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Vaccin ARN: ne recommençons pas le coup du Thomson T07 3 janvier 2021

Par Thierry Klein dans : Speechi.
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Au début des années 80, l’Education nationale a décidé d’équiper les écoles en ordinateurs dans le cadre du plan « Informatique pour tous ». Il y avait 2 choix possibles: l’Apple II, un ordinateur personnel révolutionnaire et le Thomson T07, matériel dépassé, inutile, dont l’unique avantage était d’être français. Et bien entendu, « soucieux des intérêts industriels nationaux », le Ministre a décidé d’équiper les écoles en Thomson T07.

Une chance inestimable s’était envolée. On aurait pu donner à une génération d’élèves français le goût de l’informatique et certains, apprenant à programmer sur un matériel « état de l’art » auraient dans doute participé à la création d’une industrie nouvelle dont personne n’envisageait alors l’ampleur qu’elle allait prendre. Au-lieu de ça, on a dégoûté les élèves, les professeurs et on a vite rangé les ordis Thomson dans les placards. Ils n’en sont jamais ressortis. On n’a même pas sauvé, évidemment, l’industrie française des ordinateurs, qui a disparu corps et âmes quelques années plus tard.

Mon père s’était intéressé à l’informatique. J’avais eu la chance rare en France, bien avant le bac d’avoir un Apple II à la maison. J’avais appris à programmer dessus et je me souviens encore de ce livre extraordinaire, « La programmation du 6502« , écrit par un Centralien émigré aux USA, Rodnay Zaks, avec qui j’ai eu la chance d’échanger des dizaines d’années plus tard. J’avais vu qu’il avait fait un Master en Informatique à Berkeley et dès la classe de première, j’avais envie de partir étudier l’informatique aux Etats-Unis. J’ai obtenu mon Master en Computer Science américain en 1990 (non pas à Berkeley mais à Stanford).

A Stanford, plus de la moitié des étudiants en Master d’informatique (nous devions être une centaine en Master, dont seulement 2 français) avaient eu accès à un Apple II dans leurs études secondaires. Cette proportion extraordinaire montre bien la dynamique qu’a pu avoir cet ordinateur, les vocations qui ont été créées et l’opportunité que l’Education Nationale a ratée. En croyant, à court terme, privilégier les intérêts français, elle a de fait contribué à la nullité française en informatique et nous a empêché de créer notre industrie.

Aujourd’hui, je vois la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche faire la même erreur, avec le vaccin ARN, que celle que nous avons faite en 1980 avec l’Apple II. Il s’agit d’attendre « le bon vaccin » (entendez le vaccin français, celui de Sanofi).

Mais Sanofi connaît probablement sa faiblesse en la matière depuis le début. Comment expliquer, sinon, qu’un industriel choisisse deux stratégies de développement différentes, montrant ainsi qu’il n’a confiance en aucune ? On n’enfonce pas une porte avec deux béliers de petite taille mais avec un gros bélier, dans lequel on a mis tous ses moyens.

Non seulement donc ce choix industriel ne rendra pas Sanofi compétitif mais des vies seront en outre perdues, ce qui est évidemment une conséquence encore plus grave qu’un simple retard industriel. Pour paraphraser Churchill: « Vous avez voulu sauver votre industrie au détriment de vies ? Vous perdrez et votre industrie et les vies. »

En outre, nous ne nous donnons pas les moyens de regagner notre retard technologique, au contraire nous allons le creuser. Pourquoi ?

La mise au point de nouveau vaccin ARN, même si elle ne s’est pas faite en France, constitue une avancée aussi importante que la découverte du vaccin contre la variole ou de la pénicilline. Aujourd’hui, il s’agit d’une prouesse technique mais la technologie de conception étant de nature logicielle, il sera de plus en plus facile – et rapide – de développer de tels vaccins.

Ceux qui maîtrisent ce logiciel ont réussi à développer le vaccin avec une rapidité jamais vue jusqu’à présent, mais dans quelques années, ce travail ne sera plus une question de mois ou d’années, mais d’heures ou de jours. C’est simplement une nouvelle manifestation de la pénétration de la révolution numérique et du pouvoir universel du software dans des sciences fondamentales telles que la biologie (l’autre exemple important étant Crispr, lui aussi de nature logicielle).

Ce vaccin est en fait le premier vaccin numérique.

Plutôt que de retarder son utilisation, le Ministre de l’Education Nationale, la Ministre de l’Enseignement supérieur, devraient veiller à ce que les principes fondamentaux de ce vaccin, qui ne sont pas si complexes, comme je l’ai développé ici dans un billet « Nature is code », soient expliqués dès l’année prochaine à tous les élèves de Terminale. Il faudrait pour ceci remettre la biologie dans le tronc commun des élèves, qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Et si l’on n’a pas le temps de bien aborder la génétique, qu’on débarrasse la biologie de tout le prêchi-prêcha écologiste qu’on impose à nos élèves dès le primaire. Crispr, le vaccin ARN, valent bien quelques pensums sur la biodiversité et sur les éoliennes.

Qu’on permette aussi aux étudiants qui ont choisi informatique de faire le lien. On peut introduire des TP basés sur Crispr ou sur le vaccin ARN dès la spécialité informatique de Terminale, au pire en licence ou en classes préparatoires.

Nous avons raté cette découverte. Au lieu de faire un calcul d’épicier, on ferait mieux de donner à la génération qui vient l’envie et le savoir pour en faire de nouvelles.

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