d’ouvrir les yeux.

(ajout) Une petite expérience sophiste

Pour finir une petite expérience.

Sur un cercle de 10 m de périmètre, 200 conducteurs malades au départ (parce qu’ils sont un temps de réaction de 2 seconde, alors qu’un conducteur sain à un temps de réaction de 1 s) roulent à 1 m/s. 100 ont été traités avec du placebo (P), 100 avec un traitement ayant une efficacité de 100% (S). La distance de freinage nécessaire pour qu’une voiture s’arrête ) partir du moment où le conducteur freine est de 0,5 m, la vitesse de la voiture étant constante jusqu’au dernier moment.

A un moment, un mur jaillit et leur coupe la route. Tous ceux qui touchent le mur meurent. On compte les morts.

T = 1 s P = 10 S=10

T=2 s P=10 S=5

T=3 s P=5 S=0

Si je décide d’enlever la ligne 1, le traitement semble deux fois plus efficace que le Placebo. En réalité, par hypothèse, le traitement est efficace à 100%.

Or d’après

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est image-11.png.

Donc la méthode de Pierre Prot est viciée.


(1) Aujourd’hui, on peut dire « tout ceux qui savent ». Les études confirmant l’efficacité des traitements HCQ, complétés par AZI et/ou Zn, donnés au plus tôt, à un stade modéré de la maladie tombent presque chaque jour.

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Progressisme et obscurantisme 15 juin 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19.
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Quand on croit que l’instruction se résume à la transmission de « codes » servant inconsciemment la reproduction sociale (Bourdieu), il est alors facile de croire que la science ne repose que sur des règles formelles, partagées par les « experts » (ceux qui ont les fameux codes) et dont le consensus forme la vérité. On est alors à 2 doigts déjà de croire que la science n’est qu’une « méthode ». De confondre le respect des règles et du protocole avec la vérité. On a une vision formelle, presque militaire de la science.

En vérité, une telle opinion est un abaissement de la notion même de science et de vérité. L’obscurantisme est inscrit dans le progressisme moderne (j’appelle ainsi la déconstruction), alors qu’il se pense scientifique.

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Les essais randomisés ne sont pas la panacée pendant les épidémies

Par Thierry Klein dans : Covid-19.
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Un petit papier de l’IHU Marseille avec un exemple historique intéressant :

5 patients ont prouvé au départ l’efficacité de la pénicilline.

« Quand même des données scientifiques imparfaites montrent un effet positif trivialement évident (« obvious »), il n’est pas éthique de réaliser un essai randomisé parce qu’il met les malades devant l’alternative de ne pas être soignés (groupe de contrôle) ou d’être soignés avec une molécule efficace.

Il a fallu 5 patients à Sir Edward Abraham pour démontrer définitivement que la pénicilline sauvait 100% des patients atteints de staphylocoque ou de streptocoque.

Aujourd’hui,il ne viendrait évidemment à l’idée de personne de tester l’efficacité de la pénicilline sur les pneumonies à pneumocoque contre un placebo. »

Le choix de cet exemple n’est pas anodin. Pour rappel, Raoult s’est décidé sur 6 patients pour sa bithérapie, patients pour lesquels il a observé une annulation de la Charge Virale en 5 jours, événement au départ improbable puisque cette CV est censée mettre 10 à 15 j pour s’annuler sans traitement.

Je rappelle que si on prend un dé, tomber sur le 6 est un événement improbable qui a 17% de chances de se réaliser. Si vous lancez 6 fois un dé, il y a 1 chance / 47 000 qu’il tombe 6 fois de suite sur le 6.

Si cela se passe et que vous êtes un scientifique digne de ce nom, vous DEVEZ conjecturer que le dé est pipé. Dans le cas de Raoult, même chose. Il DEVAIT conjecturer un lien entre sa bithérapie et la baisse observée de la CV, tenter de soigner sur cette base tout en confirmant expérimentalement son observation initiale « au fil de l’eau ». Je ne peux même pas comprendre comment, en raison, ceci peut lui être reproché.

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Méthode et génie chez Diderot

Par Thierry Klein dans : Covid-19.
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« Vous ne soupçonnez pas combien je fais peu de cas de la méthode et des préceptes. Celui qui a besoin d’un protocole n’ira jamais loin. Les génies pratiquent beaucoup et se font d’eux-mêmes »

Le Neveu de Rameau, Diderot – encore un populiste.

