Robinson Crusoé: la version Mediapart / Sandrine Rousseau 2 février 2024
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 9 fois | ajouter un commentaire
C’est un livre lu par des générations d’enfants. Mais l’histoire de Robinson Crusoé incarne le « capitalisme racial ».
« Il extermine, tue, domestique la nature, fait de Vendredi son esclave ».
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— Mediapart (@Mediapart) February 1, 2024
Echoué sur cette île déserte, Robinson Crusoé réalisa qu’il était une double victime du capitalisme. Son infortune était d’abord la conséquence d’une tempête évidemment liée au réchauffement climatique, résultant de l’activité inutile des hommes aliénés au régime de surconsommation. L’armateur ayant affrété le bateau n’avait pas fait les investissements nécessaires pour éviter le naufrage, en dépit des multiples recommandations du CSE et, qui plus est, avait omis de déclarer Robinson à la sécurité sociale, ce qui avait pour conséquence immédiate que tout le travail qu’il allait effectuer sur l’île ne lui ouvrirait jamais des droits à des prestations de retraite.
Enfermé dans cette prison à ciel ouvert, ce qui constituait une contradiction flagrante avec la résolution 256N de l’ONU, il rédigea d’abord un message de protestation solennel à l’usage des générations futures, le mit dans une bouteille de Coca qui trainait et l’envoya à la mer, sans omettre évidemment de rédiger un post-scriptum vibrant en faveur de l’extension de la loi pollueur-payeur à Coca-cola.
Puis il s’assit et réfléchit. Allait-il importer sur cette île l’aliénation au capitalisme et se mettre à travailler, et ainsi prendre le risque de recréer une civilisation conservatrice voire réac ? Assurément non ! Invoquant son droit à la paresse, il s’allongea sur le sable et mourut. THE END.
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Lettre du Général de Gaulle à David Ben Gourion (1967) 2 janvier 2024
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 35 fois | ajouter un commentaire
(Un texte qui n’est pas de moi, pour relever un peu le niveau de ce blog)
30 décembre 1967, lettre du Général de Gaulle à David Ben Gourion réagissant à la conférence de presse du Général du 27 novembre :
« Monsieur le Président,
C’est avec grand intérêt que j’ai pris connaissance de votre lettre du 6 décembre. En effet, le vaste sujet de la renaissance et du destin de l’Etat d’Israël ne peut manquer, vous le savez, de m’attirer et de m’émouvoir. D’autant plus que le conflit qui s’est de nouveau ouvert au Moyen-Orient entraîne d’importantes conséquences qui touchent de près la France pour toutes les raisons politiques, économiques, morales, religieuses et historiques que vous connaissez. Enfin, vous n’ignorez pas que je porte à vous-même une haute considération et que je garde un vivant souvenir de ce que furent, depuis dix ans, nos relations personnelles.
C’est pourquoi l’éloquence de votre argumentation ne m’a aucunement étonné. Je sais ce que la restauration d’Israël en Palestine, telle que vous la décrivez après y avoir éminemment participé, a comporté de foi, d’audace et de difficulté et combien a été méritoire la mise en valeur de régions semi-désertiques par le nouvel Etat grâce à l’afflux de tant de Juifs venus de partout et à l’aide de tant de leurs communautés réparties à travers le monde. Vous rappelez, à juste titre, que mon pays et moi-même n’avons pas, à l’origine, ménagé notre sympathie à cette construction nationale et vous ne pouvez douter que, le cas échéant, nous nous serions opposés à ce qu’elle fût anéantie, comme le garantissaient nos entretiens officiels de naguère et le fait que j’y avais publiquement qualifié Israël d’« Etat ami et allié ».
Mais ce sont là, précisément, les raisons pour lesquelles j’ai toujours dit, – et, d’abord, à vous- même – que, pour justifier à mesure l’œuvre ainsi commencée et assurer son avenir, une stricte modération s’imposait à Israël dans ses rapports avec ses voisins et dans ses ambitions territoriales. Cela d’autant plus que les terres initialement reconnues à votre Etat par les puissances sont considérées par les Arabes comme leur bien, que ceux-ci, au milieu desquels s’installait Israël, sont, de leur côté, fiers et respectables, que la France éprouve à leur égard une amitié ancienne et naturelle, et qu’ils méritent, eux aussi, de se développer en dépit de tous les obstacles que leur opposent la nature, les graves et humiliants retards qu’ils ont souvent subis depuis des siècles du fait de leurs occupants successifs, enfin leur propre dispersion.
Certes, je ne conteste aucunement que le fâcheux blocus du golfe d’Akaba était unilatéralement dommageable à votre pays et je ne méconnais pas que celui-ci eût lieu de se sentir menacé étant donné la tension où était plongée la région palestinienne par suite des flots d’invectives prodiguées à l’encontre d’Israël en même temps que du sort lamentable des Arabes réfugiés en Jordanie ou relégués à Gaza. Mais je demeure convaincu qu’en passant outre aux avertissements donnés, en temps voulu, à votre gouvernement par celui de la République française, en entamant les hostilités, en prenant par la forces des armes possession de Jérusalem et de maints territoires jordaniens, égyptiens et syriens, en y pratiquant la répression et les expulsions qui sont inévitablement les conséquences d’une occupation dont tout indique qu’elle tend à l’annexion, en affirmant devant le monde que le règlement du conflit ne peut être réalisé que sur la base des conquêtes acquises et non pas à condition que celles-ci soient évacuées, Israël dépasse les bornes de la modération nécessaire.
