Rien sur Matzneff 30 décembre 2019
Par Thierry Klein dans : Littérature.Lu 1 834 fois | ajouter un commentaire
Maintenant on bouge !?! #Matzneffpic.twitter.com/YuGiYaphSx
— Philippe Poustis (@philippepoustis) December 28, 2019
Sur Apostrophes
Pivot devait-il inviter Matzneff ? Bien sûr. Matzneff n’est sans doute pas un grand écrivain mais des dizaines d’écrivains plus médiocres ont participé à Apostrophes. Matzneff a donc sa place chez Pivot – et sans doute aussi en prison, c’est évident si ce qu’il a écrit est basé sur le réel, mais Pivot n’est pas flic.
Apostrophes a été une émission immense – parfois, comme lorsqu’on a vu une bonne pièce ou lu un bon livre, on pouvait se sentir meilleur, comme grandi, à la fin de l’émission. Immense mais fragile, fruit d’une époque où on pouvait encore discuter et du hasard (Pivot). Il est possible, pas certain, qu’on retrouve un jour un autre Pivot, qui sait ?, mais je crains que notre époque ne permette plus ce genre d’émission. C’est une grande perte – plutôt que de taper dessus comme on le fait, on devrait tout faire pour tenter de recréer ses conditions d’existence.
Dans l’émission incriminée d’Apostrophes, Denise Bombardier ne vient pas « rompre un badinage mondain » comme j’ai pu le lire mais donne courageusement son point de vue, point de vue très pertinent d’ailleurs. Pivot la laisse parler, il ne la décrédibilise en rien. Il n’y a pas eu unanimité sur le plateau et la liberté de penser a donc été respectée.
Pivot en tant qu’animateur était bonhomme jusqu’à l’outrance, bienveillant envers ses invités et aussi très distancié (ce mélange réussi, couplé à une préparation minutieuse qu’il arrivait à faire oublier, constituant sa marque de fabrique). Il n’a expulsé Bukowski que contraint et forcé, quand celui-ci est devenu physiquement violent; il n’est pratiquement pas intervenu non plus quand Gainsbourg insultait Béart, etc.
Mon objectif n’est pas de défendre Matzneff; sa place est sans doute en prison (ce qui pourrait lui être profitable sur le plan littéraire, après tout, Sade s’est révélé à la Bastille). Simplement, cette émission devait-elle avoir lieu ? Et a-t-elle été bien menée ? Je réponds oui aux deux questions.
A quoi sert la littérature ?
L’objectif de la littérature est d’explorer le réel, pas de nier le réel. En voulant la transformer en une entreprise d’édification morale, on la tue à coup sûr et on ne fait strictement rien pour la morale, pas plus qu’on n’améliore la situation d’un bâtiment pourri en en repeignant les murs. Au contraire, c’est en examinant la situation réelle, la cause des pourritures (sans oublier tout ce qui fait que le bâtiment tient) que vous pouvez espérer, peut-être un jour, améliorer la situation du bâtiment. J’écris « peut-être » parce que le bâtiment est peut-être irréparable, mais en tout état de cause, votre seule chance, c’est de l’examiner en profondeur. Et de même, vous ne pourrez pas améliorer l’être humain, si tant est qu’il soit améliorable, avec des fausses morales édifiantes basées sur la négation du réel.
(Comme le dit Denise Bombardier à Matzneff, « la littérature ne doit effectivement pas servir d’alibi ». En revanche, elle se trompe quand elle dit qu’il y a des limites à la littérature).
Ce n’est donc pas la pédophilie que Pivot a défendu mais la littérature, et une certaine forme de liberté d’expression qui lui est nécessaire. La littérature en tant qu’exploration du champ des possibles humains. Le sadisme, la pédophilie ne peuvent en être a priori exclus. Lolita, c’est dégueulasse aussi, pourtant c’est un grand livre. Tout n’est pas simple. Comprendre ceci, c’est en fait savoir lire.
Et pour finir, il y a cette curée obligée, tous ces idiots qui semblent n’avoir jamais réfléchi ni lu. Socrate couchait avec ses esclaves, entre Montaigne et La Boétie ce n’était pas rose, passez moi l’expression, tous les jours, Rousseau maltraitait ses enfants, Voltaire investissait chez les négriers, Aragon et Picasso étaient des monstres conjugaux, etc. Où s’arrêtera-t-on ? Cette situation ne profite qu’aux démagogues conscients ou inconscients (voir le Ministre de la Culture qui flatte son gros animal, je fais référence à Socrate, en déclarant qu’il va reconsidérer la bourse de Matzneff et que les victimes doivent composer le 119 !).
L’aura littéraire n’est pas une garantie d’impunité. J’apporte mon entier soutien à toutes les victimes qui ont le courage de briser le silence. Je les invite, ainsi que tout témoin de violences commises sur des enfants, à contacter le 119. 2/2
— Franck Riester (@franckriester) December 28, 2019
L’illusion du social
Mais pour les accusateurs en herbe, ce combat dépasse Matzneff ! C’est tout son monde qui est coupable (voir ici dans Mediapart ou ci-dessous, Françoise Laborde, qui évidemment laissera une trace immense dans l’histoire de la télé et, ex-membre du CSA, n’appartient à aucune caste…).
Et on te remerciera jamais assez mon amie #DeniseBombardier, qui a sauvé l’honneur, avec cette parole forte sur les victimes dont Vanessa Springora dit aujourd’hui que ces mots l’ont soutenu. Honte à cette caste, qui encore aujourd’hui défend l’écrivain #pédophile #Matzneff https://t.co/gbFkmExo0i
— Francoise Laborde (@frlaborde) December 26, 2019
L’impunité de Matzneff devient le symbole de « la lutte des pauvres contre les puissants », d’une « connivence entre gens du même monde », d’une « appartenance à une pseudo élite intellectuelle ». Les mêmes qui ont toléré Matzneff au nom du social (pensant, dans les années 80, que la prévention contre la pédophilie était d’origine socio-culturelle) le condamnent aujourd’hui au nom du social (en tant que représentant fantasmé de sa classe élitiste et forcément corrompue, whatever that means).
Pensant corriger leur erreur, ils la répètent. Ainsi, nous ne pourrons, au final, plus être gouvernés que par les Tartuffes qui sauront le mieux surfer sur les indignations successives. Nous l’aurons cherché. Nous prenons un chemin très sûr vers la bêtise et vers la tyrannie (toujours en référence à Socrate qui disait aussi, confronté à ce genre de situations, que non décidément le peuple n’était pas philosophe).
