L’extrême-droite est-elle vraiment plus antisémite que l’extrême-gauche ? 28 juin 2024
Par Thierry Klein dans : Non classé.Lu 73 fois | trackback
Notes de lecture rapide du rapport annuel de la CNCDH pour l’année 2023 : « La lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie ».
Je me suis intéressé à ce rapport parce qu’opportunément sorti hier, il est repris sur toutes les télés et radios (et évidemment sur X) pour affirmer qu’il y aurait moins d’antisémitisme à l’extrême gauche (LFI), qu’à l’extrême droite (RN). C’est ce graphique en particulier qui tourne en boucle, il est repris par toute l’islamo-gauchosphère :
Je ne connaissais pas la CNCDH qui est un « machin » officiel issu d’une loi de 2007. Sur la forme, rapport très bien présenté de 351 pages (!). Toute la charte graphique est destinée à accréditer l’idée d’une organisation institutionnelle et sérieuse. Usage massif des couleurs bleu-blanc-rouge, copie du texte de loi définissant la mission dans les premières pages. Sur la page de couverture, un tampon « Rapporteur national indépendant » destiné à apporter encore plus de crédibilité. Indépendant, peut être, mais nous le verrons, pas neutre.
Un rapport marqué à gauche
Le rapport m’est immédiatement apparu extrêmement marqué à gauche. Il en reprend tous les éléments de langage, le style, les stéréotypes. Je ne vais pas m’étendre là-dessus, tout ceci est apparent dès l’introduction (p.13). De tels passages constituent pour moi des morceaux de bravoure (p.13).
Ainsi, la recrudescence des actes antisémites est liée autant au Hamas qu’à la « brutalité de la riposte israélienne » : des juifs en sont donc responsables. Et elle alimenterait le degré d’insécurité des musulmans, « pour des raisons différentes » (mais évidemment non expliquées).
Ou encore (p. 229)
Ainsi, les « individus » ont toujours tort et les chercheurs toujours raison (surtout s’ils sont de gauche !). C’est la version scientifiquement correcte du « sentiment d’insécurité » dont parle Dupond-Moretti pour nier l’insécurité.
La confusion assumée entre « islamophobie » et « racisme anti-musulmans »
Le rapport utilise le terme islamophobie en lieu et place du terme anti-musulmans, ce qui n’est pas la position officielle de l’état français mais celle des frères musulmans, qui font ainsi passer toute aversion envers l’Islam pour une aversion contre les musulmans, de façon à essentialiser les musulmans. Or en France, on a le droit, protégé depuis 1905, de ne pas aimer les religions – mais évidemment pas celui de discriminer quiconque en fonction de sa religion. L’antisémitisme (aversion contre les juifs) est donc mis au même niveau que l’islamophobie, terme volontairement ambigu (p. 192, p. 209)…
L’islamophobie est prise en compte comme un facteur de racisme dans les statistiques (p 229) ce qui a pour effet potentiel d’augmenter l’importance du racisme anti-musulmans dans le rapport. Ce refus de lever l’ambigüité du terme « islamophobie » est évidemment volontaire: les auteurs sont tout à fait conscients du problème mais assument l’usage du terme « passé progressivement dans le champ des recherches internationales » (qui évidemment sout toutes de gauche !).
Il va alors de soi que pour les auteurs, la laïcité, au sens classique du terme est islamophobe. Ils conçoivent uniquement la laïcité, qu’ils ne comprennent pas, comme un œcuménisme, pas comme la défense du droit de ne pas croire.
Ci-dessous, un tel tableau (p.242) dans la partie scientifique du rapport est extrêmement grave car le sentiment « anti-juifs », qui tient du racisme, y est mis sur le même plan que le sentiment « anti-islam » qui tient de l’opinion sur une religion et non sur un individu. Tout marxiste, par exemple, est normalement « anti-islam », la religion étant l’opium du peuple. Ainsi, pour les auteurs du rapport, le marxisme est un préjugé islamophobe…
Un rapport de propagande
J’ai googlé au hasard 3 des auteurs du rapport (sur une vingtaine d’auteurs, p.12) et bingo ! Je tombe sur des profils très à gauche. Léna Collette est chez Amnesty International (ONG au mieux anti-israélienne, au pire anti-sémite), Christian Laval prof de socio à Nanterre est un ancien d’Attac, Anaïs Schill relaie sur son LinkedIn des appels de gauche (pro-palestiniens, anti-RN…). Je vous laisse poursuivre.
Il s’agit donc, et il faut le lire comme tel, d’une œuvre de propagande sous couvert d’un rapport objectif, que cela constitue ou non la volonté consciente des auteurs. Comme souvent, le côté apparemment officiel, « neutre » et « scientifique » du rapport masque une idéologie. Ceci ne veut pas dire que les chiffres soient faux, le travail malhonnête, etc. Mais il y a des biais évidents. Et partout.
Je me concentre maintenant sur la partie « scientifique » du rapport intitulée « Regards de chercheurs » (p223).