Je le regrette d’autant plus que, moyennant le retrait de ses forces, il apparaît qu’une solution comportant la reconnaissance de votre Etat par ses voisins, des garanties de sécurité de part et d’autre des frontières qui pourraient être précisées par arbitrage international, un sort digne et équitable assuré aux réfugiés et aux minorités, la libre navigation pour tous dans le golfe d’Akaba et le canal de Suez, serait aujourd’hui possible dans le cadre des Nations unies, solution à laquelle on sait que la France est éventuellement disposée à concourir, non seulement sur le plan politique, mais encore sur le terrain.
Cette issue, qui ramènerait la paix au Moyen-Orient, faciliterait la concorde universelle et, suivant moi, servirait l’intérêt des peuples intéressés, y compris celui du vôtre, ne comblerait pas, je le sais, tous les désirs d’Israël. Si j’en avais douté, la lecture de votre lettre et ce que vous écrivez de ce que Chanaan, sur les deux rives du Jourdain, représente pour beaucoup de Juifs de tous les temps et d’aujourd’hui, m’en aurait apporté la preuve. Il en est de même de l’émotion apparemment soulevée chez tels ou tels d’entre eux par le fait que j’ai dit de leur peuple qu’il était « un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur », jugement que certains affectent de tenir pour péjoratif alors qu’il ne saurait y avoir rien de désobligeant à souligner le caractère grâce auquel ce peuple fort a pu survivre et rester lui-même après dix-neuf siècles passés dans des conditions inouïes. Mais quoi ? Voici qu’Israël, au lieu de promener partout dans l’univers son exil émouvant et bimillénaire, est devenu, bel et bien, un Etat parmi les autres et dont, suivant la loi commune, la vie et la durée dépendent de sa politique. Or, celle-ci – combien de peuples l’ont, tour à tour éprouvé – ne vaut qu’à la condition d’être adaptée aux réalités.
Je vous demande d’agréer, Monsieur le Président, avec mes sincères souhaits de nouvelle année, l’expression de mes sentiments les plus distingués et de mon meilleur souvenir. »
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A la base de la gauche moderne, le principe de destruction
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 30 fois | ajouter un commentaire
J’ai parlé, dans un précédent article, de la haine de l’Occident qui fait le lien entre wokisme et islamisme. Et montré en quoi le wokisme, en tant que haine dirigée vers soi-même est une maladie. Mais en vérité, cette réflexion peut être étendue : pour comprendre la gauche moderne1, il faut absolument considérer son sous-jacent latent qui est la haine de l’Occident. Ce principe latent s’oppose en permanence au discours manifeste de la gauche, qui est l’altruisme avec toutes ses déclinaisons (fraternité, égalité, justice, etc.).
En vérité, depuis une quarantaine d’années, on ne peut pas comprendre la gauche moderne sans cette observation, qui fait le lien véritable entre toutes les positions gauchistes, même, et c’est le point le plus remarquable, quand ces positions semblent au départ incohérentes entre elles. En ce sens, on peut bien parler, pour toute cette gauche d’une maladie à caractère masochiste.
Cette double dimension du discours est systématiquement niée à gauche, car inconsciente. Il est inenvisageable pour un gauchiste, membre du camp du bien, d’envisager que ses raisons sont haineuses. Mais le discours manifeste, altruiste, ne constitue bien, en réalité, qu’une rationalisation a posteriori d’un ressentiment. La gauche moderne est bien malade mais cet argument est aussi peu utilisé à droite car invoquer l’aliénation ou des raisons inconscientes n’est pas dans sa culture (ce n’est pas parce que la gauche a sombré que la droite est devenue plus intelligente).
Ce ressentiment a pris la forme de 2 motifs majeurs.
La volonté de destruction.
J’appelle ainsi tout ce qui résulte, aujourd’hui, de la déconstruction des années 60 (qui est aussi ce qu’on appelle, aux USA, la « French theory »). Au départ (Derrida), la déconstruction se conçoit comme une tentative de critique littéraire systématique de tous les impensés, conscients ou inconscients, de la littérature occidentale. La déconstruction universitaire devient progressivement une entreprise gauchiste qui vise à saper politiquement les fondements de la civilisation occidentale. Elle n’a plus alors de fondement scientifique et devient un simple outil militant de destruction2, ayant pour but de critiquer tout ce qui peut être considéré comme établi dans la société. La plupart du temps, la déconstruction militante met en évidence le côté arbitraire de structures sociales « conservatrices » (toute société regorge de telles structures) pour en proposer de nouvelles « progressistes » censées apporter un progrès et « lutter contre les discriminations ». Problème: les nouvelles structures sont soit totalitaires, soit impossibles à mettre en palce.
L’exemple de l’orthographe.
L’orthographe et la grammaire sont évidemment des structures essentiellement arbitraires (même si l’étude de la langue peut les éclairer, partiellement, d’une certaine logique). Il faudra donc détecter les impensés de la langue, qui aurait été « volontairent masculinisée3 » (première discrimination envers les femmes) et qui devient en outre à l’école « un marqueur social discriminant ».
Il faut donc modifier la langue (qui doit devenir inclusive) et simplifier l’orthographe ou cesser d’en faire un critère scolaire. Mais la langue inclusive est illisible et simplifier l’orthographe aurait pour inconvénient premier de rendre tout notre fond littéraire, qui est immense, très difficile à lire et à comprendre. Un élève français d’aujourd’hui comprend encore assez facilement toutes les œuvres à partir du XVIIème siècle. Si on fait évoluer d’un coup grammaire et orthographe, tout ceci, qui constitue un des trésors de l’humanité, lui sera inaccessible.