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Quand Brabant inspire Tesla 26 novembre 2019
Par Thierry Klein dans : Economie,Non classé.Lu 1 677 fois | ajouter un commentaire
Si l’Union Soviétique avait osé sortir ça, le régime serait tombé bien avant. Le capitalisme n’a au fond aucune supériorité sur le communisme, si ce n’est que la publicité est plus efficace que la propagande pour créer le désir. #Tesla
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Comprendre la publication scientifique, quelques commentaires 10 novembre 2019
Par Thierry Klein dans : Critiques,Technologies.Lu 2 427 fois | ajouter un commentaire
Quelques réflexions qui me sont inspirées en commentaire du billet de Franck Ramus: comprendre la publication scientifique
1) Le cas des Sciences Humaines et Sociales (SHS)
Le billet contient une critique implicite et à mon sens parfaitement justifiée des SHS, en particulier dans sa note [5]. Il y a effectivement confusion, depuis l’origine de ces sciences, entre œuvre scientifique et œuvre littéraire – ainsi Freud, dont le contenu scientifique de l’œuvre reste soumis à caution, n’en est pas moins un auteur de génie. Qui plus est, les SHS s’arrêtent souvent bien en deçà de l’ouvre littéraire, pour tomber au niveau du manifeste politique – là aussi, c’est le fruit d’une longue tradition (cf Bourdieu, etc). Un large pan des SHS a été contaminé ; un grand nombre d’études SHS tiennent aujourd’hui littéralement du tract et n’ont de fait pas de contenu scientifique.
Le mécanisme de « peer review », dont Franck Ramus chante les louanges n’empêche pas ce phénomène, ni au niveau français ni au niveau international (la « profondeur » de la théorie du genre, un must international des SHS, mettrait en joie Rabelais ou Molière). Dans le cas des SHS, le « Peer review » amplifie même, en l’espèce le phénomène, les pairs formant alors une sorte d’aristocratie tendant à sa propre reproduction et recherchant de façon circulaire, dans les papiers soumis, une forme d’auto-confirmation de ses propres idées.
2) Critique des « peer reviews »
Du fait de l’hyperspécialisation des sciences à laquelle on assiste depuis un peu plus d’un siècle, le nombre des pairs, pour chaque spécialité, est très réduit (souvent ces pairs se connaissent tous. Dans le cas des grandes universités anglo-saxonnes, ils vivent ensemble, se côtoient à la ville et dans les congrès, leurs femmes se côtoient, les cancans sur leur vie privée circulent entre eux, etc). Considéré spécialité par spécialité, le global village, même s’il est mondial, même à l’ère d’Internet, est donc minuscule.
Dans ce village, les opinions des profanes ne sont jamais considérées, même s’ils ont dédié 30 ans de leur vie à étudier les livres des savants. Les opinions des savants des autres disciplines ne sont non plus jamais considérées du fait de l’hyperspécialisation scientifique. Les pressions sociales qui s’y exercent sont intenses (argent, considération, amitiés, jalousies, réputation, lutte entre les générations…) comme dans toutes les activités humaines. Les savants sont des gens très doués, sélectionnés sur examen qui jugent leurs aptitudes supposées à la science, mais pas leur goût pour la vérité. Il y donc aussi des modes en sciences, d’une durée d’environ 10 à 20 ans et qui produisent ce qu’il faut bien appeler une opinion moyenne, au sens où l’entend Franck Ramus. Même si cette opinion s’appuie sur des données expérimentales, ces expériences sont réalisées dans le village, les a priori qui les sous-tendent ne sont compris que dans le village, nécessitent des appareils coûteux et ne sont interprétées que par les habitants du village. Planck : « Même dans le cas des mesures les plus directes et les plus exactes, par exemple celle du poids ou de l’intensité d’un courant, les résultats ne peuvent être utilisables qu’après avoir subi nombre de corrections dont le calcul est déduit d’une hypothèse…».
Il ne faut donc pas exagérer la valeur du mécanisme de « peer review », même si, évidemment, la situation des SHS reste une exceptionnelle sorte de « cas limite » : toutes les autres spécialités justifient cette critique, sans atteindre cette limite.
3) La forme des publications
Le mode de fonctionnement scientifique actuel semble bien adapté à des évolutions techniques incrémentales. Les savants sont payés pour aller toujours de l’avant, produire de nouveaux papiers sans quoi on n’obtient ni avancement ni prix Nobel. Pourtant Aristote, Galilée, Newton… ont écrit de grands livres et dans le cas d’Aristote et de Galilée au moins, contenant une grande part d’opinion. (C’est une évidence aujourd’hui pour Aristote et dans le cas de Galilée, le Dialogue sur les systèmes du monde, un livre extraordinaire dans sa forme et son impact, est bourré d’approximations et d’erreurs scientifiques, en particulier sur la théorie des marées). La méthode actuelle à base de publications courtes est une sorte de caricature (perversion) de la méthode expérimentale de Descartes : chaque papier apportant une pierre supplémentaire à l’édifice mais sans jamais un retour sur les fondements. Ainsi, autant que j’en puisse très modestement juger en tant que non habitant du village, en dépit d’avancées techniques absolument uniques depuis un siècle, la physique fondamentales s’est arrêtée depuis la découverte de la relativité et de la physique quantique, chacune résolvant d’un coup un grand nombre de contradictions classiques mais introduisant naturellement de nouvelles contradictions (Platon : « tout ce que l’intelligence humaine peut se représenter enferme des contradictions qui sont le levier par lequel elle s’élève » – Je ne sais pas si la mécanique quantique, dont la forme scientifique actuelle est essentiellement non représentable à l’intelligence humaine, est concernée).
Pour en revenir à l’analyse initiale de FR, ce qui se joue ici est plus important que la science même, c’est la notion de vérité, remplacée un peu partout par la notion d’utilité, que ce soit au sein du village ou des autres modes de publication « grand public ». Tout nous ramène à l’utilité, personne ne songe à la définir. En fait, l’opinion publique règne aussi dans le village des savants. Nous sommes revenus à la Grèce telle que Platon la décrit dans la République, au point qu’il semble décrire notre époque. L’art de persuader, la publicité, la propagande, le cinéma, le journal, la radio, la télé, Google, tiennent lieu de pensée et ont simplement remplacé Protagoras et les sophistes. Malheureusement, il semble que Socrate, Platon, la tradition pythagoricienne nous fassent défaut.
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Quand on travaille avec Geogebra, on ne fait pas des maths 27 octobre 2019
Par Thierry Klein dans : Speechi.Lu 4 fois | ajouter un commentaire
Geogebra est un programme qui permet de réaliser simplement des figures géométriques. Il est très utilisé au collège et rencontre un énorme succès (dans tous les manuels scolaires que j’ai consultés, il y a de nombreux exercices ou illustrations où on demande aux élèves de construire des figures ou de “démontrer” des propriétés mathématiques avec Geogebra). Pourtant, à quelques exceptions près, l’utilisation de Geogebra n’a rien à faire en cours de maths (et ceci quelles que soient l’excellence et la qualité du logiciel lui-même). Non seulement l’utilisation d’un logiciel comme Geogebra est inutile, mais elle est contre-productive.