L’utilisation de termes prêtant à confusion, car détournés de leur sens habituel: la tolérance
Cette partie multiplie les clichés. D’abord un « indice de tolérance » est défini. Le beau mot de tolérance est évidemment connoté positivement, donc plus l’indice est haut, mieux c’est. Le problème est que l’indice est calculé à partir de questions stéréotypées posées aux sondés. Par exemple, si je réponds oui à la question « les immigrés sont la principale source de l’insécurité », cela tient de l’observation de la réalité et ça n’a rien à voir avec la tolérance. Ainsi, de nombreuses questions posées sont abusivement rattachées à l’indice de tolérance ou de racisme ce qui fait que grosso modo, l’indice de tolérance devient un gloubi-boulga correspondant en réalité à la question suivante : « êtes vous de gauche, inclusif, moderne ? ». Et le chercheur n’a alors aucun mal à conclure que :
- « Les jeunes sont plus tolérants ». Son interprétation est qu’ils se sont débarrassés des préjugés racistes des ainés, la mienne est qu’ils sont subi la propagande et surtout la chute de niveau de l’école française qui a sérieusement entamé leur capacité critique.
- « Les diplômés sont plus tolérants » (pour le chercheur, parce que l’éducation libère des préjugés ; pour moi parce que les parcours supérieurs actuels sont bourrés des préjugés dont le chercheur recherche la confirmation).
Je pourrais être en phase avec ça. Mais ce que l’auteur ne voit peut être pas, c’est que l’école et l’université actuelles forment les étudiants à partager les mêmes préjugés politiquement corrects, comme on a pu le voir récemment à Sciences-Po, plutôt qu’à critiquer ces préjugés. Cette formation sectaire, « woke », couplée à la chute de niveau entame au contraire fortement la capacité critique des étudiants (comme elle a entamé, semble-t-il, la capacité critique de l’auteur du rapport).
- « La gauche est plus tolérante » (est de gauche tout ce qui partage les préjugés du chercheur)
Les journalistes télé et radio ne prendront pas la peine de lire tout le rapport. Ils retiendront en mode lecture rapide que la gauche est plus tolérante que la droite, moins ethnocentrée que la droite, etc. Pourtant, la tolérance ou l’ethnocentrisme au sens du rapport n’ont rien à voir avec la tolérance ou l’ethnocentrisme au sens commun des mots. |
L’extrême droite est-elle plus antisémite que l’extrême gauche ?
Les données « montrant » que l’antisémitisme est plus fort à l’extrême droite qu’à l’extrême-gauche, sont faibles et contradictoires. L’antisémitisme d’extrême-gauche serait plus fort fin 2022 (48) que fin 2023 (35), après les massacres du 7 Octobre ! Et en 2023, l’antisémitisme chez LFI (36) serait égal à l’antisémitisme chez LREM… Tout ceci est très surprenant.
A noter que l’image d’Israël a été étudiée indépendamment et que cela inverse les résultats (p. 267). Ci-dessous, l’extrême gauche est à 53, le centre à 39 et l’extrême-droite à 33. Ainsi, les auteurs semblent assez fins pour interpréter, d’autorité, la laïcité comme un cache-nez de l’islamophobie mais pas assez fins pour comprendre que dans 90% des cas, l’antisionisme, ou l’aversion d’Israël, est le cache-nez de l’antisémitisme. Ils estiment pertinent de rassembler en une seule catégorie le racisme anti-musulmans et l’aversion envers l’Islam mais séparent l’antisémitisme de l’aversion envers Israël. Comme disait Churchill:
« Je ne crois qu’aux statistiques que j’ai modifiées moi-même ! »
Cet autre graphique (p.269) contredit aussi les conclusions sur l’origine de l’antisémitisme. On voit que la responsabilité d’Israël dans le conflit est maximale à gauche, minimale à droite.
L’antisémitisme d’origine musulmane
Surtout, ce qui apparaît mais n’est pas explicitement souligné dans le rapport, c’est l’antisémitisme extrêmement fort d’origine musulmane (p.253).
Ainsi, le score d’antisémitisme musulman est à 62 (41+21). C’est bien au dessus de l’antisémitisme des partis, quels qu’ils soient (LFI est à 35…). Ceci est confirmé par l’analyse du Tableau 20, p244, où ceux qui expriment le plus fort sentiment de communautarisme juif sont très probablement musulmans (Colonne dim 3 du tableau).
Et on voit aussi, malheureusement sans commentaire, que le « vieil antisémitisme » (les clichés tels que juifs et argent, juifs et pouvoir…) est à 0,34 à l’extrême-droite mais à 0,48 chez les musulmans.
Les données sur l’antisémitisme en fonction de la couleur politique semblent aberrantes
Les données brutes de l’étude ne sont malheureusement pas fournies ni détaillées dans le rapport (c’est vrai qu’il ne fait que 350 pages !). Mais il semble qu’il y ait des imperfections (ou des subtilités non détaillées) dans la manière dont l’antisémitisme a été quantifié. Le rapport mentionne 5 critères mais seulement 4 sont détaillés dans le tableau récapitulatif (n°20, p.243) et l’antisémitisme n’est pris en compte qu’à partir de 2 critères positifs (tableau 24): pourquoi ? Il est possible que l’étude n’ait pas donné de résultat réellement probant, ou analysable, concernant la relation entre antisémitisme et couleur politique et que cette relation ait dû être artificiellement amplifiée. Le tableau 24 va en ce sens: l’antisémitisme y est présenté comme faiblement corrélé à l’échelle gauche-droite, contrairement à l’aversion à l’Islam.
Ainsi, il y a un problème flagrant de catégorisation et de cohérence dans les données. Mais il fallait bien pouvoir servir à la Presse l’essentiel, le message de la bonne gauche bien pensante :
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