On voit comment ici la déconstruction critique, sous un prétexte altruiste, aboutit à une destruction du savoir et des racines communes de tous les français.
Cette attaque contre l’orthographe est donc en tous points absurdes: l’école est normalement justement là pour ça – faire en sorte que tous les français puissent se comprendre et avoir accès à leur fond littéraire commun, qui est une manifestation de notre génie national.
La maladie du déracinement
Les attaques contre l’école ne sont pas isolées. Tout le monde est maintenant au courant de la chute dramatique du niveau scolaire depuis 40 ans, sur laquelle je reviendrai, alors que quand j’étais moi-même à l’école, dans les années 70, l’école française était la meilleure au monde4. Cette chute n’est pas le résultat d’une simple négligence. Je prétends qu’elle a été largement « voulue », organisée, pour peu qu’on accepte de mettre derrière ces termes la volonté de destruction inconsciente dont je parle plus haut. Je vais faire appel ici à Simone Weil, qui avait parfaitement décrypté ce double discours et à qui je dois en grande partie la paternité de cette analyse:
Qui est déraciné déracine. Qui est enraciné ne déracine pas. Sous le même nom de révolution, et souvent sous des mots d’ordre et des thèmes de propagande identiques, sont dissimulées deux conceptions absolument opposées.
L’une consiste à transformer la société de manière à ce que les opprimés puissent y avoir des racines; l’autre consiste à étendre à toute la société la maladie du déracinement qui a été infligée aux opprimés. Il ne faut pas dire ou penser que la seconde opération puisse jamais être un prélude de la première; cela est faux. Ce sont deux directions opposées
Simone Weil, L’enracinement
Les deux gauches irréconciliables
On se souvient de l’expression de Manuel Valls concernant les deux gauches irréconciliables. La frontière entre ces deux gauches est précisément la même que celle mise en évidence par Simone Weil. Il y a une gauche qui cherche à détruire et une gauche qui cherche à construire. Dans cet billet, ainsi que dans les suivants, j’entends par « gauche moderne » celle qui cherche à détruire (typiquement: la France Insoumise mais pas exclusivement et pas totalement).
L’exemple de l’enseignement de la lecture : méthode globale et méthode syllabique.
Le courant dit « pédagogique » est très influent dans l’Education Nationale et à l’Université, ainsi que dans les écoles de formation des enseignants. Son discours manifeste est inattaquable et plaide pour l’égalité des chances, l’amélioration de la pédagogie, etc. Il est essentiellement constitué de militants de gauche et d’extrême gauche et est, collectivement, un des grands responsables de l’effondrement de l’école française.
Des deux méthodes principales d’enseignement de la lecture, globale et syllabique, une seule fonctionne réellement, la syllabique. Les différences de performance entre les deux méthodes sont tellement criantes qu’on sait aujourd’hui qu’elle apparaissent avec des échantillons très faibles (moins de 50 élèves)5. Pourtant le courant pédagogique (entrainant avec lui l’éducation nationale) a favorisé pendant des dizaines d’années le développement de la méthode globale à l’époque pour des raisons qui ne tenaient pas à sa performance6 mais à l’idéologie. La méthode syllabique (« b-a-ba ») était jugée « trop scolaire », enfermant l’enfant dans une logique fermé de discipline, pour ne pas dire de soumission à l’autorité. Elle était donc « réactionnaire ». La méthode globale, estampillée « progressiste », qui consiste à reconnaître un mot « globalement » sans passer par l’étape « b-a-ba » avait pour grand avantage d’ouvrir les propres horizons de l’enfant.
On voudrait rire tellement ces raisons paraissent ridicules – et de fait, elles le sont. Pourtant, je pourrais7 vous citer des dizaines d’exemples divers et variés, dont les raisons sont tout aussi ridicules et les effets tout aussi dramatiques – car dans les faits, la méthode globale a des effets durables sur la qualité de lecture et aura condamné de façon durable le destin scolaire de millions d’élèves.
Comment des gens intelligents, formés tels que des enseignants français, ont-ils pu privilégier des méthodes d’enseignement délétères, contraire à l’intérêt des élèves, au détriment de tout bon sens et de toute confirmation scientifique (en s’appuyant paradoxalement sur des travaux universitaires qui n’avaient rien de scientifique, l’Université devenant dans le même temps un vecteur de militantisme)? Je ne peux l’interpréter que par une volonté inconsciente de couper les enfants de leur racine, la maladie de la destruction et du déracinement. Ce qui se rapproche le plus cette volonté inconsciente, c’est pour moi la mauvaise foi sartrienne. On ne veut pas voir la réalité pour paraître plus élevé à ses propres yeux.
La maladie, comme le décrit Simone Weil, s’est bien propagée « à l’ensemble de la société ». Comment expliquer sinon que la plupart des français n’ait pas vu – ou plutôt pas voulu voir – la réalité du déclin scolaire. L’Education Nationale ne voulait pas voir l’échec, n’élaborait plus de statistiques fiables et servait à tous la fable du « niveau qui monte ». Seules les études internationales (PISA) ont permis d’ouvrir les yeux.
J’ai tellement d’exemples à disposition, que soit dans l’éducation ou dans les domaines politique, économique, social… que le travail nécessaire d’illustration de cet article par des exemples dépasse largement le cadre de l’article lui-même. Je publierai ces exemples au fur et à mesure, en fonction du temps que j’ai et de l’actualité8.