Geogebra empêche les élèves de comprendre la nature même du raisonnement géométrique
En géométrie, la précision de la figure n’a aucune importance. L’élève peut tracer une figure où les cercles sont ovales, les droites courbes, du moment que sa démonstration est exacte. Points, droites, courbes sont uniquement des abstractions, des concepts. La figure est destinée à aider l’élève à raisonner, sa précision est indifférente à la qualité de la démonstration. Erreur de fond n°1.
Il y a confusion entre la précision des figures et la démonstration
L’expression “démontrer avec Geogebra” est parfaitement impropre. Pourtant, elle est couramment utilisée dans un grand nombre de manuels scolaires. La précision de l’ordinateur étant limitée, Geogebra ne peut que montrer que certaines propriétés sont atteintes aux erreurs de l’ordinateur près. Par exemple, si deux points sont confondus sur Geogebra, cela signifie simplement que leur distance est inférieure à l’imprécision des calculs. Ce résultat est évidemment d’une qualité infiniment inférieure à la certitude de la démonstration géométrique qui prouve l’identité des points. Erreur de fond n°2, qui crée la confusion chez un grand nombre d’élèves au collège. En laissant croire que la démonstration peut être tirée de la figure, aussi précise soit-elle, Geogebra (ou du moins son utilisation) crée une barrière entre le raisonnement mathématique et l’élève.
Manipuler Geogebra prend du temps, ce temps est volé aux mathématiques
Les constructions demandées aux élèves leur prennent beaucoup de temps. Et ce temps est pris sur le raisonnement mathématique. Dans un devoir à la maison récemment demandé à mon fils, la manipulation de Geogebra prenait à peu près les deux tiers du temps passé. Or cette manipulation ne tient pas du raisonnement mathématique, mais, au mieux, consiste à apprendre à se servir du logiciel (travail qui tient du secrétariat) et à comprendre les instructions pour construire la figure (travail en soi non inutile, mais qui ne tient pas de la démonstration elle-même et qui n’est pas spécifique à la matière mathématique).
Geogebra nuit à la réflexion mathématique
Lorsque la démonstration n’apparaît pas immédiatement à l’élève, sa recherche passe souvent par la réalisation de figures ou de constructions intermédiaires qui servent de support à la réflexion. Certaines de ces constructions se doivent d’être hypothétiques ou fausses. Par exemple : “Et si ces droites ne sont pas parallèles, que se passe-t-il ?”, etc. Geogebra ne permet pas de construire des figures (visiblement) fausses; le papier et le crayon restent de loin le meilleur support (et le plus souple) pour aider l’élève à réfléchir.
L’esprit des erreurs induites par Geogebra
Un logiciel “amusant”. Pourquoi Geogebra a-t-il un tel succès ? D’abord, il y a l’idée que c’est un logiciel amusant à utiliser pour les élèves, qui leur évite de s’ennuyer, parce qu’il permet de tracer de jolies figures. C’est possible, après tout, mais moi je trouve ceci profondément ennuyeux. Et si c’est le cas, cela justifie l’utilisation de Geogebra en dessin, voire en technologie, mais certainement pas en maths. L’usage d’un tel logiciel en maths est un symptôme du renoncement à enseigner les mathématiques.
Un logiciel “utile”. Il y a ensuite, et surtout, l’idée qu’il faut apprendre des choses “utiles aux élèves”. Et effectivement, avec Geogebra, il est facile d’obtenir la surface, le périmètre “exact” de telle ou telle figure. Ce résultat est communément qualifié d’utile parce qu’il autorise toutes sortes d’applications techniques, comme déterminer précisément la longueur de la barrière nécessaire à clôturer un champ (périmètre) ou sa production (surface). Le problème, c’est qu’accorder de l’importance à cette utilité, c’est s’écarter de l’esprit même des mathématiques. Les applications techniques n’ont nul besoin de l’exactitude parfaite qu’apportent les mathématiques, elles tolèrent en revanche parfaitement l’approximation des calculs de Geogebra.
C’est une idée commune, mais probablement erronée, que de penser que la démonstration a été inventée en vue de son application technique. L’utilité technique des mathématiques n’est qu’une conséquence de l’invention de la démonstration, une conséquence qui d’ailleurs ne cesse d’étonner car points, droites et cercles sont des concepts purs, qui ne peuvent exister dans la nature et donc il est très surprenant que des applications techniques, et finalement tout le progrès scientifique, en surgissent. Tout élève devrait, sans doute au lycée, pouvoir réfléchir à ce paradoxe. L’usage de Geogebra l’en écarte. Les mathématiques ne sont pas là pour apprendre aux élèves des choses utiles, mais des choses vraies.
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Mon intervention au Summit OVH (Pourquoi un cursus Algora pour adultes ?) 15 octobre 2019
Par Thierry Klein dans : Speechi.Lu 3 fois | ajouter un commentaire
Manifestation impressionnante d’OVH à laquelle j’étais invité jeudi dernier Porte de Versailles. Pourquoi développons-nous actuellement un cursus Algora pour les adultes ? Et pourquoi spécifiquement pour les non informaticiens ? Quelle est la société #Cloud, basée à Roubaix, qui va expérimenter en premier ce nouveau cursus et quels sont ses objectifs ? Vous le saurez en regardant cette vidéo.
(Et par ailleurs, un intéressant discours de Cédric O, notre nouveau Ministre du N, sur lequel je reviendrai dans un prochain billet.)
Un grand merci à Octave, Steph et toute l’équipe d’OVH.
Le texte complet de l’intervention ci-dessous.
J’ai créé Speechi en 2004 avec pour objectif d’améliorer l’éducation grâce aux nouvelles technologies.
On a commencé avec un logiciel pour aboutir aujourd’hui à un écran interactif géant qui est en train de remplacer le tableau noir dans les salles des écoles et des universités.
Et puis on s’est rendu compte que toutes les entreprises avaient besoin de tablettes tactiles géantes dans leurs salles de réunion pour faire leurs présentations et travailler de façon collaborative et aujourd’hui comme il y a beaucoup plus de salles de réunion que de salles de classe ; nous vendons beaucoup aux entreprises.
Il y a 2 ans, on a ressorti des cartons un développement qu’on avait imaginé en 2014 et dont le but est d’enseigner l’informatique aux enfants avec des petits robots. Ca s’appelle Algora (les écoles Algora) et le but, c’est de se servir des robots pour apprendre aux enfants à programmer. Le robot, c’est un support ludique très utile et très motivant pour les enfants. Et on peut lui faire faire une infinité de choses.
« Donc tu leur apprends à coder, c’est ça ? »
Oui, on leur apprend à coder par opposition à juste être enfermé dans un programme ou une interface conçue par d’autres, comme Windows, Word ou Facebook. Nous, on veut ouvrir le capot des machines numériques et leur donner assez de connaissances pour apprendre non pas à utiliser des programmes, mais à réaliser leur propre programme, leur propre interface utilisateur, leur propre robot
Donc dans le cursus Algora, on a une cinquantaine de robots plus ou moins élaborés, qui aident l’enfant à comprendre le monde issu de la révolution numérique : une voiture connectée, une voiture anti-collision, des machines outils, des scanners… et on leur explique aussi la nature : comment marche une fourmi-robot (ça c’est facile), un chien robot (déjà plus compliqué, 4 pattes) et un humanoïde (déséquilibre permanent, très compliqué !).