Dans la pensée 30 de l’Interprétation de la nature, Diderot est encore plus explicite:

 » La grande habitude de faire des expériences donne aux manoeuvriers d’opérations les plus grossiers un pressentiment qui a le caractère de l’inspiration. Il ne tiendrait qu’à eux de s’y tromper comme Socrate, et de l’appeler un démon familier. Socrate avait une si prodigieuse habitude de considérer les hommes et de peser les circonstances, que dans les occasions les plus délicates, il s’exécutait secrètement en lui une combinaison prompte et juste, suivie d’un pronostic dont l’événement ne s’écartait guère. Il jugeait des hommes comme les gens de goût jugent des ouvrages d’esprit, par sentiment. Il en est de même en physique expérimentale de l’instinct de
nos grands manoeuvriers. Ils ont vu si souvent et de si près la nature dans ses opérations, qu’ils devinent avec assez de précision le cours qu’elle pourra suivre dans les cas où il leur prend envie de la provoquer par les essais les plus bizarres.

Ainsi le service le plus important qu’ils aient à rendre à ceux qu’ils initient à la philosophie expérimentale, c’est bien moins de les instruire du procédé et du résultat, que de faire passer en eux cet esprit de divination par lequel on subodore, pour ainsi dire, des procédés inconnus, des expériences nouvelles, des résultats ignorés. « 

Et aussi, toujours Diderot (Lettre à Sophie du 20 octobre 1760)

« Il s’agissait entre Grimm et M. Le Roy du génie qui crée et de la méthode qui ordonne. Grimm déteste la méthode ; c’est, selon lui, la pédanterie des lettres. Ceux qui ne savent qu’arranger feraient aussi bien de rester en repos ; ceux qui ne peuvent être instruits que par des choses arrangées feraient tout aussi bien de rester ignorants. « Mais c’est la méthode qui fait valoir. — Et qui gâte. — Sans elle, on ne profiterait de rien. — Qu’en se fatiguant, et cela n’en serait que mieux. Où est la nécessité que tant de gens sachent autre chose que leur métier ? « 

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La médecine a ses raisons que la raison ne connaît pas 28 mai 2020

Par Thierry Klein dans : Covid-19.
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La distinction entre « savoir » et « opinion », censée être établie par le mécanisme de « peer review » a ses limites. Le « peer review » est soumis à des phénomènes de mode (aboutissant alors à une sorte de consensus qui est « l’opinion » de la communauté scientifique) et a probablement privilégié, depuis la révolution industrielle, le développement technique plus que le développement scientifique.


Le peer review peut être perverti par une idéologie, ce qu’on constate dans certaines disciplines où l’opinion moyenne est une idéologie, et donc pire qu’une mode: une croyance. Le peer review devient alors plus une revue par les clercs que par les pairs, au sens où l’entend normalement la communauté scientifique. Le peer review peut aussi être perverti par l’argent, même sans que les chercheurs ne le sachent, car l’introduction de l’intérêt personnel dans la recherche est toujours à même de changer l’équilibre rationnel: la raison est une balance très délicate.

J’ai franchement l’impression, pour avoir parcouru un grand nombre d’études depuis 2 mois, que la médecine est tombée dans cette catégorie. La science médicale a du mal à résister à l’argent investi par les laboratoires. Toutes les publications que j’ai pu lire présentent un « biais publicitaire », à la fois une boursouflure et un manque d’esprit critique vis-à-vis de leurs résultats, qui s’oppose profondément au développement de la science. J’en ai été très surpris.

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La quantité ne fait pas la qualité

Par Thierry Klein dans : Covid-19.
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Prenez 100 000 patients en phase sévère. Vous ne donnez rien à 50 000 d’entre eux. Aux autres 50 000, vous donnez 1,4 g d’hydroxychloroquine, sans aucun suivi si possible. Cette dose énorme va en tuer une bonne partie et ne soigner personne.

Faites une étude big data et mélangez le tout. Vous avez donné en moyenne 0.7 g (dose plus ou moins conseillée) d’hydroxychloroquine à 100 000 personnes. Les 50 000 premiers patients meurent normalement, si j’ose dire, puisqu’ils ne sont pas traités. Les 50 000 patients « traités » meurent énormément, avec de multiples incidents cardiaques, etc.

Concluez alors à l’inefficacité du traitement et au risque énorme induit par l’hydroxychloroquine. Vous obtenez l’étude Lancet. 100 000 mauvaises données ne valent pas une bonne donnée. La quantité ne fait pas toujours la qualité.

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L’extension du domaine de la lutte 25 mai 2020

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Qui est déraciné déracine. Qui est enraciné ne déracine pas. Sous le même nom de révolution, et souvent sous des mots d’ordre et des thèmes de propagande identiques, sont dissimulées deux conceptions absolument opposées.

L’une consiste à transformer la société de manière à ce que les noirs puissent y avoir des racines; l’autre consiste à étendre à toute la société la maladie du déracinement qui a été infligée aux noirs. Il ne faut pas dire ou penser que la seconde opération puisse jamais être un prélude de la première; cela est faux. Ce sont deux directions opposées qui ne se rejoignent pas.

