Mon billet de 2005 sur Lance Armstrong (ça devient lassant d’avoir raison) 21 janvier 2013
Par Thierry Klein dans : Sport.Lu 4 542 fois | trackback
Le billet ci-dessous date de 2005 (publié dans ce même blog).
La première chose intéressante à propos des révélations de l’Equipe sur le dopage de Lance Armstrong, ce sont les déclarations des autres coureurs et des professionnels:
Ullrich : “Il reste le plus grand coureur de tous les temps”
Holczer (Directeur Sportif de Gerolsteiner) : “Jusqu’à preuve du contraire, il faut être pris positif pour être convaincu de dopage… Donc je ne comprends pas cette situation”
Fignon: “Ca va servir à quoi ? Ce qui m’intéresse, c’est la prévention vis à vis des jeunes” (Sic !)
Or, Ullrich est arrivé second du Tour un nombre incalculable de fois à cause d’Armstrong. Sa colère serait tout à fait légitime. La tricherie d’Armstrong lui crée un préjudice incalculable. Mais étrangement, Ullrich n’attaque pas Armstrong !
Solidarité de cyclistes ? Grandeur d’âme ? Je n’y crois pas une seconde. La réalité, c’est probablement qu’Ullrich se protège lui-même par avance. Ullrich a été contrôlé de multiples fois au même moment qu’Armstrong et craint, probablement à raison, que les nouvelles méthodes d’analyse ne révèlent sa prise de dopants. Ca pourrait être plus tôt qu’on ne le pense, car l’Equipe indique qu’il reste 6 flacons positifs ne provenant pas de Lance Armstrong (mais provenant probablement d’autres coureurs bien placés puisque ce sont les premiers concernés par les tests). Attendons.
[Remarque 21/01/2013: Ullrich a depuis été condamné plusieurs fois pour dopage]
Le deuxième point, c’est qu’on imagine mal Armstrong se dopant en 1999 et, touché par la grâce divine, cesser de se doper lors des Tours suivants. Mais à partir de 2000, les techniques d’analyse EPO étaient devenues fiables. Alors, comment Armstrong s’y est-il pris ? A-t-il utilisé des nouveaux produits non recherchés ? Des produits non identifiables (hormones de croissance) ? A-t-il utilisé des protocoles différents ?
Ce qui caractérise l’activité d’athlète d’Armstrong, c’est que c’était l’homme d’une seule course (le Tour). Armstrong disparaissait pendant les mois d’hiver, s’entraînant le plus souvent en dehors de France. Il “revenait” quelques semaines avant le Tour pour une ou deux courses de préparation. Psychologiquement, il y a un autre point important: si les autres professionnels du cyclisme couvrent Armstrong, Armstrong a lui toujours couvert le Docteur Ferrari (récemment condamné et reconnu comme le grand spécialiste des produits dopants et de leurs protocoles). Même raisonnement que précédemment donc: je parierais pour un protocole effectué en grande partie pendant la période de préparation “hivernale”, suivi par des “prises complémentaires” à petites doses et non détectables pendant la phase de compétition, le tout mis au point par Ferrari.
[Ajout 21/01/2013: le paragraphe ci-dessus décrivait très précisément les méthodes mises au point par Amstrong, selon le récent rapport de l’USADA).]
Troisième point intéressant: la réaction anti-américaine primaire du Monde : “L’Amérique, elle, refusera systématiquement d’apporter le moindre codicille à son dithyrambe, faisant encore récemment de son héros un candidat potentiel à la présidence du pays. Ce ne sont pas les dernières révélations qui semblent vouloir la dessiller.”
Evidemment, le Monde, lui, jouerait le redresseur de torts immédiat vis-à-vis de tout athlète français soupçonné de dopage par un journal américain (il n’y en a pas beaucoup car aux USA, les athlètes non américains n’intéressent personne !)…
Je suis convaincu que le Monde a tort, d’ailleurs, et que les réactions américaines seront très fortes, dès que la réalité des preuves aura été admise. Armstrong tombera très probablement à la suite de procédure menées aux USA – visant à la fois le coureur et l’UCI qui visiblement le protège.
Enfin, un peu de prospective. Les principaux lésés de ce genre d’actions sont, de façon générale, les “perdants” non dopés et leurs sponsors. Jusqu’ici, il n’y a jamais eu d’action judiciaire en réparation intentés par des tiers auprès de tribunaux américains, mais les indemnités que des sportifs pourraient réclamer sont immenses: ils sont lésés moralement et financièrement. (il y aurait bien sûr la réparation de leur préjudice, mais aussi tous les “punitive damages” qui tomberaient car la mauvaise foi et la tricherie sont patentes).
Or l’affaire Armstrong va probablement être judiciarisée (Armstrong est en conflit avec une compagnie d’assurances qui refuse de lui verser une somme à cause des soupçons de dopage). Je pense que, dans la foulée, on va voir dans les prochaines années fleurir des actions judiciaires intentées par des sportifs contre d’autres sportifs.
[Ajout 21/01/2013: les actions en réparation n’ont pas été encore entamées par les sportifs (ça viendra) mais les sponsors (US Postal) et les assurances vont réclamer à court terme des dommages et intérêts à Armstrong.
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