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« Je fais bien plus d’efforts que toi » 21 avril 2009

Par Thierry Klein dans : René Girard.
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Anorexie et Désir mimétiqueToujours dans ce petit livre d’entretiens avec Girard dont je vous parlais l’autre jour, et dont décidément je trouve que les meilleures parties ne sont pas de Girard, la mise en évidence par une psychiatre d’un schéma qui se reproduit dans les familles où une fille est anorexique:

Il y a une rivalité pour occuper le rôle de victime au sein du couple parental. Chaque partenaire joue le martyr en tentant de culpabiliser l’autre. Chacun se présente comme celui qui se sacrifie généreusement pour le bien de la famille.

Bref, il y a compétition entre les parents pour être plus victime que l’autre.

Je pense à mes grands-parents, qui se la jouaient sur le registre maître-esclave et à mes parents, qui sont plutôt dans un registre bourreau-victime.

La différence entre les deux, c’est le travail incomplet du féminisme, qui change les esprits avant de changer les habitudes. Mon grand-père acceptait son rôle de maître – et ma grand-mère celui d’esclave – de façon tout à fait naturelle.

Une génération plus tard, mes parents ne vivent pas dans la même inconscience. L’égalité de l’homme et de la femme leur semble une chose naturelle MAIS elle ne se traduit pas encore dans une égalité des rôles dans le couple. Il en résulte une mauvaise conscience comparable à celle du bourreau (chez l’homme) et victimisation (chez la femme).

La position du bourreau est moins enviable que celle du maître, et celle de la victime moins enviable que celle de l’esclave car leur degré de connaissance est supérieur. Quand vous opprimez, le plus confortable est de n’en rien savoir.

Parenthèse: Les seigneurs du moyen-âge n’avaient aucune mauvaise conscience quant au sort qu’ils faisaient subir aux serfs (la mauvaise conscience arrive avec Voltaire, Diderot, Beaumarchais). Aristote – et les esclavagistes américains – considéraient les esclaves comme des sous-hommes et c’était bien pratique pour eux. Considérer que les animaux sont « évidemment » des êtres inférieurs nés pour être exploités et tués est bien pratique pour nous au moment où nous coupons notre steak. Sans une certaine dose de bêtise, ce monde devient totalement invivable.

Encore une génération et dans un couple « moderne » comme le mien, c’est victime-victime.

Le travail du féminisme est terminé, il y a une plus grande égalité des rôles dans le couple, en accord avec les principes (si généreux) que nous admettons (presque) tous. Et ce qui en sort, c’est une victimisation réciproque et une comparaison permanente pour savoir qui fait quoi, et pourquoi, etc… Il y a lutte permanente pour tout puisqu’il n’y a plus aucune raison « rationnelle », admise par tous, pour rien.

L’anorexie naît des cas les plus extrêmes de cette lutte universelle à tous les couples. En ce sens, c’est une maladie éminemment moderne.

Et aussi : le monde moderne, c’est le monde où nous sommes tous victimes.

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Commentaires»

1. Klein Francis - 21 avril 2009

J’ai été content d’apprendre que je suis un bourreau et que ton grand père était un maître…..Dans la famille on semble donc être plutôt en régression par rapport aux couples modernes……mais que vont devenir nos petits enfants ?

2. Thierry Klein - 21 avril 2009

A mon avis, anorexiques avec plein de TOCs.
il n’y a que le chien qui s’en sortira.