Simone Weil, l’Enracinement

Statues brisées de Victor Schoelcher

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Grandeur et failles de l’étude Lancet

Par Thierry Klein dans : Covid-19.
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L’étude américaine publiée dans le Lancet d’hier sur l’hydroxychloroquine (HCQ), couplée ou non à de l’azithromycine (AZI) est de très loin, semble-t-il, la meilleure étude publiée sur le sujet à ce jour, que ce soit au niveau du nombre de données traitées (96 032 patients, dont 6221 traités avec HCQ+AZI, c’est-à-dire le traitement de Marseille), de la méthodologie (processus expérimental présenté de façon parfaitement claire et compréhensible, en particulier au niveau des critères d’exclusion) et du raisonnement lui-même (logique de l’analyse, clarté et qualité du traitement statistique).

Elle est extrêmement défavorable au traitement Raoult. D’abord au niveau du bénéfice du traitement (23,8% de décès contre 9,3% pour ceux qui n’ont pas reçu le traitement), ensuite au niveau du risque (multiplication par 27 (!) du risque d’arythmie cardiaque lié au traitement ).

Comme le combat est devenu politique, cette étude est abondamment commentée sur les réseaux sociaux. Grosso modo, des progressistes célèbres qui n’ont pas lu l’étude et n’y comprennent rien (Hillary Clinton, Laurent Alexandre, Raphaël Enthoven…) prennent cette étude comme une sorte de confirmation divine, la victoire de la Lumière sur l’Ombre et sont injuriés par des populistes qui n’ont pas lu l’étude, n’y comprennent rien et crient au complotisme – ce qui me paraît tout à fait absurde en l’espèce car cette étude est de grande qualité.

Peut-on faire une critique rationnelle de cette étude ? Voici ce qui me vient à l’esprit à première lecture, je raffinerai l’analyse au fur et à mesure.

1) Une étude qui contredit toutes les autres études et observations

Les résultats en défaveur du traitement sont tellement négatifs qu’ils auraient dû être observés avant. Il ressort de l’étude que suivre la bithérapie Raoult serait un risque du même ordre de grandeur que le diabète ou l’hypertension. Or, ces facteurs de risque sont apparus rapidement, sur des séries bien plus petites, de l’ordre de quelques dizaines de patients. Ils sont donc observés, confirmés, tous les jours par les médecins et les hôpitaux sous la forme d’observations empiriques. A ce niveau d’évidence, les milliers de médecins et d’hôpitaux qui ont donné le traitement auraient du presqu’immédiatement constater qu’il tuait. Ils ne l’ont pas fait et c’est un peu comme si un astronome scrutant les étoiles oubliait de voir la lune. C’est difficilement envisageable, pour ne pas dire impossible à envisage.

Bref, le désavantage associé au traitement est tel qu’il contredit de fait toutes les autres observations et études sorties à ce jour. Problème n°1.

2) Le bourrinage qui tue dans les hôpitaux

J’ai déjà écrit sur ce point, il semble qu’un grand nombre d’hôpitaux ont « bourriné », c’est-à-dire qu’ils ont donné des doses très fortes d’HCQ sans précaution et sans suivi. Et ainsi, on tue presqu’à coup sûr. Trois études au moins mettent, involontairement, ce bourrinage en évidence (aux USA, en France, et aussi au Brésil). Ceci s’est aussi passé en Chine où des doses extrêmement fortes d’HCQ (> 1g) ont parfois été données. Ici, les américains, qui ont l’air d’avoir énormément bourriné, pèsent pour 70% des patients. 80% si on ajoute la Chine (table S1 de l’étude).

3) Le risque lié au traitement a masqué l’avantage lié au traitement

On arrive ici à l’estimation du risque lié au traitement. Ce qui plaide quand même en faveur d’un « bourrinage » criminel, c’est que désavantage lié au traitement (Fig 2) et risque lié au traitement (Fig 3) sont presque parfaitement corrélés d’après l’étude. Il semble bien qu’ici le risque pris (ce que j’appelle bourrinage) a été tel qu’il masque tout avantage potentiel lié au traitement lui-même. Il y a dans l’étude environ 50% de patients présentant un risque cardiaque potentiel (en incluant les hypertensions). Ces patients vont représenter la grande majorité, peut-être 90% des décès. Si vous leur donnez, sans suivi, un traitement aggravant leur condition cardiaque, vous pouvez expliquer des effets tels que ceux constatés dans l’étude, c’est-à-dire une augmentation de la mortalité d’un facteur 2 à 3 totalement lié à l’augmentation du risque (je reviendrai là-dessus plus tard, avec des arguments plus quantitatifs).