On a démarré avec un cursus pour les 10-14 ans et maintenant, avec des algorithmes et des- engrenages très simples, on descend même jusqu’à 6 ans ! En 2 ans, on a ouvert une centaine d’écoles en France.
Mais tu veux le faire aussi pour les adultes ?
Oui, l’idée est la même pour les adultes, de 15 ans à 115 ans. Les adultes n’ont pas eu de formation au codage et ne comprennent pas la source réelle des changements que crée la révolution numérique autour d’eux. Comment fonctionne une Tesla, Google, Siri, une reconnaissance de visage, comment l’ordinateur, une simple machine à calculer, peut battre le champion du monde d’échecs…
Notre programme pour les adultes a pour but de former à la compréhension de l’informatique des gens qui ne seront jamais informaticiens, à titre de culture générale ou pour infuser dans leur travail et générer de nouvelles idées… car le paradoxe est le suivant : tout le monde ne sera pas informaticien mais sans la compréhension des principes de l’informatique, et particulièrement du deep learning, on ne peut plus espérer comprendre le monde, ni y avoir un impact.
Soit nous saurons programmer,
Soit nous serons programmés !
Depuis le début de ce Summit, tout le monde est tombé d’accord pour dire qu’il faut mettre l’éducation au centre. C’est notre seule chance. Mais que faut-il mettre au cœur de l’éducation ?
A chaque âge sa matière. Au Moyen-âge, On apprend le latin qui permet d’accéder à l’étude de la religion, du droit, de la médecine. A l’âge de la Révolution Industrielle, c’est à dire quand la force des machines remplace celle des hommes et des animaux, ce sont les mathématiques et les ingénieurs, qui, permettant de concevoir et développer les machines industrielles, passent au centre. A l’époque de la Révolution Numérique, c’est-à-dire quand le cerveau des machines programmées remplace les cerveaux humains, c’est l’informatique (au sens anglo-saxon de Computer Science) qui devient centrale. Le but n’est pas de créer une génération d’informaticiens, pas plus qu’il ne s’agissait de créer une génération de latinistes ou de mathématiciens. Le but est de pouvoir comprendre et décrypter le monde.
Dire qu’il y a révolution numérique, c’est très exactement dire ceci : sans connaissance du codage, il devient impossible de comprendre et d’organiser le monde qui nous entoure. Pour paraphraser Platon:
C’est pour cette raison, parce que l’informatique est devenue centrale, que nous avons appelé nos écoles Algora. Algo, c’est évidemment l’algorithme et Agora, c’est une référence au cœur de la cité athénienne, à la culture, au savoir classique, dont nous essayons de perpétuer la transmission.
Comme l’Agora est au cœur de la Cité, il faut mettre l’informatique au cœur de l’éducation.
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Grandeur et faiblesses de l’enseignement de spécialité informatique en classe de première : une analyse critique 2 juillet 2019
Par Thierry Klein dans : Speechi.Lu 7 fois | ajouter un commentaire
Enseignement de l’informatique : plus rien ne sera jamais comme avant
Pour la première fois, et c’est une grande chose, la science informatique, au sens de programmation, rentre au Lycée en tant qu’enseignement de spécialité dans les nouveaux programmes de première.
Elle n’en sortira plus jamais et dans les 50 prochaines années, sa place ne cessera d’augmenter. J’ai expliqué en long et en large les 2 raisons qui font de l’informatique, depuis 2010, une matière fondamentale, raisons qui ont été à la source de notre investissement dans les écoles de robotique Algora et qu’on peut résumer en quelques mots. 1) Une révolution numérique est en cours, dont les effets seront comparables à la révolution industrielle du XIXème siècle. La liberté des citoyens nécessite la maîtrise des nouveaux moyens de production, celle-ci passant par l’apprentissage de la programmation. 2) Cette révolution traverse toutes les sciences, ce qui fait de la science informatique une matière fondamentale au sens où elle devient nécessaire pour la compréhension des autres domaines scientifiques (biologie, médecine, chimie, physique…). En savoir plus.
Un objectif non professionnalisant
D’abord, le meilleur. « L’objectif de cet enseignement est non professionnalisant ». Dans les raisons que j’ai données ci-dessus, il y a en effet une raison citoyenne émancipatrice (la maîtrise des moyens de production) et une raison scientifique, mais un choix de première généraliste ne peut pas, ne doit pas être une orientation professionnelle. Il ne s’agit pas de former, dès la classe de première, de futurs informaticiens mais, de façon ambitieuse, de donner aux élèves les fondements de l’informatique pour « les préparer les élèves à une poursuite d’études dans l’enseignement supérieur ».
De façon là aussi très heureuse, le préambule du programme laisse donc toutes les orientations ouvertes. Car faire de l’informatique va profiter à tous les élèves, qu’ils s’orientent vers Sciences Po, une école d’ingénieurs, de médecine ou vers des études plus courtes. J’ai expliqué, dans ce blog, pourquoi le cours d’informatique fondamentale est progressivement devenu le cours le plus suivi dans les universités américaines, toutes filières littéraires et scientifiques confondues.
Un contenu peu réaliste
Le programme d’informatique est très dense, très ambitieux. Ma principale critique sera que je le juge peu réaliste, trop théorique et qu’il faudra en changer la philosophie. Rentrons dans le contenu.
Le langage : Python for ever
“Le langage choisi est Python”. C’est le meilleur choix possible, celui que nous avons fait pour tous nos apprentissages à partir de 14 ans (12 ans pour les enfants suivant un enseignement spécifique en informatique). J’ai expliqué dans cet article récent (“In Python we trust”) les raisons de ce choix.
Le programme : entre Master et doctorat ?
La richesse du programme proposé a un côté ahurissant, gargantuesque. Huit grands thèmes sont définis[1].
Disons-le tout net, ce programme, la plupart des ingénieurs ayant suivi une information Bac + 5 en informatique ne le maîtrisent pas (même si, je sais, ils devraient !). Les élèves sortant des grandes écoles ne le maîtrisent pas non plus. C’est un programme impossible à assimiler en 4h de cours par semaine (sauf si, parallèlement à ces cours, les élèves menaient de leur côté 10 à 20 h de travail personnel, ce qui n’est évidemment pas prévu). Seul un quart du total de temps de classe est consacré à des projets, ce qui est en fait très peu. On pourrait en fait parfaitement proposer ce programme, presque tel quel, dans le cadre d’un master informatique… Premier défaut, donc.
Un programme trop abstrait
Le deuxième problème est que ce programme est extrêmement théorique et abstrait.
