De Carlos Ghosn à Donald Trump 24 janvier 2017
Par Thierry Klein dans : Economie,Humeur,Politique.Lu 1 681 fois | trackback
Sur le plan éthique, il n’y a aucun fondement valable pour que Carlos Ghosn gagne plus que ma femme de ménage. Les deux ont un travail difficile, prenant, contraignant, même si les contraintes sont différentes.
Alors, au nom de l’efficacité, on peut admettre certaines différences.
Sans doute les « qualités » de Carlos Ghosn sont-elles un peu plus rares (quoique… je ferai une très mauvaise femme de ménage, j’en suis certain, alors que je pourrais peut être très bien diriger Renault).
Sans doute, Carlos Ghosn a-t-il besoin d’argent devant lui pour ne pas être « acheté » par la concurrence (quoique… quand on regarde, les tops managers passent comme une fleur d’une entreprise à une autre, comme les hauts fonctionnaires passent de l’état à l’entreprise. Et Carlos Ghosn me semble en situation de conflit d’intérêts permanent du fait des différentes entreprises qu’il dirige et des différents états qui le soutiennent).
Etc… Toutes ces raisons tiennent de l’efficacité, pas de l’éthique. On peut les tolérer pour justifier une certaine différence de revenus entre les gens, au nom d’une certaine efficacité économique. Par exemple des écarts de 1 à 10 ? De 1 à 100 ?
Mais ressaisissez-vous ! ressaisissez-vous tous ! Quand on commence à gagner 1000 fois ou plus (cas de Carlos Ghosn) le salaire de l’ouvrier de base, on porte atteinte à l’essence même de la démocratie. Avec ces écarts là, plus d’égalité qui tienne. Vous êtes, ni plus ni moins, dans les mêmes conditions qu’avant la révolution française, quand quelques nobles détenaient 99% des terres – les terres en 89, l’équivalent aujourd’hui du capital.
A ce niveau là, il ne peut y avoir que vol, spoliation, passe-droits et surtout ce comportement est nuisible pour l’intérêt général. Il gagne le salaire de 1000 ou 10000 de ses ouvriers, c’est forcément un frein pour leur rémunération et le développement de l’entreprise. Je vous rappelle l’origine de la crise de 2008: leurs salaires baissant, les salariés américains ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins et ont massivement emprunté, en particulier pour se loger. Pendant 30 ans, ils ont vécu de la plus-value immobilière au lieu de vivre de leur salaire. La bulle qui en a résulté a créé la crise financière.
Depuis une quarantaine d’années, le capital se concentre entre un nombre de plus en plus réduit de mains. Nous créons une aristocratie de même type que sous les rois. Les effets de tout ceci sont évidemment nuisibles.
Quels ont été les gains de productivité depuis 100 ans ? 1000 % 10 000 % ? Pourtant, 99% des êtres humains restent obligés de travailler beaucoup, jusqu’à un âge de plus en plus avancé. La sécurité sociale va disparaître. Ces gains de productivité non redistribués, c’est le salaire des Carlos Ghosn. [Et il en adviendra de même des gains de productivité liés aux robots]
La principale force de patrons comme Carlos Ghosn: disposant de moyens illimités, ils parviennent à convaincre leurs actionnaires, qui sont pourtant intelligents, qu’ils sont indispensables. Ils parviennent à vous convaincre, et vous êtes pourtant intelligents, qu’ils agissent « pour le meilleur » (je reprends l’expression de Voltaire face à Leibniz, le débat est au fond le même).
Billets associés :- Pourquoi il s’est trompé : la vérité sur l’affaire Bourdieu
- « Je ne suis pas Dr House, mais… »
- Les formes élémentaires de l’aliénation (réponse à Enzo)
- De Rawls à Macron, en passant par l’école. De quoi le social-libéralisme est-il le nom ?
- Une entreprise altruiste doit-elle se conduire de façon plus éthique que les autres ?
Commentaires»
no comments yet - be the first?