La surestimation du risque est une vraie faiblesse de cette étude, pour 2 raisons.

  • D’abord, Raoult a très tôt indiqué à Marseille, qu’il fallait réaliser un double suivi ECG au début du traitement et a même décrit exactement le protocole de suivi. Il a pris un maximum de précautions et exclu du traitement un grand nombre de patients, ce qui lui a été reproché beaucoup ayant pris ces exclusions pour une forme de « fraude » non documentée. De fait, le risque cardiaque a été inexistant à Marseille avec aucun décès constaté sur une série de 3000 patients.
  • Ensuite, il existe des séries de test presqu’infiniment longues (1 million de personnes) d’estimation du risque sur la CQ et l’HCQ qui concluent à l’absence de risque si utilisées seules depuis plus de 50 ans. On pourrait concevoir un risque supplémentaire lié à la bithérapie (introduction de l’AZI) mais l’étude conclut ici à une nette augmentation du risque même quand l’HCQ est donnée seule, ce qui là encore contredit toutes les études et plaide en faveur d’un bourrinage sans nom dans les hôpitaux.

4) Le groupe de contrôle a reçu un traitement

L’étude ne compare pas le traitement Raoult à une absence de traitement, mais le traitement Raoult à d’autres traitements, puisque 40% des malades recevaient d’autres antiviraux tels que du ritonavir, souvent sous forme de multithérapie. On ne peut exclure le fait que les autres traitements aient bien fonctionné. On doit d’autant moins l’exclure qu’à Hong Kong, une multithérapie ayant des effets positifs semble avoir été trouvée. Et que la facilité avec laquelle Raoult semble avoir trouvé quelque chose qui fonctionne, presqu’au premier essai, plaide en faveur de la découverte d’autres solutions antivirales mettant une pression suffisante sur le virus pour avoir un effet. Il est probable que si on tente de façon pas trop débile, on obtiendra des résultats dans cette histoire. Bref, la bithérapie Raoult peut fonctionner sans être la meilleure qui soit.

5) Le moment où le traitement a été donné

Les patients semblent avoir été traités suffisamment tôt et dans un état pas trop sévère, où le protocole Raoult est censé pouvoir avoir des effets positifs (80% des patients ont un qSOFA < 1 et seuls 10% ont un SPO2 < 94%, délai moyen de 9 jours avant transfert en « intensive care »). Cependant, il faudrait vérifier au moins 2 choses :

  • Quelle est la part des patients sévèrement atteints au départ dans les décès constatés ? Si cette part est prépondérante, alors on a encore une fois uniquement observé le risque du traitement sans avantage possible car les patients auront été traités trop tardivement. Or le SPO2 > 94% est recensé dans l’étude comme le facteur de risque de décès le plus important (Figure 2).
  • L’étude n’indique pas le nombre de jours entre apparition des symptômes et début du traitement, ce qui est un point absolument clé. Il y a des incohérences apparentes à ce sujet. Les doses de HCQ ont été données 4 j en moyenne mais les patients ont mis 13 j pour mourir. Y a-t-il eu alors traitement intermittent ? Il faudrait vraiment préciser ce point, qui apparaît comme une incohérence. Rappelons aussi que la HCQ mettant sans doute 2 à 3 j pour pénétrer et agir (d’où l’exclusion pour les patients traités moins de 2 ou 3 jours dans beaucoup d’études), cette moyenne de 4 j paraît très faible.

A ce stade, il faudrait donc rentrer dans les détails. Choisir quelques hôpitaux significatifs (au sens où ils reproduisent assez bien les résultats observés dans l’étude) et analyser plus précisément les protocoles réellement donnés en tentant d’effectuer les observations suivantes :

  • Y a-t-il eu ou pas un suivi ECG ? (Si pas de suivi, exclure car on n’observe que le risque lié au traitement, qui masque l’effet positif potentiel du traitement)
  • Exclure le bourrinage (dosage anormalement fort, par exemple > 1g, de l’HCQ)
  • Observer séparément les cas « sévères » et les cas « peu sévères » (les seuls où la bithérapie est censée marcher)
  • Eclaircir les imprécisions ou incohérences sur la durée réelle du traitement. Déterminer le moment où le traitement a été donné vs l’apparition des symptômes.
  • Tenter de comparer le traitement à une absence de traitement, non pas à un autre traitement.

Ajout 1 (23/05/2020). Philippe Douste-Blazy affirme sur BFM que les groupes dont biaisés et que le groupe de test serait « beaucoup plus malade » que le groupe de contrôle (https://twitter.com/BFMTV/status/1264220444913291265). Sauf erreur de ma part, c’est faux. Les groupes sont équilibrés (Table 2 de l’étude)

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