Houellebecq : le petit Girard Illustré 20 septembre 2005
Par Thierry Klein dans : Critiques.Lu 6 354 fois | trackback
J’ai parlé ça et là dans ce blog de René Girard, en disant en particulier que Kundera l’avait lu. Visiblement Houellebecq aussi et son dernier livre (la possibilité d’une île) est une sorte de mise en abyme girardienne. (fondation d’une religion, meurtre rituel du prophère, renaissance future, références à Nietsche, aux Evangiles, à la Bible… l’ensemble du livre est bourré de symboles et de références bien lourds comme on dit).
Le problème d’un tel livre, c’est quand même qu’il vient après René Girard et que donc on peut se demander où est l’intuition artistique (il y a plutôt manque de sincérité). J’écrivais là que beaucoup de romans allaient tomber « par avance » sous l’interprétation girardienne et qu’il s’agissait alors d’une négation de l’Art du Roman.
Je pense que les lecteurs de blog, en général, doivent bien aimer Houellebecq, qui est une sorte de geek. C’est évident qu’il passe pas mal de temps sur Internet et on y retrouve des traces de blagues web célèbres (comme celle du petit garçon qui fait chier ses parents au supermarché et qui se termine par « Just say no, use condoms ! »). Le héros de Houellebecq est une sorte de scientiste négatif. Il croit à la science, en ses progrès mais pas en l’avenir de l’homme, car l’homme n’est lui-même qu’une machine qui s’ignore (because l’evolution, la génétique, la chimie, etc…). Assez banal, en fait, mais peu de romanciers ont eu ce point de vue. Ca donne un point de vue forcément polémique car le lieu du combat traditionnel entre les « scientifiques » et les « écologistes » est déplacé – et les points de vue des deux attaqués.
Au final, je trouve ça quand même dommage que la construction du livre soit si lourdingue. Ceci dit Houellebecq est un excellent conteur et c’est souvent très drôle. En cherchant bien, vous trouverez même des accents de Romain Gary dans le roman, mais je ne suis pas sûr que Houellebecq apprécierait le compliment, même si les effets recherchés et les techniques utilisées sont bien similaires.
Et après tout, si Houellebecq se donne le droit de dire qu’il aime les chiens, j’ai bien le droit d’aimer Houellebecq et Romain Gary (et les chiens) à la fois.
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Michel Houellebecq et Philippe Sollers s’observent et se portraitisent dans leurs oeuvres sans complaisance. Portait à l’eau forte.
DANIEL (Michel) dans "une vie divine" de Sollers : « Daniel, cinéaste désormais mondialement célèbre, comme le prouve son dernier grand entretien dans Destroy. Il a l’air à la fois en pleine forme et très déprimé, résultat probable des tranquillisants et des somnifères qu’il absorbe à haute dose. Il boit des alexandras, parle peu »
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SOLLERS dans "les particules élémentaires" de Houellebecq : « Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
– Je ne sais pas, vous pourriez publier mon texte.
– Ouh là là ! Il s’est esclaffé comme si j’avais fait une bonne farce. Une publication dans L’Infini ? Mais, mon petit bonhomme, vous ne vous rendez pas compte… »
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