Mais tout lecteur de cet article peut aussi commencer son propre travail pour s’en convaincre. Et en fait doit. Car le défaut de ma thèse est qu’elle est parfaitement irréfutable au sens de Popper, elle sera donc facilement contredite par de multiples experts qui avanceront qu’elle ne repose sur rien, aucune étude, est totalement empirique et même, le peu de lucidité mentale qui me reste prédit qu’elle sera attaquée au prétexte d’être légèrement paranoïaque. Je vous invite cependant à travailler un peu par vous-mêmes selon le schéma défini ci-dessous. Travailler à la maison ne fait aucun mal, même si l’Education Nationale tente de l’empêcher depuis des années au prétexte que « cela favorise les inégalités sociales » (évidemment, j’y vois encore une volonté inconsciente de nuire et de ne pas transmettre, on ne se refait pas).
La loi de Klein
La question à se poser, concernant les positions politiques qu’adopte tel ou tel parti de gauche, par exemple, est la suivante :
Au-delà de la rationalisation manifeste de la position politique, sa mise en œuvre serait-elle bénéfique pour l’intérêt général ou pour le pays ? Et la réponse sera régulièrement non. Car LA RAISON PROFONDE pour laquelle cette position a été adoptée (j’insiste, il s’agit de la raison, pas de la conséquence) est qu’elle détruit. Ce simple raisonnement permet de relier entre elles presque toutes les positions de la gauche moderne, même quand, nous le verrons, ces positions sembles incohérentes entre elles.
Vous le verrez si comme moi vous commencez à faire ce travail : tout s’éclaire dès lors que l’on considère que la volonté de détruire est le fondement de cette gauche, son seul principe explicatif réel.
- Que signifie « moderne » ? Je définis ce terme un peu plus loin. ↩︎
- La « Destruction » est d’ailleurs son nom premier, celui que lui avait donné Heidegger, dont Derrida s’est inspiré ↩︎
- Quand on rentre dans le fond du problème, on se rend compte que ces affirmations, bien que soutenues par des parties de l’Université, sont totalement fausses et paranoïaques. Elles sont pourtant abondamment reprises. ↩︎
- Les étudiants français qui comme moi s’expatriaient dans les meilleures universités américaines constataient par exemple que dans toutes les matières scientifiques, ils étaient en moyenne bien meilleurs que les étudiants américains, européens ou asiatiques. ↩︎
- Des chercheurs tels que Stanislas Dehaene ont récemment mis en évidence le succès de la méthode sur la méthode globale syllabique via des techniques d’imagerie cérébrale: celle-là active bien plus rapidement les zones du cerveau de l’enfant dédiées à la lecture ↩︎
- Les études montrant la supériorité de la méthode syllabique sont nombreuses, mais restent encore niées par d’éminents pédagogistes pour qui elles ne seraient que partielles et biaisées, les professeurs n’y seraient pas assez formés, etc. ↩︎
- Et d’ailleurs je le ferai, je rassemblerai dans un tableau des dizaines d’exemples pour illustrer mon propos. ↩︎
- Il faut signaler aussi que la gauche n’est pas la seule responsable de la destruction des structures. cette disparition est aussi, comme Michéa le mentionne, une des effets de la mondialisation et même du capitalisme. ↩︎
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En hommage aux morts du 7 Octobre 30 décembre 2023
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 3 fois | ajouter un commentaire
Kevin Chen, changement de programme « improvisé », ce 21 Octobre dans un concert donné au Carnegie Hall.
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Isabelle Carré et la cancellation de Depardieu
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 15 fois | ajouter un commentaire
La Tribune d’Isabelle Carré dans Elle. Je me méfie de ce genre de textes. Ce qui me fait froid dans le dos, à moi, c’est sa ponctuation « inclusive », volonté idéologique de transformer la langue. Et oui, les chiffres fournis par Isabelle Carré mentent car ils sortent du « travail » des associations féministes, dont la plupart sont des sectes militantes. Ainsi, on a du mal à faire la part du fantasme, du problème psychologique et de la réalité dans cette prise de position. En revanche, on voit ce que tout ça fait peser en termes de menace totalitaire sur la société. Car le but est de lâcher des meutes, qui condamnent avant d’avoir jugé. Et ces féministes là, les « me-too », on ne les a sauf exception pas entendues pour condamner les viols du Hamas, le 7 Octobre – au contraire, elles les ont plutôt relativisés au nom de la soi-disant nécessaire « lutte anti-coloniale ». Lutter contre le sexisme, oui. Favoriser les thèses d’une extrême gauche sectaire et de l’islamisme au prétexte de la lutte contre le sexisme, non
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Les experts
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 5 fois | ajouter un commentaire
600 artistes dénoncent la loi du silence concernant Depardieu.
Presqu’aucun d’entre eux n’a osé s’exprimer suite aux massacres du 7 Octobre.
Des experts.