J’ai beaucoup critiqué dans ce blog l’évolution de l’enseignement des maths depuis 30 ans. Pour soi-disant préserver les élèves de l’ennui, on a tenté, de façon très artificielle si ce n’est ridicule, de faire résoudre des problèmes « pratiques » ou « concrets » aux élèves, avec pour résultat qu’on n’intéresse plus personne et qu’on ne fait plus vraiment des maths[2].
A l’inverse, l’informatique est une matière concrète où la réalisation pratique (le fonctionnement du programme créé) est toujours très importante. Qui plus est, cette réalisation, nous le voyons tous les jours dans nos écoles Algora, intéresse les élèves de façon tout à fait prodigieuse. En se focalisant largement sur les aspects abstraits et théoriques de la matière, on perd de vue son essence et on prend le risque de dégoûter largement les élèves.
Un programme trop ancien pour “renverser la table”
On a l’impression en fait que les rédacteurs du programme, qui ont évidemment une grande connaissance personnelle de l’informatique, ont hésité à « renverser la table » en tentant d’instaurer un programme réellement innovant. Tous les thèmes du programme abordés pouvaient être enseignés tels quels dès les années 80, à l’exception du Web qui date des années 90 et donc, ce programme informatique rate en quelque sorte l’essentiel de la révolution numérique, qui correspond à des technologies postérieures aux années 2000[3]. Or c’est avant tout cette révolution numérique qui justifie l’enseignement de l’informatique en première[4] – en n’enseignant pas les technologies qui la sous-tendent, on fait en quelque sorte fausse route.
Ainsi l’intelligence artificielle (sous l’angle deep learning), les algorithmes de recommandation ou de classement (du moteur Google à la recommandation commerciale effectuée par des sites comme Amazon ou Adwords), des exemples tirés de la nature (comportements émergents, CRISPR), des exemples d’interaction avec d’autres matières fondamentales (expériences CRISPR, expériences physiques élémentaires) ou même la blockchain ne sont pas abordés[5]. Or il est possible dans tous ces cas, si on renonce au côté purement théorique des choses, de faire réaliser aux élèves des programmes extrêmement intéressants, ayant un intérêt pratique extraordinaire[6] et permettant souvent de faire communiquer différentes matières entre elles[7][8]. De telles réalisations ont en outre l’intérêt de faire manipuler aux élèves des bibliothèques développées par d’autres programmeurs, cette technique de génie logiciel étant une des clés de l’informatique actuelle et de la révolution numérique.
Les professeurs de lycée ne peuvent pas enseigner ce programme.
Rappelons qu’il n’existe à ce jour pour ainsi dire pas de professeurs d’informatique dans les établissements. Le CAPES d’informatique vient tout juste d’être créé (10 postes !) et il faudrait des milliers de postes pour combler ce manque. Or les professeurs de mathématiques, qui seront le plus souvent en charge de l’enseignement de spécialité, ne comprennent pas de quoi il en retourne, puisque les notions enseignées relèvent typiquement du niveau maîtrise en informatique. Rares, très rares, seront aussi les professeurs de technologie capables d’enseigner ce programme.
Compte tenu de la rareté des ressources humaines, il aurait sans doute fallu pour une fois être très directif et aller même jusqu’à imposer certains TP « types » ou certaines façons de traiter les sujets pour les premières années de mise en route de l’enseignement informatique. Au lieu de ceci, le programme préconise « de laisser le choix du thème du projet aux élèves eux-mêmes », belle idée, certes mais irréaliste dans ce contexte de lancement et qui risque de mener à de grandes déceptions, quel que soit l’immense attrait de la matière
Et après ? La place de l’informatique dans Parcours Sup et les admissions aux filières sélectives
Les élèves voulant s’orienter vers des filières sélectives choisiront presqu’automatiquement aujourd’hui l’enseignement de spécialité en mathématiques (qui remplace donc de fait l’option S). Ceci concerne non seulement les classes préparatoires aux écoles d’ingénieurs mais aussi des concours tels que médecine, par exemple, ou les classes préparatoires commerciales. Ou même, comme nous l’avons vu plus haut des “concours” tels que Sciences Po.
Il faudrait dès aujourd’hui, pour tous ces concours, ajouter des filières spécifiquement informatiques (correspondant au suivi des enseignements de spécialité dans la voie générale) et augmenter de façon significative les places réservées à ces nouvelles filières. Le potentiel d’un enseignement informatique à jour et de qualité pour des étudiants en médecine ou pour des études commerciales, politiques ou juridiques est immense. [9].
- [1] Histoire de l’informatique (de l’antiquité à Internet !). [Ce qui exclut, notons le, le deep learning, à la base pourtant de la révolution numérique en cours].
- Représentation des données (calcul binaire, opérateurs logiques, représentation des entiers, réels, chaines de caractères en machine, ASCII, Unicode…)
- Types abstraits (p-uplets, tableaux, dictionnaires clés / valeurs)
- Traitement des données en tables (indexation, recherches, tris)
- Web (HTML , JavaScript, serveurs d’application, post / get)
- Architecture des ordinateurs (composants, langage machine, réseaux, modèle en couche, paquets, TCP/IP, systèmes d’exploitation, périphériques d’entrée / sortie)
- Langages et programmation (y compris test et bibliothèques)
- Algorithmique (complexité des algorithmes tels que recherche, tri, proches voisins, dichotomie, optimal local)
[2] A noter que les nouveaux programmes 2019 de spécialité de première en mathématiques corrigent la plupart des erreurs faites depuis 20 ans et « reviennent », grosso modo, aux contenus de 1995 de première S, ce qui est une excellente chose… sauf peut-être pour les élèves entrant en première en septembre 2019 qui vont avoir l’impression de sauter une ou deux classes !
[3] A noter qu’on peut faire presque le même reproche aux programmes d’informatique générale enseignés dans la première année universitaire de la plupart des universités américaines, dont les auteurs du programme semblent s’être inspirés. Par exemple le cours CS106 à Stanford.
[4] Pour faire une analogie parlante, celle de la révolution industrielle du XIXème siècle, on n’imagine pas l’enseignement de la thermodynamique en classes préparatoires avant l’invention de la machine à vapeur, qui par ses effets change radicalement les moyens de production. Ainsi, pour une matière telle que l’informatique, c’est le changement radical sur la production qui justifie sa mise au programme.
[5] Là aussi, des TP simples matérialisant une blockchain peuvent être simplement proposés et réalisés. Mais il faut alors évidemment renoncer au côté purement théorique de l’algorithme, algorithme qui sera de toutes façons abordé et compris tôt ou tard par tout élève effectuant des études supérieures scientifiques.
[6] Développer un algorithme “deep learning” qui s’améliore en jouant contre lui-même dans le cadre d’un jeu simple est élémentaire
[7] Exemple de CRISPR pour la biologie. On peut aussi logger diverses expériences de physique avec des techniques de robotique élémentaires
[8] Il est à craindre que compte tenu du programme proposé, la seule technologie radicalement nouvelle proposée aux élèves sera celle des objets connectés, qu’on peut aborder via les robots par exemple. C’est trop peu.
