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La diffamation est un cri qui vient de l’Intérieur 27 juillet 2016

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Dire qu’attaquer la compétence de Cazeneuve, en tant que Ministre de l’Intérieur, c’est attaquer l’institution elle-même (pêle-même, « le travail des policiers, des magistrats, leur honneur, etc.. »), c’est toujours, finalement, nous refaire le coup de l’Affaire Dreyfus où le comportement des personnes ne pouvait être mis en cause sans que l’honneur de l’Armée ne fût touché. La France a tranché, heureusement, depuis longtemps sur ce sujet. Attaquer la compétence d’une personne, aussi haut placée soit-elle, ne remet évidemment pas en cause le travail, ni l’honneur, de l’institution elle-même. L’honneur de l’institution est en revanche atteint quand elle essaie, au détriment de la vérité, de masquer les erreurs d’une personne.

Attaquer la compétence du Ministre n’est pas non plus une « vilénie ». C’est un acte presque banal en démocratie. Les termes employés en défense par Bernard Cazeneuve me semblent tout à fait excessifs et parfois presqu’hors propos, quelles que soient les motivations de ses adversaires politiques.

Il y a évidemment plusieurs points sur lesquels Cazeneuve doit se justifier. D’abord, la difficulté à nommer le type d’attentat auquel il avait affaire. Alors que Valls parlait de terroriste islamique dès le lendemain de l’attentat de Nice, Cazeneuve n’osait se prononcer. Puis, devant l’évidence, il a parlé de terroriste radicalisé « très rapidement », presqu’instantanément – on sait qu’il n’en était rien et que le projet terroriste remontait à plusieurs mois. Déni initial, puis déformation de la réalité. Sans même parler des défaillances éventuelles du dispositif, le Ministre devrait pouvoir se justifier, au moins lors d’interviews, sur ce point.

Cazeneuve se répand sur les plateaux en affirmant sa peine, sa motivation, assurant qu’il met toute son énergie en oeuvre pour obtenir des résultats, etc. Mais c’est bien le moins ! On ne doute nullement de sa motivation, on doute de sa compétence. Il y a eu 80 morts, jouer à l’homme blessé dans sa respectabilité a un côté indécent et quand on est Ministre de l’Intérieur, crotte !, on assume les attaques et on y répond « au fond ». Les états d’âme pleurnichards de Cazeneuve n’ont aucun intérêt public.

Depuis 30 ans, y a-t-il eu une instruction sans fuite ? Les fuites de l’instruction sont monnaie courante en France et sans doute (je prends mes précautions) organisées parfois par l’instruction elle-même. Dans ce contexte, la saisie des bandes au nom du secret a un côté presque comique. Autant les confier directement à des journalistes !

Comique aussi (enfin presque, compte tenu du contexte) l’argument employé de la saisie au nom de la préservation émotionnelle des victimes. Les victimes en ont, malheureusement, vu bien d’autres et je ne vois pas bien en quoi la simple visualisation du dispositif policier le soir de l’attentat, au cas où elle fuiterait, serait si traumatisante.

L’enquête en diffamation est confiée au Procureur de Paris et tous les amis politiques du gouvernement louent son intégrité et son indépendance. Mais le Procureur, membre du Parquet, dépend hiérarchiquement du Ministre de l’Intérieur et donc ne peut qu’instruire, par construction, en sa faveur. Seul le juge statuera de façon indépendante. La plainte est déposée par Bernard Cazeneuve en son nom personnel et par le Ministère, mais je n’ai pas connaissance de la moindre déclaration de la policière sur le Ministre en tant que personne et donc en quoi s’estime-t-il diffamé ?

Ajout 21/09/2017: comme on pouvait s’y attendre, le juge a estimé qu’il n’y avait pas diffamation. Bernard Cazeneuve, sans doute un des ministres de l’Intérieur à s’être le plus abrité derrière l’état de droit pour justifier son impuissance, semble bien avoir tenté de passer en force sur ce sujet.

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