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Wokisme et islamisme : histoire d’une haine commune 17 décembre 2023
Par Thierry Klein dans : Politique.Lu 42 fois | 1 commentaire
Le phénomène est apparu aux yeux du monde le 7 octobre 2023 : les islamistes ont pris des positions anti-israéliennes et on n’en attendait pas moins d’eux puisqu’ils sont antisémites. Mais toute la gauche « Nupes », ou presque, a pris des positions anti-israéliennes aussi. A ma connaissance, seules de rares personnalités de gauche, souvent juives, ont échappé à la contagion (Julien Dray, Jérôme Guedj, Manuel Valls…). Grosso modo, plus on va vers l’extrême-gauche (LFI, NPA), plus les positions deviennent non seulement anti-israéliennes mais aussi antisémites (voir les positions de David Guiraud, Mélenchon…). Ce phénomène s’est produit non seulement en France mais dans tout l’Occident : les étudiants wokes des universités progressistes nord-américaines ont pris des positions pro-palestiniennes allant jusqu’à l’antisémitisme, souvent soutenus par les institutions elles-mêmes, on l’a vu dans le cas d’Harvard, du MIT et de Penn lors d’auditions menées par le Sénat.
Il faudrait certainement mieux définir ce qu’est une position anti-israélienne, une position antisioniste, une position antisémite, d’autant plus que les antisionistes se disent simplement « opposés à la politique coloniale de l’Etat d’Israël », que les antisémites nient évidemment leur antisémitisme avec des trémolos dans la voix et de multiples circonvolutions (ce qui fait que le discours antisémite d’extrême gauche des années 2020 ressemble à s’y méprendre au discours d’extrême droite des années 70). Il faudrait le faire et je le ferai un jour mais tel n’est pas le but de ce petit billet: mon objectif est simplement de mettre à jour le lien profond, jusqu’ici caché, entre islamisme et wokisme, à savoir la haine de l’Occident.
Cette haine est bien connue en ce qui concerne l’Islamisme et elle est en quelque sorte bien compréhensible aussi, compte tenu de l’Histoire. La guerre entre Islam et Occident dure depuis plus de 1000 ans « à l’extérieur » mais l’immigration a, depuis 60 ans, augmenté le nombre de musulmans « à l’intérieur » en France et en Europe. Les frères musulmans n’ont de cesse d’augmenter partout le poids social et le pouvoir politique de l’Islam. La diffusion généralisée de la nourriture hallal, du voile constituent pour eux une grande réussite. Dans leur esprit, ce n’est cependant qu’une étape.
L’Islam politique a lié une alliance d’intérêts avec la gauche. La gauche a ciblé les musulmans depuis 30 ans car, fraichement immigrés, ils constituent à ses yeux un « nouveau prolétariat, la population la plus pauvre sur le territoire français. Sous l’influence des frères, les islamistes ont infiltré les mouvements politiques de gauche et celle-ci est devenue perméable, en dépit de toute sa tradition philosophique qui lui fait apparaître la religion comme une aliénation, à la bigoterie islamique (soutien au port du voile, remise en cause de la laïcité dénoncée comme liberticide…) et à l’antisémitisme (requalifié « antisionisme »). L’acceptation par la gauche de l’idée que toute religion est « l’opium du peuple » sauf l’Islam, c’est ce qu’on appelle classiquement maintenant l’islamo-gauchisme : un agenda clientéliste / politique commun à l’Islam politique et à la gauche.
Qu’est-ce que le wokisme ? Du psychisme transformé en politique.
Le wokisme est une forme de paranoïa envieuse, raciste, consistant à voir partout des micro-agressions (c’est ce qu’on appelle alors être « woke », c’est-à-dire « éveillé, attentif »). Si par exemple, vous traitez un homme noir (petit, gros, laid, trop grand…) avec condescendance ou un sentiment de supériorité, vous commettez une micro-agression dont le woke cherchera à se protéger au sein d’un espace dit « de sûreté ». Le problème est que ces « micro-agressions » font partie de la vie courante, se produisent des milliers de fois par jour, et peuvent être réelles ou fantasmées, puisque nous sommes tous, en partie, des complexés qui nous imaginons que nos fragilités vont être décelées chez les autres. Dans un grand nombre de cas, les micro-agressions dénoncées sont imaginaires et donc le woke a un sérieux problème psychique, problème qui partagé par un grand nombre de ses semblables, devient un problème politique, une névrose obsessionnelle devenue sociale.
Parti des Etats-Unis, le wokisme s’est d’abord développé au sein de la communauté noire qui a subi l’esclavage et qui continue probablement à en vivre le traumatisme, même plusieurs générations après la fin de l’esclavage et alors que le niveau de racisme a diminué, via un mécanisme difficile à prouver scientifiquement mais qu’on peut appeler, avec Simone Weil, la maladie du déracinement. Aujourd’hui, ceux qui sont atteints de cette maladie vont rechercher systématiquement, de façon paranoïaque, les signes d’oppression, aussi légers soient-ils, et s’ils n’existent pas, ils les inventeront.
Ils se vivent victimes et leur discours manifeste est altruiste, puisqu’ils ne cherchent qu’à réparer des torts qui leur sont faits – certains de ses torts, je le rappelle, ont été réels dans le passé, certains sont réels dans le présent mais le plus souvent amplifiés, certains sont imaginaires et entrainent une déformation du vocabulaire et même, via la sociologie, le développement d’un nouveau dictionnaire, destiné à contrer à l’avance toute réfutation possible : ainsi, quand le racisme en tant que tel n’existe plus, on parlera de « racisme systémique » ou « structurel ». On appellera, de façon profondément raciste, « bounty » (blanc à l’intérieur, noir à l’extérieur…) les noirs qui refusent de prendre en compte le point de vue des wokes. Il faudrait un papier complet, peut être un livre pour analyser ce nouveau vocabulaire et ce n’est pas l’objet de mon article. Simplement, si le discours manifeste des wokes est altruiste, et peut parfois rappeler un discours de gauche, issu des lumières, disons celui de Jaurès, la position latente est toujours dans le ressentiment, haineuse et sectaire ; celle de Staline.