[9] Le programme de la spécialité informatique des prépas scientifiques date lui aussi “d’avant la révolution numérique”, fait une trop large part aux “mathématiques appliquées” et doit être renouvelé. Il en est de même – bien que le niveau en soit nettement supérieur – de l’option informatique de l’agrégation de mathématiques
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Les « accommodements raisonnables » de la Cour de Justice européenne (Affaire ETAM) 14 mars 2019
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 5 569 fois | ajouter un commentaire
Une entreprise est fondée à refuser d’engager une personne, ou à la licencier, s’il est précisé dans son règlement intérieur que la neutralité politique et religieuse s’impose, particulièrement quand il y a un contact avec la clientèle. Telle est la position de la Cour de Justice européenne.
Or, cette position est absurde en raison.
En effet, soit refuser le port du voile induit une vraie discrimination vis à vis de la personne voilée et dans ce cas, le refus de cette discrimination s’impose à l’entreprise de plein droit, même si cela va à l’encontre de l’intérêt économique de celle-ci. Une entreprise ne peut en droit, par exemple, invoquer la couleur de peau pour refuser d’embaucher un vendeur, même si son principal client est le KKK. Et c’est très bien, car ce faisant, elle importerait la discrimination promue par le KKK dans l’entreprise. Elle deviendrait ainsi elle-même vecteur de cette discrimination.
Soit refuser le port du voie dans l’entreprise n’est pas une discrimination (mais plutôt l’application du droit des autres salariés à ne pas subir de pression religieuse indue) et dans ce cas, ce droit s’impose à l’intérieur de l’entreprise, partout, même pour les femmes voilées qui ne sont pas en contact avec les clients.
Au final, la position de la Cour de Justice est un « accommodement raisonnable », sauf que justement, il n’est pas raisonnable. Ce n’est pas non plus, on le voir dans l’affaire ETAM, un accommodement. L’esprit politique et religieux de l’Islam intégriste lui permet de tirer, avec un grand talent, toutes les conséquences des incohérences des démocraties occidentales.
C’est un signe très sûr que la loi doit absolument changer. Il faut s’y atteler. Quand le droit n’est pas basé sur la raison et l’éthique,il est source de troubles et dégénère en rapport de forces pur.
De quoi la législation européenne est-elle le nom ?
La position de la Cour de Justice marque simplement sa soumission à l’intérêt économique de l’entreprise. C’est lui et lui seulement qui fixe pour le juge la limite du droit de porter le voile. Le juge n’a pas considéré le problème éthique, le problème posé vis à vis de la laïcité mais simplement l’intérêt économique étroit de l’entreprise.
En résumé, voici ce que dit le juge européen: « si cela ne nuit pas aux ventes, soit ! ».
J’ai aussi retrouvé cette citation de Saladin, qui date de 1174 car on ne saurait mieux dire.
« Il n’est pas un seul des soldats-marchands de Gênes, Pise, Venise qui ne vienne aujourd’hui nous apporter les armes avec lesquelles il nous combattait, pas un qui ne recherche notre faveur par l’offre de ses richesses et des plus beaux produits de son industrie. Nous avons établi de bons rapports avec eux et conclu des traités de commerce avantageux en dépit de leur résistance et en plaçant nos intérêts au dessus des leurs ».
Saladin (et non pas Lenine) à propos des marchands italiens (et non pas de Décathlon, d’Etam ou de la Cour de Justice européenne)
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Le directeur de l’éducation de l’OCDE confond éducation et élevage 2 mars 2019
Par Thierry Klein dans : Speechi.Lu 5 fois | ajouter un commentaire
C’est le prototype même de la mauvaise question. Le directeur de l’OCDE estime que c’est une perte de temps d’apprendre aux enfants à coder car dans le futur, cette compétence ne leur sera pas utile au travail.
Derrière cette affirmation, quelle qu’en soit la pertinence, il y a le présupposé suivant : l’école est uniquement là pour former professionnellement les enfants. Tout ce qui n’est pas professionnel n’est pas du domaine de l’école.
C’est une grave erreur. Une erreur que répète de façon constante l’OCDE dans toutes ses analyses d’ailleurs.
La plus-value économique, professionnelle, n’est pas l’objectif premier de l’école, qui depuis Jules Ferry a d’abord eu pour but de former des citoyens libres, au sens du premier article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
La liberté réelle du citoyen dérive directement de sa capacité à comprendre le monde. C’est bien pour cela qu’on enseigne aux enfants un tas de choses « inutiles » (du moins au travail). La philosophie, le latin et même les mathématiques, comme le prétendait cet imbécile de Ferry, ancien ministre de l’Education Nationale, (Luc, pas Jules), sont, en premier ressort, des matières totalement « inutiles ».
L’informatique est devenue une science de base. Une connaissance de la programmation est nécessaire pour l’étude de presque toutes les autres sciences (chimie, biologie, physique, médecine…). C’est à ce titre, parce que le l’informatique est devenue une science fondamentale, que le codage, clé d’accès à cette science, doit être enseigné à l’école – dès la 6ème, comme je le martèle depuis 10 ans dans ce blog. Ne pas l’enseigner à l’école, c’est donner un retard aux enfants pour l’apprentissage de presque toutes les sciences.
L’école, au sens républicain du terme, est conçue pour les enfants, dans leur intérêt. C’est le don que la génération actuelle fait à la génération future. L’école doit traiter les enfants comme des êtres humains au plein sens du terme, non pas comme un simple matériau qui sera économiquement nécessaire, plus tard, au monde du travail. A partir du moment où l’école cherche à apprendre aux enfants des choses pour la seule raison qu’elles sont « utiles professionnellement », le don désintéressé, raison d’être de l’école républicaine, devient un investissement méprisable. L’école est une entreprise d’émancipation humaine, pas un l’élevage de poulets humains en batterie.
Voilà pour ce qui est de la fonction première de l’école. Il y a un autre argument qu’on oublie trop souvent, et que l’OCDE oublie toujours, c’est que dans un monde en transformation technique rapide comme le nôtre, les savoirs dits « inutiles » sont les seuls qui durent, en raison de leur caractère intemporel. Le triangle rectangle restera, de tout temps, inscrit dans son demi-cercle. Le latin permettra toujours de mieux comprendre notre langue, notre histoire, notre culture. Stimulant notre cerveau, il nous rend aussi plus intelligent pour toujours. La philosophie et le français continueront, demain comme aujourd’hui, à nous aider à comprendre le monde qui nous entoure.
Un enfant à qui on apprend une « compétence » (j’emploie le terme de l’OCDE) telle que « se servir du logiciel Word » ou « savoir taper à la machine » a toutes les chances d’aller à l’école pour rien, puisque dans 10 ans, cette compétence sera devenue inutile. Un enfant à qui apprend quelques grands principes fondamentaux mais valables de tout temps a une capacité d’adaptation professionnelle beaucoup plus grande.
