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Marie Drucker peut-elle, déontologiquement, coucher avec Béatrice Schönberg ? 28 février 2007

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Certaines professions sont soumises à une déontologie. Cette déontologie consiste en un certain nombre de règles régissant la profession au-delà des habituelles règles légales. En général, l’objet de la déontologie éthique.

Si on édicte une déontologie, c’est souvent qu’on évolue dans un milieu où ces règles ont une certaine tendance à être bafouées et le code déontologique reste souvent lettre morte, car les causes du mal sont assez profondes.

Très souvent, la déontologie révèle le mal plus qu’elle ne le résout.

Je me souviens que lors des négociations avec une grande entreprise automobile, on m’avait remis une charte déontologique longue comme l’Encyclopedia Universalis – et beaucoup plus dure à comprendre. En gros, serrer la main de mon interlocuteur pouvait, sous certaines conditions, s’interpréter comme une faute (je sais bien que les acheteurs ont l’habitude de se faire graisser la paume, mais quand même !).

Comme par hasard, une grande partie du département Achat est tombée quelques années plus tard, lors du scandale de l’Arc, dont cette entreprise était un client important. (Pour info, l’Arc recyclait ses fonds par un système assez complexe de filiales vendant à perte).

Au lieu de chercher à réécrire l’Encyclopedia Universalis, les auteurs, si tant est qu’ils ne soient pas eux-mêmes corrompus, auraient mieux fait de réfléchir sur les vraies causes de la corruption dans l’entreprise, ce qu’on ne pouvait probablement pas faire sans remettre en cause ses fondements (je vais m’arrêter là parce que sinon, on va reconnaître l’entreprise).

Autre exemple amusant, les appels d’offre publics. J’y réponds fréquemment dans le cadre de mon entreprise Speechi. Il y a un déluge de précaution lors de la remise de l’appel d’offres (horodatage, pesage des documents, ouverture par huissier assermenté…). Les cahiers des charges font des centaines de pages et formulent des règles absolument draconiennes. Si vous déposez sous forme électronique, toutes les précautions techniques sont prises (cryptage SSL avec certificat établi à l’avance, horodatage par tiers de confiance (l’équivalent électronique de l’huissier), etc… Pourtant, dans plus de la moitié des appels d’offre, les jeux sont fait avant même que l’appel d’offres ne soit émis (il est rédigé « pour » une entreprise précise). Et dans presque 100% des cas, j’en connais le résultat des jours à l’avance !

Très souvent donc, une déontologie est une réponse inadaptée à un vrai problème.

Dans un certain nombre de métiers sensibles, en rapport avec la personne, la justice, la finance, les règles déontologiques visent à préserver une sorte d’indépendance morale et de jugement de la personne dans l’exercice de sa profession.

C’est ainsi que deux avocats du même cabinet ne peuvent plaider pour deux adversaires lors d’un procès (bien que les avocats soient des travailleurs indépendants). Un analyste financier ne peut pas détenir des actions d’une société qu’il évalue, car son jugement peut alors être faussé, consciemment ou inconsciemment d’ailleurs – la déontologie vise aussi à protéger les gens contre leurs propres dérives.

Elle protège les membres d’une profession en allant au-delà des lois légales, face à des erreurs que cette profession a déjà commises dans le passé.

Elle a un côté archaïque, bien sûr, car elle institue des tabous excessifs qui n’ont pas toujours de sens. Ce n’est pas parce qu’un analyste a des actions quelque part que son jugement va forcément être faussé ou qu’il changerait forcément sa façon d’écrire sur la société en question.

Elle a toujours un côté inadapté : toutes les règles déontologiques n’empêchent jamais les excès quand la structure de la profession s’y prête.

Psychanalytiquement, on peut dans la plupart des cas montrer que la déontologie n’est en fait apparue que parce que, précisément, on ne voulait pas voir ou traiter les problèmes en profondeur.

Il suffit de regarder comment les grandes sociétés traitent les analystes de façon royale ou comment les laboratoires pharmaceutiques traitent les médecins pour le comprendre (invitations, voyages, réunions financières à Pétaouchnok, et j’en passe…).

En résumé, la déontologie est une réponse inadaptée à un vrai problème, qui ne sera pas résolu.

Elle est la pire des réponses, à l’exception de toutes les autres, comme disait Churchill..

Dans le cas du journalisme (ouf, on y arrive !), on peut concevoir (comme cela se voit dans d’autres professions) une clause visant à préserver l’indépendance morale et affective des journalistes :c’est pour cette raison que Marie Drucker et Béatrice Schönberg sont momentanément virées du journal télévisé.

La clause semble évidemment absurde, surtout à notre époque, surtout dans le cas de Marie Drucker, mais encore une fois, toute déontologie a un côté excessif. Et dans ce cas, il n’y a pas de raison qu’aucun journaliste y échappe : dura deontologia sed deontologia. (A noter qu’en toute logique Marie Drucker devrait être sanctionnée puisqu’elle s’est volontairement soustraite à la déontologie, ne quittant le JT que lorsque Voici a révélé l’affaire).

La question est quand même plus complexe pour Alain Duhamel car on ne peut pas empêcher un citoyen, fût-il journaliste, de préférer un candidat à un autre. Ce serait l’empêcher de penser tout court. Que lui reproche-t-on ? Pas de voter pour Bayrou ! Pas d’avoir fait campagne pour Bayrou. Simplement d’avoir dit, dans une réunion de nature quasi-privée, qui n’avait pas vocation à être télévisée, qu’il voterait Bayrou (ce qui est probablement une faute de goût, mais certainement pas une faute déontologique).

Soumis à, je n’ose dire forclos dans, la déontologie, le journaliste se retrouve alors dans une situation schizophrène : il doit mentir, s’auto-censurer en permanence pour qu’on ne retrouve pas ses opinions politiques. S’il donne son opinion, il dit la vérité objective, il fait en quelque sorte son métier de journaliste, mais en même temps il fait une faute déontologique. C’est ce qu’on appelle une situation de « double contrainte », typique des dictatures morales.

(A la limite, on pourrait concevoir que la déontologie force, au contraire, les journalistes politiques à se révéler : le débat n’en serait que plus clair pour les spectateurs et les lecteurs).

Le plus cocasse, c’est que, dans le cas de la deuxième chaîne, il n’existe aucun code écrit – ni même aucune jurisprudence établie – à laquelle on puisse se référer. La déontologie devient donc censure morale, censure ou simple affolement médiatique – le tout au service exclusif des dirigeants de l’entreprise qui définissent les règles a posteriori.

La réalité : les milieux journalistiques sont tellement corrompus intellectuellement et moralement qu’ils se comportent comme le département Achat de la grande entreprise dont je parlais au début de mon billet. Ils éditent des règles excessives qui ne révèlent au fond que leurs propres turpitudes.

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Commentaires»

1. edlorrain - 4 mars 2007

Bonjour

Où trouve t on une présentation de Thierry Klein ?
En d’autres termes ( si besoin) je ne trouve pas le traditionnel " QUI SUIS JE " ? Merci.

2. Papyboom - 3 juillet 2007

Ce qui peut être écrit comme conneries sur le NET , cet article en est la preuve
Papyboom