Je résume simplement ici le point de vue de Simone Weil :
Qui est déraciné déracine. Qui est enraciné ne déracine pas. Sous le même nom de révolution, et souvent sous des mots d’ordre et des thèmes de propagande identiques, sont dissimulées deux conceptions absolument opposées.
L’une consiste à transformer la société de manière à ce que les opprimés puissent y avoir des racines; l’autre consiste à étendre à toute la société la maladie du déracinement qui a été infligée aux opprimés. Il ne faut pas dire ou penser que la seconde opération puisse jamais être un prélude de la première; cela est faux. Ce sont deux directions opposées qui ne se rejoignent pas.
Simone Weil, l’Enracinement
Le woke, comme l’islamiste, hait donc profondément la société occidentale. Haine héritée du passé le plus souvent, qu’on soit noir ou blanc, selon le principe, dont parle aussi Simone Weil, que les effets corrupteurs de l’injustice sont aussi profonds sur le « dominant » que sur le « dominé ». Les blancs wokes ont aussi un dictionnaire de concepts parfaitement irréfutables au sens de Popper à leur disposition, comme celui de « privilège blanc », l’incapacité supposée du blanc à réaliser la chance qu’il a d’être né dans la position du dominant, qui permet de réfuter toute opinion émise par un blanc sur le wokisme.
D’où vient le rapprochement entre islamisme et wokisme ? L’islamisme est une haine de l’Occident consciente qui vient de l’extérieur, le wokisme une haine, parfois consciente mais le plus souvent inconsciente, qui vient de l’intérieur. C’est l’objet de la haine commune qui crée l’alliance idéologique. Quand on désire la même chose, on rentre en conflit ; quand on hait la même chose, on est en accord. Qui a des ennemis qui se ressemblent s’assemble.
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Doit-on s’opposer au redoublement pour des raisons scientifiques ? 12 décembre 2023
Par Thierry Klein dans : Education.Lu 12 fois | ajouter un commentaire
Dans un article paru dans l’Express du 6/12/2023, Franck Ramus, directeur de recherches au CNRS en sciences cognitives et membre du conseil scientifique de l’Education Nationale, s’oppose à la mesure en faveur du redoublement récemment annoncée par Gabriel Attal.
Franck Ramus est un adepte de « l’éducation fondée sur les preuves » et pour lui, le débat scientifique en matière de redoublement est clos. Le consensus scientifique montrerait que le redoublement serait peu efficace et très coûteux, à tel point que :
« on peine à comprendre qu’il n’ait pas été suivi par le ministre… Les meilleures décisions politiques, en éducation comme en santé, sont celles qui sont dûment et complètement informées par les connaissances scientifiques consultées en amont des décisions ».
Il préconise donc, au nom de la science, non pas la mise en œuvre de cette décision politique mais « une expérimentation locale et évaluée rigoureusement avant d’envisager une généralisation ».
En réalité, comme l’admet d’ailleurs Franck Ramus, faire redoubler plus d’élèves aurait sans doute un effet positif sur le niveau des élèves français dans le contexte actuel. En effet, les études sur lesquels il s’appuie montrent que dans un contexte où le taux de redoublement est devenu presque nul, comme en France, certains élèves ne redoublent pas alors qu’il gagneraient à le faire plutôt qu’à passer dans la classe supérieure où ils seront irrémédiablement largués. Notons que nous n’avions pas besoin d’études pour remarquer ceci, une simple réflexion empirique, celle que font probablement tous les enseignants, nous suffisait pour arriver à cette conclusion.
Mais surtout ces études ne nous disent rien du tout sur les raisons pour lesquelles Gabriel Attal souhaite rétablir le redoublement. Elles n’observent pas les bonnes données car elles ne portent que sur le niveau de connaissance des élèves redoublant et non pas sur le niveau des autres élèves de la classe, qui est profondément impacté si on ne permet pas le redoublement.
En fait, les chercheurs sont un peu comme ce fou qui, ayant perdu sa montre, la cherche sous un lampadaire. Quand on lui demande s’il a bien perdu sa montre à proximité du lampadaire, il répond: « non, mais au moins là je peux chercher, c’est bien éclairé ! ». Cherchant de cette façon, il n’a évidemment aucune chance de retrouver sa montre.
En réalité, à quelle situation les enseignants sont-ils confrontés, dès le collège et jusqu’en Terminale ? Un petit nombre d’élèves de la classe auraient dû redoubler – certains depuis fort longtemps – et ne peuvent en aucun cas suivre le programme. Ces élèves introduisent une très forte perturbation dans la classe. Leur démotivation bien naturelle conduit à l’échec chronique, à l’indiscipline, sans parler des nombreux cas de résistance religieuse à l’enseignement, idéologiquement opposé à l’Islam pour certains parents. Dans un contexte où la « consigne idéologique » donnée par l’Education Nationale, selon le mot d’ordre de François Dubet, est de s’occuper des élèves les plus faibles en priorité, pour « lutter contre les inégalités » et ce même au détriment du niveau moyen des élèves, les professeurs passent un temps infini à traiter le problème, fondamentalement insoluble, des élèves en retard au détriment de la transmission du savoir vers les autres élèves. La lutte contre les inégalités, telle qu’elle est mise en oeuvre, s’oppose à la transmission du savoir.