Finalement, plus la technique prend de l’importance dans le monde, plus le scientifique, le fondamental, les savoirs généraux sont indispensables à l’école. L’efficacité économique, quoi qu’on veuille nous faire croire, est profondément corrélée à l’intérêt long terme de l’enfant. La vision la plus généreuse de que nous pouvons avoir de l’école est aussi la plus productive.
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Antisionisme = antisémitisme 19 février 2019
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 3 146 fois | ajouter un commentaire
Pourquoi antisionisme et antisémitisme sont aujourd’hui confondus.
Suite aux injures qu’a subies Alain Finkielkraut à la manifestation des gilets jaunes, beaucoup se demandent, puisqu’il semble que les mots « sale juif » n’aient pas été prononcés s’il s’agit d’injures antisémites ou antisionistes. Finkielkraut a-t-il subi une agression (verbale) raciste ou bien a-t-il « simplement » été la cible d’un combat d’idées exprimées de façon un peu violentes (car l’antisionisme, a priori, n’est qu’une opinion politique, pas un délit).
Evidemment, il y a tous ceux qui posent cette question en étant de mauvaise foi – grosso modo tous les antisémites qui se servent du terme antisioniste pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Mais il y a aussi ceux qui s’interrogent sans qu’on puisse les suspecter d’antisémitisme. Par exemple, Naem Bestandji décortique l’incident point par point et évidemment trouve l’antisémitisme derrière les injures adressées à Finkielkraut. Et il y a aussi Raphael Enthoven qui déclare aujourd’hui, sur RMC que « C’est aussi absurde d’accuser d’antisémitisme, un antisioniste que d’accuser d’islamophobe celui qui lutte contre la burqa ! »
Ces analyses accréditent l’idée qu’il y aurait parfois une différence entre antisionisme et antisémitisme. Or pour moi, cette différence ne peut pas exister. Avant de rentrer dans le fond du sujet, je voudrais d’abord répondre à l’argument de Raphaël Enthoven parce qu’il frappe les esprits et qu’on l’a entendu un peu partout.
Sur l’argument de Raphaël Enthoven
Il y a une confusion volontairement entretenue dans le terme islamophobie, visant à faire passer toute critique de l’Islam comme une haine des musulmans. Or la critique de l’Islam en tant que puissance politico-religieuse est une forme d’anticléricalisme parfaitement respectable, alors que la haine des musulmans est une discrimination honteuse. Alors oui, en théorie, traiter quelqu’un d’antisémite du simple fait qu’il ne se déclare antisioniste pourrait tenir d’une confusion similaire.
Mais en fait, il y a là un changement de perspective qui est en quelque sorte celui du sujet à l’objet.
« Islamophobe » est utilisé comme une insulte, par ceux-là même qui souhaitent utiliser cette confusion à des fins politiques. Personne, ou presque, ne se déclare islamophobe. Celui qui se fait traiter d’islamophobe est l’objet d’une attaque, dont il doit se défendre.
Alors que l’antisionisme est revendiqué comme une opinion militante. Le terme « antisioniste » n’est pas une insulte, ni un qualificatif qu’on donne à autrui. Il est fièrement arboré par le sujet antisioniste lui-même.
Imaginez qu’il se crée demain un mouvement politique revendiquant fièrement l’islamophobie, par exemple les « jeunes islamophobes de droite ». Ce mouvement serait composé d’anciens du FN, parti dont les militants ont une tradition raciste. Mais, en même temps, ce mouvement déclarerait n’être pas raciste puisqu’il ne s’en prend pas aux musulmans, mais simplement à l’Islam en tant que puissance politico-religieuse. De fait, ce mouvement se revendiquerait donc comme « tout simplement laïc ». Que concluriez-vous quant à l’absence de racisme dans un tel mouvement ? Y croiriez-vous ? Auriez-vous besoin de chercher des preuves complémentaires ? Pour ma part, mon opinion est faite.
Voilà pour l’argument de Raphaël Enthoven.
Antisionisme et antisémitisme
Sur le fond, aller chercher derrière chaque manifestation d’antisionisme des preuves d’antisémitisme, comme le fait Naem Bestandji accrédite l’idée qu’il y aurait parfois une différence entre antisionisme et antisémitisme. Bien sûr, ,sémantiquement, les deux termes sont en théorie séparables mais pratiquement, ils sont aujourd’hui confondus pour les raisons suivantes :
- Israël est un pays qu’on peut critiquer mais il y a des dizaines de dictatures et de démocraties bien plus critiquables (Iran, Corée du Nord, Arabie Saoudite ?). Voit-on fleurir les mouvements anti-chinois, anti-coréens, anti que-sais-je ? Pourquoi cette focalisation irrationnelle, exclusive sur Israël ? Je croirais à l’antisionisme si ceux qui défilent contre Israël incluaient dans leur indignation des causes bien plus évidentes. La focalisation sur Israël tient de l’obsession et l’obsession est un marqueur d’antisémitisme.
- Tout le monde peut évidemment critiquer Israël ou le sionisme. Les arguments qui consistent à dire que condamner l’antisionisme, c’est empêcher toute critique de l’état d’Israël sont donc spécieux. L’utilisation revendiquée du terme antisionisme pour condamner Israël est donc aussi un marqueur. De fait, l’antisionisme est une obsession qui n’a rien à voir avec la simple critique, il marque une focalisation exclusive sur Israël, et est très souvent lié à un extrémisme religieux. Sans antisémitisme, pas d’antisionisme politique.
- L’antisionisme est systématiquement utilisé comme un faux-nez ayant pour but d’empêcher la condamnation pour appel à la haine raciale. C’est une habitude typique de l’extrême droite que d’utiliser des codes ou des signes dérivés, qui permettent aux racistes de se reconnaître (la quenelle, l’antisionisme relèvent de cette même logique).
- il y a aussi l’appel à la destruction massive, sans compromis possible, d’Israël, qui a presque toujours une origine religieuse islamiste et/ou antisémite.
Il en est de l’antisionisme un peu comme de la négation des camps de concentration. En théorie, dès lors que quelqu’un prétend avoir rassemblé de nouvelles preuves de l’inexistence de la solution finale, une attitude intellectuelle ouverte devrait consister à aller examiner ces soi-disant preuves. On sait pourtant que cet examen est totalement inutile car de telles « preuves » ont forcément une origine antisémite. C’est tout le sens de la loi Gayssot qui déclare la chose jugée une fois pour toutes.
De même, la prochaine fois que vous faites face à l’antisionisme politique, vous pouvez vous épargner toute analyse : l’antisémitisme y sera toujours non seulement présent mais consubstantiel. Rentrer dans l’exégèse de l’antisionisme au cas par cas a le défaut de maintenir dans l’erreur et la bonne conscience les milliers de gogos qui, confondant antisionisme et critique d’Israël, participent à l’antisémitisme sans toujours le savoir. Et de donner plus de force aussi à l’astuce politique islamiste qui feint de différencier antisionisme et antisémitisme.
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Que signifie la création d’un CAPES informatique ? 10 janvier 2019
Par Thierry Klein dans : Speechi.Lu 9 fois | ajouter un commentaire
J’aurais pu signer des 2 mains les déclarations du Ministre à propos de la création, annoncée hier, du CAPES informatique.
A partir du moment où l’on crée un CAPES, on crée quelque chose qui va structurer le futur. Ce qui est très important c’est qu’avec cette ouverture, nous consacrons le numérique dans un sens non superficiel.
Aujourd’hui, on parle trop du numérique en restant à la surface des choses alors même que nous avons besoin d’élèves qui développent leur sens logique grâce à la programmation, d’élèves qui relient les savoirs numériques aux autres savoirs grâce à leurs approfondissements numériques et l’approfondissement de leur culture générale dans d’autres domaines
Quels étaient donc les problèmes à résoudre ?
- Enseigner la programmation, pas les usages de l’informatique
Depuis 15 ans, l’Education Nationale a fait fausse route. Les investissements visant à faire utiliser les technologies numériques par les élèves (ou par les professeurs), se sont multipliés. Mais les enseignements qui leur permettraient de comprendre, avant le baccalauréat, comment les technologies numériques fonctionnent, sont développées, mises au point sont presqu’absents. Je parle ici des cours de programmation, d’algorithmie et d’architecture des ordinateurs (de tout ce que les anglophones rassemblent sous le terme « Computer Science ».
L’informatique, au sens de la programmation, n’est apparue au Collège que depuis 2 ans. Et les professeurs d’informatique n’existaient pas, puisque le CAPES d’informatique n’existait pas. La programmation informatique, qui est à la fois une technologie et une science, est aujourd’hui principalement enseignée par les professeurs de mathématiques et de technologie, dont la formation ne recouvre, au mieux, qu’une moitié du domaine. Sans parler des réticences qu’ont beaucoup d’entre eux à enseigner en dehors de leur propre domaine (et dans la mesure où enseigner reste un métier de vocation, ces réticences me paraissent largement justifiées).
- L’informatique est devenue une matière fondamentale
Or, dire qu’il y a révolution numérique, c’est dire que l’informatique, prise au sens duel de « Computer Science », est à mettre au cœur de l’enseignement. De fait, l’informatique est devenue une science fondamentale, peut-être la science de base la plus indispensable à l’étude des autres sciences. La chimie, la biologie, la physique et même les mathématiques font appel, dans une très large mesure, à l’informatique.
L’importance de l’informatique dans l’enseignement est destinée à s’étendre dans les 10 prochaines années. Non pas dans le but de créer une génération d’informaticiens (pas plus qu’il ne s’agissait, avec les mathématiques, de créer une génération de mathématiciens). Mais parce que l’école a pour objectif de créer des citoyens capables de comprendre le monde et que la compréhension du monde, révolution numérique en cours oblige, passe par la connaissance profonde du fonctionnement des différentes réalisations numériques.
Ce que l’Education Nationale a enfin compris, c’est donc qu’on n’améliore pas la compréhension du monde en distribuant aux enfants des IPAD – pas plus qu’on ne crée des cuisiniers en leur faisant simplement goûter des plats ou qu’on ne crée des ingénieurs en leur achetant des voitures. On améliore la compréhension du monde en expliquant aux enfants comment les objets numériques sont faits et en leur apprenant à les faire.
- Une mesure encore non financée, des moyens presque risibles
Il transparaît des déclarations du Ministre que les mesures actuelles sont non financées et les moyens mis en place paraissent ridicules, presque risibles. Seuls 10 postes ont été ouverts et « ont vocation à s’étendre dans le futur » (ce qui signifie que rien n’est encore prévu). « Une agrégation en informatique devrait suivre » (toujours rien de prévu !). Les besoins actuels sont chiffrés, par le Ministre, à 1500 postes mais j’arrive pour ma part à environ 10 000 postes, si on considère que l’informatique, matière fondamentale complémentaire et alternative aux mathématiques, a vocation à rentrer profondément dans les programmes et à capter d’ici 10 ans une partie des heures de maths et de sciences.
Et après ?
1. Enseigner l’informatique à Sciences-Po, à l’ENA, à HEC…
Dans les universités américaines, l’informatique fait déjà partie du cursus des étudiants littéraires. A Stanford, 90% des étudiants, toutes spécialités confondues, suivent le cours « de base » en informatique, dont le niveau est supérieur à celui de presque toutes nos grandes écoles d’ingénieurs. En France, un tel cours d’informatique devrait rentrer au programme d’écoles comme Sciences-Po, l’ENA, l’Ecole Nationale de la Magistrature, HEC… Encore une fois, à quoi sert une école préparant aux métiers politiques, économiques ou à la magistrature si les élèves qui en sortent ne peuvent décoder le monde ?
2. En médecine et dans les écoles d’ingénieurs
L’informatique devrait évidemment être mieux enseignée en fac de médecine (le progrès médical des 50 prochaines années en sortira) mais aussi utilisée de façon intensive dans le concours d’entrée. Dans les grandes écoles d’ingénieurs, il est à souhaiter, pour deux raisons, que les filières d’entrée « Maths » et « Physique » soient complétées par une filière « Informatique ». La première raison: il faut une plus grande partie de nos élites scientifiques formée à l’informatique. Deuxième raison: nous sommes en France et une matière n’est réellement prise au sérieux que lorsqu’elle devient importante pour faire les grandes écoles. On voit pourquoi les besoins de professeurs agrégés sont beaucoup plus importants que ceux anticipés par le Ministère.
3. Créer un grand corps du numérique
Il est consternant aussi que le plus grand corps technique français, celui des Mines, fasse référence à une industrie qui n’existe plus. De même, les grandes écoles françaises, Ponts et Chaussées, Mines de Paris ( !), Ecole Centrale des Arts et Manufactures se coltinent des noms ridicules et numériquement désuets. Les mots ont un sens et ce décalage historique, qui traduit une absence de vision, a des conséquences immenses sur la compétitivité du pays.
Là encore, nous sommes en France et tout commence et finit par l’Etat. Un grand corps du numérique, comprenant 20 à 50 ingénieurs par an, devrait être créé. L’entrée y serait conditionnée non seulement à la sortie de l’X, comme c’est le cas pour les grands corps d’ingénieurs, mais aussi à l’obtention d’une spécialisation avancée en informatique ou en génie électrique. Ce corps, qui devrait aussi être ouvert à quelques magistrats, médecins, diplômés d’écoles de commerce… aurait pour mission de mener à bien la stratégie de l’Etat et de l’Industrie. Sans une élite de fonctionnaires parfaitement formée, la France ne peut pas développer des technologies numériques d’intérêt général ni lutter à armes égales contre les GAFA, par exemple.
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