La position de Franck Ramus tient donc de l’opinion, non pas de la science, qui ne nous dit pratiquement rien en l’espèce. Affirmer que le consensus scientifique sur le redoublement est « clair » tient tout simplement du scientisme – une croyance excessive dans l’état de la science.
Le temps du politique n’est pas le temps du scientifique.
Je pense pour ma part que les mesures prises par Gabriel Attal sont salutaires si, au lieu de s’intéresser simplement aux redoublants, on s’intéresse au niveau moyen des élèves qui ne redoublent pas et à la motivation des enseignants, auxquels on a retiré depuis des années les moyens d’enseigner.
Je ne pense pas du tout qu’une expérimentation locale soit nécessaire tant le bon sens de cette décision est évident. Une expérimentation ne ferait que retarder de façon dramatique les effets positifs que cette décision va avoir sur les élèves, alors que la situation est tout à fait urgente. En revanche, on pourrait, et probablement on devrait, monter en parallèle une expérimentation rigoureuse pour tenter de prouver ce raisonnement empirique avec des données.
On devrait aussi informer les enseignants des avantages et du danger du redoublement (si on estime du moins que leur connaissance empirique de terrain, sans doute supérieure à celle des études publiées, n’est pas suffisante), de façon à leur donner un maximum d’éléments permettant d’évaluer, au cas par cas, la pertinence du redoublement pour chaque élève pour lequel il est envisagé.
L’opinion des scientifiques n’est pas la science
Gabriel Attal a agi en politique. Et il a eu raison de le faire.
L’état de la science, ce n’est certes pas rien. Mais il est toujours un mélange de savoir et d’opinion, la proportion de chaque élément étant inconnue de la plupart des savants eux-mêmes. Beaucoup de citoyens sont prêts à suivre presqu’aveuglément l’avis des savants, même lorsque cet avis n’est qu’une opinion Il s’agit ni plus ni moins que d’une forme d’aliénation à l’avis des savants, de servitude. Cette aliénation est très dure à combattre. Ceux qui en sont victimes sont souvent des gens bien éduqués qui se vivent comme des héritiers des Lumières. Ceux qui refusent de s’y soumettre sont à leurs yeux d’obscurantistes ennemis de la science.
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Simone Weil
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La fin de Google Workspace et Office 365 dans les écoles ? 5 décembre 2022
Par Thierry Klein dans : Speechi.Lu 11 fois | ajouter un commentaire
Le Ministre de l’Education Nationale, montrant par là son goût pour la réflexion prolongée, a répondu ce 15 novembre a une question qui lui a été posée à l’Assemblée Nationale le 30 août 2022. Cette question portait sur l’opportunité de l’usage à l’école des offres Office développées par Google et Microsoft (offres qui, à ma connaissance, sont utilisées par presque toutes les écoles).
Ce que dit en substance cette réponse, c’est que les logiciels de Google et Microsoft ne doivent plus être utilisés pour 3 raisons:
- gratuits, ils introduisent une concurrence déloyale vis à vis des autres offres
- ils ne protègent pas les données personnelles des élèves (non conformité avec le RGPD)
- ils posent des problèmes de souveraineté, toutes les données, même hébergées en Europe pouvant être soumises au droit américain en vertu des lois extraterritoriales des Etats-Unis.
Sur le fond, c’est une excellente décision (ou plutôt un excellent rappel, qui aurait dû être signifié depuis longtemps). Mais il n’y a pas, à ma connaissance, d’offre alternative crédible pour les élèves ce qui veut dire que la politique numérique de l’Etat (gracieusement nommée “Cloud au centre”, les Etats-Unis n’exportant pas seulement leurs logiciels, mais aussi leur langue) risque de se traduire tout simplement en “Pas de Cloud” pour les écoles).
J’appelle donc toutes les entreprises du secteur EdTech français à se mobiliser pour que des solutions puissent être apportées. Vous pouvez me contacter, par exemple via les commentaires de ce billet.
Il y a quelque chose de bien plus grave qui se passe avec Google qui est la pénétration officielle de la publicité dans les enceintes scolaires. Lorsque vous faites une recherche d’information avec le moteur, il vous renvoie en fait une page qui est avant tout publicitaire, telle que celle-ci, qui correspond à la requête “suite office”.
J’ai entouré les parties publicitaires en rouge. On voit qu’elles ne sont pas clairement séparées des réponses du moteur lui-même. La première réponse non publicitaire apparaît en 4ème position seulement. L’essentiel de l’espace disponible est rempli de pubs. Autrement dit, Google vous fait croire qu’il fait de la recherche, mais non, il ne vous sert plus que de la publicité.
J’avais dénoncé cet état de fait il y a une dizaine d’années dans ce billet : “Comment Google contribue au détournement du savoir” et les choses ont encore empiré depuis car comme je l’écrivais alors:
Pour Google, la qualité des résultats est un moyen, non une fin. Ceci veut dire qu’un jour, nécessairement, apparaîtront, chez Google ou ailleurs, des techniques donnant des résultats moins pertinents mais plus rémunérateurs, à travers une probabilité accrue de clic sur un lien sponsorisé.
L’école devrait être un lieu protégé de toute publicité. Les enfants ne la subissent que trop à l’extérieur.
L’usage du moteur de recherche Google devrait être interdit dans les écoles jusqu’à ce que Google mette à disposition une version sans pub (surtout que là, il existe déjà des alternatives non publicitaires).
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A la recherche de la valeur travail : le droit à la paresse (1) 9 octobre 2022
Par Thierry Klein dans : Speechi.Lu 5 fois | ajouter un commentaire
C’est Sandrine Rousseau, députée EELV, qui a récemment lancé le débat sur “la valeur travail” et le droit à la paresse. Et les positions sont aujourd’hui bien tranchées. La gauche (EELV, LFI…) déclare que la “valeur travail” est de droite (une exception notable, Fabien Roussel qui prône le travail universel plutôt que le revenu universel). La droite défend évidemment la “valeur travail” mais semble incapable de réellement la définir.
Un chef d’entreprise travaille est censé travailler et est aussi censé faire travailler les autres. Je te donne donc, cher lecteur, mon point de vue de chef d’entreprise dans ce billet (et les quelques billets qui suivront). Et comme il est d’usage, par les temps moralisateurs qui courent, je précise que c’est un avis strictement personnel qui n’engage ni Speechi ni aucun de ses salariés. En cas de plainte, tu peux donc t’adresser directement à moi, via les commentaires, cher lecteur. En revanche, si par miracle tu approuves, je t’encourage vivement à créer une petite cagnotte Leetchi à mon profit.
Pourquoi travaille-t-on ?
La division du travail a augmenté de façon extraordinaire la productivité humaine mais nous cache de plus en plus ce fait fondamental : le travail est la façon dont nous arrachons à la nature ce qui nous est nécessaire pour survivre.
Le chasseur-cueilleur préhistorique, directement en lien avec la nature, n’agit que sous la pression de celle-ci et a bien conscience que son activité a pour but direct sa survie.
L’homme moderne vit sous le règne de la division du travail, des myriades de métiers existent dans notre société. La division du travail nous masque la nécessité du travail car quand l’activité de chacun est parcellaire, plus personne ou presque ne peut reconstituer l’ensemble de la chaîne industrielle qui arrache les moyens de notre survie à la nature. L’ouvrier qui produit un clou n’a pas forcément conscience du rôle de son usine dans la survie de l’espèce pourtant, comme Adam Smith l’a montré, la raison d’être de l’usine est que sa productivité est infiniment supérieure à celle de l’artisan du Moyen Age. Le fait que la production du clou nécessite si peu d’effort humain aide à la satisfaction des besoins vitaux de l’humanité (constructions, infrastructures…) dont le clou ne constitue qu’une étape intermédiaire.
Les écologistes et la valeur paresse
Ceux qui ont récemment nié la “valeur travail” et prôné un “droit à la paresse” sont donc en premier lieu ceux qui, oubliant la logique profonde, bien qu’inconsciente, de la division du travail, mettent l’accent sur les défauts, les absurdités, les gaspillages liés à cette organisation.
Ils constatent que la société crée de nouveaux besoins, non liés à la survie, et qu’on peut donc philosophiquement qualifier d’inutiles (du smartphone au besoin irrépressible que tu ressens de finir ce billet, cher lecteur); qu’elle génère de nombreux gaspillages, par exemple énergétiques; que la répartition des ressources est mal effectuée, une partie de l’humanité n’ayant pas assez pour survivre alors que quelques milliardaires accumulent les richesses.
Si on croit que la machine industrielle s’est emballée, qu’elle produit en quelque sorte “à vide”, on doit donc produire moins, travailler moins, au nom de l’écologie ou du besoin de “sobriété”. A la limite, on peut considérer tout ou partie de l’activité humaine comme contre-productive, générant simplement gaspillage, réchauffement climatique et pauvreté.
Constater ceci, ce serait créer non seulement un droit mais un devoir de paresse. Mais sommes-nous vraiment dans ce cas ?
En réalité, la division du travail actuelle a permis à l’humanité d’atteindre 7 milliards d’individus, en croissance exponentielle depuis le début de l’ère industrielle où la population n’atteignait qu’un milliard. Il a donc fallu environ 15 000 années (invention de l’agriculture) pour passer de 1 million à 1 milliard d’êtres humains, puis 150 ans seulement (ère industrielle) pour passer de 1 à 7 milliards. Cette performance est incroyable.
Faut-il retourner en arrière pour limiter le gaspillage ? Il n’est pas certain que l’agriculteur africain ou australien, brûlant des dizaines de kilomètres carrés de terre pour ses cultures, soit moins destructeur que l’homme moderne, capable de fournir l’énergie nécessaire à des villes entières à partir de quelques kilogrammes d’uranium.
Pour limiter les besoins purement sociaux dits “inutiles” ? Le gaspillage moderne lié à la surconsommation n’est peut être pas plus important, en proportion, que celui qui a mené aux (inutiles) pyramides égyptiennes.
Pour limiter les besoins en énergie ? Comme le montre le graphique ci-dessous, l’espérance de vie est fortement liée au PIB, lui-même lié à la consommation énergétique, ce qui signifie que toute baisse de productivité, ou toute crise énergétique réduisant la production, aura des conséquences directes sur la mortalité.
Les écologistes, comme tous ceux qui prônent un système économique alternatif, échouent pour l’instant à montrer qu’un modèle sobre ou décroissant pourrait être compatible avec le niveau actuel de la population humaine. Les dégâts qu’inflige l’humanité à son environnement sont évidemment bien plus liés au niveau ahurissant de la population mondiale qu’au système économique lui-même (le capitalisme).
Conséquence : on ne peut pas aujourd’hui, au nom de l’écologie, justifier un quelconque droit ou devoir à la paresse.
(To be continued… Next : “Y a-t-il une valeur paresse ? “)
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